RémunérationS excessiveS : AMF Le rapport 2015 (10 novembre 2015)

aff zacharrias vinciMISE A JOUR 

 Rémunération excessive : risque pénal et fiscal  

La rémunération du dirigeant est un sujet d'actualité notamment en ce qui concerne le controle de son montant .    

Rapport 2015 de l’Autorité des Marchés Financiers
 sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants 

 L'Autorité des marchés financiers (AMF) appelle lundi  deux novembre 2015-11-10les entreprises à faire preuve de la plus grande transparence lors du versement d'indemnités de départ aux dirigeants d'entreprises cotées en Bourse. 

Rapport 2015 de l’AMF sur le gouvernement d'entreprise
 et la rémunération des dirigeants
 

La position de Audrey Tonnelier Journaliste au Monde 

Alors que les primes de départ à Michel Combes chez Alcatel-Lucent, Bruno Lafont chez Lafarge ou encore Chris Viehbacher chez Sanofi ont suscité de vives polémiques au cours de l'année, l'AMF recommande aux entreprises de diffuser systématiquement un communiqué détaillant l'ensemble des éléments du package de départ.

Dans son rapport 2015 sur le gouvernement d'entreprise et la rémunération des dirigeants, l'AMF souligne que ce communiqué doit faire toute la lumière sur les rémunérations fixes, variables et exceptionnelles, les indemnités de départ ou de non-concurrence, sur l'existence d'une éventuelle retraite chapeau et également préciser le sort des plans de stock-options.

L'AMF appelle également à une évolution du code AFEP-MEDEF, qui régit la gouvernance des entreprises, pour préciser les modalités de calcul du plafond des indemnités de départ et la manière de valoriser les sommes versées en titres.

L'Autorité souhaite aussi un meilleur encadrement des rémunérations exceptionnelles des dirigeants et la soumission des rémunérations variables pluriannuelles "à des critères exigeants observés sur plusieurs années".

  

I Au niveau fiscal                II  Au  niveau pénal 

 

Rémunération excessive : risque pénal et fiscal pour imprimer cliquer

 

I Au niveau fiscal

L’indemnité de révocation d’un mandataire social
est elle  un acte anormal de gestion ?

 

Cour administrative d'appel de Paris,  21/06/2012, 10PA01810, n

 

La société RETIF SA, a décidé de mettre fin au mandat de président du conseil d’administration de Mme Claudine à compter du 31 mars 2001 et lui a versé, alors qu’elle n’y était légalement pas tenue, une indemnité d’un montant de 500 000 francs

 

La société RETIF SA ne démontre pas l’intérêt qu’avait cette dernière à verser une indemnité à un mandataire social révocable à tout moment en vertu des dispositions de l’article L. 225-47 du code de commerce ;

il suit de là que l’administration doit être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme établissant que le versement de l’indemnité litigieuse est constitutif d’un acte anormal de gestion ;

en l’absence de tout autre élément,  c’est dès lors à bon droit qu’elle a réintégré cette charge dans le résultat imposable de la société Jean “ Etablissements Jelem “ ; 

Risque fiscal pour l'entreprise et le dirigeant

Appréciation du caractère excessif des rémunérations  
BOFIP : BOI-BIC-CHG-40-40-10- 12 09 2012 §130

  

L'administration fiscale peut retenir le caractère excessif d'une rémunération en dehors de toute condamnation pénale du dirigeant.

Sur le plan fiscal, les rémunérations, qu'elles soient directes ou indirectes, ne sont admises en déduction du résultat de la société que si elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu (CGI art. 39-1-1°).

En cas de contrôle fiscal, les rémunérations jugées excessives par l'administration feront ainsi l'objet d'un redressement.

Une attention toute particulière doit être portée aux rémunérations versées aux membres du personnel dirigeant, personnellement intéressés au capital ou unis par des liens particuliers aux personnes contrôlant l'entreprise. Pour apprécier le caractère éventuellement excessif de leurs rémunérations, l'administration s'appuie sur les critères émanant de la jurisprudence 

- la comparaison avec les rémunérations allouées au personnel occupant des emplois analogues dans des entreprises similaires (CE 21 avril 1989, n° 79682 ; CAA Lyon, 9 octobre 2003, n° 98-01696) ;

- la nature et l'importance des affaires traitées par l'entreprise, le montant et l'évolution de son chiffre d'affaires (CE 26 juillet 1985, n° 42920) ;

- l'importance du rôle joué par le dirigeant dans le développement de l'entreprise (CE 21 février 1990, n° 90128).

La fraction des rémunérations que l'administration jugera excessive sera imposée au titre des revenus de capitaux mobiliers si la société versante est soumise à l'impôt sur les sociétés (CGI art. 111-d) avec application de la majoration de 25 % (CGI art. 158-7-2°.

 

II Au niveau pénal 

 

Pour la première fois, un  dirigeant, en l'espèce  d'une société du CAC 40, est condamné pénalement pour abus de pouvoirs dans le cadre d ‘une rémunération jugée excessive  . (lire l'article des Echos) 

 

Commet le délit d'abus de pouvoirs, le président du conseil d'administration d'une société, qui, pour obtenir le déplafonnement et l'entière variabilité de sa rémunération, s'assure le contrôle du comité des rémunérations et ne met pas les membres du conseil d'administration en mesure de remplir leur mission, dès lors que ces agissements ont eu des conséquences sur les charges financières et l'image de la société

  

Le caractère excessif d'une rémunération peut donc être analysé par le juge pénal  

 Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mai 2012, 11-85.150,  

pour déclarer M. X... coupable d’abus de pouvoirs, l’arrêt énonce que celui-ci a usé de son statut et de l’influence qui en découle pour évincer les membres du comité des rémunérations, hostiles au déplafonnement de sa rémunération et pour mettre en place un nouveau comité qu’il savait acquis à ses vœux et dont l’intervention aurait des conséquences très favorables pour lui, non seulement sur ses rémunérations, mais encore sur le calcul de sa retraite complémentaire et de son indemnité de départ à la retraite qu’il savait proche et dont il avait lui-même décidé la date ; que la nouvelle formule adoptée ne présentait aucun aléa au vu des résultats financiers constamment en hausse de la société ; les juges retiennent encore que M. X... pouvait compter sur l’unanimité des administrateurs de la société pour accepter ce nouveau mode de rémunération dès lors que le conseil d’administration entérinait systématiquement les propositions des comités spécialisés ; que les juges ajoutent que les importantes réserves faites par le cabinet Towers et Perrin sur les conséquences d’une entière variabilité de la rémunération n’ont pas été portées à la connaissance du conseil d’administration ;

Ils relèvent enfin que les agissements de M. X..., motivés par la seule recherche d’un enrichissement personnel, constituent des actes contraires aux pouvoirs qui lui avaient été confiés et ont eu des conséquences sur les charges financières et l’image de la société ;  

 

La rémunération excessive d'un dirigeant peut être pénalement sanctionnée soit au titre de l'abus de biens sociaux, soit au titre de l'abus de pouvoirs.

La rémunération excessive fait courir un risque fiscal non seulement à la société mais aussi au dirigeant.

Le dirigeant d'une importante SA cotée, réputée dans le bâtiment, désirait augmenter sa rémunération.

Pour ce faire, il avait demandé aux membres du comité des rémunérations (organisme souvent présent au sein des sociétés cotées) la possibilité de déplafonner sa rémunération. Ces derniers n'ont pas accédé à sa demande. Le dirigeant a alors tiré parti de son statut et de son influence pour obtenir du conseil d'administration le renouvellement complet du comité des rémunérations.

Les nouveaux membres ainsi désignés ont fixé à :

- 4 290 265 € sa rémunération annuelle ;

- 12 870 795 € le montant de ses stock-options correspondant à 3 ans de rémunération ;

- 2 145 132 € le montant de sa retraite complémentaire.

 

L’abus de bien social était  inopérant...

 

Le dirigeant a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel pour abus de biens sociaux.

L'abus de biens sociaux consiste pour

« le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement » (c. com. art. L. 242-6, 3°).

Ce délit est puni d'un emprisonnement de 5 ans et d'une amende de 375 000 € (c. com. art. L. 242-6).

Le tribunal a relaxé le dirigeant en estimant que la rémunération du chef d'entreprise n'était pas contraire à l'intérêt de l'entreprise puisque celle-ci avait augmenté son chiffre d'affaires et que le dirigeant avait contribué à l'essor de la société.

MAIS  l'abus de pouvoirs justifie la condamnation du dirigeant

Le parquet a fait appel du jugement en arguant d'un autre délit, moins connu mais réprimé par les mêmes peines que l'abus de bien social : l'abus de pouvoirs.

L'abus de pouvoirs consiste pour

« le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement » (c. com. art. L. 242-6, 4°).

La cour d'appel de Versailles a condamné le dirigeant à l'amende maximale de 375 000 € au motif que ses agissements avaient été motivés par la recherche « d'un enrichissement personnel », constituant de ce fait « des actes contraires et déviants par rapport au pouvoir légal qui lui avait été confié dans l'intérêt social ».

D'autre part, la cour d'appel a considéré que les actes en cause « allaient, en outre, à l'encontre des recommandations relatives à l'éthique des dirigeants d'entreprises et ont eu [...] des conséquences sur l'image de la société ».

l'abus de pouvoirs, des rémunérations importantes peut donc  conduire à la sanction du dirigeant, même si celui-ci a joué un rôle majeur dans le succès de la société.

La Cour de cassation vient confirmer l'interprétation de la cour d'appel.

Des condamnations pour abus de pouvoirs sont rarissimes.

Les praticiens cite  le fait pour un dirigeant d'user de ses pouvoirs de président-directeur général pour organiser une fusion-absorption contraire à l'intérêt de la société et avantageuse pour lui-même et d'autres sociétés où il est intéressé (cass. crim. 10 juillet 1995, n° 94-82665).

 

 

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