Une transformation de réserves en ORA abusive (MANPOWER CE 03.12.18° (25 décembre 2018)

manpower.jpgLa transformation de réserves distribuables en obligations remboursables  en en actions dans le seul but de déduire des frais financiers  est abusive 

 Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 03/12/2018, 406617 

Requalification de charges d'intérêts d'obligations remboursables en actions
en distributions de dividendes

 Comité des abus de droit fiscal 
Affaire n° 2013-27  séance du 25 septembre 2013 p4

Dans le cadre de la restructuration du groupe Manpower, la société de droit américain Manpower Inc., société mère de ce groupe a, en décembre 2003, cédé à la société danoise Manpower Europe Holdings APS les titres de sa filiale française, la société par actions simplifiée (SAS) Manpower France devenue entre-temps Manpower France Holding, dont elle détenait 99,31 % du capital, moyennant un prix de 315 millions d'euros et des titres de la société danoise.

Le 29 décembre 2003, l'assemblée générale  de la SAS Manpower France a décidé de procéder à une distribution exceptionnelle de dividendes d'un montant de 317 millions d'euros, par prélèvement sur le poste " Autres réserves ", dont 315 millions d'euros au profit de son nouvel actionnaire danois.

Au cours de la même assemblée générale, les actionnaires de la SAS Manpower France ont décidé d'émettre des obligations remboursables en actions (ORA) pour un montant total de 317 millions d'euros, souscrites à hauteur de 315 millions d'euros par la société danoise Manpower Holdings APS. Ces obligations, émises pour une durée de sept ans, étaient rémunérées par des intérêts fixés à un taux de marché mais plafonnés, pour chaque exercice, à un niveau égal à la somme algébrique des résultats comptables de la SAS Manpower France et de ses filiales détenues à plus de 95 %, avant impôts et intérêts dus au titre des ORA.

Le 31 décembre 2003, la société danoise Manpower Europe Holdings APS s'est libérée de la dette contractée envers Manpower Inc. à l'occasion de l'acquisition des titres de la société française par la cession de l'intégralité des ORA émises par la SAS Manpower France qu'elle détenait.

La position de l’administration

L’analyse du conseil d état

La position de l’administration 

 A l'issue de deux vérifications de la comptabilité de la SAS Manpower France Holding, portant respectivement sur les exercices clos en 2003 et 2004 et sur les exercices clos en 2005, 2006 et 2007, l'administration fiscale a remis en cause, selon la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la déduction des intérêts rémunérant les ORA émises le 29 décembre 2003, estimant que la décision de procéder concomitamment à une distribution exceptionnelle de dividendes prélevés sur les réserves et à une émission d'ORA pour le même montant avait été prise dans le seul but de faire naître des charges d'intérêts déductibles pour la société Manpower France et d'atténuer ainsi sa charge fiscale.

Les sommes réintégrées à ce titre dans les résultats de la société ont donné lieu à des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, qui ont été assortis, s'agissant des exercices clos de 2005 à 2007, de la majoration de 80 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Elles ont, par ailleurs, été regardées comme des revenus distribués et ont été soumises, pour l'année 2006, à retenue à la source en application des dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts. 

L’analyse du conseil d état

Société américaine cédant l'ensemble des titres de sa filiale française à sa filiale danoise, qu'elle détient toutes deux, directement ou indirectement, à 100 %. Société française redressée sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (LPF), ayant réalisé deux opérations d'un montant proche, l'une de distribution exceptionnelle de dividendes au profit de son nouvel actionnaire danois, l'autre d'émission d'obligations remboursables en actions (ORA) auxquelles a souscrit ce même actionnaire avant de les céder à la société-mère américaine pour se libérer de la dette correspondant à l'acquisition des titres de la société française... ...La cour a estimé que ces deux opérations synchrones, ne s'étant traduites par aucun flux financier et n'affectant pas la structure du bilan, révélaient l'intention du contribuable d'atténuer ses charges fiscales normales, en déduisant artificiellement de son résultat les intérêts afférents aux ORA émises. Elle a ensuite écarté les autres motifs avancés par la requérante pour justifier les opérations en litige, tenant notamment à la poursuite d'un objectif de restructuration du groupe.

En déduisant de ces appréciations souveraines, exemptes dénaturation, que les opérations poursuivaient un but exclusivement fiscal, la cour, qui n'avait pas à rechercher si les intérêts versés avaient été imposés aux États-Unis, n'a pas commis d'erreur de droit et a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

 

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