Gestion anormale : le prêt d'une petite fille à sa grand mère ! (02 décembre 2010)

 

ACTE ANORMALE.jpgUne petite fille peut elle provisionner un prêt à sa grand mère ? 

O FOUQUET : ACTE ANORMAL DE GESTION
ET MAUVAISE GESTION

 

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Le fait, pour une sous-filiale, de consentir une avance de trésorerie à la société mère en difficulté, qui contrôle la filiale, et avec laquelle elle n’entretient aucune relation commerciale, ne relève pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, dès lors que cette avance, même assortie du versement d’intérêts, est d’un montant manifestement hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire.

 

il n’en va autrement que si la société établit qu’en consentant cette avance, elle a agi dans son propre intérêt ; que tel serait le cas si la sous-filiale justifiait que cette avance était nécessaire pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions telles qu’elle entraînerait elle-même sa liquidation

 

Conseil d’État  22 janvier 2010 N° 313868

 

 

Mme Escaut Nathalie, commissaire du gouvernement

 

 La situation de fait

 la SOCIETE D’ACQUISITIONS IMMOBILIERES (SAI), ayant pour activité la location d’immeubles, filiale à 99,14 % de la société en nom collectif Les Nouveaux Constructeurs Rhône-Alpes, elle-même filiale à 100 % de la SA Les Nouveaux Constructeurs (LNC), a cédé le 30 juin 1993 le seul actif immobilier qu’elle possédait pour une somme de 9 100 000 F ;

Après apurement de ses dettes et remboursement de ses emprunts, elle a consenti en octobre 1993 à la SA LNC –sa grand-mère - une avance de trésorerie s’élevant à 1 935 000 F et correspondant aux liquidités dont elle disposait à l’issue de ces opérations ;

 

Elle a constitué à la clôture de son exercice le 31 décembre 1993 une provision à hauteur de 1 460 000 F pour dépréciation de cette créance en raison du risque de perte résultant de la situation financière de la SA LNC ;

 

À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a réintégré cette provision aux résultats de cet exercice, aux motifs que cette opération avait constitué un acte anormal de gestion ;

 

Le tribunal administratif et la CAA de Lyon  ont confirmé la position de l’administration

 

La position du conseil d’état

 

après avoir décrit la correction, effectuée par la société requérante, des écritures comptables initialement erronées retraçant l’opération en litige, qu’elle a qualifiée d’avance de trésorerie, et après avoir relevé que la SA LNC connaissait une situation financière difficile caractérisée par une situation nette négative de 693 500 214 F en 1992 et 1 584 828 500 F en 1993 et par un rapport entre l’actif et les dettes de 74 % en 1992 et 86 % en 1993, la cour de Lyon a jugé que l’avance de 1 935 000 F consentie par la SOCIETE D’ACQUISITIONS IMMOBILIERES à la SA LNC revêtait un caractère en principe anormal, nonobstant la stipulation d’un intérêt au taux de 5 % ;

 

Pour le conseil, ce faisant, la cour n’a entaché son arrêt ni d’insuffisance, ni de contradiction de motifs ;

 

 

En second lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l’entreprise, à l’exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ;

 

Une provision ne peut être constituée en application du 5° du 1 de l’article 39 du même code qu’en vue de faire face à des pertes ou à des charges encourues dans le cadre d’une gestion commerciale normale ;

 

Le fait, pour une sous-filiale, de consentir une avance de trésorerie à la société mère en difficulté, qui contrôle la filiale, et avec laquelle elle n’entretient aucune relation commerciale, ne relève pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, dès lors que cette avance, même assortie du versement d’intérêts, est d’un montant manifestement hors de proportion avec la solvabilité du bénéficiaire ;

 

il n’en va autrement que si la société établit qu’en consentant cette avance, elle a agi dans son propre intérêt ; que tel serait le cas si la sous-filiale justifiait que cette avance était nécessaire pour éviter la liquidation de la société mère dans des conditions telles qu’elle entraînerait elle-même sa liquidation ; qu’à défaut, l’administration est réputée apporter la preuve des faits dont elle se prévaut pour estimer que cette opération constitue un acte anormal de gestion et est fondée à réintégrer dans le bénéfice imposable les provisions constituées par la sous-filiale, et destinées à couvrir le risque de perte des sommes correspondant à cette avance ;

 

 

par ailleurs t, d’une part, qu’en jugeant que la convention de trésorerie conclue entre les entreprises du groupe, et prévoyant que leurs excédents de trésorerie seraient mis à la disposition de la SA LNC à titre d’avances à court terme, ne pouvait être interprétée comme permettant à cette société d’exiger que ces entreprises effectuent des placements à risque à son profit, la cour n’a pas dénaturé les stipulations de cette convention ; qu’en écartant comme inopérante à cet égard, au regard de la loi fiscale, l’argumentation de la société selon laquelle le recours à une gestion centralisée de la trésorerie entre des sociétés ayant entre elles des liens capitalistiques directs ou indirects était une pratique bien établie dont la validité était reconnue tant sur le plan juridique que sur le plan fiscal, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

 

d’autre part, pour confirmer le bien-fondé des redressements litigieux, la cour a jugé qu’une avance de trésorerie accordée par une société à une entreprise et, le cas échéant, le provisionnement de sa créance, ne constituaient pas un acte anormal de gestion, dès lors que cette pratique visait à la survie de cette société et ne lui faisait pas courir un risque manifestement exagéré ;

elle a souverainement relevé qu’en l’espèce, eu égard à l’absence de relations commerciales avec la SA LNC et à la disproportion entre le montant de l’avance consentie, assortie d’un intérêt de 5 %, et celui des besoins en trésorerie avérés de cette société, la SOCIETE D’ACQUISITIONS IMMOBILIERES n’établissait pas que sa survie était liée à celle de la SA LNC ;

que, si la requérante fait valoir que, même en l’absence de relations commerciales, les liens financiers et stratégiques tissés avec la SA LNC impliquent que les difficultés financières de cette société mettent en péril son activité et que l’importance de l’avance ne constitue pas un élément d’anormalité, dès lors qu’elle résulte de l’exécution de la convention de trésorerie, il résulte de ce qui a été dit plus haut qu’en statuant ainsi et en en déduisant que l’administration devait par suite être regardée comme apportant la preuve que cette avance et la provision constituée le 31 décembre 1993 ne correspondaient pas à une gestion commerciale normale, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

 

il résulte de ce qui précède que la SOCIETE D’ACQUISITIONS IMMOBILIERES n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ;

 

 

D E C I D E :

 

 

 

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE D’ACQUISITIONS IMMOBILIERES est rejeté.

 

16:41 | Tags : conseil d’État 22 janvier 2010 n° 313868 societe d'acquisition | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |