Transfert frauduleux à l étranger :le fisc doit prouver l' identité exact du bénéficiaire (28 juillet 2017)
Par un arrêt très factuel en date du 20 juillet 2017, la CAA de Versailles écarte l'imposition établie par l'administration en se fondant sur les éléments de faits fournis par le contribuable.**
CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 20/07/2017, 15VE02053, Inédit au recueil Lebon
Arrêt de principe ou Arrêt d'espèce ? par Olivier Fouquet
Les éléments de faits invoqués par l'administration
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pour établir l'imposition supplémentaire en litige, l'administration, qui se fonde sur deséléments provenant d'une instruction judiciaire ouverte en 2009 à l'encontre de M.A..., à laquelle elle a pu accéder le 16 mai 2011 après avoir exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, fait valoir que, le 16 juin 2006, une somme de 11 088 103 euros appartenant à la BNP Paribas Securities Services (BPSS), où travaillait le requérant, a été transférée illégalement sur un compte de la banque CKB, au Monténégro, qui avait été ouvert le 5 juin 2006 au nom de M. C...D..., par une personne ayant présenté la copie d'un passeport établi au nom de M. C...D...A..., né le 10 mai 1975, le même jour que le requérant ;
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elle fait valoir, de même, que l'intéressé était présent au Monténégro le jour de l'ouverture de ce compte bancaire, qui, peu après, a été pratiquement soldé par deux retraits en espèces effectués les 19 et 21 juin 2006, pour des montants respectifs de cinq millions et six millions d'euros ; qu'elle déduit de ces éléments que M. A...doit être regardé comme ayant appréhendé la somme précitée, constituant ainsi une source de profit taxable à son impôt sur le revenu de l'année 2006 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application de l'article 92 du code général des impôts;
Les constatations de la CAA
Les constatations de la CAA
4. Considérant, toutefois, que M.A..., qui à ce jour, soit sept années après l'ouverture d'une information judiciaire à son encontre, n'a fait l'objet ni d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ni d'une ordonnance de non-lieu, fait valoir qu'il a été victime d'une usurpation d'identité, rendue possible par le fait, non contesté, qu'une copie dématérialisée de son passeport était détenue par la direction des ressources humaines de sa propre banque, la BPSS, et que, dans le cadre de son activité accessoire d'agent de joueurs de football, plusieurs copies de son passeport avaient été laissées à l'étranger, notamment auprès d'intermédiaires, et en outre qu'une copie certifiée conforme à l'original se trouvait également à la mairie de son domicile, avec ses avis d'imposition, pour servir de garantie et permettre à de jeunes joueurs étrangers d'obtenir un visa pour leur entrée en France ; que s'il ne nie pas avoir été présent au Monténégro le 5 juin 2006, il soutient qu'il ne pouvait se trouver dans l'agence bancaire lorsque le compte y a été ouvert, son identité ayant été usurpée par un tiers, par ailleurs mis en examen dans cette même affaire, et faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international ; qu'il établit, par ailleurs, que les 19 et 21 juin 2006, lorsque le compte destinataire du détournement de fonds a été quasiment soldé par des retraits d'espèces, il se trouvait à Paris, et n'a donc pas pu être l'auteur de ces retraits ; qu'au surplus il ressort du procès-verbal d'audition d'une employée de cette succursale de la banque CKB, que " M. C... D..., titulaire du compte, retirait ses fonds personnellement " et que personne d'autre n'était autorisé à le faire, en application des termes du document régissant le fonctionnement dudit compte, ce qui accrédite les affirmations de M. A...quant à l'usurpation d'identité dont il aurait été victime, pour les retraits de fonds en espèce, mais aussi pour l'ouverture du compte bancaire, et par voie de conséquence sur le fait qu'il n'est pas le bénéficiaire final des sommes détournées ;
5. Considérant, par ailleurs, que la seule circonstance, établie, que l'intéressé était présent à son poste de travail parisien, dans le service " prêts-emprunts " de la BPSS, le 16 juin 2016, date à laquelle un fax a été envoyé depuis l'appareil de télécopie de ce service vers celui du service " money transfert ", donnant l'ordre de virer la somme de 11 088 103 euros vers le compte de la banque CKB au Monténégro, ne suffit pas, en l'état et dans les circonstances de l'espèce, à établir formellement que M.A..., qui à cet égard met en cause sa hiérarchie, seule habilitée à opérer un virement de fonds d'une telle importance, aurait été l'auteur de cet acte de détournement de fonds ; qu'au demeurant, selon les affirmations de l'un des dirigeants de la BPSS, recueillies sur procès-verbal, aucune copie de ce fax n'a pu être retrouvée, donnant ainsi corps aux dénégations de M.A..., qui sont, dans une certaine mesure, corroborées par la circonstance qu'il a continué à travailler pour cet employeur jusqu'en 2009, et par le fait que le service vérificateur, après avoir procédé à un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2008 et 2009, n'a décelé, dans l'examen de ses comptes bancaires, de son patrimoine ou encore des éléments de son train de vie, aucun élément de nature à fonder un nouveau rappel d'imposition, ou même pouvant confirmer qu'il aurait pu appréhender tout ou partie des fonds détournés de son employeur en juin 2006 ;
6. Considérant, dès lors, que l'administration doit être regardée comme n'apportant pas la preuve, dont la charge lui incombe, que M. A...aurait bénéficié, au cours de l'année 2006, de la source de profit représentée par le détournement de la somme de 11 088 103 euros au détriment de la BPSS ; que cette somme, par suite, n'a pu légalement être réintégrée dans les bases de l'impôt sur le revenu de ce contribuable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
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