Abus de droit : SARL Garnier Choiseul Holding CE 11/04/14 (25 avril 2014)

grands arrets fiscaux.jpg REVIREMENT ou EVOLUTION DE JURISPRUDENCE ??? 

 

L’absorption d’une entité bénéficiaire par une société déficitaire 
peut être constitutive d’un abus de droit

Le conseil d’état vient de rendre le vendredi 11 avril 2014 un arrêt coup de gueule en matière d’abus de droit fiscal dans la cadre d’une fusion avec absorption de bénéfice sur des déficits reportables de l’absorbante (lire ci dessous).Les praticiens vont avoir raison de s'en émouvoir ...et de redoubler de prudence et de modestie 

Les BOFIP ANTICOQUILLARDS de juillet 2013 

 

La société qui est défenderesse dans la présente affaire d’abus de droit, est la même que dans deux décisions récentes: 

 

- d’une part, CE 17 juillet 2013 n° 352989, 9e et 10e s.-s., min. c/ SARL  Garnier Choiseul Holding : RJF 2013, n°1064 – Conclusions F. Aladjidi – sur le régime des sociétés-mères où le CE donné gain de cause à  l’administration ;  

-d’autre part , ,CE  25 juillet 2013 Ministre c. SARL Garnier Choiseul Holding, 348371,, sur le régime de l’AF où le CE  donné gain de cause à la société, dans le prolongement de la décision CE 7 septembre 2009 n° 305596, 8e et 3e s.-s., Sté Henri G RJF 12/09 n° 1139 -  concl. L. Olléon BDCF 12/09 n° 142

 

Conseil d'État, 9ème et 10ème ssr, 11/04/2014, 352999,

M. Olivier Japiot, rapporteur   M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public 

Les conclusions   LIBRES  de Frédéric Aladjidi, rapporteur public 

 

Nous pouvons tous remercier notre ami Benjamin Briguaud avocat à Londres de nous  avoir informé de cette jurisprudence si rapidement  

l'adage internationale substance over  form a en effet sa place  en fiscalité française

Alorsque le tribunal administratif et la CAA de Paris  avaient donné raison au contribuable en suivant la jurisprudence classique du motif non exclusivement fiscale, le conseil d’état   a confirmé la position de l'administration fiscale  en soutenant sans l’écrire et à notre avis implicitement que le motif de l opération était en fait  principalement fiscale c'est-à-dire en utilisant l’amendement Marini dans son esprit bien évidemment, et ce après une sévère remise en cause de l'analyse des faits 

La substance économique prend le dessus sur la substance juridique
En clair le plaidoyer  juridico -fiscalo doctrinal serait insuffisant 
devant la réalité économique ?
L'analyse économique supplante l'analyse juridique ? 
Et  la sécurité juridique est elle une nouvelle fois en péril  ?? 

Depuis plusieurs mois, nous ressentions cette modification d’approche dans laquelle l’analyse  juridique  était remplacée par une analyse économique globale 

 

Fiscalité et substance économique : un renouveau d’insécurité ?  

Montage artificiel et substance économique
 L'arrêt Financière Giraudoux Kléber, ant Vuitton Holding CAA Paris 26.11.13

Faut-il s’en étonner ? Je vous conseille de relire l’arrêt SAGAL ,ce qui m' a été rappelé par le meilleur spécialiste de l' abus de droit .Ce magistrat -dont la discrétion et l’indépendance d'esprit sont  proverbiales se reconnaîtra  

Est constitutif d’un abus de droit, au sens et pour l’application de ces dispositions, le fait pour un contribuable de participer au montage consistant à acquérir, dans le seul but d’éluder l’impôt, une participation dans une holding luxembourgeoise dépourvue de toute substance.  

O FOUQUET Le principe de neutralité fiscale des fusions 

FOUQUET Le sens des fusions: Du nouveau? 

 la situation de fait   

la société Soboco, qui exerçait une activité de marchand de biens, a acquis le 15 juillet 1999, alors que ses déficits provenant d'exercices antérieurs s'élevaient à 94 977 793 F, la totalité des titres de la société Disson pour un prix de 55 475 599 F, au moyen d'une avance consentie par la société Parisse ;

 le 25 octobre 1999, la société Soboco a absorbé la société Disson avec effet rétroactif à la date du 1er janvier 1999 ;

 la société Soboco a imputé ses déficits sur les résultats bénéficiaires de la société Disson, à hauteur de 91 841 630 F au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1999, 2 376 727 F au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2000 et 759 436 F au titre de l'exercice clos le 31 mai 2001 ; 

 l'administration, constatant que le résultat bénéficiaire de la société Disson, d'un montant de 91 841 630 F au titre de l'année 1999, avait ainsi échappé à l'impôt sur les sociétés, a remis en cause l'opération de fusion sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

elle fait également valoir qu'en raison du changement de son activité avant la fusion, la société Soboco avait perdu le droit de reporter et d'imputer ses déficits antérieurs et que les opérations d'achat et de revente des titres des sociétés Gasneuil et Sotour Fabien Bismuth, qui a permis à la société Soboco de bénéficier des avoirs fiscaux attachés aux dividendes versés par ces sociétés, sont constitutives d'une fraude à la loi ;

Le TA de paris et la CAA de Paris avaient  donné raison au contribuable 

Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre , 29/07/2011, 09PA06363, n 

Les motifs de la CAA de PARIS sont classiques 

le ministre du budget, soutient que la fusion-absorption par la société Soboco, qui était déficitaire, de la société Disson, a été réalisée dans le seul objectif d'éluder l'imposition des bénéfices de cette dernière société ; que, toutefois, cette opération a eu pour effet de permettre une simplification des structures et de la gestion comptable et financière des deux sociétés ; que la société requérante fait également valoir, sans être sérieusement contestée, qu'en l'absence de fusion avec la société Disson, elle aurait pu être contrainte à une dissolution ; qu'enfin, la fusion a également permis à la société Soboco de disposer de la trésorerie de la société Disson qui s'élevait à 85 003 928 F et d'augmenter de la sorte ses résultats grâce à la rémunération prévue par la convention de trésorerie du groupe Laurent ; ainsi, alors même que cette opération s'est révélée fiscalement avantageuse pour les deux sociétés, l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a été conçue et mise en oeuvre à des fins exclusivement fiscales ;

 

 le conseil censure avec des motivations de fermeté  

Conseil d'État  N° 352999 9ème et 10ème ssr 11 avril 2014

M. Olivier Japiot, rapporteur   M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public  

 

il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, lors de cette fusion, la société Soboco ne disposait plus des moyens humains ou financiers lui permettant d'exercer son activité et qu'elle n'a pu acquérir les parts de la société absorbée qu'avec le concours financier d'une autre filiale du groupe ; que la société Disson, même si elle disposait d'une trésorerie élevée, avait cédé tous ses moyens de production ; comme il est précisé au point 6, les domaines d'activité des deux sociétés étaient très différents et le bénéfice imposable de la société Disson au titre de l'exercice clos en 1999 était d'un montant équivalent au report déficitaire de la société Soboco ; enfin, le prix payé par celle-ci pour l'acquisition des titres de la société Disson correspondait approximativement au montant de la trésorerie de cette dernière, équivalent à son bénéfice imposable, diminué de l'impôt normalement dû à raison de celui-ci ;

dès lors, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique en jugeant que les opérations litigieuses n'étaient pas constitutives d'un abus de droit, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, d'une part, que l'objectif de restructuration était, dans les circonstances rappelées au point 6, dénué de toute portée et, d'autre part, que le gain de trésorerie était négligeable et sans commune mesure avec l'avantage fiscal retiré de ces opérations,    

il résulte de l'instruction que la fusion entre les sociétés Soboco et Disson, qui n'avait aucune justification économique, n'a pu être inspirée par aucun autre motif que de permettre l'imputation des reports déficitaires de la société Soboco sur le bénéfice imposable de la société Disson, par une application littérale des dispositions du I de l'article 209 du code général des impôts, sans avoir à solliciter l'agrément prévu au II du même article ; qu'elle était donc constitutive d'un abus de droit ;;

13:15 | Lien permanent | Commentaires (1) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |