Visites domiciliaires Etablissement stable ayant méconnu ses obligations déclaratives (CASS 15.02.23 AFF OREFA (03 avril 2023)

 dedective.jpgUne société de droit étranger exerçant une activité taxable en France, bien que non-soumise à la tenue d'une comptabilité en France, peut-elle faire l'objet de présomptions de soustraction à l'établissement et au paiement des impôts visés par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en omettant de passer des écritures dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts ? 

15 février 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-13.288

la cour de cassation etabli une distinction entre les oblgations purement comptables au sens  du code de commerce et les obligations comptables au sens du code des impots 

 

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La société Orefa, société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, dont le siège est  au Luxembourg (cliquez pour lire) , elisant domicile au cabinet GRV associés,  a formé le pourvoi n° C 21-13.288 contre l'ordonnance rendue le 3 mars 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié   défendeur à la cassation

L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoit que des opérations de visites et de saisies peuvent être autorisées s'il existe des présomptions de soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires, selon des modalités limitativement énumérées :

-en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture,

-en utilisant ou en déduisant des factures ou documents ne se rapportant pas à des opérations réelles,

-en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant sciemment passer des écritures inexactes ou fictives dans les documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts.

Dans le litige ayant donné lieu à l'arrêt commenté, il était soutenu que l'autorisation donnée à l'administration fiscale, par le juge des libertés et de la détention, d'effectuer des opérations de visite et de saisies ne pouvait être donnée que si la fraude présumée avait été réalisée selon les modalités que l'article L. 16 B énumère précisément, et qu'était donc irrégulière l'autorisation d'effectuer de telles opérations dans les locaux d'une société luxembourgeoise, présumée s'être soustraite au paiement de l'impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires, en ce que cette autorisation était fondée sur des présomptions d'omissions comptables, cependant que cette société tenait une comptabilité au Luxembourg et n'était soumise à aucune obligation comptable en France.

Par deux précédents arrêts (Com., 10 février 1998, n° 95-30.221, Bull. N°68 et Com., 20 nov. 2019, n° 18-15.423) la chambre commerciale, financière et économique a jugé que les visites domiciliaires peuvent être autorisées en cas de présomptions de soustraction à l'établissement ou au paiements des impôts visés à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales par l'effet de l'un des agissements mentionnés ce texte, mais aussi lorsqu'il existe des présomptions d'agissements relevant de l'article 1741 ou de l'article 1743 du code général des impôts.

Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, le premier président de la cour d'appel s'est notamment fondé sur cette jurisprudence pour énoncer que le champ d'application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales n'était pas restreint aux seules hypothèses de présomptions de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt au moyen d'un ou plusieurs procédés visés expressément par ce texte.

Sans réaffirmer cette jurisprudence, la chambre commerciale, dans l'arrêt commenté, énonce qu'une société de droit étranger est tenue, lorsqu'elle exerce une activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, aux obligations résultant des articles 54209 et 286, I, 3°, du code général des impôts, qui exigent la passation d'écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables en France.

S'inscrivant dans la continuité de sa jurisprudence selon laquelle une présomption de manquements à des obligations comptables, au sens de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, peut se déduire de manquements à des obligations déclaratives (Com., 24 oct. 2000, n° 98-30.379 ; Com., 3 avr. 2012, n° 11-15.329), la chambre commerciale approuve ensuite le premier président d'avoir procédé à une telle déduction et retenu l'existence de présomptions d'agissements entrant dans le champ d'application de l'article L. 16 B, tout en rappelant que l'élément intentionnel de l'omission de passation d'écritures comptables n'a pas à être caractérisé au stade de l'autorisation des opérations de visite et de saisies.

Enfin, elle approuve le premier président d'avoir retenu que la mise en œuvre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre d'une société domiciliée dans un autre Etat membre de l'Union sur le fondement d'omissions comptables n'entraîne pas la violation des principes de liberté d'établissement et de non-discrimination des sociétés au sein de l'Union, dès lors que ce texte ne constitue pas une mesure fiscale interdisant, gênant ou rendant moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement, et qu'aucune disposition nationale n'exige des sociétés domiciliées dans un autre Etat membre de l'Union qui exercent une activité taxable en France par l'intermédiaire d'un établissement stable qu'elles tiennent une comptabilité complète en France, établie selon la réglementation nationale et conservée sur le territoire national, le code général des impôts prévoyant seulement qu'elles passent certaines écritures comptables permettant de justifier des opérations imposables qu'elles réalisent en France.

Il résulte donc de l'arrêt commenté qu'une société de droit étranger, qui n'est pas soumise aux règles relatives à la tenue d'une comptabilité imposées par les articles L. 123-12 à 123-24 du code de commerce, peut néanmoins, si elle exerce une activité taxable en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, être tenue à certaines obligations comptables imposées par le code général des impôts permettant de justifier de cette activité et qu'ainsi, elle est susceptible de faire l'objet de présomptions d'omissions comptables justifiant la mise en œuvre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales.

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