UE Abus de droit européen et l’affaire FOGGIA (13 janvier 2012)

ce45a0e688d4903ae4af00c11e718272.jpgUE Abus de droit européen et l’affaire FOGGIA

 

 

Dans un arrêt FOGGIA du 10 novembre 2011, la CJUE vient de préciser les critères d’un abus de droit fiscal dans le cadre d’une fusion interne en Espagne, la directive s’appliquant aussi aux opérations nationales

 

La définition de l’abus de droit donnée par la CJUE semble convergente avec celles données par nos juridictions nationales …mais comment serait-il possible d'apporter plus de sécurité juridique aux opérateurs ?Telle est la question posée par O FOUQUET déjà en 2007

 

O FOUQUET interprétation française et
 interprétation européenne de l’abus de droit

 

L’article 11 de la directive90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 dispose en effet

 

1. Un État membre peut refuser d'appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice

Lorsque l'opération de fusion, de scission, d'apport d'actifs ou d'échange d'actions:

a) a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales; le fait qu'une des opérations visées à l'article 1er n'est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l'opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales;

b) a pour effet qu'une société, que celle-ci participe ou non à l'operation, ne remplit plus les conditions requises pour la représentation des travailleurs dans les organes de la société selon les modalités applicables avant l'opération en question.  

UE Abus de droit au sein de l'Union

UE La directive fusion est d’interprétation stricte

Un point sur la directive sur les fusions

La directive de 1990

 

 Arrêt CJUE 10 novembre 2011 affaire C‑126/10 AFF FOGGIA

 la situation de fait

 Par une opération de fusion en date du 29 septembre 2003, Foggia – SGPS, une société de droit portugais active en matière de gestion de participations sociales, a absorbé trois autres sociétés de gestion de participations sociales appartenant au même groupe.

Par une demande parvenue au Secretário de Estado le 28 novembre 2003, Foggia – SGPS a sollicité, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Colectivas CIRC, l’autorisation de déduire de ses éventuels bénéfices imposables les pertes fiscales constatées, mais non encore amorties, des sociétés absorbées pour les exercices 1997 à 2002 inclus.

Le Secretário de Estado a fait droit à ladite demande en ce qui concerne deux des trois sociétés, mais, par une décision du 6 octobre 2004, il a refusé le transfert des pertes fiscales de Riguadiana – SGPS SA (ci-après «Riguadiana»), au motif que l’opération de fusion de celle-ci avec Foggia – SGPS ne présentait aucun intérêt économique pour cette dernière.

Dans le cadre de la procédure de contestation, la CJUE  a été saie à titre préjudicielle  par le Supremo Tribunal Administrativo

Dans sa décision de renvoi, ladite juridiction rappelle que l’existence de «motifs économiques valables» constitue l’une des deux conditions cumulatives énoncées à l’article 69, paragraphe 2, du CIRC et qu’il relève du pouvoir discrétionnaire du Secretário de Estado d’apprécier si une telle condition est satisfaite. La juridiction de renvoi émet toutefois des doutes quant à la compatibilité de l’appréciation faite par le Secretário de Estado des termes «motifs économiques valables» au regard de la même notion figurant à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434.

Le droit de l’Union

Selon le neuvième considérant de la directive 90/434, «il convient de prévoir la faculté pour les États membres de refuser le bénéfice de l’application de la présente directive lorsque l’opération de fusion, de scission, d’apport d’actifs ou d’échange d’actions a pour objectif la fraude ou l’évasion fiscales […]».

L’article 6 de la directive 90/434, qui fait partie du titre II de celle-ci relatif aux règles applicables aux fusions, aux scissions et aux échanges d’actions, dispose:

«Dans la mesure où les États membres appliquent, lorsque les opérations visées à l’article 1er interviennent entre sociétés de l’État de la société apporteuse, des dispositions permettant la reprise, par la société bénéficiaire, des pertes de la société apporteuse non encore amorties du point de vue fiscal, ils étendent le bénéfice de ces dispositions à la reprise, par les établissements stables de la société bénéficiaire situés sur leur territoire, des pertes de la société apporteuse non encore amorties du point de vue fiscal.»

L’article 11 de la directive 90/434, qui figure sous le titre V de celle-ci, intitulé «Dispositions finales», prévoit à son paragraphe 1:

«Un État membre peut refuser d’appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice lorsque l’opération de fusion, de scission, d’apport d’actifs ou d’échanges d’actions:

a)a comme objectif ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales; le fait qu’une des opérations visées à l’article 1er n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l’opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales;

Il résulte de la jurisprudence de la Cour que, pour vérifier si l’opération envisagée poursuit un tel objectif, les autorités nationales compétentes ne sauraient se contenter d’appliquer des critères généraux prédéterminés, mais doivent procéder, au cas par cas, à un examen global de l’opération en cause.

Arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem, C‑28/95,

Arrêt du 15 janvier 2002, Andersen og Jensen, C‑43/00,

Arrêt du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg, C‑352/08,

En effet, l’institution d’une règle revêtant une portée générale excluant automatiquement certaines catégories d’opérations de l’avantage fiscal, sans qu’il soit tenu compte de la question de savoir s’il y a ou non effectivement évasion ou fraude fiscales, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter une telle fraude ou une telle évasion fiscales et porterait atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 90/434 (arrêt Leur-Bloem, précité, points 41 et 44).

C’est dans le cadre de cet examen global que doivent être pris en considération les éléments mentionnés par la juridiction de renvoi, à savoir le fait que, à la date de l’opération de fusion, la société absorbée n’exerçait plus aucune activité de gestion propre, qu’elle ne détenait plus aucune participation financière et que la société absorbante entendait reprendre les pertes de la société absorbée non encore amorties du point de vue fiscal.

Toutefois, aucun de ces éléments ne saurait, en tant que tel, être considéré comme décisif.

En effet, une fusion ou une restructuration effectuée sous la forme de l’absorption d’une société qui n’exerce pas d’activités et qui n’apporte pas d’actif propre à la société absorbante peut néanmoins être considérée, au regard de cette dernière, comme ayant été effectuée pour des motifs économiques valables.

De même, il n’est pas non plus exclu qu’une fusion par absorption d’une société détenant de telles pertes puisse poursuivre des motifs économiques valables dans la mesure où l’article 6 de la directive 90/434 fait expressément référence aux dispositions législatives autorisant la reprise des pertes de la société absorbée non encore amorties du point de vue fiscal.

En revanche, la circonstance que ces pertes fiscales sont d’un montant très élevé et que leur origine n’est pas clairement déterminée peut constituer un indice de fraude ou d’évasion fiscales, dès lors que l’opération de fusion par absorption d’une société sans apport d’actif ne viserait qu’à obtenir un avantage purement fiscal.

La poistion de la CJUE

L’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, doit être interprété en ce sens que,

dans le cas d’une opération de fusion entre deux sociétés d’un même groupe, peut constituer une présomption que cette opération n’est pas effectuée pour des «motifs économiques valables» au sens de cette disposition le fait que, à la date de l’opération de fusion, la société absorbée n’exerce aucune activité, ne détient aucune participation financière et ne fait que transférer à la société absorbante des pertes fiscales dont le montant est élevé et l’origine indéterminée, alors même que cette opération a un effet positif en termes d’économie de coûts structurels pour ce groupe. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, au regard de l’ensemble des circonstances caractérisant le litige dans lequel elle est appelée à statuer, si les éléments constitutifs de la présomption de fraude ou d’évasion fiscales au sens de ladite disposition sont réunis dans le cadre de ce litige.

 

01:26 | Tags : arrêt cjue 10 novembre 2011 affaire c‑12610 aff foggia | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |