Territorialité de l’IS et l’exception Marks & Spencer ; la suite (CJUE 3 février 2015- (11 février 2015)

 curiae.jpgla Commission avait  introduit un recours en manquement devant la Cour  contre le Royaume Uni  car les  règles mises en application par le Royaume Uni en 2010 pour se conformer à l’arrêt Marks & Spencer de 2005 , c'est-à-dire pour autoriser, à titre exceptionnel, la déductibilité des pertes des filiales non résidents violeraient le principe de la liberté d’établissement,  

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Dans son arrêt du 3 février 2015, la Cour rejette le recours dans son intégralité. 

CJUE 3 Février 2015 affC‑172/13,Commission européenne contre Royaume Uni

Conclusions de l’avocat général Mme juliane kokott

Présentées le 23 octobre 2014 (1) 

 Le principe de la territorialité fiscale et de l’autonomie fiscale des filiales étrangères 
est donc maintenue  
 

Un peu d’histoire fiscale ! 

 

En l’état actuel du droit communautaire, est conforme à la liberté d’établissement  une législation d’un État membre qui exclut de manière générale la possibilité pour une société mère résidente de déduire de son bénéfice imposable des pertes subies dans un autre État membre par une filiale établie sur le territoire de celui-ci, alors qu’elle accorde une telle possibilité pour des pertes subies par une filiale résidente. 

Cependant, par exception  il est contraire aux articles 43 CE et 48 CE d’exclure une telle possibilité pour la société mère résidente dans une situation où, les possibilités de prise en compte des pertes qui existent dans son État de résidence sont définitivement non déductibles 

En termes clairs d’EFI la mère a juste le droit d’épuiser les pertes définitives des filiales, exception que des amis d’EFI ont baptisé « l’exception » Marks & Spencer. 

CJUE 13 décembre 2005  affaire C-446/03,Marks & Spencer plc

Dans une décision A Oy, aff. C-123/11 du 21 février 2013 la Cour de Justice de l’Union européenne, confirme sa position initialement dégagée dans la décision Marks & Spencer de 2005. (lire la tribune de Me  LANDWELL )

La jurisprudence française confirme

Les déficits subis par une filiale non résidente ne peuvent être compris dans le résultat d'ensemble

CA A de Versailles, 3ème Chambre, 26/02/2013, 10VE04169, Sté AGAPES

Mme SIGNERIN-ICRE, président
M. Patrick BRESSE, rapporteur   M. LOCATELLI, rapporteur public

 

Une société mère ne peut comprendre dans son résultat d'ensemble les pertes subies par sa filiale établie dans un autre État membre, même si cette dernière ne peut plus imputer ces pertes sur son résultat propre en raison de la législation fiscale de l'État de résidence.

La société mère française tentait ici de se prévaloir de « l’exception » Marks & Spencer

CJCE 13 décembre 2005, aff. 446/03, Marks & Spencer ;

CJUE 21 février 2013, aff. 123/11, A Oy), 

Les suites de Marks & Spencer en UK , la CTA de 2010 :
la réforme impraticable
 

Au Royaume-Uni, le régime de dégrèvement de groupe permet aux sociétés d’un groupe de procéder entre elles à une compensation de leurs bénéfices et de leurs pertes. Cependant, le régime en vigueur jusqu’à 2006 ne permettait pas la prise en compte des pertes subies par des sociétés non-résidentes. En 2006, à la suite de l’arrêt « Marks & Spencer » de la Cour de justice, la loi britannique a été modifiée afin de permettre, sous certaines conditions, le dégrèvement de groupe transfrontalier.

 

Ces dispositions, contenues à présent dans la loi de 2010 relative à l’impôt sur les sociétés (Corporation Tax Act 2010 (CTA 2010)), requièrent que la société non-résidente ait épuisé les possibilités de prise en compte des pertes au cours de l’exercice fiscal durant lequel elles sont nées et des exercices fiscaux antérieurs, et exigent qu’il n’existe aucune possibilité de prise en compte des pertes au cours des exercices fiscaux futurs.

La CTA 2010 exige que la détermination du point de savoir si les pertes pourront être prises en compte au cours des exercices fiscaux futurs doit être effectuée par référence à la situation telle qu’elle se présente immédiatement après la fin de l’exercice fiscal au cours duquel les pertes ont été subies.

 

La Commission estime que les règles de la CTA 2010 ont pour effet qu’il est quasi impossible pour une société mère résidente de bénéficier du dégrèvement de groupe transfrontalier, car elle ne permet, en pratique, la prise en compte de telles pertes par la société mère résidente que dans deux situations : premièrement, lorsque la législation de l’État membre de résidence de la filiale concernée ne prévoit aucune possibilité de report des pertes et, deuxièmement, lorsque cette filiale est mise en liquidation avant la fin de l’exercice fiscal au cours duquel la perte a été subie.

D’autre part, la Commission est d’avis que les pertes subies avant le 1er avril 2006 seraient exclues du bénéfice du dégrèvement de groupe transfrontalier, dans la mesure où les dispositions relatives à ce dégrèvement prévues par la CTA 2010 s’appliquent uniquement aux pertes subies après le 1er avril 2006, date d’entrée en vigueur de la loi de finances de 2006.

 

Considérant, donc, que ces règles violent le principe de la liberté d’établissement, la Commission a introduit un recours en manquement devant la Cour. 

Dans son arrêt du 3 février, la Cour rejette le recours de la commission dans son intégralité. 

CJUE 3 Février 2015 affC‑172/13,Commission européenne
contre Royaume Uni

Conclusions de l’avocat général Mme juliane kokott

Présentées le 23 octobre 2014 (1)

En ce qui concerne les conditions imposées par la CTA 2010, la Cour constate que la première situation évoquée par la Commission est dépourvue de pertinence. Dans une situation où la législation de l’État membre de résidence de la filiale concernée ne prévoit aucune possibilité de report des pertes, l’État membre où réside la société mère peut refuser le dégrèvement de groupe transfrontalier sans violer la liberté d’établissement. 

S’agissant de la seconde situation, la Cour constate que la Commission n’a pas établi la véracité de son affirmation selon laquelle la CTA 2010 exigerait une mise en liquidation de la filiale non-résidente avant la fin de l’exercice fiscal au cours duquel les pertes ont été subies pour que sa société mère résidente puisse bénéficier du dégrèvement de groupe transfrontalier. En effet, la CTA 2010 n’exige aucunement une mise en liquidation de la filiale concernée avant la fin de l’exercice fiscal au cours duquel les pertes ont été subies.

 

La Cour rappelle encore que le caractère définitif, au sens de l’arrêt Marks & Spencer, des pertes subies par une filiale non-résidente ne peut être constaté que si celle-ci ne perçoit plus de recettes dans l’État membre de sa résidence. Tant que cette filiale continue à percevoir des recettes, même minimes, il existe une possibilité que les pertes subies puissent encore être compensées par des bénéfices futurs réalisés dans l’État membre où celle-ci réside.

 Or, le Royaume-Uni a confirmé, en se référant à un exemple concret d’une société mère résidente ayant bénéficié d’un dégrèvement de groupe transfrontalier, que le caractère définitif des pertes d’une filiale non-résidente peut être démontré lorsque, immédiatement après la fin de l’exercice fiscal au cours duquel les pertes ont été subies, la filiale a cessé ses activités commerciales et vendu ou éliminé tous ses actifs produisant des recettes. Quant à la possibilité pour une société de bénéficier du dégrèvement de groupe transfrontalier pour la période avant le 1er avril 2006, la Cour constate que la Commission n’a pas établi l’existence de situations dans lesquelles le dégrèvement de groupe transfrontalier pour des pertes antérieures à cette date n’a pas été accordé.

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