Abus de droit L’arrêt Groupement Charbonnier (CE 23 juin 2014) (04 juillet 2014)

arret droit fiscal.jpg L’arrêt Groupement Charbonnier Montdiderien, 

un arrêt de synthèse didactique 

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le rapport 2013 du comité des abus de droit 

 

Le Conseil a publié le 23 juin 2014 une nouvelle décision en matière de schéma coquillard ( les bofip anti coquillards ) et fait obstacle aux prétentions de la requérante tant sur le terrain de la conformité de la procédure de l'abus de droit à la Constitution que de sa compatibilité à l'article 6 de la CEDH et au droit de l'UE.  

Par ailleurs, l’ arrêt rappelle la jurisprudence traditionnelle sur la nécessite du but exclusivement fiscal du montage contesté ;jurisprudence qui selon les praticiens aurait été écornée avec l’arret choiseul  Holding du 17  juillet 2013 (cliquer ) tout en soulignant qu’un abus de droit peut résulter d’un avantage  économique partagé 

Enfin le conseil d état fait une synthèse didactique sur un grand nombre de moyens de défenses utilisés par les parties 

Conseil d'État N° 360708 9ème et 10ème ssr 23 juin 2014 Grpt Charbonnier4

M. Laurent Olléon, rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public 

L’arrêt de la CAA de Paris censuré 

C A A de Paris, 7ème chambre , 27/04/2012, 11PA02237, 

  • La situation de fait
  • L’analyse de l abus de droit fiscal
  • Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
  • Sur l’application de l’article 6 de la CEDH
  • Sur l’application de la directive mère fille

Société A ayant acquis pour un montant de 3 315 000 euros les titres d'une société B qui avait cessé toute activité, dont les actifs étaient constitués d'obligations et qui n'employait aucun salarié. La société A s'est engagée à conserver ces titres pendant une durée de deux ans.

 

Avant la clôture de l'exercice et au cours de l'exercice suivant, la société B lui a versé des dividendes d'un montant total de 3 695 272 euros qui ont bénéficié du régime des sociétés mères prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts (CGI). Parallèlement, la société A a déduit de son résultat imposable une provision pour dépréciation des titres litigieux en application du deuxième alinéa du a ter du I de l'article 219 du même code.

Elle a ainsi dégagé d'importants déficits fiscaux.,,,

Les distributions successives de dividendes ont eu pour effet de priver la société B des moyens susceptibles de lui permettre de retrouver une activité. La société A n'a pris aucune mesure de nature à favoriser le développement des sociétés qu'elle venait d'acquérir. Les opérations litigieuses ont, en revanche, grâce à la déduction immédiate des provisions correspondant à la dépréciation des titres et à l'exonération d'impôt dont ont bénéficié, à l'exception d'une quote-part, les dividendes reçus de la société fille en application du régime des sociétés mères, permis à la société A de dégager d'importants déficits fiscaux pour partie imputables sur ses autres bénéfices et, pour le reste, reportables.... ,,Si la société A fait état d'un gain financier d'environ 400 000 euros, égal à la différence entre le montant des dividendes qu'elle a reçus de la société B et le montant de la provision qu'elle a constituée pour tenir compte de la perte de valeur consécutive à cette distribution, une telle différence comptable ne peut être regardée comme de nature à justifier le montage litigieux, dès lors qu'en l'absence de tout autre effet de l'opération, elle ne peut résulter que d'un partage de l'avantage fiscal entre le cédant et le cessionnaire de la société B.,,,

Dès lors, les opérations litigieuses doivent être regardées comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal. 

Sur la question prioritaire de constitutionnalité : 

8. la société Groupement Charbonnier Montdiderien soutient que, faute de préciser les cas de fraude à la loi susceptibles d'être sanctionnés sur leur fondement et en raison de la rétroactivité qui s'attache à l'interprétation jurisprudentielle qui en a été faite par le Conseil d'Etat, les dispositions précitées portent atteinte aux principes de légalité des délits et des peines et de non rétroactivité de la loi pénale garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à la garantie des droits résultant de l'article 16 de la même Déclaration et à l'article 34 de la Constitution ;

 toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat selon une jurisprudence constante depuis sa décision n° 19079 du 10 juin 1981, que lorsque l'administration use des pouvoirs qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Depuis sa décision n° 284565 du 28 février 2007, le Conseil d'Etat subordonne en outre la qualification d'abus de droit, s'agissant d'un acte n'ayant pas un caractère fictif, à la condition que l'acte en cause procède de la recherche du bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

au regard de cette interprétation résultant d'une jurisprudence constante, antérieure aux faits de l'espèce, l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, et le b de l'article 1729 du code général des impôts, en tant qu'il institue une majoration en cas d'abus de droit, ne présentent aucune ambiguïté en ce qui concerne la définition des infractions qu'ils sanctionnent ; 

 

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles 1729 du code général des impôts et L. 64 du livre des procédures fiscales portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ; Sur les autres moyens de la requête d'appel : 

Sur l’application de l’article 6 de la CEDH 

12.  l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au procès équitable ne peut être utilement invoqué pour contester des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même ces cotisations résultent de la mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatif à l'abus de droit en matière fiscale ; 

 le moyen tiré de ce que la méconnaissance de l'intention du législateur pour caractériser un abus de droit serait, en contrariété avec l'article 6 de la convention, un critère trop flou, ne garantissant pas une sécurité juridique suffisante pour les contribuables concernés, en particulier dans un cas comme celui de l'espèce où le législateur n'a expressément interdit les opérations litigieuses qu'après de nombreuses années ne peut donc en tout état de cause qu'être écarté ; 

Sur l’application de la directive mère fille 

13.la société Groupement Charbonnier Montdiderien soutient que l'application qui a été faite en l'espèce des dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts méconnaît les dispositions de la directive n° 2011/96/UE du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents ;

 

 toutefois, aux termes du 2 de l'article 1er de cette directive, " La présente directive ne fait pas obstacle à l'application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d'éviter les fraudes et abus " ; que, dès lors et en tout état de cause, les dispositions de cette directive ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration mette à la charge de la société des impositions supplémentaires sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

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