PAS d'imposition mais fraude fiscale ? par Me Marc PELLETIER sur CAS CRIM du 31 mai 2017 (04 août 2017)

l avocat.jpgSes observations  sur l arrêt du 31 mai 2017 (CASS CRIM 15-82159 )

Est en cause dans l’arrêt du 31 mai 2017 la réserve du conseil constitutionnel  prohibant qu'un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond puisse être condamné pour fraude fiscale. 

En France le délit de fraude fiscal stricto sensu ,celui de l'article 1741 CGI, ne peut être poursuivi que le ministre du budget seul, qui a donc seul le droit de l’opportunité des poursuites mais après avis conforme et protecteur de la commission des infractions fiscales (art L228 LPF §2) 

Opportunité ou légalité des poursuites pénales ???? 

Le rapport 2015 de la commission des infractions fiscales 

Le rapport 2016 (embargo presse jusqu’au 26/08/17 ???) 

Ce système dit du verrou de Bercy - que de nombreux- dont EFI  –mais pas tous- estiment protecteurs du citoyen a été confirmé par le conseil constitutionnel le 22 juillet 2016 

Toutefois d’autres voies de poursuites sont ouvertes au parquet; il s’agit NOTAMMENT des poursuites pour blanchiment de fraude fiscale ou d’escroquerie fiscale

De même les fonctionnaires, notamment ceux de la DGFIP et de TRACFIN  ont l’obligation de révéler aux procureurs ces dernières infraction en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale

Note EFI cette procédure est en fait soumise à un contrôle hiérarchique dans l intérêt général certes mais aussi dans un intérêt administratif ( ?°) : éviter les procédures chonophagiques ?? 

Dans le cadre de l’analyse des décisions du conseil constitutionnel, celui-ci s’est prononcé pour que la plainte ministérielle ne vise que les infractions graves de fraude fiscale et non les affaires banales dites du « maçon turc »

Décision n° 2016-545 QPC du 24 juin 2016, M. Alec W. et autre ;
décision n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016, M. Jérôme C.

Par ailleurs le CC a émis la réserve suivant " Une sanction pénale pour fraude fiscale ne peut être appliquée à un contribuable si celui- a été définitivement jugé non redevable de l'impôt pour un motif de fond", Cette réserve  paraissait faire barrière à la jurisprudence de la cour de cassation qui marquait l’indépendance du pénal sur le juge administratif en faisant fi de la nécessité de la constatation d’un fait matériel pour l’existence d’une infraction pénale, le délit d opinion n’existant pas encore dans notre droit

Non imposable mais pénalement coupable L’affaire Smart city Suisse

Un débat d’une forte  intensité intellectuelle a eu lieu en février  2017  entre M. Robert Gelli directeur des affaires criminelles et des grâces et M. Jean-Claude Marin , Procureur général près la Cour de cassation 

Leurs interventions devant l’assemblée nationale 

Dans un arrêt du 31 mai 2017 (CASS CRIM 15-82159), la chambre criminelle de la Cour de cassation continue de retenir une interprétation restrictive des réserves d’interprétation formulées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions Cahuzac et Wildenstein du 24 juin 2016. 

On se souvient que, dans un arrêt du 22 février 2017, la chambre criminelle avait déjà refusé de faire application de la réserve précisant qu’en application du principe de nécessité des délits et des peines, les dispositions de l’article 1741 ne s’appliquent qu’aux cas les plus graves de dissimulation frauduleuse de sommes soumises à l’impôt.

Est en cause dans l’arrêt du 31 mai 2017 la réserve prohibant qu'un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond puisse être condamné pour fraude fiscale. 

Selon la Cour de cassation,
« la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2016-545 et 2016-546 QPC du 24 juin 2016, au paragraphe 13, et n° 2016-556 du 22 juillet 2016, qui porte sur certaines dispositions de l'article 1741 du code général des impôts pris isolément, et dont il résulte qu'un contribuable qui a été déchargé de l'impôt pour un motif de fond par une décision juridictionnelle devenue définitive ne peut être condamné pour fraude fiscale, ne s'applique qu'à une poursuite pénale exercée pour des faits de dissimulation volontaire d'une partie des sommes sujettes à l'impôt, et non d'omission volontaire de faire une déclaration dans les délais prescrits, et nécessite également que la décision de décharge rendue par le juge administratif ou civil concerne le même impôt ».

 Deux observations peuvent être faites

Deux observations peuvent être faites. 

La première tient à ce que la Cour de cassation se retranche derrière l’objet de la QPC tel que le Conseil constitutionnel l’a déterminé dans ses décisions du 24 juin 2016. Le Conseil a en effet précisé que la QPC portait sur les mots « soit qu'il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l'impôt » figurant dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1741 du CGI. Si cette solution a pu être approuvée (V. en ce sens la note du Président Fouquet et du doyen Hatoux à la revue de droit fiscal, n° 20, comm. 313), elle fait néanmoins peu de cas de l’autorité qui s’attache aux réserves d’interprétation en application de l’article 62 de la Constitution.

 Le Conseil constitutionnel considère que « si l'autorité attachée à une décision du Conseil constitutionnel ne peut en principe être utilement invoquée à l'encontre d'une autre loi, il n'en va pas ainsi lorsque les dispositions de cette loi ont un objet analogue à celui des dispositions législatives sur lesquelles le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé » (Cons. const., 24 février 2017, SCI Hyéroise, n° 2016-612 QPC, § 7).

Cette formule concerne aussi bien les décisions de non-conformité que les déclarations de conformité sous réserve. Le respect des décisions du Conseil constitutionnel aurait, dès lors, dû conduire la Cour à rechercher si les mots de l’article 1741 du CGI réprimant l’omission déclarative avaient un « objet analogue » à ceux réprimant la dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt sur lesquels le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans ses décisions du 24 juin 2016. 

La seconde observation tient à l’identité d’impôt requise par la Cour – exigence qui ne figure pas expressément dans les décisions du 24 juin 2016.

Même si cette condition s’inspire d’une certaine logique, son application apparaît ici malvenue. Etait en cause dans la présente affaire la qualification d’établissement stable en France d’une société étrangère. Poursuivi pénalement pour omission déclarative en matière d’IS, le dirigeant avait été considéré, au plan fiscal, comme bénéficiaire des revenus réputés distribués par le prétendu établissement stable en qualité de « maître de l’affaire ».

Dans un arrêt devenu définitif en 2014, la CAA de Paris avait prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d’IR au motif que la société ne disposait pas en France d'un établissement stable (la société n’ayant semble-t-il pas contesté les rectifications d’IS mises à sa charge, les motifs avancés devant la Cour de cassation n’en faisant pas état).

En d’autres termes, si les impôts étaient formellement distincts, les faits à l’origine des rectifications étaient en substance les mêmes (existence d’un établissement stable) et les rehaussements d’IR étaient la conséquence directe des rehaussements d’IS en raison de la présomption irréfragable de distributions qui s’attache à la qualification de « maitre de l’affaire ».

Difficilement justifiable, cette solution apparaît également contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme relative à l’article 6 de la CEDH (CEDH, 3e sect., 21 oct. 2014, n° 25129/06, Lungu et a. c/ Roumanie). ».

 

01:55 | Lien permanent | Commentaires (1) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |