04 juin 2015

La dette de restitution du quasi-usufruitier est-elle déductible de l'actif successoral ?

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La lettre EFI du 1er juin 

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 La dette de restitution du quasi-usufruitier est-elle
déductible de l'actif successoral ?
 

La Cour d’appel de Paris qui avait a récemment rendu un arrêt ( CA Paris, 25 février 2014, n° 2012/23704, favorable à l’administration vient d’être infirmée par la cour de cassation avec renvoi dans un arret de principe Cass ch com 27 mai 2015  req n°14-16246) 

 Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16.246

La définition de quasi-usufruit résulte de l’article 587 du Code civil qui dispose que « si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, (…), l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution 

Article 587  du Code Civil  créé par loi  du 30 janvier 1804

Si l'usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l'argent, les grains, les liqueurs, l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l'usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution.

Le quasi-usufruit, c’est l’usufruit des choses qui se consomment par le premier usage. L’usufruitier a normalement l’usage et la jouissance des choses soumises à son usufruit. Or l’usage se traduit dans le quasi-usufruit par la consommation, donc par un acte de disposition.

Régime fiscal

ISF :


Au regard de l’assiette de l’ISF, l’Administration considère que l’obligation découlant de l’article 587 du Code civil ne s’analyse pas comme une dette mais comme une obligation de restitution du bien objet du quasi-usufruit. Cette obligation de restitution à la charge de l'usufruitier ne prendra naissance qu'à son décès. Cette obligation future ne constitue donc pas une dette déductible de l'assiette de l'ISF de l'usufruitier.

La déduction à titre de passif de la valeur du bien objet du quasi-usufruit viderait en effet de sa portée la règle selon laquelle l'usufruitier est imposable sur la valeur en toute propriété du bien

(BOI-PAT-ISF-30-60-20, § 50, 12 sept. 2012).

Droits de mutation à titre gratuit :

Selon l’Administration, le quasi-usufruit ne peut être distingué d’un simple usufruit pour l’application des droits de mutation à titre gratuit. En conséquence, le barème fiscal de l’article 669 du CGI s’applique en cas de donation de la nue-propriété de droits sociaux avec réserve de quasi-usufruit. 

La Cour d’appel de Paris qui avait a récemment rendu un arrêt ( CA Paris, 25 février 2014, n° 2012/23704, favorable à l’administration vient d’être infirmée par la cour de cassation avec renvoi dans un arret de principe Cass ch com 27 mai 2015 ’14-16246)

Arrêt n° 515 du 27 mai 2015 (14-16.246) - Cour de cassation - 

Des parts d'une SCI familiale sont démembrées. Une résolution de distribution de réserves prévoit que les nus propriétaires auront droit au dividende distribué mais que l'usufruitier exercera son droit de quasi-usufruit. L'argent est donc versé à l'usufruitier, à charge de restitution à son décès. 

LA POSITION DE LA COUR DE CASSATION 

dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l’usufruitier de droits sociaux s’exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire, sous la forme d’un quasi-usufruit, sur le produit de cette distribution revenant aux parts sociales grevées d’usufruit, de sorte que l’usufruitier se trouve tenu, en application du premier des textes susvisés, d’une dette de restitution exigible au terme de l’usufruit et qui, prenant sa source dans la loi, est déductible de l’actif successoral lorsque l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier ; 

LES FAITS

 Léon X..., décédé le [...], a laissé pour lui succéder son épouse, Mme Y..., et ses deux enfants, Mme Jeanne X... et M. Raphaël X... (les consorts X...) ;  la déclaration de succession ayant été enregistrée le 19 janvier 2010, les ayants droit ont déposé le 28 avril 2010 une déclaration de succession rectificative faisant état d’un passif successoral, non pris en compte lors de l’établissement de la déclaration de succession initiale, résultant selon eux d’une dette de restitution du défunt qui, usufruitier de parts sociales de la société civile [...], avait bénéficié, au titre du quasi-usufruit de l’article 587 du code civil, de la distribution de réserves décidée par assemblée du 27 septembre 2006 dont le procès-verbal mentionnait que, pour les parts sociales dont la propriété est démembrée, le nu-propriétaire aurait droit au dividende distribué mais que l’usufruitier exercerait son droit de quasi-usufruit sur le dividende distribué et que ce dividende lui serait donc payé ;

en l’absence de réponse à leur réclamation, les consorts X... ont assigné l’administration fiscale pour obtenir le remboursement des droits acquittés en trop ; soit la différence entre  les droits normalement dus soit 2 196 075 euros et les droits payés  soit 2 636 515 euros,  

pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que le droit de quasi-usufruit constitué au profit de Léon X... sur les dividendes des parts sociales démembrées résulte d’un accord de volontés entre tous les titulaires de parts sociales lors de l’assemblée des associés du 27 septembre 2006, de sorte que la dette de restitution, dont la déduction est sollicitée au passif successoral, trouve son origine, non dans la loi, mais dans la convention intervenue entre les nus-propriétaires et l’usufruitier de parts sociales pour verser les réserves distribuées sous forme de dividendes entre les mains de l’usufruitier, à charge pour lui de les restituer aux nus-propriétaires ;

il ajoute que l’accord intervenu le 27 septembre 2006 entre les associés est constitutif d’une convention entre nus-propriétaires et usufruitier de parts sociales permettant la création conventionnelle d’un quasi-usufruit sur les réserves distribuées et que la dette résultant du fait que les héritiers avaient autorisé le défunt à percevoir et utiliser ces dividendes n’était pas déductible sauf pour les héritiers, si la dette avait été consentie par acte authentique ou par acte sous seing privé ayant date certaine avant l’ouverture de la succession autrement que par décès, à prouver la sincérité de cette dette et son existence au jour de l’ouverture de la succession ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

12:09 Publié dans Bien professionnel, SUCCESSION et donation, usufruit | Lien permanent | Commentaires (1) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |

Commentaires

Si on ne déduit pas le quasi usufruit, la valeur transmise, qui était dans le patrimoine des nu propriétaires, qui a ensuite été appréhendée par l'usufruitier, serait à nouveau taxée lorsqu'elle retournerait aux nu-propriétaires, on arriverait à une double imposition.

Écrit par : Xavier | 30 mai 2015

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