Résultat d’un établissement stable : le fisc doit prouver avec pertinence (CAA Lyon 22.05.18 Skiworld (01 juin 2018)

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La société de droit britannique Skiworld Limited exerce une activité de voyagiste et vend notamment des séjours dans des stations de ski en France où elle dispose d'un établissement stable situé à Bourg-Saint-Maurice.

 A la suite d'une vérification de comptabilité débutée en février 2012, l'administration fiscale a contesté la méthode utilisée par la société pour calculer le résultat de son activité réalisée en France, et a reconstitué son résultat par application de la méthode transactionnelle de la marge nette, consistant à arrêter son bénéfice par application aux charges nettes déterminées par la société d'un coefficient issu de l'exploitation des états financiers d'entreprises comparables ;  

CAA DE LYON, 2ème chambre -, 22/05/2018, 16LY04394, Skiworld Limited uk 

L’attribution d’un résultat fiscal aux établissements stables 

Rapport de référence sur l’attribution de bénéfices aux établissements stables

.Il résulte de des dispositions  des  articles 53 A du code général des impôts  et 259 et suivants du code général des impôts.que la succursale française d'une société étrangère, alors même qu'elle n'est pas soumise à l'obligation de tenir une comptabilité selon les modalités prévues par les dispositions des articles L. 123-12 et suivants du code de commerce, doit présenter à l'administration, sur demande de celle-ci, les documents et pièces mentionnés par l'article 54 du code général des impôts de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans les déclarations qu'elle a souscrites, en application des dispositions de l'article 53 A du même code.

En outre, aux termes de l'article 286 du même code :

 

" Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit : (...) / 3° Si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas (...) / 4° Fournir aux agents des impôts (...) pour chaque catégorie d'assujettis, tant au principal établissement que dans les succursales ou agences, toutes justifications nécessaires à la fixation des opérations imposables (...) ".

 

  1. De ce fait, l'administration fiscale était en droit de réclamer à la société Skiworld Limited les documents et pièces de nature à justifier que les résultats indiqués dans les déclarations qu'elle avait souscrites retraçaient correctement les bénéfices industriels et commerciaux qui auraient été imputables à son établissement français s'il avait constitué une entité juridique indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues et traitant dans des conditions normales avec la société requérante, de même que toutes justifications nécessaires à la détermination des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée. Il n'est pas contesté que la situation de la société appelante, faute pour elle d'avoir présenté un document comptable retraçant l'ensemble des recettes et dépenses imputables à son établissement français, pouvait être assimilée à celle d'un contribuable dont la comptabilité comporte de graves irrégularités, situation qui autorisait l'administration à reconstituer le chiffre d'affaires résultant de l'activité de son établissement stable en France. 

TOUTEFOIS il appartient à l'administration de justifier de la pertinence des termes de comparaison qu'elle a retenus pour arrêter les impositions contestées. Elle ne peut, pour démontrer cette pertinence, se borner à faire valoir que l'activité déployée par le société Skiworld Limited en France ne peut être totalement comparée à celle des hôtels restaurants établis en France ou que le choix des sociétés que l'appelante propose comme termes de comparaison alternatifs serait contestable. En indiquant que le panel d'agences de voyages retenu par le service résulte d'une stratégie de recherche sur des sociétés potentiellement comparables compte tenu de leur activité de prestations de services liées au tourisme, que les actifs utilisés sont comparables et que certaines agences du panel ont accusé des pertes en 2009, l'administration n'apporte pas une réponse pertinente au constat tiré de ce que, au contraire de la société appelante, les entreprises retenues n'assurent pas elles-mêmes les prestations d'hébergement et de restauration qu'elles proposent à leurs clients.

 Eu égard à cette importante discordance, elle ne peut être regardée comme démontrant que les entreprises qu'elle a retenues étaient comparables à la société Skiworld Limited sur son activité déployée en France. Il en résulte que, faute pour l'administration d'établir, comme il lui revient de le faire en l'espèce, la pertinence de la méthode retenue pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions en décharge qu'elle avait présentées.

 

DÉCIDE :



Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2016 est annulé.
Article 2 : La société Skiword Limited est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 2008 au 30 novembre 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011. 

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