Une directive établit elle une règle d’ordre public dans le droit interne ? CE 3/12/04 (05 décembre 2014)

EGALITE FRATERNITE.jpgUne directive établit elle une règle d’ordre public
dans le droit interne ?
 

Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 03/12/2014, 367822 

2. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance par le droit interne des dispositions d'une directive communautaire ou, désormais, de l'Union européenne ne constitue pas un moyen d'ordre public qu'il appartiendrait au juge de relever d'office ;

 

Sur l obligation de soulever un moyen d’ordre public!! à suivre

Vers une remise en cause ?

Conseil d'État N° 340518   3 juin 2013  
M. Frédéric Bereyziat, rapporteur  M. Edouard Crépey, rapporteur public

Conclusions non posées dans la base du CE

 La situation de fait 

 Le 22 juillet 1991, M. D...a apporté à la société JBF 751 actions qu'il détenait dans le capital de la société La Croissanterie et a reçu en échange 105 140 actions ; 

 

il a réalisé une plus-value pour laquelle il a alors sollicité le bénéfice du report d'imposition tel que prévu par les dispositions précitées de l'article 92 B du code général des impôts ; 

 le 3 août 2001, il a cédé 35 491 des 105 140 actions de la société JBF à la société Financière HT ; 

 par notification de redressement du 20 avril 2004, l'administration l'a informé que cette cession entraînait l'expiration du report d'imposition et, par conséquent, l'imposition immédiate de la plus-value de 52 532 450 francs pour un montant déterminé au prorata des 35 491 titres cédés ;  

la CAA de paris annule le redressement sur le motif 

 

C A A de Paris, 9ème Chambre, 07/03/2013, 11PA00070, 

'il résulte des dispositions de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990

 

Article 8

1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé.

2. Les États membres subordonnent l'application du paragraphe 1 à la condition que l'associé n'attribue pas aux titres reçus en échange une valeur fiscale plus élevée que celle que les titres échangés avaient immédiatement avant la fusion, la scission ou l'échange d'actions.

L'application du paragraphe 1 n'empêche pas les États membres d'imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant l'acquisition.

Par «valeur fiscale», on entend la valeur qui servirait de base pour le calcul éventuel d'un profit ou d'une perte entrant en compte pour l'assiette d'un impôt frappant le revenu, les bénéfices ou les plus-values de l'associé de la société.

3. Dans le cas où un associé est autorisé, conformément à la législation de l'État membre de sa résidence, à opter pour un traitement fiscal différent de celui défini au paragraphe 2, le paragraphe 1 ne s'applique pas aux titres représentatifs pour lesquels cet associé aura exercé son droit d'option.

4. Les paragraphes 1, 2 et 3 ne font pas obstacle à la prise en compte, pour la taxation de l'associé, de la soulte en espèces qui lui est éventuellement attribuée à l'occasion de la fusion, de la scission ou de l'échange d'actions. 

que l'attribution, à l'occasion d'un échange d'actions, de titres d'une société à un associé de la société apporteuse en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu et que seul peut être imposé le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus ;

que les dispositions des articles 160 I ter du code général des impôts et les dispositions de l'article 92 B du même code, qui, si elles permettent, sur la demande du contribuable, de placer les plus-values réalisées à l'occasion d'un échange en report d'imposition, ont cependant pour effet de liquider la plus-value réalisée à la date de l'échange et, le cas échéant, à défaut pour le contribuable d'en demander le report, de l'imposer au titre de l'année de réalisation de l'échange, sont contraires aux objectifs de la directive du 23 juillet 1990 ;

dès lors, l'administration fiscale ne pouvait continuer d'en faire application après le 31 décembre 1991, date limite de transposition fixée par l'article 12 de la directive ; qu'il en résulte que la plus-value constatée par M. D...le 22 juillet 1991 dans le cadre de l'opération d'apport de titres de la société La croissanterie à la société JBF, en échange de titres de cette dernière société, ne pouvait entraîner par elle-même aucune imposition au titre de l'année 2001 ;

 

LE CONSEIL D ETAT ANNULE

 

3. Considérant, en outre, qu'il résulte des termes de l'article 1er de cette directive qu'elle ne crée d'obligations à l'égard des Etats membres qu'au regard d'opérations qui concernent des sociétés d'au moins deux Etats membres ; qu'il est constant que la plus-value en cause a été réalisée à l'occasion d'un échange de titres de deux sociétés françaises ; qu'ainsi, elle n'entrait pas dans le champ d'application de la directive du 23 juillet 1990 ; que, par suite, en se fondant sur l'incompatibilité du droit interne avec l'article 8 de cette directive pour prononcer la décharge des impositions portant sur cette plus-value, alors qu'un tel moyen ne pouvait qu'être sans influence sur le bien-fondé de l'imposition, la cour a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre délégué, chargé du budget est fondé à demander l'annulation des articles 1er à 3 de l'arrêt qu'il attaque ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

 


D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt du 7 mars 2013 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.


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