BNP Paribas placée sous contrôle de la justice américaine et du FBI

 

5 juillet 2014  

 

BNP Paribas placée sous contrôle de la justice américaine et du FBI

 

Anne Michel     © Le Monde

 

L'accord révélé le 30 juin prévoit une période probatoire de cinq ans de " coopération totale "

 

BNP Paribas placée sous surveillance du FBI pendant cinq ans ? Le fait semble incroyable. Il fait pourtant bien partie de l'accord à 8,9 milliards de dollars (6,6 milliards d'euros) signé par la première banque française avec les autorités américaines le 27 juin, et publié lundi 30 juin, pour s'éviter un procès dans l'affaire de la violation des embargos américains sur l'Iran, Cuba et, surtout, le Soudan.

 

Ainsi, dans le cadre du plaider-coupable (guilty plea) obtenu de la banque par le département de la justice (DOJ) américain, BNP Paribas a dû accepter des Etats-Unis une période probatoire de cinq années – jusqu'en 2019 – pendant laquelle elle s'engage à " coopérer pleinement " avec la justice américaine ou toute agence gouvernementale qui la solliciterait. Mais aussi avec l'IRS-CI (la division des investigations pénales de l'Internal Revenue Service, l'administration fiscale américaine) et… le Federal Bureau of Investigation (FBI), les services de police judiciaire et de renseignement intérieur américains.

 

Dans ces documents officiels, il est stipulé que le champ de la coopération pourra couvrir " toutes les questions " traitées dans l'enquête conduite depuis 2007 par les Américains – une enquête gigantesque, qui a conduit à l'analyse de 100 millions d'" objets ", dossiers, courriels, virements, etc.

 

Il est précisé que, par cet accord, BNP Paribas s'engage à répondre à toutes les demandes que pourraient lui adresser la justice et les enquêteurs américains " sur le groupe, ses dirigeants, ses filiales et ses salariés ", et que ces informations pourront être utilisées " à toutes fins utiles ".

 

La banque française devra fournir, dans les meilleurs délais, " tout document ou enregistrement ou autre preuve tangible " requis, même si ces pièces se trouvent dans ses implantations étrangères. En outre, elle devra signaler aux autorités tout fait potentiellement délictueux dont elle aurait connaissance.

 

BNP Paribas, principale banque française et première banque de la zone euro, placée sous contrôle des services de renseignement américains ? L'accord signé avec les autorités judiciaires américaines a de quoi interpeller la France, ses autorités de tutelle et ses dirigeants politiques, dont certains s'émeuvent déjà, en privé, du contenu et des implications de ce guilty plea.

 

Il s'agit, en somme, de la mise sous tutelle par la justice et l'administration américaines d'une entreprise stratégique qui, traitant avec de grands groupes industriels et avec les Etats, manipule d'importants secrets d'affaires…

 

Une mise sous tutelle judiciaire qui s'ajoute à la création, à New York, par BNP Paribas, d'un département dit de " sécurité financière ", chargé de contrôler la bonne application des lois américaines, et à la localisation, toujours à New York, de tous les flux financiers de la banque en dollars.

 

Un sujet européen

 

Les fautes commises par la banque – qui tombe sous le coup des lois américaines sur les embargos parce qu'elle a utilisé le dollar, mais n'a pas violé le droit français, ni même européen ou international – étaient-elles à ce prix ?

 

Le sujet pourrait bien devenir politique, et européen, au cours des prochaines semaines, alors que juristes et avocats s'accordent déjà à dire qu'il y aura un avant et un après l'affaire BNP Paribas.

 

Le ministre des finances, Michel Sapin, a pris langue avec son homologue allemand, Wolfgang Schäuble, afin d'engager un débat entre Européens sur l'hégémonie du dollar dans le commerce international et les risques juridiques désormais liés à la devise américaine.

 

Le sujet, de fait, devient européen. Après BNP Paribas, plusieurs piliers de l'industrie bancaire européenne pourraient être sanctionnés pour avoir eux aussi contourné, aux yeux des Etats-Unis, les règles américaines d'embargo : la Deutsche Bank en Allemagne, UniCredit en Italie, etc. En France, la Société générale et le Crédit agricole sont également dans le viseur des autorités américaines.

 

De surcroît, BNP Paribas n'est pas la seule banque européenne sous observation des Américains. Récemment sanctionnées par les Etats-Unis, la néerlandaise ING et les britanniques Standard Chartered et HSBC ont elles aussi été soumises à une période probatoire.

 

Anne Michel

 

 

© Le Monde

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