Une donation de "titres en report "de PV n’est pas un abus de droit si non fictive (20 mars 2012)

LES TRIBUNES SUR L ABUS DE DROIT

tintin et miloi.jpgLe conseil d'état vient de statuer sur une situation fréquemment utilisée dans le cadre de réorganisation patrimoniale

Il a jugé suivant les conclusions du rapporteur public Mme Nathalie Escaut,qu’une donation aux enfants de titres ayant fait l’objet d’une demande de report d’imposition et purgeant ainsi la plus-value en report, suivie de leur cession rapide à une société familiale, n'est pas constitutive d'un abus de droit dès lors qu'elle n'est pas fictive, même si elle est assortie de clauses limitant les droits des donataires et sans qu'il soit besoin de rechercher si l'opération de donation suivie de la cession des titres présente dans son ensemble un but exclusivement fiscal

 

CONSEIL D ETAT N° 330940  30 DECEMBRE 2011
affaire «Motte-Sauvaige

 

 

La question soumise au conseil a été clairement posée par Mme ESCAUT

Une opération consistant d’abord à procéder à une donation-partage de titres d’une société, placés sous le régime de report d’imposition des plus-values prévu par l’ancien article 92 B du code général des impôts, puis à céder ces titres à une société contrôlée par un des donateurs peut-elle être qualifiée d’abus de droit dès lors que la donation des titres a permis d’annuler la plus-value en report d’imposition ? 

Les leçons du conseil

Le Conseil d'Etat rappelle que les deux branches de l’abus de droit sont par essence exclusives l’une de l’autre :

« L’administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors

-Que ces actes ont un caractère fictif,

ou

-que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles »

 

CETTE POSITION REPREND

 

Conseil d'Etat, 7/8/9 SSR, du 10 juin 1981, 19079, publié au recueil Lebon

 

Lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elle tient de l'article 1649 quinquies B du C.G.I. dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle doit, pour pouvoir écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, établir que ces actes ont un caractère fictif ou, à défaut, qu'ils n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. Application au cas d'une société civile constituée pour prendre à bail l'exploitation d'un domaine ; l'administration n'établit pas l'existence d'un abus de droit dès lors notamment que le fonctionnement de la société a été effectif et régulier et qu'est plausible le motif selon lequel la société a été constituée pour maintenir l'unité d'une exploitation familiale.

 

 

 

 

Par ailleurs

 

« Qu’il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration n'établit pas

que l'acte de donation aurait présenté un caractère fictif ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de rechercher si l'opération de donation suivie de la cession des titres présentait dans son ensemble un but exclusivement fiscal, » 

 

comment obtenir les conclusions de Mme Escaut 

 

 

Note de P Michaud ; cette position est logique : la plus value aurait été purgée en cas de donation directe sans apport et demande de report toute chose ayant été par ailleurs identique

Le conseil d’état a en fait rétabli l’égalité entre les situations de fait similaires

Le Conseil d'Etat a bien confirme sa jurisprudence selon laquelle l'administration peut utiliser la procédure d'abus de droit pour remettre en cause les conséquences fiscales d'une opération qui s'est traduite par le report d'imposition d'une plus-value d'échange Conseil d'État, 08/10/2010, 313139

Cette question de la qualification d'abus de droit, d'une donation avant cession de titres purgeant une plus-value d'échange en report d'imposition sur demande (remplacé depuis le 1er janvier 2000 par un sursis d'imposition automatique prévu à l'article 150-0 B du CGI) était nouvelle

Le Conseil d'Etat estime ainsi qu'il y a bien eu dépouillement actuel et irrévocable des titres en faveur des donataires, au sens de l'article 894 du Code civil.

 

En clair, il n’y a pas eu retour indirect de la propriété vers les donateurs

 

La cour administrative d'appel de Douai avait estimé l'abus de droit constitué, et confirmé  les impositions supplémentaires mises à la charge des contribuables

 

C A A  de Douai, 16/06/2009, 08DA00548, Inédit au recueil Lebon

 

Le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en  considérant  que l'abus de droit n'est pas constitué, dès lors que l'intention libérale des donateurs n'est pas remise en cause par les clauses restrictives de l'acte de donation.

13:21 | Tags : conseil d etat n° 330940 31 decembre 2011 affaire «motte-sauvai | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |