Revirement de JP ? une donation déguisée peut être un abus de droit (cass 23.06.15) (31 juillet 2015)

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 La lettre EFI du 6 juillet 2015  

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Vers un revirement de jurisprudence  de l'abus de droit rampant 

L’abus de droit rampant est il  un abus de droit

De l’abus de droit rampant à l’abus de droit inutile
Quelques réflexions  sur l’évolution ?
Patrick MICHAUD, avocat

Par un arrêt – à la lecture très délicate - du 23 juin 2015,en donnant raison au contribuable  la chambre commerciale de la Cour de cassation fait application de la procédure de l'abus de droit "rampant", même si l'administration n'a pas explicitement reproché au contribuable, dans la proposition de rectification, le caractère fictif des actes litigieux ou leur inspiration par un motif exclusivement fiscal.

   Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 23 juin 2015, 13-19486, Publié au bulletin

l'arrêt constate que, même si l'administration n'a pas explicitement reproché à Mme X...-Y... le caractère fictif des actes litigieux ou leur inspiration par un motif exclusivement fiscal, elle s'est, dans la proposition de rectification, attachée à démontrer la réunion des éléments constitutifs d'une donation, tout en invoquant la volonté manifeste et délibérée de celle-ci d'éluder les droits dont elle était redevable, et a, dans ses écritures d'appel, soutenu que les actes en cause n'avaient que l'apparence de mutations à titre onéreux ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que l'administration s'était nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit et que, faute par elle de s'être conformée à la procédure prévue par le texte visé au moyen, la procédure de redressement et celle subséquente de recouvrement étaient entachées d'irrégularité, justifiant le dégrèvement ordonné par le tribunal ; que le moyen n'est pas fond

La situation de fait est analysée ci dessous , il s'agissait d'une cession de parts de SCI à un prix très fortement sous évalué

De nombreux professionnels s’attendaient à cette évolution  de la jurisprudence mais dans des termes plus clairs ce qui est loin d être le cas en l'espèce .

Est ce un arrêt d'espèce ou de principe,?cliquez

en tout cas l'administration va devenir plus pointilleuse et formaliste dans ses rectifications , ce qu'elle avait déjà commencé à faire par prudence budgétaire!!!

nos magistrats, civils et administratifs, sont ils  en train de redéfinir  une nouvelle approche de l’abus de droit fiscal , moins juridique et plus économique , fondée sur la recherche de la substance ou de l’apparence et en se rapprochant des définitions de la CJUE et aussi de l’IRS

Rentrons-nous encore dans une période d’insécurité juridique et fiscale ? 

La cour de cassation utilise la terminologie de l’apparence 

Une cession sous évaluée peut elle constituer

une donation déguisée constitutive d’un abus de droit ???

Dans sa décision du 23 juin 2015, abrogeant sa jurisprudence de 1988

la cour de cassation a répondu par l'affirmative.

   Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 juin 2015, 13-19486, 

 

l'arrêt  de la cour d’ appel de Paris du 23 juin 2013 constate que, même si l'administration n'a pas explicitement reproché à Mme X...-Y... le caractère fictif des actes litigieux ou leur inspiration par un motif exclusivement fiscal, elle s'est, dans la proposition de rectification, attachée à démontrer la réunion des éléments constitutifs d'une donation, tout en invoquant la volonté manifeste et délibérée de celle-ci d'éluder les droits dont elle était redevable, et a, dans ses écritures d'appel, soutenu que les actes en cause n'avaient que l'apparence de mutations à titre onéreux

 la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que l'administration s'était nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit et que, faute par elle de s'être conformée à la procédure prévue par le texte visé au moyen, la procédure de redressement et celle subséquente de recouvrement étaient entachées d'irrégularité, justifiant le dégrèvement ordonné par le tribunal ; REJETTE le pourvoi  du ministre ;

Cet arrêt marque t il un revirement par rapport à la jp de 1988 

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 22 mars 1988, 87-10.317, 

Il ne peut être reproché à un tribunal d'avoir déclaré inopposable à l'administration (note EFI qui n’avait pas  utilisé la procédure de l’ abus de droit) l'acte de vente d'un immeuble et de lui avoir restitué son véritable caractère de donation déguisée pour la perception de l'impôt dès lors que, sans renverser la charge de la preuve, et après avoir apprécié la portée des éléments versés aux débats par chacune des parties en vue d'établir la réalité de ses prétentions, il a fait ressortir que l'acte litigieux dissimulait la portée véritable de la convention sous l'apparence de stipulations ayant pour seul but d'éluder le paiement des droits de mutation à titre gratuit .  

lire aussi

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 14 mai 1985, 83-15.047, 

Le périmètre de l'abus de droit par Olivier Fouquet 

"En définitive, lorsque, le contribuable réussit son optimisation, il échappe à l’abus de droit. Lorsqu’il rate complètement son optimisation au point que celle-ci ne peut lui procurer formellement aucun avantage fiscal, il échappe également à l’abus de droit. Il faut donc être très habile ou très maladroit. En revanche, le contribuable moyennement maladroit, quant à lui, succombera."  

La jurisprudence antérieure est elle obsolète

 Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 octobre 2010, 09-68.767, Inédit 

 la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable lorsque l'administration ne fonde pas son redressement sur une dissimulation d'un acte par un autre, mais entend seulement donner leur effet légal aux actes et conventions tels qu'ils lui ont été soumis, 

Cour de Cassation, Chambre commerciale, 30 juin 1998, 96-20.536, Inédit 

'Ayant relevé que les 5/6èmes du prix énoncé aux actes du 31 août 1987 n'ont pas été payés, et que, notamment, le versement de 250 000 francs entre les mains du notaire n'a pas correspondu à un paiement effectif, le Tribunal a pu décider que, pour la part sur laquelle portait la taxation contestée, le prix n'étant pas réel, la vente n'était qu'une apparence trompeuse; 

Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 2 décembre 1997, 96-10.729, Publié au bulletin

 

 Ayant relevé que l'Administration a seulement tiré les conséquences de l'acte de renonciation à l'usufruit en notifiant un redressement au titre de droits dus pour la donation d'usufruit, opération qu'il a inexactement nommée " requalification ", et qu'elle n'a pas mis en cause la bonne foi des parties, un tribunal, qui n'a pas tenu cet acte pour fictif ou mensonger, a pu retenir que l'Administration n'avait pas agi dans le cadre des dispositions de l'article L. 64 du Livre des procédures fiscales. 

Cour de cassation, civile, Cha com, 26 octobre 2010, 09-70.927, Inédit

Qu’ayant retenu que les services fiscaux avaient seulement constaté que, sans simulation, les contrats d'assurances-vie revêtaient accessoirement et indirectement le caractère de libéralité, l'arrêt en a justement déduit que l'administration n'avait pas à mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales

 

Cour de cassation, civile, Cham com, 12 octobre 2010, 09-68.767, Inédit

 la procédure prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales n'est pas applicable lorsque l'administration ne fonde pas son redressement sur une dissimulation d'un acte par un autre, mais entend seulement donner leur effet légal aux actes et conventions tels qu'ils lui ont été soumis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

Conseil d'État, 06/05/2011, 320204, SA Imprim’Art   

« Se bornant ainsi à requalifier le contrat du 15 juin 1996 en tenant compte de la commune intention des parties, révélée lors de son exécution, l’administration fiscale ne s’est pas placée sur le terrain de l’abus de droit  

T A Chalons en Champagne  Jugement n°1301550  16 décembre 2014 (3ème ch.) 

 

Les faits  

le 22 décembre 2000 puis le 8 décembre 2001, Mme X...-Y... a acquis des parts de la société civile immobilière Olga ;

 Le 5 avril 2007, l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification sur la valeur déclarée de ces parts, en soutenant que les cessions constituaient des donations indirectes ;

Pour l’administration, » le prix retenu lors des cessions des parts de la SCI OLGA qui était respectivement 10 et 11 fois inférieur à sa valeur vénale, montre une absence totale de l'équilibre que l'on devrait trouver dans un contrat constitutif d'une vente. En l'occurrence, ce n'était  plus un simple déséquilibre, mais une vente à prix lésionnaire caractérisant une donation indirecte, l'acte comportant un avantage à titre gratuit au profit d'une partie à l'acte. Les cessions de parts ont bien été réalisées à titre onéreux, mais recèlent un important déséquilibre : au profit du bénéficiaire d'une part, au désavantage du cédant d'autre part, celui-ci réalisant une moins-value lors de cette opération » 

Après mise en recouvrement des impositions supplémentaires et rejet partiel de sa réclamation contentieuse, Mme X...-Y... a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargée de l'imposition subsistante  (sic) le tribunal puis la cour d’appel de paris  du 23 juin 2013 condamne la position de l’administration

La DGFIP se pourvoit en cassation sur cette affaire de valeur de principe

le directeur général des finances publiques fait grief à l'arrêt de la cour d’appel d'accueillir ka  demande de la contribuable alors, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, que « ne peuvent être opposés à l'administration fiscale les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevé »

en application de cet article, l'administration fiscale peut utiliser la procédure d'abus de droit pour écarter les actes fictifs ou inspirés par un motif exclusivement fiscal ce qui n’était pas le cas en l’espèce 

pour l’administration la cour d'appel a violé l'article L. 64 du livre de des procédures fiscales ;en décidant que cette procédure aurait dû être utilisée dans le cadre d'un redressement portant sur l'existence d'une donation indirecte, alors que l'administration fiscale n'a jamais invoqué une quelconque dissimulation ou fictivité

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