Un apport de titres suivi d'une revente est il un abus de droit ? (26 octobre 2010)

  disciplien.jpgDans quelles conditions un apport de titres placé en report d'imposition (CGI ancien art. 160, I ter) suivi de la revente des titres par la société peut il constituer un abus de droit

 

Les tribunes sur l'abus de droit

 

ATTENTION cette situation concernait le droit optionnel de reporter l'imposition des plus values d'apport .Qu'en sera t il dans la situation du sursis obligatoire d'imposition avant la réforme de l'abus de droit ? ( cf aff 2004-64 13 L-2-05 n° 67 du 13 avril 2005)

 

Dans deux arrêts, le conseil d'Etat , en donnant raison aux contribuables a réaffirmé le principe suivant

 

Conseil d'État,  08/10/2010, 313139

 

Conseil d'État, 08/10/2010, 301934, Inédit au recueil Lebon

 

 

Le principe

 

-          le placement en report d’imposition d’une plus-value réalisée par un contribuable, lors de l’apport de titres à une société qu’il contrôle, et qui a été suivi de leur cession par cette société, est constitutif d’un abus de droit s’il s’agit d’un montage ayant pour seule finalité de permettre au contribuable, en interposant une société, de disposer effectivement des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport ;

 

-          le placement en report d’imposition n’a en revanche pas ce caractère s’il ressort de l’ensemble de l’opération que cette société a, conformément à son objet, effectivement réinvesti le produit de ces cessions dans une activité économique ;

 

L’application du principe à la situation de fait

Conseil d'État,  08/10/2010, 313139

 

Par acte du 20 juillet 1998, M. et Mme A ont créé la société civile Majomix dont ils détenaient chacun la moitié des parts

 

Cette société, ayant pour objet social la réalisation de tous placements mobiliers ou immobiliers et la prise de participations dans des sociétés civiles ou commerciales, a immédiatement opté pour l’impôt sur les sociétés ;

par acte du 22 septembre 1998, M. et Mme A ont fait apport à la société civile Majomix, de 924 des 1 850 parts qu’ils détenaient et qui représentaient la totalité du capital de la SARL Centraudis, laquelle avait pour objet l’exploitation d’un supermarché ;

 

le 12 octobre 1998, la SARL Centraudis s’est transformée en société anonyme ;

 

par acte du 3 novembre 1998, faisant suite à un protocole d’accord signé le 19 octobre précédent, M. et Mme A, qui restaient détenteurs de 926 actions de la SA Centraudis, et la société civile Majomix, qui en détenait 924, ont vendu ces actions à la société Amidis ;

 

Faisant application de la procédure de répression des abus de droit, l’administration a remis en cause le report d’imposition, prévu par les dispositions combinées de l’article 92 B du même code et du 4 du I ter de l’article 160 du code général des impôts, sous le régime duquel M. et Mme A avaient placé la plus-value d’apport réalisée le 22 septembre 1998 ;

le comité prévu à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales a émis le 20 juin 2003 un avis favorable au maintien des redressements notifiés par l’administration ;

 

Position de l’administration

 

pour estimer que la société civile Majomix n’avait pas eu d’activité réelle, l’administration s’est fondée sur ce qu’elle avait cédé les actions de la société Centraudis, qui lui avaient été apportés par M. et Mme A, seulement quarante-trois jours après leur apport et que l’éventuelle acquisition d’un actif professionnel en remploi des liquidités dégagées par la vente de ces titres n’avait eu lieu que plusieurs années après ces opérations et postérieurement à l’envoi de la notification de redressements ;

elle en a déduit que la création de la société civile, qui ne présentait pas un intérêt particulier pour la protection du patrimoine familial des époux A, ne répondait qu’au souci de permettre aux intéressés de se placer sous le régime fiscal dérogatoire du report de l’imposition de la plus-value de 9 147 600 F qui avait été dégagée lors de l’apport de leurs 924 actions de la SA Centraudis à la société civile Majomix ;

 

Position des contribuables

 

toutefois, il résulte de l’instruction et ce qui n’est pas contesté que, conformément à son objet, la société civile Majomix a effectué au cours des années 1999 et 2000, soit antérieurement au 15 mars 2001, date de la notification de redressement adressée aux contribuables, diverses opérations d’acquisition de participations notamment dans deux sociétés implantées en Pologne ;

il n’est pas davantage contesté que cette société a acquis les titres de deux sociétés ayant pour objet respectivement la propriété et l’exploitation d’un hôtel-restaurant situé à Wasquehal (Nord) ;

 

Elle a, à ce titre, investi une somme d’environ 14 millions de francs, excédant très largement le montant du produit de la cession des titres de la société Centraudis qu’elle avait reçus en apport ;

Cette opération a nécessité la souscription d’un prêt garanti sur le patrimoine des contribuables ; que si cette acquisition est intervenue seulement en décembre 2001, elle avait été précédée dès le mois d’avril 2000 de plusieurs tentatives d’acquisition de divers fonds de commerce relatifs à des cafés ou à des hôtels-restaurants ;

au demeurant ce réinvestissement dans une activité économique du produit de la cession des actions s’est effectué dans le délai nécessaire qu’impliquaient, eu égard à l’importance et à la nature de l’investissement réalisé, des prises de contacts et des démarches préalables d’autant plus requises en l’espèce que M. et Mme A, jusqu’alors spécialisés dans la gestion d’un supermarché, changeaient de secteur d’activité ;

 

par suite  les contribuables, à supposer même que cette charge leur incombe, établissent que les actes de droit privé passés à l’occasion de leur apport suivi de la cession, par la société Majomix qu’ils contrôlaient, de leurs titres de la société Centraudis, ont été inspirés par un motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que les intéressés, s’ils n’avaient pas passé ces actes, auraient normalement supportées eu égard à leur situation et à leurs activités réelles ;

 

 par suite, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les contribuables avaient recherché le bénéfice d’une application littérale des dispositions précitées des articles 92 B et 160 du code général des impôts à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, l’administration n’était pas fondée à remettre en cause, selon la procédure de répression des abus de droit, le régime du report d’imposition de la plus-value réalisée le 22 septembre 1998 par les intéressés ;

 

D E C I D E :

 

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 11 décembre 2007 est annulé.

  

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils sont restés assujettis au titre de l’année 1998, ainsi que des pénalités correspondantes.

 

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 juin 2006 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

01:18 | Tags : conseil d'État, 08102010, 313139, 301934 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |