AUDITION DU CREDIT SUISSE AU SENAT US

Carl Levin: «Donc vous ne coopérez pas avec nous.»

Par Le Temps Economie

 

Les responsables de Credit Suisse soumis à la question sur leur activité aux Etats-Unis par le Sénat américain La direction de la deuxième banque suisse, qui s’exprime cet après-midi à Washington, assure ne pas avoir eu connaissance des fautes commises par certains employés. Retrouvez en direct les principales déclarations de Brady Dougan, suivies par notre correspondant à Washington et la rédaction à Genève

Le patron de Credit Suisse, Brady Dougan – accompagné des responsables des divisions juridique et de gestion de fortune de l’établissement – a témoigné mercredi après-midi devant le Sénat américain. De premiers documents publiés par la banque dans la matinée avaient clairement laissé entendre qu’il allait reconnaître les fautes de certains employés dans la gestion de clients américains fuyant le fisc. En assurant toutefois ne pas en avoir eu connaissance. Face aux questions insistantes et dérangeantes de parlementaires expérimentés, ces derniers n’ont eu de cesse de répéter les excuses de la banque envers ces comportements «inadmissibles».

Retrouvez ci-dessous les principales déclarations de l’après-midi:

19:00: L’audition sénatoriale prend fin après une dernière escarmouche au sujet d’un courriel ayant circulé au sein de la banque. Et dans lequel un cadre supérieur des activités de gestion de fortune aurait dit à son responsable que certains chiffres de la comptabilité des arrivées d’argent frais étaient inférieurs aux attentes. Et que ce serait lui faire «une faveur» que de les présenter de manière plus positive. Ce qui en tout état de cause rendrait «extrêmement heureux» Hans-Ulrich Meister, l’un des grands patrons de la division. «L’octroi d’une telle faveur vous aurait-il rendu extrêmement heureux M. Meister?», interpelle le sénateur Levin. Confusion et dénégation de l’intéressé.

18:00: Le sénateur Levin, revient sur l’exemple des déplacements passés du responsable des activités de gestion de fortune «offshore» en Amérique du Nord, voyage l’ayant conduit à visiter 49 clients représentant un patrimoine de 230 millions de dollars.

Carl Levin: Il était évident que cette personne menait une activité aux Etats-Unis, n’est-ce pas?

Brady Dougan: Oui.

Carl Levin: Alors pourquoi Credit Suisse a ignoré ses propres règles et accepté de payer [de tels] gens?

Brady Dougan: Je pense que c’était une erreur historique si a/nous avons accepté ces déplacements et b/nous les avons payé.

Carl Levin: N’aviez-vous point traité de «banquier-voyou» ceux s’occupant de cette clientèle? Et ceux qui approuvaient leur déplacement, n’étaient-ils également des «banquiers voyous»?

Brady Dougan: Nos enquêtes [internes] ont montré qu’ils cachaient ces activités à leurs responsables…

Carl Levin:Mais si ces détails ne sont pas caché à mes yeux, comment expliquer qu’ils l’étaient aux yeux de leurs responsables et des auditeurs de la banque?

17:45: Le sénateur Levin réagit à l’argument initial des dirigeants de Credit Suisse. Selon eux, le fait que le Sénat américain n’ait pas encore ratifié le traité de double-imposition avec Berne les empêcherait de fournir les noms des détenteurs américains de comptes. «Vous avez une loi dans votre pays qui vous empêche de donner les noms des détenteurs des comptes. Est-ce que cette loi suisse sera annulée si le traité est ratifié?», insiste l’élu démocrate du Michigan.

Face à la réponse négative des banquiers, le sénateur Levin poursuit: «Alors ne nous dites pas que ce traité nous permettra d’obtenir ce que nous voulons; bien sûr ce sera une avancée, mais nous ne pourrons obtenir ces noms qu’après avoir prouvé que la banque a été complice de leur tentative d’évasion fiscale. Or nous connaissons l’attitude de la justice helvétique en la matière. C’est le problème de l’oeuf et de la poule… Alors, non, ne dites pas à cette commission, ne dites pas au grand public, que vous nous donnerez les noms que nous cherchons.»

17:15: Carl Levin: Est-ce vrai que, les lois helvétiques vous empêchent de donner les noms des détenteurs des comptes de votre établissement, Monsieur Dougan? Est-ce vrai qu’ils n’ont pas changé leur loi?

Brady Dougan: Oui c’est le cas.

Carl Levin: Est-ce que le gouvernement suisse vous poursuivrait en justice si vous enfreigniez cette loi?

Brady Dougan: Oui.

Carl Levin: Donc vous ne coopérez pas avec nous. Car les banques suisses continuent de se cacher derrière une loi qui ne s’applique pas ici aux Etats-Unis. Et pourtant vous voulez continuer à faire du business [aux Etats-Unis]? Ce n’est pas la façon dont cela fonctionne ici.

17:00: Sénateur Tom Coburn: Combien de comptes non déclarés ont-ils été identifiés [parmi ces 22 000 comptes «offshore»]?

Romeo Cerutti: Nous avons procédé dans le sens opposé, en cherchant ceux qui étaient déclarés. A peu près 8500 sont conformes ou n’ont perdu le lien avec les Etats-Unis. En outre, 9000 ont moins de 10 000 dollars, vraiment de petits comptes. Il y a encore 650 expatriés qui pour la plupart vivent à l’étranger, pour la plupart en Suisse. Ils ont besoin d’un compte, souvent il nous prie d’ouvrir un compte parce que beaucoup de banques [ne les veulent pas]. La plupart sont en règle.

Brady Dougan: Si je puis ajouter, notre priorité numéro un est que tous ces comptes soient en règles. Nous n’avons passé beaucoup de temps à déterminer s’ils l’étaient ou pas. Nous avons fermé ces comptes, et réduit [cette activité] de 80-85%.

16:50: John McCain: «Au pic, 2006, Credit Suisse avait plus 22 000 comptes en Suisse pour des contribuables 12 milliards de dollars. Vrai?»

Brady Dougan: «Oui, c’est juste»

John McCain: «Aujourd’hui, en raison des restrictions des lois suisses, est-il vrai que Credit Suisse a livré des informations concernant 238 comptes?»

Brady Dougan: «Oui, c’est juste»

Alors l’idée que la Suisse coopère avec les Etats-Unis «est une blague» pour John McCain. Sachant que seule une partie «minuscule» des noms ont été transmis aux autorités américaines.

16:38: Carl Levin demande pour la troisième fois: «Avez-vous publiquement pressé le gouvernement suisse de vous laisser donner des noms américains?» «Oui», répondent les quatre représentants de Credit Suisse.

16:35: C’est l’heure des questions et du débat. Carl Levin attaque: «Nous voulons des noms, mais à la place vous vous cachez derrière les lois suisses…» Brady Dougan répond: «Nous sommes prêts à fournir toutes les informations dans le respect des lois.» Le problème étant, pour Credit Suisse, de devoir gérer deux juridictions différentes. Respecter l’une peut être violer l’autre.

16:32: Rob Shafir, trois décennies d’expérience de la finance américaine et ancien responsable des activités aux Etats-Unis puis de la gestion de fortune de Credit Suisse, a défendu son patron. Soulignant que ce dévouement de la banque au respect des lois avaient commencé avec l’arrivée de Brady Dougan au conseil de direction.

«Je ne dis pas que nous réussissons toujours» à détecter les problèmes au sein de la banque, a admis cet Américain. Avant de répéter que la culture de la banque était de respecter les lois américaines. Le sénateur Levin semble regarder ailleurs.

16:27: Hans-Ulrich Meister, ex co-responsable de la gestion de fortune au sein de la banque, a avoué que «certains clients avaient abusé du secret bancaire». Répétant lui aussi que le comportement de ces clients était «totalement inacceptable». Selon lui, la seule manière d’aller de l’avant, pour les activités de gestion de fortune de Credit Suisse est de traiter avec des clients américains qui se conforment aux lois américaines.

16:23: «Certains banquiers ont apparemment violé les lois américaines», a admis Romeo Cerutti, directeur juridique de la banque. Dès l’éclatement de l’affaire UBS, Credit Suisse a mis en place une nouvelle politique, a-t-il poursuivi. En demandant à ses clients de prouver qu’ils étaient en règle avec le fisc américain, et dans le cas contraire en fermant leurs comptes. «Nous pensions que nos banquiers suivraient nos règles. Nous nous trompions.» «Nous avons appris de vraies leçons, et amélioré nos standards. Les cinq dernières années ont représenté un véritable réveil pour l’industrie bancaire helvétique», a déclaré Romeo Cerutti.

16:15: Brady Dougan: «Il est absolument inacceptable pour un banquier suisse d’aider un contribuable américain à ne pas payer ses impôts.»

En guise d’introduction, le sénateur Mc Cain avait lancé l’assaut contre le «secret bancaire suisse». Présentant le comportement de Credit Suisse aux Etats-Unis comme un exemple du comportement de banques «favorisant leur rémunération bien davantage que le respect des lois». Résultat, à ses yeux, les banques sont devenues «un havre de paix pour l’évasion fiscale». Le sénateur a ensuite fustigé la «réponse inefficace» du Département américain de la Justice qui a «permis à ces pratiques [des banques suisses] de persister». Et a pointé du doigt le Credit Suisse qui, des années durant, a «prospéré en ne demandant pas à ses clients américains d’être au clair avec le fisc». Les autorités américaines «ne doivent pas donner un blanc-seing» aux banques suisses a lancé l’homme politique.

Le sénateur Coburn a lui regretté le fait que «quand vous avez un Département de la Justice qui décide d’applique la loi de façon sélective» on en arrive à ce type de situation.

16:03: Le Department of Justice (DoJ) a inculpé sept banquiers de Crédit Suisse, mais n’a pour l’heure pas réussi à les juger, regrette John McCain. «Le DoJ devrait chercher des pénalités qui reflètent les mauvaises conduites», affirme-t-il. Pour ce dernier, si l’on considère l’évasion fiscale mondiale concernant des contribuables américains, le fisc des Etats-Unis aurait été privé de près de 337 milliards de dollars de revenus.

16:00: John McCain déclare que «Credit Suisse est devenue un refuge pour l’évasion fiscale, purement et simplement». Il déplore que des banquiers ont voyagé vers les Etats-Unis soi-disant pour faire du tourisme, mais en réalité pour faire des affaires en violation des lois américaines sur la sécurité.

15:55: Dans son monologue, Carl Levin déplore les obstacles érigés par les autorités politiques suisses pour livrer des noms au Département de la justice américain.

Il salue enfin le soutien de son collègue républicain John McCain pour l’établissement de ce rapport bipartisan. Ce dernier prend la parole.

15:49: Les banquiers de Credit Suisse qui se sont rendus aux Etats-Unis ont contacté jusqu’à 30 voire 40 clients américains par voyage, a précisé Carl Levin.

15:30: Moment historique. L’audition de quatre hauts responsables de la deuxième banque helvétique par une commission sénatoriale américaine commence. Il est 10:30 du matin à Washington. «Les Américains sont en colère», commence le sénateur Carl Levin. Il a ensuite rappelé les faits reprochés aux banques suisses et notamment à UBS, détaillant certaines étapes de l’enquête qui a mené à la confection du rapport Levin.

Rapport accablant

Dans un rapport de quelque 200 pages dévoilé mardi et piloté par le même sénateur Levin, une commission d’enquête du Sénat reproche à Credit Suisse d’avoir activement aidé des clients américains à se soustraire à l’impôt.

A l’époque de grande activité offshore avec les Etats-Unis, la banque aurait servi plus de 22 000 clients totalisant une fortune de 12 milliards de francs. La plus grande partie de cette somme, soit entre 85 et 95%, aurait échappé à l’impôt.

 

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