Apport partiel d’actif / un régime de faveur sous conditions (CAA Bordeaux° (24 novembre 2015)

 FUSION1.jpgLes opérations d’apport d’actif à une autre société devraient  en principe, entraîner toutes les conséquences fiscales d'une cession  voir cessation totale d'entreprise et notamment, donner lieu à l'imposition immédiate au nom de ces sociétés de I'ensemble des bénéfices non encore taxés, y compris les plus-values réalisées à cette occasion.

Cependant, en vue d'encourager les fusions auxquelles le législateur a assimilé les apports partiel d’actif , qui sont l'instrument privilégié de la restructuration des entreprises, Ie Iégislateur a institué un régime fiscal fondé sur le principe que la fusion  ou l(apport partiel d’actif est une opération intercalaire et que la société absorbante continue purement et simplement la société absorbée. 

Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 11/02/2013, 356519 

En adoptant les dispositions de l'article 210 A du code général des impôts (CGI), le législateur a entendu assurer la neutralité au plan fiscal des opérations de fusion des sociétés et, à cette fin, sauf lorsqu'il en a disposé autrement, regarder de telles opérations comme des opérations intercalaires. Il en résulte qu'eu égard à cet objectif et en l'absence de dispositions contraires, lorsque des éléments de l'actif immobilisé ont été reçus en apport par une société à l'occasion d'une fusion placée sous le régime de l'article 210 A, ces éléments doivent être regardés comme figurant dans le patrimoine de la société bénéficiaire de l'apport depuis la date de leur acquisition ou de leur création par la société absorbée. Les mêmes règles sont applicables dans le cas où des éléments de l'actif immobilisé ont été reçus en apport par une société à l'occasion d'un apportpartiel d'actif placé sous le bénéfice des dispositions de l'article 210 B du même code. 

 lire aussi

La remise en cause des reports des déficits  de l’absorbant nés avant une fusion doit être motivée 
    
Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 18/11/2015, 382376

La  CAA de Bordeaux  vient de rappeler le  10 novembre 2015, que seuls les apports partiels d’actif portant sur une branche complète d’activité sont éligibles de plein droit au régime de faveur prévu par l’article 210 B du CGI, à l’exclusion des apports isolés. 

CAA de BORDEAUX, 3ème chambre  10/11/2015, 14BX01972, Inédit au recueil Lebon 

Rappel des faits

 

La société HEN, a exercé jusqu’au 31 décembre 2004 une activité de vente de moteurs de bateaux et d’accessoires nautiques à l’enseigne « Captain Nautic » à Point-à-Pître (Guadeloupe) et une activité de vente de meubles et d’articles électroménagers à l’enseigne « Electro Nautic » à Baie-Mahault (Guadeloupe).

Par deux traités d’apports du 15 décembre 2004 prenant effet le 1er janvier 2005, elle a transféré les actifs afférents à chacune de ces activités à deux sociétés appartenant comme elle au Groupe Rimar : la SARL Gemas et la SARL Sodagems, et a placé les plus-values réalisées à cette occasion sous le régime d’exonération prévu à l’article 210 B du CGI.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a notamment remis en cause le bénéfice de ce régime de faveur.

La société HEN a fait appel du jugement du TA de la Guadeloupe du 15 avril 2014, qui a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des suppléments d’impôt procédant de cette remise en cause. 

Les principes applicables

La directive communautaire 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal applicable aux fusions, scissions, apports partiels d'actifs et d'échanges intéressant des sociétés d'Etats membres différents définit la branche complète d'activité comme

" L’ensemble des éléments d'actif et de passif d'une division d'une société qui constituent, du point de vue de l'organisation, une exploitation autonome, c'est-à-dire un ensemble capable de fonctionner par ses propres moyens ".

Cette définition a été reprise par l’administration dans la base BOFIP-Impôt BOI-IS-FUS-20-20-20120912, n°10 et notamment que Pour être éligible au régime de faveur, la branche complète d’activité apportée doit comprendre « tous les éléments d’actif et de passif liés directement ou indirectement à l’exploitation autonome apportée (§110) 

 LES BOFIP    Fusions et opérations assimilées

    Titre 1 : Régime de droit commun et régime spécial des fusions de sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés

    Titre 2 : Opérations assimilées aux fusions - Scissions et apports partiels d'actifs

    Titre 3 : Règles comptables et fiscales de valorisation des apports

    Titre 4 : Rétroactivité des opérations de fusions et des opérations assimilées

    Titre 5 : Situation fiscale des entreprises associées

    Titre 6 : Obligations déclaratives

Pour ouvrir droit au bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions précitées du code général des impôts, un apport partiel d'actif doit concerner une branche d'activité susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez la société apporteuse comme chez la société bénéficiaire de l'apport, sous réserve que cet apport opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine de la société apporteuse et dans des conditions permettant à la société bénéficiaire de disposer durablement de tous ces éléments.

Comme le rappelle l’administration « la qualification d’une branche complète d’activité relève de l’appréciation des faits ». en ajoutant que: « Les critères d’appréciation du caractère complet de la branche d’activité renvoient aux conditions d’exploitation de la société apporteuse et non, après réalisation de l’apport, à l’organisation de la société bénéficiaire de l’apport. »

Le conseil d’etat avait confirme  avec l analyse

Conseil d'État, 10ème / 9ème SSR, 06/12/2013, 346809

 pour ouvrir droit au bénéfice des dispositions précitées du 1 de l'article 210 B du code général des impôts, un apport partiel d'actif doit concerner une branche d'activité susceptible de faire l'objet d'une exploitation autonome chez la société apporteuse comme chez la société bénéficiaire de l'apport, sous réserve que cet apport opère un transfert complet des éléments essentiels de cette activité tels qu'ils existaient dans le patrimoine de la société apporteuse et dans des conditions permettant à la société bénéficiaire de l'apport de disposer durablement de tous ces éléments ;

en précisant par ailleurs  qu’il résulte de ces principes que, s'agissant d'un élément d'actif incorporel du fonds de commerce tel qu'une marque, la circonstance que celle-ci, détenue en pleine propriété par la société apporteuse, ne soit pas apportée en pleine propriété mais sous la forme d'un droit d'usage ne fait pas obstacle à ce que la branche d'activité soit regardée comme complète et autonome dès lors que ce droit est concédé dans des conditions permettant à la société bénéficiaire d'en disposer pour une durée suffisante sans que les stipulations du traité d'apport ne permettent à la société apporteuse de résilier discrétionnairement l'usage de la marque ;

La CAA de Bordeaux vient d’appliquer la doctrine à la lettre en refusant le régime de faveur à la société HEN.

Arrêt de la CAA de BORDEAUX du 10 novembre 2015, n°14BX01972 

Les traités d’apports « n’incluaient aucun des éléments du passif de la société requérante même inhérent expressément à l’actif apporté ».

En outre, la société apporteuse  a continué ses achats de marchandises auprès des fournisseurs habituels et revendu celles-ci aux sociétés bénéficiaire des apports. Qu’ainsi la société apporteuse conservait un rôle de « centrale d’achat ».après la réalisation de l’apport

La Cour souligne que « des éléments essentiels aux activités apportées tels qu’ils existaient dans le patrimoine de la société cédante n’ont pas été transférés chez les sociétés bénéficiaires des apports »

Ces apports partiels d’actifs ne pouvaient donc « être regardés comme concernant deux branches complètes d’activités susceptibles de faire l’objet chacune d’une exploitation autonome chez la société apporteuse comme chez la société bénéficiaire de l’apport. »

 

En refusant à la société HEN « le bénéfice de l’exonération d’imposition des plus-values prévue par les dispositions précitées du 1 de l’article 210 B du CGI, l’administration a fait une exacte application de la loi fiscale » en conclue la Cour.

 

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