UE Double imposition et liberté d'établissement (25 mai 2010)

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LIBERTE D’ETABLISSEMENT ET DOUBLE IMPOSITION 

UE consultation publique sur la double imposition

 

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L'affaire CIBA v. HONGRIE soulève deux questions délicates le cadre de la liberté d’établissement 

       La première est celle de savoir dans quelle mesure le traité limite la compétence des États membres en matière de fiscalité directe ().

        La deuxième a trait au rôle revenant à la Cour dans l’élimination de la double imposition (). 

CJUE 15 avril 2010 affaire C‑96/08, CIBA contre Hongrie

Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston

Le traité de Lisbonne

Les tribunes sur l’U E

Les 4 libertés communautaires et leur contrôle par le fisc

 

Le Pest Megyei Bíróság (cour du comitat de Pest Hongrie) cherche à savoir si les articles 43 CE et 48 CE interdisent aux autorités fiscales hongroises de recouvrer une «contribution à la formation professionnelle» (ci-après la «contribution») calculée sur la base des coûts salariaux, en prenant en compte le nombre de salariés y compris ceux employés dans une succursale établie dans un autre État membre où la société s’acquitte des impôts et contributions dus au titre desdits salariés.  

Cadre juridique  

Le traité CE

L’article 43 CE interdit les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre.

L’article 48 CE prévoit que cette interdiction vaut également à l’égard des sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, de sorte qu’il convient de les assimiler à cet égard aux personnes physiques ressortissantes des États membres

La convention bilatérale

La convention entre la République de Hongrie et la République tchèque tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (ci-après la «convention bilatérale») régit à la fois la perception d’impôts et l’évasion fiscale dans les cas où des personnes physiques ou morales sont susceptibles d’être assujetties à un impôt dans les deux États contractants.

Les articles 1 et 2 de la convention bilatérale prévoient que la convention bilatérale s’applique aux personnes qui sont des résidents d’un des États contractants ou des deux, ainsi qu’aux impôts sur le revenu et sur la fortune, en ce compris les impôts sur le montant global des salaires payés par les entreprises.

La situation de fait

 

CIBA est une entreprise dont le siège social est situé en Hongrie et qui est soumise à l’obligation de payer la contribution à la formation professionnelle CFP.

 

Elle dispose d’une succursale en République tchèque, où elle s’acquitte des impôts et des contributions afférents aux salariés employés dans cette succursale, y compris des contributions relatives à la politique publique de l’emploi telles que prescrites par le droit national tchèque.

 

Les autorités fiscales hongroises ont mis à la charge de CIBA une CFP comprenant les coûts salariaux hongrois ,mais en y ajoutantceux afférents aux succursales établies hors du territoire national.

CIBA fait valoir que l’obligation d’acquitter la contribution à la formation professionnelle est contraire au principe de liberté d’établissement depuis l’adhésion de la Hongrie à l’Union européenne en date du 1er mai 2004 . Cette obligation pénaliserait les entreprises hongroises exerçant une liberté fondamentale du traité, dès lors qu’elles seraient tenues d’acquitter à deux reprises une contribution comparable pour les mêmes salariés: aux autorités fiscales hongroises (en raison du fait que la société a son siège social en Hongrie) et aux autorités fiscales tchèques (parce que la succursale est établie en République tchèque) . CIBA prétend qu’il s’agit d’une restriction à la liberté d’établissement garantie par les articles 43 CE et 48 CE.

En outre, s’agissant de ces employés, il ne serait pas possible de bénéficier des avantages résultant de la formation professionnelle organisée par les services du marché national hongrois de l’emploi et il serait exclu d’organiser une formation pratique, de conclure des contrats de formation ou d’octroyer des aides au développement.

CIBA considère que la réglementation hongroise relative à la CFP est susceptible de dissuader une entreprise dont le siège social se situe sur le territoire hongrois de créer un établissement dans un autre État membre.

 

Selon elle, l’obligation de payer un montant au titre de la CFP calculé sur la base des coûts salariaux d’une telle entreprise, y compris ceux relevant des employés de cet établissement, conduit à une double obligation pour autant que l’État membre dans lequel ce dernier est situé impose une charge similaire à l’égard desdits employés.

En l’occurrence, CIBA serait tenue d’acquitter une telle charge, au titre de contributions relatives à la politique publique de l’emploi de la République tchèque, pour les salariés employés dans sa succursale établie dans cet État membre.

 

 

CIBA fait en outre valoir que la CFP ne constitue pas un impôt, dès lors que, d’une part, elle est versée à un compartiment d’un fonds public dédié à la formation professionnelle distinct du budget de l’État et, d’autre part, il existe un lien direct entre les contributions et les versements de ce fonds destinés aux établissements de formation professionnelle et/ou d’enseignement conformément au droit national.

 

Selon une jurisprudence constante, la liberté d’établissement, que l’article 43 CE reconnaît aux ressortissants des États membres et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 48 CE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de l’Union européenne, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (voir, notamment, arrêts du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C‑446/03, Rec. p. I‑10837, point 30; du 12 décembre 2006, Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation, C‑374/04, Rec. p. I‑11673, point 42, ainsi que du 19 novembre 2009, Filipiak, C‑314/08, non encore publié au Recueil, point 59).

Même si, selon leur libellé, les dispositions relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre d’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (voir arrêts du 6 décembre 2007, Columbus Container Services, C‑298/05, Rec. p. I‑10451, point 33; du 23 octobre 2008, Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, C‑157/07, Rec. p. I‑8061, point 29, ainsi que Filipiak, précité, point 60).

Il est également de jurisprudence constante que doivent être considérées comme des restrictions à la liberté d’établissement toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (voir arrêts précités Columbus Container Services, point 34, et Krankenheim Ruhesitz am Wannsee-Seniorenheimstatt, point 30).


EN CONCLUSION

 

Les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle une entreprise dont le siège social est situé dans cet État est obligée de payer une contribution telle que la contribution à la formation professionnelle dont le montant est calculé sur la base de ses coûts salariaux, y compris ceux relatifs à une succursale de cette entreprise établie dans un autre État membre si, dans la pratique, une telle entreprise est empêchée, à l’égard d’une telle succursale, de bénéficier des possibilités prévues par cette réglementation de réduire ladite contribution ou d’avoir accès à celles-ci.



Voir arrêt du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837, point 29 et jurisprudence citée), et, plus récemment, arrêt du 6 décembre 2007, Columbus Container Services (C-298/05, Rec. p. I-10451, point 28 et jurisprudence citée).

En ce qui concerne les impôts sur le revenu, la double imposition peut être définie comme étant soit juridique (double imposition du même revenu auprès du même contribuable) soit économique (double imposition du même revenu auprès de deux contribuables différents – par exemple, les mêmes bénéfices sont imposés tout d’abord auprès de la société au titre de l’impôt sur les sociétés et ensuite auprès de l’actionnaire au titre de l’impôt sur le revenu). Voir conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire Test Claimants in Class IV of the ACT Group Litigation (ci-après «ACT»), points 4 et 5, où ces notions sont exposées (arrêt du 12 décembre 2006, C-374/04, Rec. p. I-11673).

Au cours de la procédure au principal, CIBA a produit une attestation faisant foi établissant le paiement d’une contribution analogue en République tchèque dont la base est également calculée à partir des coûts salariaux. Il ressort de la législation hongroise que, si CIBA était une société tchèque sise à Prague et disposant d’une succursale à Budapest, elle serait également tenue d’acquitter la contribution litigieuse

06:37 | Tags : cjue 15 avril 2010 affaire c‑9608, ciba contre hongrie | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |