Quelle déontologie pour les hauts fonctionnaires ?par Jean-Marc Sauvé, (04 mai 2013)
Le fonctionnaire doit manifester, à l’égard du pouvoir politique, sa loyauté, parce que ce pouvoir, d’essence démocratique, est investi par la Constitution de la mission de déterminer et conduire la politique de la Nation et qu’il dispose, à cette fin, de l’administration. Mais le fonctionnaire n’est pas au service d’une personne, d’un parti ou d’un programme politique :
Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat
Ecole nationale d’administration, mercredi 27 mars 2013
I. Pourquoi une déontologie de la fonction publique ?
A. La déontologie n’est pas une mode, c’est une nécessité.
B. La déontologie est une exigence au cœur de la fonction publique française.
Probité tout d’abord :
Impartialité, ensuite :
Enfin, il faut insister sur l’efficacité :
II. Quels instruments pour une déontologie de la fonction publique ?
A. En France, les régimes répressifs ne sont ni suffisants, ni pleinement efficaces, et il apparaît nécessaire de mettre en oeuvre une approche préventive.
Celle-ci se traduit par des régimes répressifs
Le répressif ne se résume pas au pénal :
Une véritable stratégie de prévention des conflits d’intérêts doit donc être développée.
Le premier est celui d’une meilleure identification des situations critiques ou problématiques au plan déontologique.
Le second principe est celui de l’externalisation partielle des questions de déontologie.
B. Quel peut être le support normatif adéquat ?
III. Quelques domaines d’application de la déontologie des hauts fonctionnaires
A. Le fonctionnaire et le politique
B. Le fonctionnaire et la hiérarchie
L’obéissance hiérarchique ne doit pas être caricaturée.
Désobéir dans la légalité n’est pas chose aisée.
C. Le fonctionnaire et les intérêts privés
D. Le fonctionnaire et l’espace public
Quelle déontologie pour les hauts fonctionnaires ? Il y a quelques années, une telle interrogation n’aurait pu constituer l’intitulé d’un cours ou d’une conférence à l’Ecole nationale d’administration.
L’enseignement de la déontologie ne relevait pas, en effet, de la sphère académique, ni d’une école d’application, fût-elle du service public, et l’on pensait qu’il était suffisamment pourvu à cette éducation par le cercle familial et les autres expériences de la vie. Cette tradition fait écho à l’observation de Bergson, selon laquelle « en temps ordinaire, nous nous conformons à nos obligations plutôt que nous ne pensons à elles »[2].
L’objet d’un enseignement de la déontologie est précisément d’inverser ce présupposé, chez les fonctionnaires, afin que ceux-ci se conforment à leurs obligations parce qu’ils les connaîtront et les auront pensées, méditées et évaluées. La déontologie, entendue au sens de Jeremy Bentham[3], à qui est attribuée la paternité du mot, comme la connaissance de ce qui est juste ou convenable, rapporté à l’activité professionnelle, doit en effet être au cœur de l’action des fonctionnaires et, plus particulièrement, de ceux d’entre eux qui exercent les responsabilités les plus importantes.
Je commencerai cet exposé en posant deux questions :
Pourquoi une déontologie de la fonction publique ? (I) Quels instruments pour cette déontologie ? (II) Dans une troisième partie, j’évoquerai quelques domaines d’application de la déontologie des hauts fonctionnaires (III).
I. Pourquoi une déontologie de la fonction publique ?
A. La déontologie n’est pas une mode, c’est une nécessité.
Interrogations éthiques et volonté de moralisation, guides déontologiques et chartes de bonnes pratiques sont des signes visibles de la transformation actuelle de la vie publique et, plus particulièrement, de la fonction publique.
L’administration, de surcroît, n’hésite pas à afficher ses progrès en la matière et à communiquer sur les nouveaux instruments qu’elle adopte. La déontologie ne serait-elle dès lors qu’une mode, une tentation à laquelle il serait d’autant plus attrayant de succomber que notre société de transparence et de communication est légèrement ostentatoire, voire impudique, et s’attache autant à ce que l’on donne à voir qu’à ce que l’on fait ?
Répondre positivement à cette question reviendrait à oublier les enseignements de l’histoire.
Car l’exigence déontologique ne date pas d’aujourd’hui, loin s’en faut. Par sa grande ordonnance de 1254, véritable catalogue des maux de son temps, Louis IX exigea de ses officiers qu’ils réforment tout abus moral et politique et demanda aux baillis d’agir avec désintérêt et sans désinvolture. L’ordonnance sur la réformation du Royaume de Philippe Le Bel, en 1303, était, selon les termes de Christian Vigouroux, « un code de déontologie des fonctions publiques pratiquement utilisable de nos jours »[4]. Et régulièrement, au cours de l’histoire, la question des devoirs déontologiques des fonctionnaires s’est posée de manière récurrente, ce « sentiment des hauts devoirs que la fonction publique entraîne », pour reprendre les termes de l’ordonnance du 9 octobre 1945[5] qui a notamment porté création de l’Ecole nationale d’administration.
Pourtant, il est des périodes noires où une telle réflexion a été singulièrement défaillante. Ce qui, en temps normal, relève du dysfonctionnement de la fonction publique peut devenir, en temps de crise, une implacable machine de démantèlement de l’Etat de droit et d’accomplissement d’une volonté politique funeste. Le constat de la part prise par la fonction publique française dans le régime de l’Etat français[6] exhorte à ce que soient pensés, spécialement dans la haute fonction publique, les ressorts et les conditions d’une déontologie adaptée aux temps de crise. Lorsque la xénophobie et l’antisémitisme ont acquis force de loi, avec les lois sur la déchéance de la qualité de Français, l’épuration de la fonction publique ou la révision des naturalisations, lorsque des violations massives des principes démocratiques et républicains ont été commises, il fallait un discernement et une force de conviction dignes d’éloges pour s’affranchir du devoir d’obéissance ou, à tout le moins, prendre ses distances, alors même que l’ensemble des institutions publiques s’affaissaient.
Mais la réflexion déontologique ne doit, bien entendu, pas servir qu’à anticiper les périodes de crise. C’est au jour le jour qu’elle doit guider le comportement des fonctionnaires. Certains exemples, qui ont défrayé la chronique, suffisent à illustrer le besoin de déontologie : un professeur d’université tenant des propos de nature à semer le doute sur l’existence des chambres à gaz[7], d’anciens diplomates éminents mentionnés dans le rapport d’une commission indépendante de l’Organisation des Nations Unies sur le détournement du programme « Pétrole contre nourriture »[8], des gendarmes brûlant, sur ordre d’un préfet, une paillotte située sur le domaine public maritime[9], une fonctionnaire territoriale qui publie un livre dévalorisant pour ses collègues et l’institution qui l’emploie[10] – autant d’actes qui, sans parler des sanctions pénales ou disciplinaires qui sont susceptibles d’en découler, posent question au regard des obligations déontologiques de ces fonctionnaires.
Mais ce sont beaucoup plus souvent les actes et agissements quotidiens de la vie publique et administrative qui appellent des réponses conformes à la déontologie. Que recouvre au juste le devoir d’obéissance et de loyauté ? Un fonctionnaire peut-il recourir individuellement ou collectivement à l’anonymat pour prendre des positions publiques ? Jusqu’où l’exercice d’un mandat syndical permet-il à un fonctionnaire de déroger à l’obligation de réserve[11] ? Cette obligation est-elle appréciée de manière différente en ce qui concerne un haut fonctionnaire ? Quel type de comportement adopter face aux sollicitations des usagers ou des partenaires de l’administration et, d’une manière générale, aux intérêts privés ? Quelle attitude avoir face aux « fuites » qui peuvent provenir de son service ? Comment prendre en compte le secret qui s’attache à certains documents, par exemple des listes d’« évadés fiscaux » qui finissent leur course sur les bureaux de la DGFIP ? Un membre de la juridiction administrative ayant annoté un jugement dans une revue juridique doit-il s’abstenir de participer à la formation de jugement saisie de la contestation de cette décision[12] ? Comment concilier le secret médical ou le secret des affaires avec d’autres intérêts généraux ? Et lorsqu’un agent public est mis en cause judiciairement, quelle conduite son supérieur hiérarchique peut-il ou doit-il adopter ? D’apparence plus ou moins anodine, ces questions relatives aux pratiques professionnelles revêtent une grande importance et elles posent peu ou prou la question de ce que doit être la déontologie des fonctionnaires.
Il faut donc réfuter la thèse de la « mode déontologique », même si l’on constate, récemment, de nombreuses initiatives dans ce champ, et ce quels que soient les milieux professionnels concernés. Le surgissement contemporain d’une demande de déontologie qui s’étend à toutes les professions tient à de multiples facteurs sociaux et culturels. Tout d’abord, la plus grande complexité de nos sociétés, caractérisée par des interactions toujours plus poussées entre acteurs économiques, politiques et sociaux, conduit à une multiplication des situations où des conflits d’intérêts peuvent surgir et où une déontologie précisément exprimée s’impose[13]. Ensuite, jouent un rôle l’affaissement des idéologies fédératrices, l’effondrement des corps intermédiaires et le délitement du lien social : ainsi, prospère à l’heure actuelle un individualisme exacerbé qui débouche sur une potentielle mise en cause, notamment sur les réseaux numériques, de chacun par chacun, sans lieu de médiation préalable. En troisième lieu, la culture de la transparence qui s’est développée fait que ce qui était bénin et toléré est maintenant réprouvé et flétri. Enfin et surtout, les exigences quant à la rectitude morale et professionnelle des agents publics ou privés progressent tout simplement. Qui pourrait s’en affliger, dès lors qu’il s’agit de traiter de véritables problèmes et non de chimères ?
B. La déontologie est une exigence au cœur de la fonction publique française.
De la spécificité même de l’action publique et de ceux qui la servent naît le besoin d’une déontologie particulière.
Spécificité de l’action publique tout d’abord, avec en son cœur la notion d’intérêt général. Notre conception de l’intérêt général n’est pas d’essence libérale et ne se satisfait pas d’une conjonction provisoire et aléatoire d’intérêts économiques et personnels. D’essence volontariste, elle exige le dépassement des intérêts particuliers : dans cette perspective, elle est d’abord l’expression de la volonté générale, ce qui confère à l’Etat la mission de poursuivre des fins qui transcendent la somme des intérêts particuliers. Il ne peut y avoir de confiance publique, ni même de représentation dans l’exercice du pouvoir que si les citoyens ont la conviction que ceux à qui la souveraineté est déléguée agissent au service de l’intérêt général « pour l’avantage de tous » et non pour leur « utilité particulière »[14]. La spécificité de la mission des agents publics tient précisément à la finalité de l’Etat, qui est la poursuite du bien commun, du « vivre ensemble ». Cette spécificité est, on le sait, parfois remise en cause. L’Etat à la fois limité, contourné et encadré, est critiqué ; sa mission particulière est niée, lorsque certains le considèrent comme une entreprise comme une autre ; la spécificité de sa fonction publique est contestée, lorsqu’est envisagée sa banalisation progressive.
Pourtant, il existe bien une spécificité de ceux qui servent l’Etat et conduisent l’action publique. L’administration française est ainsi le produit de siècles d’histoire qui l’ont installée comme un élément inhérent à l’idée même d’Etat, à la fois dans la réalité et dans nos représentations. L’Etat, en France, est la matrice de la Nation. Au travers des soubresauts de l’histoire, par-delà les ruptures les plus marquées, même celle de la Révolution française, l’Etat a constitué le socle sur lequel s’est construite notre Nation. Patiemment, le système administratif s’est formé dans notre pays parallèlement au développement de l’Etat. La Révolution elle-même, ainsi que l’a analysée Tocqueville, quelque radicale qu’elle ait été, « a moins innové qu’on ne le suppose généralement »[15], effaçant les traces de la féodalité, la société ordinale et les privilèges qui lui étaient liés, mais conservant beaucoup d’acquis, notamment une administration « très centralisée, très puissante, prodigieusement active », dont les traits étaient cristallisés avant même le XVIIIème siècle[16].
Des règles particulières ont découlé de ces spécificités de l’administration et de l’action administrative en France, règles qui ont longtemps paru immuables et qui conservent encore, pour beaucoup d’entre elles, leur pertinence : les notions de recrutement et de carrière fondés sur le mérite, de subordination hiérarchique et, plus largement, les principes de neutralité, d’égalité, de continuité et d’adaptation des services publics. Les valeurs de probité, d’impartialité et d’efficacité sont aussi fondamentales. « Ces trois exigences, qui sont en même temps des valeurs, fondent toutes les fonctions publiques » écrit Christian Vigouroux[17].
Probité tout d’abord :
le fonctionnaire doit exercer sa tâche de manière intègre et désintéressée, en toute conscience et avec loyauté. De multiples interrogations se rattachent à cette exigence de probité : quels sont, par exemple, les cadeaux, les invitations ou les libéralités qu’un fonctionnaire peut accepter ? Est-il possible de cumuler plusieurs activités ? A quelles conditions un fonctionnaire peut-il franchir le Rubicon et passer dans le secteur privé pour, dit-on de manière familière, « pantoufler » ? Qu’est-ce qu’un usage excessif des moyens matériels du service ?
Impartialité, ensuite :
il s’agit d’un principe général du droit qui s’impose aux autorités administratives comme aux juridictions[18]. Le fonctionnaire doit savoir ne pas servir ses propres convictions ou ses préférences[19], mais la loi et l’intérêt général. Il doit également savoir ne pas préjuger des solutions à donner aux cas, problèmes ou situations qui lui sont soumis.
Enfin, il faut insister sur l’efficacité :
le service public doit répondre à des impératifs de qualité. Cela implique la disponibilité et l’investissement des fonctionnaires, mais également le développement et la mise en valeur de leurs compétences. L’une des traductions en est, au plan collectif, les projets annuels de performance qui étayent les lois de finances et, au plan individuel, non plus la notation, mais l’évaluation individuelle des fonctionnaires.
Toutes ces règles ont pour but d’assurer que le fonctionnaire sert l’intérêt général.
Elles ont aussi pour but de garantir le bon fonctionnement des services publics au profit des usagers. C’est ainsi que l’administration, impartiale, intègre, exemplaire et efficace, pourra conserver la confiance des citoyens. La confiance du citoyen dans la puissance publique est en effet « au fondement du contrat social et de la démocratie, en ce qu’elle est au cœur de la relation entre souveraineté populaire et représentation ». Dès lors, « parce qu’il confie la gestion et l’exécution de l’action publique aux gouvernants et à l’administration, et parce que ceux-ci agissent en son nom, le citoyen est en droit d’exiger de toute personne qui concourt à ces missions une réelle exemplarité »[20].
Ce principe de confiance, comme le montre Christian Vigouroux, est reconnu dans toute l’Europe[21] et, au-delà, l’ensemble des Etats démocratiques. Plus généralement, les exigences déontologiques propres à la fonction publique, qui sont en quelque sorte inhérentes à notre modèle national d’administration publique, ne sont pas pour autant l’apanage de la France. Certains pays sont même culturellement plus disposés à interroger les pratiques de leurs fonctionnaires. Les pays anglo-saxons notamment, où les mots mêmes de revolving doors illustrent les échanges nourris et même la porosité entre fonction publique et secteur privé, sont ainsi plus sensibilisés à l’importance des règles déontologiques applicables à ces situations de passage d’un secteur à l’autre.
Ces exigences déontologiques sont en revanche propres à l’action publique. Elles ne peuvent, du fait de la spécificité de celle-ci, être assimilées aux principes déontologiques applicables aux activités privées, même si, bien sûr, certaines normes se recoupent. Dans le secteur public, tous les principes se référent à l’intérêt général ; dans le privé au contraire, un principe déontologique peut céder le pas devant l’intérêt général : un avocat peut ainsi voir son obligation de secret professionnel restreinte par les exigences de la lutte contre le blanchiment. La déontologie applicable à la fonction publique ne peut davantage être assimilée à celle applicables aux élus, dont la déontologie est nécessairement spécifique.
Dernier point : la culture déontologique n’est pas innée.
Elle ne peut reposer sur la seule conscience individuelle des agents publics. Elle exige de la vigilance, du discernement et du conseil et doit s’inscrire dans une démarche collective reposant sur des responsabilités personnelles – celles des agents,– mais aussi sur un engagement des chefs de service et, en dernier lieu, des ministres dans l’appareil d’Etat. Il revient à cet effet aux services d’élaborer et diffuser des principes et des bonnes pratiques, de former les agents et de mettre en place une organisation destinée à assurer une réelle régulation déontologique. Il leur revient aussi de susciter la plus grande lucidité sur les comportements, de favoriser les questionnements et la réflexion individuelle et collective. Il ne peut y avoir de déontologie sans maïeutique. Ou, pour le dire autrement, la déontologie est une terre d’élection pour la casuistique : car, s’il faut tenir fermement aux principes éthiques des fonctionnaires, leur application dans une situation concrète n’est pas toujours immédiatement et évidemment discernable ou perceptible. D’où un nécessaire travail de réflexion et de discernement. L’émergence et le développement d’une déontologie de la vie publique ne peuvent par conséquent procéder que d’un changement d’état d’esprit et de culture des acteurs publics. A l’indifférence et au déni, au goût pour l’opacité et le flou, doit succéder une culture fondée sur la responsabilité et l’acceptation de règles claires. Ce changement de culture implique aussi la mise en place d’une véritable politique de la déontologie dans la vie et les services publics.
II. Quels instruments pour une déontologie de la fonction publique ?
Cette question en soulève en réalité deux : ces instruments doivent-ils être préventifs ou répressifs ? Quel est le support normatif adéquat pour les exprimer ?
A. En France, les régimes répressifs ne sont ni suffisants, ni pleinement efficaces, et il apparaît nécessaire de mettre en oeuvre une approche préventive.
La volonté de prévenir, dans la sphère publique, les manquements aux obligations déontologiques, constitue dans notre pays une préoccupation ancienne.
Celle-ci se traduit par des régimes répressifs, en droit pénal, applicables à diverses situations qui vont très au-delà de la corruption, la concussion ou du détournement de biens publics. Ainsi, la conscience du préjudice qui peut résulter pour la collectivité des conflits d’intérêts dans la vie publique s’est traduite par l’élaboration précoce d’un cadre pénal très rigoureux. La prise illégale d’intérêts, dont le principe était connu du droit romain et qui avait été reprise dans l’ordonnance de Saint Louis, était déjà réprimée par le Code pénal de 1810 sous le nom de « délit d’ingérence ». Le « délit de pantouflage », c’est-à-dire le passage dans une entreprise dont l’agent public a exercé la surveillance ou le contrôle a, pour sa part, été consacré par une loi du 6 octobre 1919.
Notre pays a institué, en matière d’atteinte à la chose publique et de manquements au devoir de probité des agents publics, des régimes pénaux parmi les plus sévères au monde.
C’est par exemple le cas pour l’infraction de prise illégale d’intérêts. Les éléments en sont définis de manière objective et non subjective ; l’intérêt personnel qui est incriminé est défini de manière large, puisqu’il s’agit, aux termes de l’article 432-12 du code pénal, d’un « intérêt quelconque » ; et les peines encourues sont très lourdes (cinq ans d’emprisonnement, 75 000 euros d’amende et surtout la possibilité de prononcer une privation des droits civiques ou une interdiction d’exercer une fonction publique pour une durée de cinq ans). Cette infraction n’a d’équivalent dans aucun Etat de l’OCDE : si plusieurs Etats – mais pas tous – répriment des comportements proches, les éléments constitutifs de l’infraction y sont généralement définis de manière plus limitée et les peines encourues sont beaucoup plus bénignes. En pratique, cependant, le nombre de condamnations prononcées en France sur le fondement de l’article 432-12 du code pénal est très limité et le quantum des peines prononcées, modeste.
Cet état de fait illustre les limites de l’approche pénale des fautes déontologiques. Une telle approche est sans nul doute nécessaire. Elle est toutefois peu usitée. Cette situation peut s’expliquer de deux manières : de façon optimiste, par la faible occurrence de ce type de délits, peut-être ; mais aussi, de façon plus pessimiste, par les freins à leur révélation. L’article 40 du code de procédure pénale, qui fait obligation à tout agent public d’aviser le procureur de la République des délits dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, n’est en effet que très rarement mis en œuvre. En outre, l’absence de mécanisme d’alerte éthique à l’intérieur des services publics affaiblit l’efficacité des dispositifs de prévention, mais aussi de répression des manquements à la déontologie.
En ce qui concerne le « pantouflage » (article 432-13 du code pénal), le délit pénal, qui est aussi lourdement sanctionné[22], s’assortit d’un contrôle préventif par la Commission de déontologie des fonctionnaires, qui vérifie que l’agent ne risque pas de se placer en situation d’infraction au regard du code pénal, mais qui s’assure aussi que l’activité privée envisagée ne porte pas atteinte à la dignité des fonctions publiques antérieurement exercées ou ne risque pas de compromettre le fonctionnement normal du service : la prévention au regard du droit pénal va ainsi de pair avec un contrôle déontologique. Mais ce dispositif a également montré ses limites : il est à la fois excessivement rigide par son approche objective et il a révélé de réelles insuffisances, notamment pour les membres des cabinets ministériels dont les responsabilités réelles ont été, dans certains cas, occultées par les pétitionnaires ou sous-estimées par la Commission de déontologie.
Le répressif ne se résume pas au pénal :
il faut en effet prendre également en compte le droit disciplinaire. Les deux procédures, pénale et disciplinaire, ont un objet différent et sont indépendantes l’une de l’autre. Seuls s’imposent à l’autorité disciplinaire, comme au juge de ses décisions, les faits constatés par le juge pénal[23]. Mais le recours au droit pénal n’est pas toujours pertinent pour l’autorité administrative et il est de surcroît rarement nécessaire. Ainsi, la maîtrise de soi que l’usager est en droit d’attendre d’un fonctionnaire peut entraîner, en cas de manquement, une sanction disciplinaire, sans que n’aient été commis des actes de violence délictueux. Et combien de fonctionnaires indélicats ou carrément véreux ont été révoqués, bien avant qu’un jugement pénal, a fortiori passé en force de chose jugée, ne soit intervenu !
On trouve bien entendu dans la jurisprudence de nombreux exemples de fautes disciplinaires de fonctionnaires. A ainsi été récemment soulevée devant le Conseil d’Etat la question de savoir si avait manqué à son devoir de réserve un chef d’escadron de la gendarmerie nationale qui avait signé, sous le titre « Feu la Gendarmerie nationale »[24], un article critiquant la politique gouvernementale de rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et pris position dans les médias sur ce sujet. Le Conseil d’Etat a jugé qu’en « critiquant directement la politique d’organisation des deux grands services publics dédiés à la sécurité publique, au moment même où celle-ci était en débat devant le Parlement », cet officier avait manqué à son obligation de réserve et encourait une sanction disciplinaire. Il a relevé que « ni la circonstance que l’intéressé collabore, avec l’accord de sa hiérarchie, à des travaux du Centre national de la recherche scientifique, […] ni celle qu’il occuperait un rang modeste dans la hiérarchie militaire ne sauraient l’exonérer de sa responsabilité quant aux propos ainsi tenus ». Le Conseil d’Etat a cependant censuré la sanction de la radiation des cadres comme étant manifestement disproportionnée au regard de la faute commise.[25]
Mais le droit disciplinaire, s’il est plus souple et moins contraignant à mettre en œuvre que le droit pénal, ne répond pas nécessairement aux objectifs recherchés en matière de déontologie. Ainsi, selon Marcel Pochard, « les gestionnaires répugnent à exercer leur pouvoir disciplinaire, notamment pour ce qui est de la discipline quotidienne : respect des horaires, absentéisme, délais de réponse, négligences dans le traitement des dossiers… Ceci explique le nombre infime des sanctions courantes, comme le blâme ou l’avertissement (environ 3 500 par an), pourtant les plus adaptées à ces manquements quotidiens qui sont une des plaies de la fonction publique. Les sanctions les plus lourdes sont elles-mêmes peu pratiquées. Surtout elles ne sont vraiment mises en œuvre que pour un type de manquement, le détournement direct de deniers publics […] Inversement, les insuffisances professionnelles sont rarement à l’origine de sanction. Et que dire de ces cas d’inertie complète, où des faits graves ne donnent lieu à aucune poursuite disciplinaire ? »[26]. Ce que soulève Marcel Pochard, c’est un problème, régulièrement identifié, de pratique, c’est-à-dire l’absence de volonté de mise en œuvre, par les responsables des services, des sanctions appropriées aux manquements constatés aux obligations professionnelles et à la déontologie. L’absence d’efficacité ou d’effectivité des principes déontologiques tient moins au manque d’instruments juridiques qu’à une défaillance dans leur mise en œuvre et à une culture déontologique encore insuffisante à tous les étages des services publics.
En même temps, l’insuffisance des instruments répressifs est presque inhérente à la matière déontologique, qui ne peut et ne doit pas être envisagée qu’a posteriori, sous l’angle de la sanction. Car la déontologie est moins affaire d’interdits et de sanctions que de valeurs et de principes positifs qui doivent être mis en œuvre préventivement.
On peut se demander si, sur ce sujet, la France est en retard. Il existe, il est vrai, une relative indifférence ou, en tout état de cause, un certain défaut de vigilance sur ces questions et, en particulier, un vrai déficit de pratiques préventives : les règles du jeu sont lacunaires et, en tout cas, trop rarement explicitées, les dispositifs préventifs limités, les démarches déontologiques, quoiqu’en progrès, encore trop souvent absentes. Il existe ainsi une réelle solitude déontologique des acteurs publics en général et des hauts fonctionnaires en particulier, qui sont trop souvent livrés à eux-mêmes, mais aussi, paradoxalement, une forte réticence de certains d’entre eux à clarifier les règles du jeu. Cette situation peut ainsi favoriser des arrangements discrets et parfois inavouables avec la simple morale.
Une véritable stratégie de prévention des conflits d’intérêts doit donc être développée.
Notre pays n’est pas dépourvu d’atouts en cette matière.
Il dispose notamment d’une fonction publique de qualité, constituée d’hommes et de femmes qui sont, en règle générale, intègres et dévoués au service public et à la chose publique. Le système dit de la « carrière » conduit en outre les fonctionnaires, dans leur très grande majorité, à effectuer l’intégralité de leur parcours professionnel au sein de la fonction publique, ce qui limite les risques de conflits d’intérêts avec le privé. Notre pays dispose d’un autre atout, non négligeable : en se basant sur les grands principes sur lesquels prennent appui nos services publics, la jurisprudence a précisé, depuis de nombreuses années, les règles applicables aux agents publics et elle a dessiné les lignes de conduite à suivre sur des sujets tels que le devoir de réserve, l’obligation de loyauté, de dignité, de neutralité ou d’impartialité.
La Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique que j’ai présidée en 2010, puis la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique qu’a présidée M. Lionel Jospin en 2012 ont insisté sur la nécessité de mettre en place une stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts. A cette fin, le premier pas réside sans doute dans l’adoption d’une définition des conflits d’intérêts qui, à l’heure actuelle, reste floue – j’y reviendrai. Ensuite, deux principes devraient être mis au cœur de la réflexion sur les conflits d’intérêts.
Le premier est celui d’une meilleure identification des situations critiques ou problématiques au plan déontologique.
En ce qui concerne les emplois comportant des responsabilités particulières, il conviendrait, par exemple, de généraliser l’exigence de déclarations d’intérêts qui devraient porter sur tous les intérêts susceptibles d’interférer avec la mission publique et être souscrites lors de la prise de poste, renouvelées annuellement et lors de tout changement significatif de situation. Ces déclarations, surtout si elles étaient rendues publiques, favoriseraient l’émergence d’une culture de la déontologie et, plus concrètement, d’une prévention plus active des conflits d’intérêts.
Le second principe est celui de l’externalisation partielle des questions de déontologie.
Si les chefs de service et les fonctionnaires sont en premier lieu responsables de ces questions et si c’est à eux qu’il incombe au premier chef de définir et mettre en œuvre les règles et les bonnes pratiques qui s’imposent, il apparaît nécessaire qu’à l’intérieur où à la périphérie de l’administration, des tiers ou des autorités compétentes en matière de déontologie puissent apporter un appui à la réflexion et la délibération et assurer une mission de questionnement, de conseil ou de contrôle. La déontologie a en effet besoin de référents. Plusieurs propositions se rattachent à cet objectif : la création de réseaux de déontologues permettant de conseiller les acteurs publics et, en particulier, les fonctionnaires ; la mise en place d’une Autorité nationale de déontologie de la vie publique, chargée tant d’un rôle d’avis, d’évaluation et de recommandation que d’une mission de contrôle des déclarations individuelles d’intérêts et d’activités ; le recours à des intermédiaires qui, par mandat, seraient chargés de la gestion des éléments de patrimoine mobilier susceptibles d’interférer avec les missions d’un acteur public, pendant le d’exercice de ses fonctions.
C’est donc vers un meilleur équilibre entre répression et prévention qu’il faut tendre, le seconde devant être résolument privilégiée. Cela implique l’émergence d’une culture renouvelée de la déontologie, ainsi que la mise en place d’une véritable politique de la déontologie dans la vie des services publics, s’appuyant à la fois sur des instruments normatifs traditionnels, mais ayant aussi recours à des instruments de droit souple.
B. Quel peut être le support normatif adéquat ?
Parmi les instruments normatifs classiques, la voie législative ne peut être éludée. Elle permettrait tout d’abord de définir la notion de conflits d’intérêts, qui est un préalable incontournable[27]. Plus généralement, ce vecteur permettrait également de fixer quelques grands principes déontologiques applicables à tous les acteurs publics, au-delà de la diversité de leurs fonctions. Il s’agit ainsi d’affirmer les valeurs fondamentales de l’action publique : les principes d’impartialité, d’intégrité, d’objectivité et de probité, qui sont au cœur de la vie publique, existent certes, soit en tant que principes généraux, soit dans des textes spécifiques. Il serait cependant à la fois symboliquement fondateur et juridiquement utile de les rassembler dans un texte législatif. Une loi permettrait en outre, le cas échéant, de fixer les obligations relatives aux déclarations d’intérêts, d’instituer un régime juridique applicable aux lanceurs d’alerte éthique dans les services publics – comme il en existe un dans les entreprises privées - ou de réformer les régimes répressifs pour mieux les circonscrire et leur conférer une plus grande efficacité. Une loi permettrait aussi de créer l’Autorité de déontologie de la vie publique, qui vient d’être évoquée. Un corpus normatif minimal, avec en son cœur une loi sur la déontologie et les conflits d’intérêts, apparaît donc comme un préalable nécessaire à l’instauration d’une nouvelle culture de la déontologie.
Mais le changement de culture en matière déontologique doit aussi reposer sur de nouveaux instruments : les codes et les chartes de déontologie énonçant les principes et les devoirs des acteurs publics et, notamment, des fonctionnaires dans le contexte professionnel concret dans lequel ils opèrent. Ces codes ou chartes peuvent être accompagnés de guides ou d’indications pratiques exposant, à partir de cas concrets, les situations problématiques dans lesquelles les intéressés peuvent se trouver et apportant des éléments de réponse sur les conduites à tenir ou les erreurs à éviter. Ces instruments, qui relèvent de la soft law ou plutôt du droit souple, présentent l’intérêt de pouvoir être élaborés en étroite concertation avec les agents publics auxquels ils ont vocation à s’appliquer. Ils doivent en réalité émaner de ces agents et exprimer leurs valeurs et, pas seulement, leurs devoirs et leurs obligations. Ils doivent être adaptés à la diversité des missions et des métiers propres à chaque service public et traduire, dans chaque cas, la dimension spécifique des exigences de probité, d’intégrité, d’impartialité et de prévention des conflits d’intérêts, qui sont communes à l’ensemble des agents publics. Sans être dotés d’une force juridique contraignante, de tels instruments peuvent contribuer à faire évoluer et à sécuriser les pratiques professionnelles. Ils constituent aussi un instrument précieux pour nourrir le dialogue déontologique qui doit s’établir entre les agents publics et leurs responsables hiérarchiques. Ils doivent enfin servir de référence pour les déontologues et les autorités sectorielles ou nationales de déontologie.
La récente Charte de déontologie des membres de la juridiction administrative adoptée et diffusée à la fin de 2011 constitue un exemple de clarification des règles et des bonnes pratiques applicables à cet ordre de juridiction. Elle représente une garantie nouvelle pour les justiciables comme pour les magistrats. Elle porte, en outre, création d’un collège de déontologie chargé d’éclairer les membres de la juridiction administrative sur l’application des principes et des bonnes pratiques qu’elle définit. A cette fin, elle peut être saisie en particulier par les chefs de juridiction, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, mais aussi par tout membre de la juridiction pour une question le concernant personnellement. Les avis et les recommandations de ce collège sont systématiquement rendus publics après avoir été anonymisés. Le ministère des affaires étrangères a aussi mis en place un comité d’éthique[28] qui a préparé un guide de déontologie pour les agents du département. Ce guide est régulièrement complété par des fiches supplémentaires, au fur et à mesure des questions qui se posent, ce qui permet d’actualiser les termes de référence déontologiques, mis à la disposition des diplomates.
III. Quelques domaines d’application de la déontologie des hauts fonctionnaires
Je souhaite maintenant aborder concrètement quatre points, qui illustrent les exigences déontologiques applicables au fonctionnaire, dans ses rapports avec le politique, la hiérarchie, les intérêts privés et l’espace public.
A. Le fonctionnaire et le politique
Il s’agit sans doute de l’une des relations les plus complexes à appréhender. D’abord, parce que les légitimités respectives de l’un et de l’autre sont différentes : la légitimité démocratique du politique n’est pas la légitimité méritocratique du fonctionnaire ; l’une n’épuise pas l’autre, et inversement, et les deux sont faites pour se conforter et s’enrichir mutuellement. Ensuite, parce qu’existe une tendance, plus ou moins palpable, mais croissante, du politique à se substituer à l’administratif – c’est l’un des aspects de la relation entre les cabinets ministériels et les administrations centrales – ainsi que, parfois, une tentation des fonctionnaires de se substituer au politique – ce qui peut se traduire par une connivence déplacée ou encore, par exemple, par une anticipation erronée de ce qu’ils pensent être la volonté politique. Enfin, cette relation est complexe à appréhender, parce que le fonctionnaire est confronté à une double exigence de collaboration / distanciation par rapport au politique.
Le fonctionnaire doit manifester, à l’égard du pouvoir politique, sa loyauté, parce que ce pouvoir, d’essence démocratique, est investi par la Constitution de la mission de déterminer et conduire la politique de la Nation et qu’il dispose, à cette fin, de l’administration. Mais le fonctionnaire n’est pas au service d’une personne, d’un parti ou d’un programme politique : la fonction publique ne relève pas de la catégorie des « services à la personne ». Le fonctionnaire est au service de l’Etat et de l’intérêt général. Il se doit de servir de manière impartiale, de mettre loyalement sa compétence technique au service des projets, quels qu’ils soient, portés par l’autorité politique. Il doit aussi être une force de proposition et d’impulsion des politiques menées. Cela n’est toutefois possible que si le lien entre l’autorité et ses services n’est pas coupé, que si cette relation n’est pas étouffée, phagocytée par l’écran ou l’activisme des cabinets des ministres ou des exécutifs territoriaux. Il y a là aussi un enjeu de taille pour le haut fonctionnaire intégrant un cabinet : il lui appartient de concevoir son rôle, non comme celui de « super administrateur » doublant et répliquant les services mais, au contraire, comme celui de collaborateur assumant pleinement le rôle d’impulsion politique qui lui échoit.
En toutes circonstances, le fonctionnaire doit conserver son impartialité et ne pas abdiquer son indépendance d’esprit. Il ne doit pas faire preuve de « suivisme », ni renoncer à présenter des mises en garde ou des objections au regard de la bonne administration, de l’efficacité des politiques conduites ou du respect de la règle de droit. L’administration ne fait pas toujours preuve d’une suffisante fermeté face à certains projets de décision manifestement erronés ou inadaptés au regard de ces principes. Au final, c’est l’autorité politique qui peut pâtir de cette autocensure et elle a parfois lieu de maudire le zèle ou la prudence avec lesquels l’administration l’a servie. Mais le fonctionnaire doit aussi rechercher et proposer des alternatives qui concilient de manière plus pertinente les objectifs poursuivis par l’autorité politique avec les principes qu’il rappelle ou les observations qu’il présente. Il est certes possible d’aborder ces questions de manière générale et abstraite. Mais elles revêtent pour chaque fonctionnaire une dimension toujours très concrète et parfois décapante.
Pour donner quelques exemples que je connais mieux puisqu’ils me sont personnels, j’ai ainsi été conduit, comme directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’intérieur et, à ce titre, chargé de la police des casinos et des cercles de jeu, à recommander au ministre dont
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Commentaires
Très beau rappel d'une déontologie qu'il ne faut pas oublier et qui doit être respectée pour éviter de devenir une république bananière
Écrit par : Cardot | 03 juin 2013