25 juillet 2013

Optimisation fiscale internationale des entreprises

IMPLANTATION.jpg un vrai cours de fiscalite internationale 

Rapport d’information N°1243 présenté le 10 juillet 2013

par M. Pierre-Alain Muet,M. Éric Woerth,M. Pascal Cherki, M. Charles de Courson,Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Annick Girardin,
M. Nicolas Sansu et Mme Eva Sas, membres de la mission.



Tentatives de caractérisation de l’optimisation fiscale 
par rapport à la fraude ou à l’évasion fiscale

De quoi parle-t-on ? 

Ce qui a été fait, ce qui reste à faire

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La lutte contre la fraude fiscale, aussi utile soit-elle, ne suffit pas à rétablir pleinement Le sentiment de  justice fiscale : en effet, de nombreux contribuables parviennent, sans sortir de la légalité, à échapper en tout ou partie à l’impôt.

Ces pratiques d’ « optimisation fiscale » – qui se distinguent tout à la fois de la fraude et de l’évasion en ce qu’elles ne méconnaissent en principe ni la lettre ni l’esprit de la loi – consistent notamment pour les personnes physiques à recourir aux « niches fiscales », mesures légales dérogatoires au droit commun. Mais l’optimisation fiscale est également, et peut-être surtout, le fait des entreprises. L’impôt – essentiellement l’impôt sur les bénéfices (1) – est pour elles une charge comme une autre, dont le montant diminue d’autant le profit à réinvestir ou à distribuer aux actionnaires ; il n’est donc pas étonnant qu’elles cherchent à le minimiser. Celles qui y parviennent le mieux sont en toute logique les grandes entreprises transnationales, qui ont les moyens de recourir à une ingénierie fiscale et financière pointue, qui peuvent jouer des différences de législation entre les États, et dont la structuration en groupe de sociétés permet de bénéficier de régimes favorables.

Les stratégies d’optimisation combinent en général plusieurs outils, qui peuvent être schématiquement classés en quelques grandes catégories.


 

La mission s’est d’abord fixé comme objectif d’établir un diagnostic des pratiques d’optimisation fiscale des entreprises transnationales, se fondant notamment sur les travaux déjà conduits et en cours (première partie du présent rapport). Après avoir constaté la difficulté à définir et surtout à évaluer l’ampleur de l’optimisation (I), il s’agira de montrer que les différences de législations nationales et leur articulation avec les conventions internationales sont le terreau sur lequel l’optimisation se développe (II). Sur cette base, une tentative de typologie peut être dressée (III) (4), typologie nécessairement imparfaite compte tenu de l’enchevêtrement des mécanismes à l’œuvre, bien illustré par le cas spécifique de l’économie numérique (IV).

Mais la mission se veut également prospective, en essayant de tirer des mécanismes de lutte contre l’optimisation existants des enseignements pour l’avenir (seconde partie).

Le rétablissement du pouvoir d’imposition des États, qui implique une redéfinition des critères posés par les conventions fiscales, passera par un long travail de négociations internationales, qui se pense nécessairement à moyen ou long terme (II). Les pistes d’évolution envisageables à plus court terme relèvent davantage du niveau national – qu’il s’agisse de mesures anti-abus ou d’un changement de relations entre l’administration et les contribuables – (I) et du renforcement de la transparence et de l’information (III).

 

Première partie :
l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international : de quoi parle-t-on ?
 

I un phénomène complexe à définir et à quantifier 21 

A. tentatives de caractérisation de l’optimisation fiscale 21

1. une pratique en principe légale, distincte de la fraude et de l’évasion 21

2. des techniques souvent complexes, majoritairement utilisées par les plus grandes entreprises 23

3. un critère important, mais rarement unique, des choix de développement et d’implantation des entreprises 25 

B. un phénomène difficile à mesurer 26

1. l’évolution de la part de l’impôt sur les sociétés (is) dans les recettes publiques ne permet pas de tirer de conclusions précises 26

2. les écarts entre is théorique et is réel ne permettent pas, en tant que tels, de caractériser l’existence de comportements d’optimisation. 27

3. certains flux « anormaux » d’investissements directs à l’étranger peuvent être révélateurs de comportements d’optimisation 29 

4. les chiffres parfois évoqués ne reposent sur aucune statistique réellement incontestable 30 

II. les principaux leviers de l’optimisation dans un contexte international 32 

A. l’utilisation des différences de législation entre états 32

1. les régimes fiscaux nationaux restent marqués par leur disparité 32

2. l’existence de « paradis fiscaux » accentue fortement les possibilités d’optimisation. 35

a. souvent employée, la notion de paradis fiscal ne fait pas l’objet d’une définition universelle. 35

b. les paradis fiscaux, qui peuvent être regroupés en plusieurs catégories, renforcent les attraits de l’optimisation 40

B. les effets non souhaités des conventions fiscales 42

1. les différents régimes d’imposition des bénéfices : mondialité et territorialité 42

2. le risque de double imposition 43

3. les conventions d’élimination des doubles impositions 44

4. des principes conventionnels mal adaptés à certains aspects de l’économie moderne, notamment à l’économie numérique 46

5. l’utilisation par certaines entreprises des conventions à des fins de « double non taxation » 47 

III. tentative de typologie des principales pratiques d’optimisation 49 

A l’optimisation par l’organisation des relations entre les entreprises 49 

1. les dispositions favorables à la constitution de holdings financières 49

a. le régime « mère-fille » prévu par le droit français 50

b. un exemple de régime étranger plus favorable : la participation-exemption néerlandaise 50

2. le cas particulier des « captives » d’assurance et de réassurance 51 

B. l’optimisation par le financement 52 

1. l’attractivité fiscale du financement par la dette : la déductibilité des charges financières 52

2. un intérêt fiscal accru par l’exonération de certains produits 52

3. un régime particulièrement attractif en économie ouverte : les intérêts notionnels 54

C. le recours aux instruments et entités hybrides 55

D. l’optimisation par manipulation des prix de transfert 57

1. les prix de transfert : cadre conceptuel 57

2. une problématique renouvelée par le renforcement du caractère immatériel de l’économie 62

3. des manipulations de prix de transfert particulièrement dommageables pour les pays en développement 63

4. différents types de manipulation des prix de transfert 64

a. les manipulations portant sur les transferts d’actifs corporels 64

b. les manipulations portant sur les prestations de service 64

c. les manipulations permises par la politique de financement intragroupe 65

d. les manipulations relatives à la rémunération des actifs incorporels 67

e. le cas particulier des opérations de « business restructuring » 67 

IV. la combinaison des différents outils d’optimisation dans des schémas très complexes
: le numérique 71
 

A. les spécificités de l’économie numérique permettent une stratégie fiscale qui apparaît comme la forme d’optimisation la plus aboutie 71

B. le « double irlandais et sandwich néerlandais », recette de google, est un montage particulièrement révélateur des stratégies fiscales des entreprises du numérique 72

1. le montage repose sur trois sociétés 72 

2. les bénéfices de l’entité opérationnelle située en Irlande sont fortement minorés par le versement d’une redevance aux Pays-Bas, en franchise d’impôt 73

3. les Pays-Bas jouent un rôle d’état-tunnel vers les Bermudes 73

4. les bénéfices transférés aux Bermudes n’y sont pas imposables 74

5. du fait de la réglementation américaine, les bénéfices stockés aux Bermudes ne sont pas imposables aux Etats-Unis tant qu’ils n’y sont pas rapatriés 75 

C. les entreprises du numérique ont également une stratégie d’optimisation en matière de tva 78 

Seconde partie : ce qui a été fait, ce qui reste à faire 79 

I une capacité d’action limitée au niveau national 79 

A. des mesures législatives récentes contre l’optimisation par le financement 79

1. la limitation de la déductibilité des charges financières 79

2. un régime des plus-values de cession à long terme de certains titres de participation rendu plus rigoureux 80

B. les principaux outils de contrôle des pratiques d’optimisation abusives 81

1. des outils généraux : l’abus de droit et l’acte anormal de gestion 81

a. l’abus de droit fiscal 81

b. l’acte anormal de gestion 83

2. les dispositions spécifiques relatives au contrôle des prix de transfert 84 

C. la limitation des flux financiers vers des cieux fiscaux plus cléments 89

1. les régimes spécifiques aux états et territoires à fiscalité privilégiée ou non coopératifs 89

a. la non-déductibilité de certaines charges versées dans des « paradis fiscaux » 90

b. les règles spécifiques aux versements effectués dans des états et territoires non coopératifs 90

2. les règles relatives aux sociétés étrangères contrôlées : l’article 209 b du code général des impôts 91

D les enseignements à tirer des expériences internationales d’encadrement des produits et entités hybrides 92

1. limiter les possibilités de déduction multiple d'une même dépense 92

2. limiter la déduction de flux non imposables 92

3. limiter l’exonération, au titre de l’impôt « national », de flux déductibles à l'étranger 93

4. les leçons tirées des expériences étrangères 93

E. des changements possibles dans les relations entre l’administration fiscale française et les contribuables 94

1. au-delà des contrôles fiscaux, il existe d’autres sources d’information sur les pratiques d’optimisation fiscale 94

2. des avancées ont eu lieu sur ce terrain en france, mais elles pourraient être utilement complétées 97

a. les procédures de rescrit fiscal 97

b. l’expérimentation d’une « relation de confiance » 98

c. envisager une déclaration obligatoire des schémas d’optimisation 100 

II. la nécessité d’une réflexion internationale pour modifier
les principes d’imposition des bénéfices 102
 

A. la refonte du « réseau conventionnel » est l’objectif à atteindre 102

1. la conclusion d’une convention fiscale multilatérale représente un idéal qui se heurte à plusieurs obstacles 104

2. la renégociation des conventions bilatérales est un travail de longue haleine 105 

3. à plus court terme, il convient d’envisager la redéfinition de la notion d’établissement stable, devenue obsolète du fait de la numérisation de l’économie 105

4. ces questions font désormais l’objet d’une attention particulière du g8 et du g20. 107

5. la commission européenne porte également des initiatives en ce sens 108 

B. les alternatives à la renégociation des conventions potentielles doivent être considérées avec prudence 111

1. les alternatives globales 111

a. formulary apportionment 111

b. la proposition de directive accis 113

2. les alternatives sectorielles : le numérique 116

a. les taxes spécifiques envisagées par le président de la commission des finances du sénat 116

b. la taxe « prédateur-payeur » envisagée par la mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique 118

c. le numérique comme point d’entrée de la démarche accis 119

III. à plus court terme : renforcer l’information et la transparence 120

a. l’échange d’informations entre administrations fiscales : mieux connaître l’optimisation pour mieux l’encadrer 120

1. les avancées en matière de lutte contre les paradis fiscaux 120

2. des améliorations possibles en matière d’échange d’informations 121

a. par une appréciation renouvelée de la notion d’etnc 121

b. par une attention particulière portée aux rulings des administrations fiscales étrangères 121B améliorer l’information fournie par les entreprises : la transparence pays par pays 122 

C. le « risque de réputation » comme facteur de limitation des stratégies d’optimisation 124 

conclusion 129

 

 

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