Le footballeur et l'article 155 A CGI (26 mai 2009)

foot.jpgIl existe peu de jurisprudence sur l'application de l'article 155 A ,article qui est un des piliers législatifs pour combattre et prévenir l'évasion fiscale internationale par la création de "star companies".

 

Le tribunal de LYON vient de rendre un jugement appliquant cette  disposition à un footballeur de l'OM et à sa société relais britannique avec une motivation fondée sur le droit européen et sur le traité franco britannique. 

 

 

Tribunal Administratif de Lyon n° 0605699 3 mars 2009 aff M. José Edison Gomes de Moares

 

 

 Le controle fiscal des quatre libertés européennes

 

L'article 155 A CGI

 

La tribune EFI sur l'article 155 A

 

CE 25 janvier 1989 N°,44789 l'affaire Mireille .M

Conseil d’État N° 271366  28 mars 2008 Aff Charles A  

  Doctrine administrative 5 B-64 Aout 2001 

 

 

La situation de fait  

 

M. EDMILSON GOMES DE MOARES dit « Edmilson » a exercé la profession de footballeur au club de football professionnel « Olympique Lyonnais » du 30 août 2000 au 30 juin 2004 ;

La société britannique Chatarella Investors Limited (CIL), titulaire des droits relatifs à l’utilisation de son nom et de son image les a cédés par contrat du 17 août 2001 à l’Olympique Lyonnais pour une durée de 5 ans, moyennant une redevance annuelle de 440 000 dollars ;

 

 

Suite à l’exercice de son droit de communication auprès de l’Urssaf de Lyon, l’administration fiscale a, par proposition de rectification du 20 décembre 2004, réintégré les sommes versées par le club à la société Chatarella Investors Limited aux revenus de M. EDMILSON GOMES DE MOARES des années 2001 à 2003, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c de l’article 111 du code général des impôts ; que

 

Les impositions supplémentaires en résultant ont été mises en recouvrement le 31 mars 2005, pour un montant total de 835 037 euros ;

 

M. EDMILSON GOMES DE MOARES a formé une réclamation le 14 juin 2005, qui a été rejetée par décision du 9 juin 2006, par laquelle l’administration fiscale a procédé à une substitution de base légale, fondant désormais les redressements sur l’article 155 A du code général des impôts, dans la catégorie des traitements et salaires ;

 

le requérant demande la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001 à 2003, ainsi que des intérêts de retard dont elles ont été assorties ;

 

 

Sur le bien-fondé de l'imposition :

 

En ce qui concerne l'application de l'article 155 A du code général des impôts :

 

aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : « I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A. » ;

 

Considérant que, d'une part,

 

M. EDMILSON GOMES DE MOARES soutient que dans la mesure où il a préalablement cédé les droits d'exploitation de son image de sportif professionnel à un tiers, l’exploitation de celle-ci ne requiert aucune intervention de sa part et qu'il n'a, en conséquence, rendu en France aucun service au sens des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts ; qu'il fait également valoir que l'administration fiscale ne démontre pas qu'il aurait appréhendé des sommes en provenance de l’Olympique Lyonnais ou de la société CIL ;

 

 Pour le tribunal les dispositions de l'article 155 A permettent l'imposition de sommes entre les mains du prestataire, alors même qu’il ne les aurait pas appréhendées ; à cet égard, la circonstance que la société CIL soit ou non, une société-écran est sans incidence sur les conditions d'application de cet article ;

enfin, l’image et la notoriété d’un sportif professionnel étant indissociables de l’exercice de son activité sportive, M. EDMILSON GOMES DE MOARES doit être regardé comme exécutant une prestation de service au profit de son employeur, l'Olympique Lyonnais, alors même qu'il a antérieurement cédé les droits d'exploitation de son image à un tiers ; que, d'autre part, il ressort des statuts de la société de droit britannique CIL, produits par l'administration fiscale, qu’elle a essentiellement pour objet la prestation de services dans le domaine financier ;

Par ailleurs le requérant n’apporte aucun élément de nature à démontrer, ainsi que cela lui incombe, qu’elle exercerait de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ;

Par suite, les sommes versées par l'Olympique Lyonnais à la société de droit britannique CIL en contrepartie du droit d’utiliser le nom et l’image de ce sportif sont imposables à l’impôt sur le revenu, au nom de M. EDMILSON GOMES DE MOARES, en application des dispositions précitées de l’article 155 A du code général des impôts ;

 

En ce qui concerne la compatibilité de l'article 155 A du code général des impôts avec le traité instituant la Communauté européenne :

 

aux termes de l'article 49 du traité instituant la Communauté européenne : « Dans le cadre des dispositions visées ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. (…) »; qu'aux termes de l'article 56 du même traité : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. » ;

aux termes de l'article 24 de la convention franco-brésilienne en matière fiscale du 10 septembre 1971 : « 1. Les nationaux d’un Etat contractant ne sont soumis dans l’autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. (…) » ;

 

M. EDMILSON GOMES DE MOARES fait valoir que l’application qui lui est faite de l’article 155 A du code général des impôts est contraire à la clause de non‑discrimination prévue à l’article 24 de la convention franco-brésilienne en matière fiscale, dans la mesure où ce même article ne pourrait être appliqué à un ressortissant français en raison de sa contrariété avec les principes de libre prestation de services et de libre circulation des capitaux édictés aux articles 49 et 56 précités du traité instituant la Communauté européenne, dès lors que le mécanisme qu'il instaure dissuade « les résidents français de contracter avec des sociétés établies dans d’autres pays de l’Union européenne lorsque ces sociétés détiennent les droits d’exploitation de l’image de sportifs exerçant leur activité en France » ;

 

Considérant, toutefois, que

 

Pour le tribunal par l'effet des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, M. EDMILSON GOMES DE MOARES est imposé en France en contrepartie d'une prestation de service elle-même réalisée en France ; que, dès lors, cette seule circonstance, qui vise à éviter certaines formes d'évasion fiscale, n'a, en tant que telle, ni pour objet, ni pour effet de restreindre les libertés de prestation de services et de circulation des capitaux à l'intérieur de la Communauté européenne ;

les dispositions sus-rappelées de la loi française ne peuvent, par suite, être regardées comme incompatibles avec les stipulations des articles 49 et 56 du traité de Rome instituant la Communauté européenne ; que le moyen tiré de ce que ces dernières stipulations s'opposeraient à la mise en œuvre de la loi française au cas de M. EDMILSON GOMES DE MOARES doit donc être écarté ;

 

En ce qui concerne l'application de la convention franco-britannique en matière fiscale du 22 mai 1968 :

 

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-britannique en matière fiscale : « 1. Les bénéfices industriels et commerciaux d’une entreprise d’un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre Etat contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. (…) » ; qu'aux termes de l'article 12 de la même convention : « 1. Les redevances provenant d’un Etat contractant et payées à un résident de l’autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat si ce résident en est le bénéficiaire effectif. (…) » ; qu'aux termes de l'article 22 de ladite convention : « 1. Les éléments du revenu bénéficiant effectivement à un résident d’un Etat contractant, d’où qu’ils proviennent, qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente Convention ne sont imposables que dans cet Etat. (…) » ;

 

Considérant que la rémunération que M. EDMILSON GOMES DE MOARES retire de la prestation de service qu’il assure personnellement en France n’entre pas, dès lors, dans le champ d’application des stipulations précitées de la convention franco-britannique en matière fiscale du 22 mai 1968, dont l’intéressé ne peut, par suite, utilement se prévaloir ;

 

 

 

le tribunal décide :

 

 

Article 1er : La requête n° 0605699 de M. EDMILSON GOMES DE MOARES est rejetée.

 

 

 

07:47 | Tags : tribunal administratif de lyon n° 0605699 3 mars 2009 aff m. jos | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |