23 décembre 2025
Règles des successions internationales Patrick MICHAUD avocat fiscaliste
patrickmichaud@orange.fr 0607269708
I. Introduction
II. Définition et cadre juridique des successions internationales
III. Loi applicable : principe de la résidence habituelle du défunt (Règlement UE 650/2012)
IV. Choix de la loi applicable et testament du défunt
V. Conflits de lois et cas concrets
.VI. Fiscalité successorale internationale : conventions fiscales et double imposition
.1. Règles internes françaises (article 750 ter du CGI)
2. Conventions fiscales internationales et prévention de la double imposition
VII. Conclusion : enjeux patrimoniaux et conseils de prudence
I. Introduction
Lorsqu'un décès présente des liens avec plusieurs pays, on parle de succession internationale. Ce type de situation survient dès qu'un élément d’extranéité est présent : par exemple, le défunt possédait des biens à l’étranger, résidait hors de France, ou comptait des héritiers vivant à l’étrangerparis.notaires.fr. Ces cas sont loin d’être rares – on estime qu’environ 450 000 successions internationales se produisent chaque année dans l’Union européenne, soit une sur dix. Les successions internationales soulèvent des questions complexes de droit international privé (conflits de lois, compétence des tribunaux) et de fiscalité successorale. Cet article propose un tour d’horizon clair et structuré de ces règles, à destination d’un public non spécialisé mais averti, notamment en matière de succession internationale, loi applicable, résidence habituelle, héritage à l’étranger et fiscalité successorale. Nous aborderons successivement le cadre juridique (notamment le Règlement UE 650/2012), le principe de la loi applicable fondé sur la résidence habituelle du défunt, le choix de loi via testament, quelques exemples concrets de conflits de lois, puis les enjeux de la fiscalité internationale des successions, avant de conclure sur les précautions patrimoniales à prendre.
II. Définition et cadre juridique des successions internationales
Une succession est dite internationale lorsqu’elle comporte des attaches avec plusieurs États (nationalité du défunt ou des héritiers, dernier domicile du défunt, localisation des biens, etc.). En présence d’une telle situation, plusieurs systèmes juridiques peuvent prétendre régir la succession, ce qui historiquement entraînait des conflits de lois. Par exemple, avant 2015, la France appliquait deux lois différentes selon la nature des biens : la loi du dernier domicile du défunt pour les biens meubles, et la loi du lieu de situation pour les immeubles. Un même patrimoine pouvait donc être scindé entre plusieurs législations, rendant le règlement de la succession complexe. De plus, les règles de chaque pays varient quant à la détermination des héritiers, des parts réservataires, ou encore quant à la responsabilité pour les dettes du défunt. Il n’est donc pas surprenant que les successions internationales aient donné lieu à des incertitudes et litiges, chaque État pouvant appliquer ses propres principes de droit international privé.
Pour apporter plus de sécurité juridique et simplifier ces successions transfrontalières, l’Union européenne a adopté le Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 (dit Règlement Successions). Ce texte, entré en application le 17 août 2015, a profondément harmonisé les règles au sein de l’UE (à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande, qui n’ont pas participé au Règlement). Le Règlement 650/2012 instaure notamment le principe d’unité successorale : une seule loi nationale est appelée à régir l’ensemble de la succession, mettant fin au morcellement entre meubles et immeubles. Par ailleurs, le Règlement définit une juridiction compétente unique (généralement celle du dernier lieu de résidence du défunt) et crée le Certificat Successoral Européen pour faciliter la reconnaissance des droits des héritiers dans les différents pays membres. Il est important de noter que ce Règlement a une portée universelle : il peut conduire à appliquer la loi d’un État tiers non membre de l’UE si les critères le désignent. En dehors du champ d’application du Règlement (par exemple pour les pays non participants ou hors UE), ce sont les règles internes de conflit de lois de chaque État qui continuent de s’appliquer, parfois sur la base de conventions internationales (telles que d’anciennes conventions bilatérales ou la Convention de La Haye de 1989, même si cette dernière n’a pas été largement ratifiée).
III. Loi applicable : principe de la résidence habituelle du défunt (Règlement UE 650/2012)
Le principe central du Règlement UE 650/2012 est que la loi applicable à l’ensemble d’une succession internationale est, par défaut, celle du pays de la dernière résidence habituelle du défunt. Concrètement, cela signifie que si une personne décède en ayant son centre de vie dans un État donné, c’est la loi successorale de cet État qui régira la transmission de tous ses biens, mobiliers comme immobiliers, où que ces biens se trouvent. Ce critère de rattachement unique simplifie considérablement les choses par rapport aux anciennes règles. Par exemple, une personne de nationalité française installée au Portugal au moment de son décès verra sa succession soumise à la loi portugaise pour l’ensemble de son patrimoine (y compris ses éventuels biens situés en France), à moins qu’elle n’ait fait un choix de loi différent de son vivant.
Le Règlement prévoit également une clause d’exception : si, « au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre » que celui de sa résidence habituelle, la loi de cet autre État peut être appliquée à titre exceptionnel. Cette situation demeure rare et nécessite une appréciation au cas par cas. En pratique, la notion de résidence habituelle se définit de manière factuelle : il s’agit du lieu où le défunt avait le centre stable de sa vie (familiale, sociale, professionnelle) au moment du décès. Cette notion peut soulever des questions dans des cas limites (par exemple, une personne vivant entre deux pays), et a déjà fait l’objet de clarifications par la jurisprudence européenne. Néanmoins, pour la majorité des successions, le dernier domicile effectif du défunt permettra de déterminer la loi applicable sans ambiguïté.
Il convient de souligner que l’adoption de la loi de la résidence habituelle unifie le régime applicable à toute succession, quel que soit le type de biens. Cette loi étrangère désignée s’applique même si elle n’est pas celle d’un pays de l’UE (grâce au caractère universel du Règlement). Par exemple, si un défunt avait sa résidence habituelle à Genève, la loi suisse sera appliquée par les autorités d’un pays de l’UE saisi de la succession, alors même que la Suisse est un État tiers. En contrepartie, un citoyen suisse résidant en France peut profiter des mécanismes du Règlement (comme le choix de loi que nous verrons ci-dessous), bien que la Suisse ne soit pas partie au Règlement. Enfin, notons que le Règlement ne s’applique qu’aux questions civiles de succession (partage, administration du patrimoine, etc.) et non aux questions fiscales ni aux régimes matrimoniaux. La fiscalité et les droits du conjoint survivant relevant du régime matrimonial restent donc soumis à d’autres règles, abordées plus loin.
IV. Choix de la loi applicable et testament du défunt
Le Règlement UE 650/2012 offre aux individus une certaine liberté dans l’organisation de leur succession internationale, via la possibilité d’un choix de loi anticipé. En effet, une personne peut de son vivant décider de soumettre sa succession à la loi de sa nationalité (plutôt qu’à celle de sa résidence habituelle). Ce choix de la loi applicable – appelé en latin professio juris – doit être exprimé explicitement dans une disposition à cause de mort, le plus souvent dans un testamentparis.notaires.fr. Il n’est possible de choisir qu’une loi nationale parmi ses nationalités (pour les personnes bi- ou multinationaux, le choix peut porter sur l’une ou l’autre des nationalités détenues).
Cette faculté de professio juris est particulièrement importante pour les expatriés. Beaucoup de personnes vivant à l’étranger préfèreront que leur succession soit régie par la loi de leur pays d’origine, plus familière à leurs yeux. Par exemple, un Français vivant aux États-Unis peut, par testament, stipuler que sa succession sera régie par la loi françaiseparis.notaires.fr. À défaut d’un tel choix, c’est la loi de la résidence habituelle qui s’appliquera par défaut (loi de l’État américain dans cet exemple). Le choix de loi permet donc d’éviter une application automatique d’une loi étrangère qui pourrait réserver des surprises ou des règles moins conformes aux volontés du défunt.
Il est essentiel de formaliser correctement ce choix de loi. Le testament (ou la disposition de dernières volontés) doit mentionner expressément la volonté du disposant de voir telle loi nationale s’appliquer à sa succession. Ce testament devra idéalement être rédigé avec l’aide d’un professionnel (notaire ou avocat) pour en garantir la validité formelle et la conformité aux exigences du Règlement. En effet, le Règlement impose que le choix de loi respecte certaines conditions de validité (notamment en ce qui concerne l’existence et l’interprétation du choix, renvoyant à l’article 22 du Règlement).
À noter : si le défunt a fait un choix de loi en faveur de sa loi nationale, cela peut aussi influencer la compétence juridictionnelle. Les héritiers pourront, dans certains cas, opter pour saisir soit les tribunaux de l’État de la dernière résidence habituelle, soit ceux de l’État de la nationalité choisie. Cela peut s’avérer utile pour régler la succession devant une juridiction familière avec la loi applicable désignée.
En résumé, le testament international est un outil de planification incontournable pour toute personne ayant des intérêts dans plusieurs pays. Il permet d’éviter l’incertitude quant à la loi applicable et de préserver, autant que possible, l’unité de traitement de la succession. Bien entendu, ce choix de loi ne dispense pas de prendre en compte d’autres aspects comme la fiscalité ou les règles impératives locales (par exemple, les règles de réserve héréditaire dans certains pays, voir section suivante).
V. Conflits de lois et cas concrets
Malgré l’harmonisation européenne, des conflits de lois peuvent encore survenir dans les successions internationales, notamment dans des situations complexes ou en dehors du champ du Règlement. Considérons quelques cas concrets pour illustrer les problèmes pratiques :
- Expatrié sans testament : Imaginons une personne de nationalité française qui vivait de longue date à l’étranger (par exemple en Australie) et qui décède sans avoir fait de testament. Du point de vue du droit français, cette succession internationale sera soumise à la loi du dernier domicile (loi australienne) en application des principes du Règlement 650/2012 (l’Australie étant un État tiers, le Règlement conduira à appliquer la loi australienne compétente). Or, le droit australien (de tradition de common law) ne connaît pas la notion de réserve héréditaire pour les enfants, à la différence du droit français. Les enfants du défunt pourraient donc être désavantagés par rapport à ce qu’ils auraient reçu sous la loi française. Ce cas de figure illustre la nécessité pour les expatriés de se renseigner sur les conséquences de la loi étrangère et d’envisager éventuellement un choix de loi en faveur de leur loi nationale pour protéger certains héritiers. En effet, la protection du conjoint et des enfants varie d’un État à l’autre et une même situation familiale peut produire des résultats très différents selon la loi applicable.
- Patrimoine dans plusieurs pays : Supposons un défunt qui possédait des biens immobiliers dans deux pays européens (par ex. en France et en Italie). Si sa résidence habituelle était en France, la loi française s’appliquera à toute succession, y compris aux biens situés en Italie, grâce à l’unification opérée par le Règlement. Les autorités italiennes devraient reconnaître cette loi applicable française, et un notaire français pourrait régler l’ensemble du patrimoine. Cependant, des complexités peuvent surgir si des biens sont situés hors UE, ou dans un pays membre non soumis au Règlement (par ex. un bien au Danemark ou au Royaume-Uni). Dans ces cas, il peut y avoir une scission partielle : la loi française s’appliquera aux biens situés dans les pays couverts par le Règlement, tandis que le bien situé dans le pays exclu sera régi par les règles locales de cet État. Par exemple, un bien immobilier situé au Royaume-Uni (qui ne participe pas au Règlement) sera soumis au droit britannique (qui applique la loi du lieu de l’immeuble). On pourrait donc avoir, pour un même défunt, une double loi applicable : la loi française pour le reste du patrimoine et la loi britannique pour cet immeuble particulier. Ce genre de situation requiert une coordination entre juristes des deux pays et l’utilisation éventuelle du Certificat successoral européen pour prouver la qualité d’héritier en France et dans l’autre État.
- Conflit avec la réserve héréditaire française : Le droit français accorde aux descendants (et à défaut aux parents) un droit à réserve héréditaire, part minimale du patrimoine dont ils ne peuvent être privés. Or, le Règlement permet à un citoyen français résidant à l’étranger de choisir la loi de son pays d’accueil, même si cette loi ignore la réserve. Cela a suscité des inquiétudes sur le risque de contournement de la réserve. En réaction, la France a adopté la loi du 24 août 2021 visant à protéger les héritiers réservataires français. Cette loi (n° 2021-1109) a introduit un alinéa 3 à l’article 913 du Code civil prévoyant un mécanisme de droit de prélèvement compensatoire sur les biens situés en France, en faveur des enfants réservataires non protégés par la loi étrangère applicable. En simplifiant, si un défunt ayant des liens avec la France laisse une succession régie par une loi étrangère ne garantissant aucune réserve aux enfants, alors ceux-ci peuvent prélever sur les actifs français de la succession la part réservataire qu’ils auraient eue selon la loi française. Ce dispositif est soumis à plusieurs conditions strictes (résidence ou nationalité européenne du défunt ou de l’enfant, absence totale de mécanisme protecteur dans la loi étrangère, etc.). Il constitue une sorte de filet de sécurité pour éviter que des enfants ne soient complètement déshérités du fait de l’application d’une loi étrangère. Néanmoins, cette loi française heurte le principe d’unité successorale du Règlement européen en introduisant, pour les biens en France, l’application partielle de la loi française en lieu et place de la loi étrangère pourtant compétente. Sa conformité au droit de l’UE n’a pas encore été tranchée par la Cour de justice (CJUE) ni par le Conseil constitutionnel. Il s’agit donc d’une zone d’incertitude juridique. Quoi qu’il en soit, cet exemple montre que, même avec un cadre harmonisé, certaines spécificités nationales (comme la protection des héritiers réservataires en France) peuvent créer des conflits de lois résiduels nécessitant une vigilance accrue.
En conclusion de ces exemples, on retiendra que chaque situation internationale a ses particularités. Il est vivement conseillé de consulter un notaire ou un avocat spécialisé en amont pour anticiper les difficultés : choix de loi par testament, aménagement du régime matrimonial, création d’une structure adéquate (comme une société civile immobilière pour des biens à l’étranger, éventuellement), etc. Le professionnel pourra également coordonner le règlement de la succession dans les différentes juridictions concernées.
VI. Fiscalité successorale internationale : conventions fiscales et double imposition
Les aspects fiscaux des successions internationales sont traités séparément des aspects civils. En effet, le Règlement UE 650/2012 n’affecte pas la fiscalité des successions, qui reste du ressort de chaque État. Ainsi, même si une succession est juridiquement régie par une seule loi nationale (par ex. la loi espagnole), chaque pays concerné peut appliquer ses propres droits de succession sur les biens ou les personnes qui le lient à cette succession. Cette indépendance des fiscalités peut conduire à des doubles impositions : deux États (ou plus) peuvent taxer simultanément une même transmission. Par exemple, si un résident français décède en laissant des biens aux États-Unis, la France et les USA sont susceptibles de réclamer un impôt sur une partie du patrimoine.
1. Règles internes françaises (article 750 ter du CGI)
En l’absence de convention fiscale entre la France et l’autre pays concerné, on applique les dispositions internes du Code général des impôts (CGI), en particulier l’article 750 ter qui définit la territorialité de l’impôt en matière de successions et donations. Simplifions ces règles :
- Si le défunt était domicilié fiscalement en France au moment du décès : tous les biens transmis, où qu’ils se trouvent, sont soumis aux droits de succession en France, quel que soit le lieu de résidence des héritiers La France taxe donc le patrimoine mondial du défunt. Toutefois, si des droits de succession ont déjà été acquittés à l’étranger sur certains biens, ces montants peuvent être imputés en déduction de l’impôt français dû (mécanisme de crédit d’impôt prévu à l’article 784 du CGI).
- Si le défunt n’était pas domicilié en France : on distingue deux sous-cas. (a) Héritiers non domiciliés en France : la France ne taxera que les biens situés en France. Les actifs du défunt localisés hors de France ne sont pas imposables en France dans cette configuration. Par exemple, si le défunt résidait à l'étranger et que l'héritier est également non-résident fiscal en France, seuls les biens du défunt situés en France sont imposables. (b) Héritier domicilié en France (depuis au moins 6 ans sur les 10 dernières années) : dans ce cas, même si le défunt était étranger et vivait à l’étranger, tous les biens transmis, en France ou hors de France, sont soumis aux droits de succession français. Cette règle vise à éviter qu’un résident français héritant d’un oncle ou parent à l’étranger ne soit avantagé fiscalement. Cependant, lorsque la France étend ainsi son imposition à des biens situés hors de France (parce qu’un héritier est résident français), l’article 784 du CGI permet également d’imputer les droits acquittés à l’étranger sur ces biens sur l’impôt français. En revanche, si l’héritier n’avait pas la durée minimale de résidence en France (moins de 6 ans sur 10), seuls les biens situés en France seront taxés.
En synthèse, hors convention internationale, la France taxe tous les biens si le défunt ou l’héritier principal est fiscalement résident en France, et ne taxe que les biens situés en France dans les autres cas. Ces dispositions ont pour but d’éviter les situations de non-imposition, mais elles engendrent potentiellement des doubles impositions lorsque d’autres pays taxent également les biens en question selon leurs propres critères (par exemple lieu de situation de l’immeuble ou nationalité du défunt).
2. Conventions fiscales internationales et prévention de la double imposition
Pour remédier à ces risques de double imposition, la France a conclu de nombreuses conventions fiscales bilatérales en matière de droits de succession (environ 30 conventions spécifiques aux successions sont en vigueur, parmi un réseau de plus de 120 conventions fiscales couvrant divers impôts). Lorsqu’une convention existe entre la France et un autre État, ses stipulations prévalent sur le droit interne. En général, ces conventions répartissent le pouvoir d’imposer entre les États signataires selon des critères précis : typiquement, l’immobilier est taxable dans le pays où il est situé, les biens mobiliers peuvent être imposés dans le pays de résidence du défunt, etc., avec des mécanismes de crédit d’impôt pour éviter la double taxation. Chaque convention ayant été négociée séparément, leur contenu n’est pas homogène. Il est donc impératif de se reporter au texte de la convention applicable à chaque situation. Par exemple, la convention fiscale France–États-Unis du 24 novembre 1978 prévoit une répartition spécifique pour l’imposition des successions franco-américaines (avec un crédit d’impôt accordé par le pays de résidence pour l’impôt payé à l’étranger). De même, la convention France–Monaco du 1er avril 1950 ne s’applique qu’aux successions de ressortissants français ou monégasques, ce qui crée une lacune pour les ressortissants d’un pays tiers décédant dans l’un de ces États. Cet exemple concret, où un Suisse domicilié à Monaco avec un immeuble en France n’entre pas dans le champ de la convention franco-monégasque, montre qu’il faut toujours vérifier attentivement le champ d’application personnel et territorial des conventions.
Même en présence d’une convention, certaines situations peuvent rester partiellement non couvertes (par exemple, beaucoup de conventions ne traitent pas des donations, ou excluent certains impôts locaux). Dans ces cas, on revient aux règles internes. Par ailleurs, l’application d’une convention fiscale n’a pas d’effet sur la loi civile applicable à la succession. On peut donc avoir une loi civile étrangère gouvernant la dévolution successorale, tout en appliquant la convention fiscale pour répartir les droits de succession entre États – les deux plans juridique et fiscal coexistent avec leurs propres règles.
En pratique, pour une succession internationale, il est crucial d’identifier s’il existe une convention fiscale entre la France et l’autre pays impliqué. L’administration fiscale française (notamment la Direction des Impôts des Non-Résidents - DINR) peut fournir des renseignements, et le site officiel BOFiP (Bulletin Officiel des Finances Publiques, accessible sur bofip.impots.gouv.fr) publie la doctrine administrative détaillée sur le sujet. Le portail du ministère des finances impots.gouv.fr propose également une rubrique dédiée aux particuliers non-résidents (impôts internationaux) pour guider les contribuables. En l’absence de convention, il conviendra de se référer strictement aux articles 750 ter et suivants du CGI et aux éventuels crédits d’impôt unilatéraux disponibles (formulaire Cerfa n°2740 pour imputer les droits payés à l’étranger, par exemple).
VII. Conclusion : enjeux patrimoniaux et conseils de prudence
Les successions internationales comportent des enjeux patrimoniaux majeurs pour les familles : différences dans la désignation des héritiers, conflits de lois possibles entre législations, lourdeurs administratives multiples, sans oublier le risque de double imposition fiscale. Face à cette complexité, la clé réside dans l’anticipation et le conseil avisé. Le Règlement UE 650/2012 a indéniablement simplifié et unifié le cadre civil au sein de l’Europe, en posant des règles claires sur la loi applicable (résidence habituelle du défunt ou loi nationale choisie) et la compétence des juridictions. Cependant, il ne supprime pas tous les problèmes : la diversité des régimes juridiques mondiaux subsiste, et certaines valeurs fondamentales (telles que la réserve héréditaire française) peuvent nécessiter des ajustements spécifiques. De même, la sphère fiscale reste fragmentée entre États et requiert une analyse distincte.
Le meilleur conseil est de planifier en amont. Toute personne ayant des attaches dans plus d’un pays (biens à l’étranger, expatriation, enfants vivant hors de France, etc.) devrait consulter un professionnel du droit (notaire, avocat) afin de : (a) faire le point sur la loi qui s’appliquerait par défaut à sa succession et sur les conséquences éventuelles (par exemple, existence ou non d’une réserve héréditaire, part du conjoint, etc.), (b) le cas échéant, rédiger un testament international pour choisir la loi la plus appropriée à sa situation familiale et patrimoniale, (c) étudier les implications fiscales et optimiser la transmission pour éviter les doubles impositions (donations de son vivant, assurance-vie, usage des conventions fiscales…), et (d) plus généralement, s’assurer que son patrimoine est structuré de façon à faciliter le règlement futur (par exemple, vérifier les titres de propriété, prévoir un mandat posthume ou une convention funéraire internationale si besoin, etc.).
En suivant ces précautions, on minimise les risques de litiges entre héritiers de différentes nationalités et de contentieux fiscaux. Les notaires, en lien avec leurs homologues étrangers si nécessaire, jouent un rôle central dans cet accompagnement. Comme le souligne le Conseil supérieur du notariat, préparer la transmission de son patrimoine dans un contexte international requiert une approche globale, à la fois civile et fiscale, afin d’éviter des déconvenues et de protéger au mieux les intérêts des proches. En définitive, les règles des successions internationales, bien que techniques, visent à assurer une certaine justice et prévisibilité dans un monde où les personnes et les biens circulent de plus en plus librement. S’en informer et s’entourer de conseils éclairés est la meilleure démarche pour aborder sereinement ces questions.
Encadré – Points clés à retenir :
- Loi applicable: Par défaut, la succession est régie par la loi du pays de la résidence habituelle du défunt (Règlement UE 650/2012). Le défunt peut toutefois choisir par testament la loi de son pays dont il a la nationalité pour sa succession.
- Unité de la succession: Une seule loi s’applique à l’ensemble du patrimoine, meubles et immeubles, évitant de scinder la succession entre plusieurs législations. Les pays de l’UE (hors Danemark, Irlande, Royaume-Uni) appliquent ce principe d’unité successorale.
- Conflits de lois résiduels: Des difficultés peuvent subsister si des biens sont situés dans des États non couverts par le Règlement ou si la loi applicable étrangère va à l’encontre de principes chers à un pays (ex : réserve héréditaire en France). La loi française a instauré en 2021 un mécanisme particulier pour protéger les enfants non réservataires lorsque la loi étrangère applicable ne les protège pas.
- Fiscalité distincte: La loi civile applicable n’a pas d’effet sur la fiscalité successorale. Chaque État peut taxer selon ses règles (domicile fiscal du défunt ou des héritiers, localisation des biens). Il faut vérifier les conventions fiscales bilatérales pour éviter les doubles impositions. En l’absence de convention, l’article 750 ter CGI prévoit que la France taxe les successions selon le domicile du défunt et des héritiers et la situation des biens, avec des crédits d’impôt possibles.
- Conseils de prudence: Anticipez ! Si vous avez un héritage à l’étranger ou des intérêts dans plusieurs pays, consultez un notaire. Rédigez un testament avec choix de loi si nécessaire, et informez-vous sur la fiscalité applicable (service-public.fr, notaires.fr, BOFiP, etc.). Une planification patrimoniale internationale évite bien des écueils et assure une transmission conforme à vos volontés et optimalisée fiscalement.
Sources officielles utiles :
- Service Public (fiche Décès à l’étranger – Successions) – Vos droits et démarches : Successions internationales (expliquant la loi applicable et les formalités) – https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F16658
- Légifrance (Code civil et Code général des impôts) – Texte du Règlement UE 650/2012paris.notaires.fr ; article 750 ter du CGI sur la territorialité fiscale; loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 (réserve héréditaire)
- Notaires de France (dossiers expatriation) – Le règlement UE n°650/2012 sur les successions internationales ; Donations et successions internationales : quelle fiscalité ?
- EUR-Lex – Texte intégral du Règlement (UE) 650/2012 sur les successions (multilingue) – https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32012R0650
- BOFiP (Bulletin Officiel des Finances Publiques) – Documentation fiscale officielle en ligne (voir notamment BOI-ENR-DMTG-10-10-30 sur l’article 750 ter, et BOI-ENR-DMTG-10-50 sur les conventions fiscales) – https://bofip.impots.gouv.fr
11:37 | Tags : règles des successions internationales patrick michaud avocat fi | Lien permanent | Commentaires (0) |
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