Réforme du régime des sociétés de personne rapport carrez

 

Renforcer l’attractivité du territoire

Article 12  du PLFR10

        Le rapport  M. Gilles CARREZ, AN

i.– l’évolution proposée des sociétés de personnes d’une semi-transparence à l’autre. 4

1. – les sociétés de personnes : un régime fiscal historiquement fondé sur la semi-transparence ou translucidité 4

2.– les motifs d’une réforme de la semi-transparence 5

a) des nombreuses situations déjà réglées à l’international 5

b) des cas de figure non traités 6

c) des avantages fiscaux dérogatoires non applicables aux associés personnes morales 6

3.– un article complexe, procédant à de multiples arbitrages 7

4.– l’architecture de l’article et la définition de la transparence 8

ii.– les dispositions de l’article 12 10

a.– la définition des entités dites transparentes 10

b.– le principe général de la transparence et les règles de son appréciation 11

1.– le principe général de la transparence 11

2.– les règles d’appréciation de la qualité d’associé de l’entité transparente 12

3.– le fait générateur de l’impôt pour les associés 14

c.– l’adaptation des régimes d’atténuation conditionnelle 18

d.– la création d’un report en cas de restructuration de sociétés de personnes par le ii de l’article 239-0 c 19

e.– la légalisation de la jurisprudence afférente aux participations 20

f.– l’article 239-0 e : les exceptions au principe de transparence 21

g.– la « suppression » de la théorie du bilan 23

h.– les modalités spécifiques d’application de l’exonération des plus-values professionnelles des entreprises à l’impôt sur le revenu 26

i.– les modifications du régime de l’intégration fiscale rendues nécessaires par la transparence des sdp 27

j.– dispositions diverses et de coordination 29

 

En 2009, environ 240 000 sociétés de personnes déclarant un résultat cumulé de plus de 25 milliards d’euros existaient dans notre pays.

 Le présent article réforme leur régime fiscal, qui se caractérise par ce qu’il est convenu d’appeler une « semi-transparence » en application de laquelle le résultat est imposé dans le chef de leurs associés, et réforme également les règles de rattachement des revenus pour l’imposition des entreprises individuelles dont l’activité relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices agricoles (BA). Ces modifications emportent des conséquences en matière internationale, qui constitueraient la motivation initiale de la réforme du régime de semi-transparence.

Si l’objectif poursuivi par ces réformes peut se comprendre, le présent article modifie très profondément le droit applicable et soulève trois questions principales.

Premièrement, s’agissant du régime fiscal des sociétés semi-transparentes, le droit en vigueur, largement jurisprudentiel, se caractérise par une grande complexité et permet de nombreuses optimisations. L’opportunité même de maintenir sous une forme rénovée un tel régime est postulée par le présent article. Or, d’aucuns auraient pu se demander, comme le faisait le Professeur Patrick Serlooten, « quelle est la légitimité d’un régime fiscal dont le seul intérêt est de permettre d’éviter l’impôt ? » (71). Sans adhérer pleinement à ce propos, on ne peut qu’admettre que la question devrait être posée.

Il convient, en effet, de rappeler les possibilités très importantes d’optimisation d’ores et déjà ouvertes par la fiscalité des sociétés de personnes (SDP).

Les associés personnes morales imposables à l’IS « importent », en effet, leur quote-part de résultat, permettant ainsi la computation des déficits et des bénéfices. Cette « intégration sauvage », pour reprendre l’expression de certains praticiens, s’avère donc plus favorable que la détention de titres d’une société opaque (filiale à l’IS) puisque l’associé à l’IS bénéficie de fait et sans condition (ni de taux, ni de durée de détention) des effets des régimes de l’intégration fiscale et mère-fille, sans même être redevable d’une quote-part de frais et charges.

Les associés personnes physiques, du fait d’une application par transparence des règles des entreprises BIC ou BA, peuvent bénéficier d’une « dé-tunnelisation » de certains revenus et « convertir » en déficits industriels et commerciaux professionnels, imputables sans limitation sur le revenu global du contribuable, des déficits fonciers ou agricoles.

Or, deuxièmement, l’option retenue n’est pas une remise en cause globale de la semi-transparence et des avantages qui en découlent mais une adaptation de celle-ci en vue de l’accroître selon des modalités qui, en pratique, ont principalement sinon exclusivement pour effet un assouplissement de l’état du droit pour les associés personnes morales pour lesquels le degré actuel d’opacité interdit le bénéfice des principaux régimes de faveur de l’IS (intégration fiscale, régime mère-fille, taxation au taux réduit des plus-values sur cession d’actifs immobilières à certaines sociétés financières (72)) à l’exception, toutefois, de l’exonération des plus-values sur titres de participation dont l’application a d’ores et déjà été étendue par voie doctrinale aux plus-values réalisées par des sociétés de personnes imposables dans le chef d’associés soumis à l’IS.

Par ailleurs, il est proposé une mesure indépendante mais qui rétroagit sur le régime de semi-transparence. Elle consiste à remettre en cause pour les entreprises individuelles imposées aux BIC et aux BA ce qu’il est convenu d’appeler la théorie dite du bilan afin d’assurer une meilleure appréhension de la réalité de leurs revenus selon leur nature. Il n’est donc pas réellement proposé, sur ce point, de modifier la (semi-)transparence des sociétés de personnes mais plutôt de créer une sorte de transparence nouvelle de l’entreprise individuelle BIC ou BA qui se trouve s’appliquer mécaniquement aux SDP.

Le bref développement consacré par l’évaluation préalable de l’article à la question de son impact financier reproduit in extenso ci-après est d’ailleurs éclairant :

« La réforme proposée permet l’application de certains dispositifs fiscaux aux résultats des sociétés de personnes, en particulier le régime des sociétés mères et le régime de groupe.

Cette réforme met par ailleurs fin à certaines optimisations et notamment celle qui résulte de l’application de la théorie du bilan. »

Comme on le voit, l’abandon de la théorie du bilan s’analyse comme la contrepartie financière de la réforme des SDP opérée au bénéfice des personnes morales. On notera toutefois qu’aucun élément ne permet d’étayer l’idée selon laquelle la réforme se ferait à coût constant ou de justifier le fait que le rendement attendu de la mesure, probablement opportune sous réserve d’un examen plus approfondi, d’abandon de la théorie du bilan doive être « recyclé » dans l’extension de mesures de faveur.

Le Gouvernement n’a, en effet, pas été en mesure de chiffrer ni l’effet des « frottements fiscaux » (pour reprendre la terminologie retenue par l’exposé des motifs) que le présent article propose de supprimer, ni celui des « optimisations non souhaitées » qu’il propose d’interdire et, conséquemment et a fortiori, l’impact global de l’article sur les recettes. L’évaluation préalable juge, d’ailleurs, « non chiffrable » l’incidence budgétaire des dispositions proposées.

Enfin, sous réserve des observations précédentes, les conditions d’examen du présent article ne permettent en tout état de cause pas d’apprécier l’opportunité et l’impact, budgétaire, juridique et économique, de chacune des dispositions proposées, dont le commentaire ci-après ne peut fournir une analyse approfondie. Si depuis plusieurs années, le sujet du traitement des revenus et flux à l’international pose débat quant au statut hybride des sociétés de personnes françaises, le Parlement n’a pas été associé à cette réflexion et le projet de texte a été présenté à l’Assemblée nationale deux semaines avant son examen en Commission et trois semaines avant son examen en séance.

L’évaluation préalable – transmise au Rapporteur général le 23 novembre, une semaine après le dépôt du projet de loi et une semaine avant son examen en Commission (73) – évoque une consultation conduite en octobre 2010 sur un projet de texte, mais elle n’aurait été menée qu’auprès de quelques cabinets d’avocats et de l’Association française des entreprises privées, sans aucune association du Parlement et sans diffusion de ce projet de texte au Rapporteur général.

Le IV du présent article prévoit une entrée en vigueur de la réforme aux exercices et périodes d’imposition ouverts à compter du 1er janvier 2012. Il semble donc possible de différer l’examen de l’article.

I.– L’ÉVOLUTION PROPOSÉE DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES D’UNE SEMI-TRANSPARENCE À L’AUTRE

1. – Les sociétés de personnes : un régime fiscal historiquement fondé sur la semi-transparence ou translucidité

Le régime fiscal de la semi-transparence résulte principalement de l’article 8 du code général des impôts, qui trouve son origine dans l’article 3 de la loi du 31 juillet 1917 modifiée par l’article 11 de la loi du 30 juin 1923 relatif aux sociétés en nom collectif et prévoyant l’imposition de leurs associés personnellement pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.

La semi-transparence ou « translucidité » se définit par opposition, d’une part, à l’opacité des sociétés à l’impôt sur les sociétés et, d’autre part, à la transparence pure des sociétés immobilières de copropriété qui n’ont pas de personnalité distincte de celle de leurs membres (article 1655 ter du code général des impôts). Il s’est, en un siècle, étendu à diverses formes juridiques, la France se caractérisant par la profusion de formes juridiques qui font obstacle à la lisibilité du droit des sociétés comme du droit fiscal.

Les différentes catégories d’entités relevant du régime des sociétés de personnes incluent des sociétés pour lesquelles ce statut forme le régime de droit commun et qui y sont soumises pour la totalité de leurs bénéfices, des sociétés pour lesquelles ce statut forme aussi le régime de droit commun mais qui n’y sont soumises que pour une partie de leurs bénéfices, le reste relevant de l’impôt sur les sociétés, des sociétés pour lesquelles ce statut est un régime d’exception, des sociétés pour lesquelles ce statut est un régime temporaire (74).

Si la responsabilité illimitée des associés semble être le critère de rattachement au régime fiscal des sociétés de personnes, il convient de noter les exceptions que constituent les sociétés à responsabilité limitée de famille, les EURL, ainsi que les sociétés de capitaux qui peuvent temporairement opter pour le régime. De plus, certaines sociétés de personnes et groupements assimilés peuvent opter pour l’impôt sur les sociétés.

L’article 8 et les divers articles auxquels il est renvoyé ne prévoient pas les modalités d’imposition aux mains des associés, qui sont définies dans de nombreuses dispositions afférentes à l’associé par nature (BIC, BNC, IS), à la détention (démembrement, exercice à titre professionnel d’une activité), à l’imposition de la quote-part (article 238 bis K), aux divers régimes particuliers afférent aux produits. Par ailleurs, en présence d’un régime légal peu étoffé, nombre de règles ont été fixées par la jurisprudence et la doctrine.

2.– Les motifs d’une réforme de la semi-transparence

Si l’on s’en tient à l’exposé des motifs, la réforme proposée par le présent article semble initialement motivée par deux constats :

– l’existence de frottements fiscaux à l’international ;

– une opacité partielle ne permettant pas aux associés à l’impôt sur les sociétés de bénéficier des avantages fiscaux dérogatoires liés à la détention par la SDP, directement ou indirectement, d’autres sociétés.

a) Des nombreuses situations déjà réglées à l’international

Il convient de distinguer les problèmes selon la « résidence » de la SDP.

SDP françaises : La jurisprudence Sté Kingroup Inc. du Conseil d’État (CE 4 avril 1997, n° 144211) confère aux SDP la peine qualification de sujet fiscal, et ses associés non-résidents sont en principe imposables en France sur les bénéfices de la société de personnes, même s'ils n'ont pas eux-mêmes un établissement stable en France. En conséquence, les sociétés de personnes qui ont leur siège en France ont la qualité de résident de France au sens des conventions fiscales conclues par la France lorsque les conditions requises par les dispositions pertinentes de ces conventions sont remplies.

Les revenus réalisés par les SDP sont en conséquence imposables en France et ne sont pas soumis à la retenue à la source de l’article 115 quinquies du code général des impôts puisqu’il ne s’agit pas de bénéfices réalisés en France par des non résidents mais par la SDP résidente française. En revanche, aux fins de limiter le risque d’évasion fiscale, les retenues à la source sur les plus-values et revenus passifs s’appliquent.

SDP étrangères : Par sa décision « Diebold Courtage » (CE n° 191191 du 13 octobre 1999), le Conseil d'État a accepté de rechercher si les associés d'une société de personnes néerlandaise, dépourvue de la personnalité juridique et fiscalement transparente, avaient la qualité de résidents des Pays-Bas et pouvaient, à ce titre, bénéficier des dispositions de la convention fiscale franco-néerlandaise au titre des redevances perçues via la SDP.

En conséquence, l’instruction 4 H-5-07 du 29 mars 2007 prévoit que les revenus passifs de source française (dividendes, intérêts et redevances) qui bénéficient à des associés non résidents d’une SDP étrangère transparente sont éligibles au bénéfice de la convention fiscale s’ils sont résidents d’un État avec lequel la France a conclu une convention comportant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et que la SDP transparente est elle-même située dans un État avec lequel la France a conclu une convention comportant une telle clause. La transparence fiscale de la SDP étrangère est alors également admise pour l’application des retenues à la source et du prélèvement forfaitaire sur les dividendes, redevances et intérêts de source française qui bénéficient à ses associés résidents de France. Cette instruction est conforme aux recommandations de l’OCDE sur l’application du modèle de convention (75).

b) Des cas de figure non traités

À l’heure actuelle, il existerait encore des cas de doubles impositions des associés non résidents de SDP française sur des revenus de source étrangère, qui ne font que transiter par la SDP française, ou d’associés non résidents de SDP étrangères sur des revenus de source française lorsque l’associé est ressortissant d’un autre État que celui de la SDP s’agissant des revenus non passifs (ou des revenus passifs en l’absence de convention), ou d’associés résidents de SDP étrangère sur des revenus actifs de source française, ou d’associés résidents sur des revenus de source étrangère qui transitent par la SDP sans imputation, sauf disposition conventionnelle, de la retenue à la source pratiquée par l’État d’origine des revenus.

Il existerait aussi des cas de doubles exonérations éventuelles des associés français de SDP étrangères lorsque l’État de résidence de la SDP la considère comme transparente et n’impose pas l’associé non résident alors que le droit français la considère comme opaque. Pour les SDP de droit étranger dont la responsabilité des associés est limitée, les résultats et les revenus de source non française qu’elle perçoit ne sont imposés nulle part tant qu’ils ne sont pas distribués. Il en est de même pour les SDP de droit étranger dont la responsabilité des associés est illimitée, pour les résultats et les revenus de source non française qui ne sont pas imposables en France chez l’associé personne morale (règle de territorialité).

c) Des avantages fiscaux dérogatoires non applicables aux associés personnes morales

Les sociétés de personnes ou les entités assimilées sont des sujets fiscaux. En conséquence, leur interposition dans une chaîne de participations fait obstacle à l’application du régime des sociétés mères et filiales, du régime de l’intégration fiscale et du taux réduit afférent aux plus-values sur immeubles apportés à une SIIC, qui ne sera toutefois plus applicable en 2012. On soulignera que de la même façon les réductions et crédits d’impôt sur le revenu ne sont pas systématiquement applicables aux opérations réalisées par des associés personnes physiques au travers d’une SDP.

En revanche, la doctrine a autorisé (76) le bénéfice des taux réduits et de l’exonération des plus-values à long terme aux SDP imposables dans le chef d’associés soumis à l’impôt sur les sociétés. En effet, l’ensemble des revenus de la quote-part sont intégrés dans les revenus de l’associé à l’IS, donc en l’espèce au champ des plus-values à long terme. Pourtant, appliquer aux SDP l’article 219 du code général des impôts, c'est-à-dire le taux réduit et l’exonération, n’allait pas de soi, pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit l’administration fiscale à refuser l’application du régime des sociétés mères et filiales. Compte tenu de cet assouplissement doctrinal, le régime est aujourd’hui incohérent.

Enfin, la non application du régime des sociétés mères et filiales et du régime de l’intégration fiscale poserait une difficulté particulière en présence de fiducies-sûreté, qui serait à l’origine de l’échec de cette forme juridique en France. Une société qui décide, non pas de nantir les titres d’une filiale, mais de les placer en fiducie-sûreté perd le bénéfice des régimes de faveur avec sa filiale, puisque juridiquement les titres sont détenus par le créancier, cette rigidité étant toutefois consubstantielle au régime de la fiducie.

3.– Un article complexe, procédant à de multiples arbitrages

S’il avait été jugé opportun d’apporter des modifications sur ces différents points – et la question peut se poser au moins pour l’extension des régimes fiscaux favorables, donc coûteux – il eut été tout à fait possible de les traiter isolément, par des dispositions spécifiques (modification des règles sur l’imposition des revenus en lien avec des entités ou de source étrangère permettant un changement de doctrine, modification du régime de la fiducie).

Le présent article propose à l’inverse une réforme d’ampleur au plan fiscal. Elle ne permettra absolument pas de disposer de dispositions plus simples. Elle entend permettre en revanche d’assurer une plus grande lisibilité des règles applicables aux sociétés de personnes et assimilées.

Le présent article propose de regrouper dans un chapitre intitulé « Régime fiscal des entités transparentes » l’essentiel du régime fiscal applicable aux sociétés de personnes, de dresser la liste de ces entités, de poser le principe de leur transparence, de prévoir les modalités d’application des différents articles du code général des impôts quant à la fiscalisation de leurs revenus en légalisant du droit jurisprudentiel et en tentant d’appréhender de manière transparente les revenus imposés dans les mains des associés. Un article spécifique est également créé pour viser les dérogations au principe de transparence. De nombreux articles du code général des impôts sont également modifiés par coordination, mais aussi de façon complémentaire, la fiscalité applicable aux entités transparentes n’étant pas intégralement fixée dans le nouveau chapitre.

Cependant, l’effroyable complexité du droit applicable, essentiellement jurisprudentiel et doctrinal, et les divers angles morts sont de nature à créer des incertitudes juridiques quant à la portée de l’article : quels sont concrètement les changements, les continuités et les solutions créées ? La consultation conduite en mai-juin de cette année qui portait sur un document présentant l’architecture de la réforme (sans la formaliser juridiquement) a d’ailleurs suscité autant de remarques sur l’opportunité des choix, que d’interrogations sur leurs implications. Il eût sans doute été utile de disposer sur le projet de texte lui-même de l’avis de l’ensemble des personnes qui avaient à l’époque fait part de leurs commentaires.

Il n’en demeure pas moins que le texte proposé ne répond pas à toutes les questions. Au contraire, la comparaison entre le document de consultation, les commentaires qu’il a suscités et le projet de texte soulève de nouvelles interrogations, par exemple sur l’absence de modification de certains articles dont l’application était censée changer. Cela traduit-il un changement d’intention, un oubli, le souhait de traiter du sujet par voie doctrinale, une supposée stabilité de la jurisprudence sur certains aspects ? Par exemple, qu’en serait-il des règles applicables en matière de sous-capitalisation, de déductibilité des rémunérations ou de déductibilité des abandons de créance ?

Par ailleurs, le présent article n’affecte pas le champ du régime, alors même que la nécessité éventuelle de faire évoluer le droit ne s’imposait pas forcément pour chacune des entités translucides, certaines appelant des réserves quant à l’utilisation qui en est déjà faite aujourd’hui. Certains États ont d’ailleurs opacifié certaines entités.

4.– L’architecture de l’article et la définition de la transparence

L’imposition selon le mécanisme de semi-transparence se fait aujourd’hui en plusieurs étapes tenant compte de l’interdépendance économique de la société et de ses associés :

a) La société de personnes détermine le résultat social imposable mais en tenant compte, schématiquement, soit de la nature de l’activité exercée par l’associé lorsque celui-ci est une entreprise soumise à un régime réel d’imposition (IS ou IR) ayant inscrit les titres de la SDP à son actif, soit de l’activité de la SDP dans les autres cas ce qui revient à déterminer les résultats de la SDP comme ceux d’une entreprise individuelle (article 238 bis K) (77).

Cette première étape s’avère particulièrement complexe puisque la SDP peut comprendre des associés relevant des deux cas de figure et de différents régimes, mais aussi qu’elle peut exercer des activités professionnelles relevant de différentes catégories, ce qui implique des règles de rattachement, et enfin qu’elle peut exercer à la fois une activité professionnelle et patrimoniale, auquel cas la théorie du bilan, c'est-à-dire l’assimilation à des revenus professionnels, s’applique pour les SDP exerçant une activité BIC ou BA ;

b) Ce résultat est ensuite réparti entre les associés : la totalité du résultat fiscal constaté à la clôture, même non distribué, est répartie entre les associés conformément à leurs droits, sous réserve des possibilités d’aménagement de cette répartition par convention ;

c) Enfin l’imposition personnelle de l’associé est déterminée. Elle dépend du caractère actif ou passif de l’associé (l’associé exerce ou non sa profession dans la SDP) et s’il est une entreprise ou non. Elle se traduit par le retraitement de la quote-part (notamment droit à déduction des charges personnellement exposées pour les associés actifs et les associés entreprises). Cette quote-part est intégrée aux revenus personnels de l’associé. Cela donne lieu à assimilation aux autres revenus professionnels pour les entreprises (IS et théorie du bilan à l’IR), mais pour les autres associés, les règles de « tunellisation » s’appliqueront. Par ailleurs, l’administration autorise les associés à l’impôt sur le revenu à être imposés sur les RCM de la SDP dans la catégorie des RCM si cela leur est plus favorable, alors que, du fait de la théorie du bilan, ils auraient dû l’être en BIC ou BA et que, par ailleurs, les charges liées à ces revenus demeurent déductibles du revenu BIC ou BA. C’est la règle doctrinale abusivement favorable de « l’extourne ». Enfin, l’impôt est liquidé. Certaines exonérations pourront notamment alors trouver à s’appliquer.

Le présent article ne modifie pas en réalité l’existence de ces étapes. Plus précisément, une des originalités de la réforme est le détour qu’elle prend pour renforcer la transparence des SDP. Intuitivement, la transparence d’une SDP se traduit par le fait de considérer que les associés réalisent les opérations et perçoivent les revenus directement et sont donc imposés indépendamment de la perception effective desdits revenus entre leurs mains. C’était le principe posé pour les associés d’entreprises à l’IS ou d’entreprises BIC ou BA soumises à un régime réel d’imposition : ils étaient imposés à l’IS, en BIC ou en BA indépendamment de l’activité de la SDP car, s’ils avaient réalisé ou perçu directement les revenus, ils auraient été fiscalisés de cette façon. Pour les autres associés, c’est la nature de l’activité de la SDP qui détermine la nature de la quote-part, en appliquant les règles qui sont celles des entreprises individuelles.

Au lieu de généraliser ce principe, la réforme ne les maintient que pour les associés à l’IS, pour lesquels leur nature emporte l’application des règles IS sans s’interroger par exemple sur la qualité de titres de participation pour l’application du régime du long terme du point de vue de l’associé IS, sur son implication dans la SDP etc. A contrario, il est proposé pour les associés entreprises BIC et BA d’appliquer la transparence en fonction de la nature des revenus et non de leur nature d’associé. Pour y parvenir, il est proposé de maintenir le principe posé à l’actuel article 238 bis K de l’application de règles identiques à celles qui s’appliquent aux entreprises individuelles. Ce sont donc ces règles qui sont modifiées en neutralisant les effets de la théorie du bilan et en basculant donc d’une imposition par nature d’associé à une imposition par nature de revenu.

In fine, les ET seront transparentes en assurant l’application de ces nouvelles règles fixées pour l’imposition des bénéfices des entreprises individuelles :

– chez l’entreprise BIC ou BA détentrice d’une quote-part de son résultat ;

– à son niveau avant répartition chez les autres associés.

Mais elles ne seront pas plus transparentes que les SDP le sont aujourd’hui lorsque s’applique la théorie du bilan. L’objet de la réforme, ici introduite sous couvert d’amélioration de la transparence, est bien tout simplement la remise en cause des règles de rattachement des revenus des entreprises BIC et BA, applicables par transparence aux revenus des SDP dont les parts sont inscrites au bilan d’entreprises BIC ou BA, pour la détermination de la catégorie d’imposition chez les autres associés personnes physiques.

Les ET ne seront plus « transparentes » que les SDP actuelles que pour la quote-part imposée chez les associés à l’IS (dans le sens où les titres détenus par leur intermédiaire seront réputés détenus directement par les associés). La transparence des SDP comme la transparence des revenus par nature est inchangée pour les SDP BNC, les SDP purement patrimoniales et la quote-part des revenus de SDP chez les associés BNC.

Enfin, diverses mesures additionnelles sont introduites : la création d'un mécanisme de report en cas de transformation, l’insertion de clauses anti-abus s’agissant des indivisions et des époux, une adaptation de l'atténuation conditionnelle en cas de transformation, des assouplissements en matière de comptabilité fiscale, des durcissements divers afférents à certaines provisions, autant de sujets qui sont indépendants du sujet de la transparence.

II.– LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

A.– LA DÉFINITION DES ENTITÉS DITES TRANSPARENTES

L’article 239-0 A institué par le A du I du présent article énumère les « entités transparentes » (terminologie objectivement abusive comme cela a été rappelé) dont le régime fiscal est directement modifié par la réforme en les rassemblant en cinq catégories.

Les deux premières de ces catégories (1° et 2° du I de l’article codifié, qui réunissent respectivement, d’une part, les formes juridiques pouvant choisir, en application de l’article 239, d’être soumises à l’impôt sur les sociétés et, d’autre part, les formes juridiques pour lesquelles cette option n’est, en principe, pas ouverte) couvrent les formes juridiques qui ont, en l’état du droit, pour point commun d’être soumises à un régime fiscal de translucidité dans lequel ce sont les associés ou membres qui sont personnellement passibles de l’impôt sur leur quote-part du résultat d’ensemble.

Il s’agit des formes juridiques visées, en l’état du droit, à l’article 8 du code général des impôts (sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple, sociétés civiles, sociétés en participation, EURL, EARL, sociétés de capitaux ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes) ainsi qu’aux articles 8 ter (sociétés civiles professionnelles), 8 quater (quirats), 8 quinquies (copropriétés de chevaux de course), 238 bis L (sociétés de fait), 238 bis LA (associations d’avocats), 238 ter (groupements forestiers), 239 ter (sociétés civiles de construction), 239 quater (GIE), 239 quater A (sociétés civiles de moyens), 239 quater B (GIP), 239 quater C (GIEE), 239 quater C (groupements de coopération sanitaire et sociale), 239 quinquies (syndicats mixtes de gestion forestière et groupements syndicaux forestiers) et 239 septies (sociétés civiles de placement immobilier).

La troisième catégorie (3° du 1) correspond aux indivisions.

La définition d’un régime fiscal des indivisions, qui sont actuellement totalement transparentes, constitue l’une des nouveautés du présent article et vise à organiser l’imposition des plus-values constatées à l’occasion du partage de certaines indivisions lorsque l’attributaire des éléments d’actif les maintient au bilan de l’entreprise individuelle, ces plus-values étant, en l’état du droit, exonérées conformément à une décision de 1999 du Conseil d’État (CE, 28 juillet 1999, n° 162756, Welsch).

La quatrième catégorie (4° du 1) couvre les fiducies, qui ne sont pas visées, en l’état du droit, par l’article 8 mais dont le régime fiscal, réglé par des dispositions spécifiques, est, par certains aspects, proche de la translucidité des sociétés de personnes.

Enfin, la cinquième catégorie (5° du 1) couvre les sociétés et entités de droit étranger bénéficiant, dans leur État de siège, d’un régime juridique et fiscal comparable à celui des sociétés de personnes de droit français.

Il est précisé que, pour les revenus de source française, la reconnaissance de la transparence des entités étrangères ne sera applicable qu’avec les entités constituées dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État ou territoire coopératif.

B.– LE PRINCIPE GÉNÉRAL DE LA TRANSPARENCE ET LES RÈGLES DE SON APPRÉCIATION

Le nouvel article 239-0 B institué par le A du I du présent article constitue la clef de voûte de l’édifice fiscal proposé.

1.– Le principe général de la transparence

Le 1 de son I pose, en effet, le principe de la transparence en réputant que les opérations de l’entité transparente sont réalisées par les associés à proportion de leurs droits.

Il est précisé que ce principe vaut pour l’application des chapitres premier (impôt sur le revenu), II (impôt sur les bénéfices) et IV (dispositions communes) du titre premier (taxes directes et taxes assimilées) du code général des impôts ainsi que pour l’application de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés.

A contrario, il ne vaut donc pas :

– ni pour les taxes sur le chiffre d’affaires (y compris la TVA) ou pour les droits indirects, pour lesquels il serait particulièrement difficile à mettre en oeuvre,

– ni pour les impôts directs locaux (y compris la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) pour lesquels il convient d’ailleurs de noter qu’à rebours complet du présent article, l’article 59 du projet de loi de finances pour 2011 organise, au contraire, l’opacité au titre de la CFE et de la CVAE des sociétés civiles professionnelles, des sociétés civiles de moyens et des groupements réunissant des membres de professions libérales (qui étaient transparentes au titre de la taxe professionnelle).

Il convient également de noter que le principe est énoncé de la manière la plus large, par référence aux opérations de l’entité transparente. Théoriquement, et sous réserve des nombreuses exceptions introduites par ailleurs, il en résulte que les associés sont réputés réaliser non pas une quote-part du résultat de l’entité (agissant en quelque sorte comme une chambre de compensation de ces opérations) mais directement eux-mêmes les charges et les produits correspondants.

Il en résulte également implicitement (même si la rédaction pourrait clairement être précisée sur ce point) que les biens de l’entité transparente sont réputés détenus par les associés à proportion de leurs droits ce qui rompt avec le droit existant dans lequel les biens de la SDP restent considérés comme étant sa propriété propre.

Conséquemment, et c’est l’une des conséquences essentielles de la réforme proposée, les participations détenues par l’intermédiaire de sociétés de personnes pourront désormais ouvrir, à leurs actionnaires imposables à l’IS, le bénéfice des régimes de faveur propres à cet impôt (intégration fiscale, régime fiscal des sociétés-mères, taxation à taux réduit des apports d’immeubles à certaines sociétés foncières) puisque ces participations seront réputées détenues directement par l’associé imposable à l’IS.

Ainsi, par exemple, le bénéfice du régime fiscal des sociétés-mères, qui est conditionné par la détention d’au moins 5 % du capital de la société distributrice, pourra désormais être acquis à une société A imposable à l’IS détenant directement 2,5 % du capital d’une société B et détenant également 10 % des droits d’une entité transparente T détenant elle-même 25 % du capital de la société B (A étant conséquemment réputée détenir directement 2,5 % du capital B). L’exonération du dividende distribué par B (sous réserve de l’imposition de la quote-part des frais et charges) sera évidemment acquise aussi bien sur la fraction correspondant aux titres directement détenus par A que sur la fraction correspondant aux titres détenus par l’intermédiaire de T.

2.– Les règles d’appréciation de la qualité d’associé de l’entité transparente

Le principe de transparence posé nécessite évidemment pour être appliqué de déterminer les associés des entités transparentes, qui peuvent évoluer dans le temps, et comprendre, en outre, un ou plusieurs niveaux d’autres entités transparentes « interposées ».

Le 2 du I de l’article 239-0 B définit donc, en quelque sorte, le moment où la « photographie » doit être prise. Ce moment sera variable :

– pour les opérations « continues » relevant de la catégorie des BIC, des BA et des BNC, la qualité d’associé sera déterminée à la clôture de l’exercice de l’entité transparente ou au terme de la période d’imposition ;

– pour les opérations « ponctuelles » que sont la réalisation de plus-values (mobilières et immobilières) ou de revenus de capitaux mobiliers, la qualité d’associé sera appréciée à la date de réalisation de la plus-value ou à la date de perception du revenu ;

– enfin, pour les revenus fonciers, la qualité d’associé sera appréciée à la fin de l’année civile.

Par rapport à l’état du droit, dans lequel les associés sont imposés en fonction de leur quote-part du résultat social de la société de personnes à la clôture de l’exercice (78), il est évident que la règle proposée apporte une complexité nouvelle en étendant à l’ensemble des cas de figure les règles applicables aux SDP BNC (ainsi qu’aux SDP purement patrimoniales et à la quote-part des revenus de SDP chez les associés BNC). En effet, elle aboutit de fait à des « distributions fiscales » éventuellement multiples au cours d’un même exercice.

Cette complexité peut naturellement devenir extrême pour une entité transparente dégageant des revenus de nature multiple, incluant des opérations ponctuelles (réalisation de plus-values, perception de RCM) nombreuses, et détenue par des associés changeants dont d’autres entités transparentes interposées.

En l’état de la rédaction, il semble d’ailleurs envisageable que l’imposition d’un revenu puisse être indéfiniment reportée. Soit, par exemple, une entité transparente réalisant, en 2012, une activité BIC et dont l’exercice est clos le 31 décembre 2012. Le revenu correspondant sera imposé chez les associés de cette entité au 31 décembre 2012. Si l’entité est intégralement détenue par une seconde entité transparente dont l’exercice est clos le 30 décembre 2013, l’imposition qui « remonte » la chaîne de participation est impossible avant cette seconde date, à laquelle rien n’empêche que la seconde transparente soit intégralement détenue par une troisième entité transparente dont l’exercice ne sera pas clos avant fin 2014 et ainsi de suite.... On notera également que l’application de la règle proposée mériterait d’être singulièrement précisée en cas d’auto-détention (une entité transparente A détenue partiellement, directement ou indirectement, par une entité transparente B elle-même détenue en tout ou partie par A) puisqu’on conçoit mal son fonctionnement si les exercices des entités transparentes concernées sont décalés.

Le 3 du I traite du cas particulier du démembrement de la propriété des titres de l’entité transparente en réputant (en principe et sous réserve de la possibilité qui est donnée de déroger à cette règle par une convention antérieure à l’ouverture de l’exercice entre l’usufruitier et le nu-propriétaire) que les opérations sont réalisées par l’usufruitier, sauf les cessions des éléments d’actif immobilisé qui sont réputées avoir été réalisées par le nu-propriétaire.

En légalisant cette possibilité de dérogation conventionnelle, les dispositions proposées valident l’interprétation donnée par la doctrine administrative (instruction 4 F-2-99) des dispositions, pourtant plus simples, de l’article 8 du code général des impôts qui prévoient l’imposition systématique de l’usufruitier à raison des droits que lui confère cette qualité. Le présent article apporte toutefois, par rapport à la doctrine, un durcissement en imposant la conclusion de l’éventuelle convention avant l’ouverture de l’exercice, la doctrine permettant, en l’état, la conclusion de ces conventions après l’ouverture mais avant la clôture.

Alors que l’état du droit prévoit l’alignement du régime fiscal sur les modalités conventionnelles de partage du résultat, il conviendrait de préciser la rédaction pour ne pas autoriser une répartition conventionnelle de la charge d’impôt (indépendante du partage du résultat). Il en résulterait sinon des possibilités d’optimisation permettant, par exemple, de pratiquer des formes de donation en prenant en charge l’impôt afférent à un revenu laissé à un tiers.

3.– Le fait générateur de l’impôt pour les associés

Sont étendues les règles prévues pour les SDP BNC, les SDP purement patrimoniales et la quote-part des revenus de SDP chez les associés BNC.

Après avoir déterminé, selon les règles qui viennent d’être présentées, les associés auxquels les résultats sont imputables, le présent article codifié (au 2 du II) détermine quand ceux-ci sont imposables sur ces résultats en prévoyant :

– la prise en compte au titre de l’exercice (ou de la période d’imposition) de l’associé en cours à la date de clôture de l’exercice de l’entité transparente lorsque l’activité de l’entité transparente relève, en tout ou partie, de la catégorie des BIC, des BA ou des BNC ;

– selon les règles propres à la nature de l’activité de l’entité dans les autres cas.

Il convient de noter que ces règles modifient substantiellement l’état du droit, lequel, intégralement jurisprudentiel, établit (en tout cas, dans les divers cas d’espèce soumis au juge) la clôture de l’exercice de la SDP comme fait générateur de l’imposition (79).

De même, il convient également de noter – et le point est déterminant – que la règle fiscale est (et c’est déjà le cas en l’état du droit) indépendante de la réalité des opérations et notamment des distributions opérées par la société de personnes. Il est tout à fait possible (c’est même la base du régime) d’être imposé au titre d’un résultat qui n’est pas distribué par la SDP et, de même, de ne pas l’être en raison de la distribution d’un résultat antérieur, supposé antérieurement imposé. L’appréhension des opérations de l’entité transparente (et actuellement de la SDP) repose donc sur la fiction fiscale de l’enrichissement (ou de l’appauvrissement).

On notera d’ailleurs qu’il en résulte théoriquement des possibilités d’optimisation assez substantielles dans la mesure où un actionnaire A peut être imposé sur un résultat qui sera, en réalité, distribué à un actionnaire B (si celui-ci lui rachète ses droits) et que l’on peut parfaitement imaginer que A et B ne soient pas imposés dans les mêmes conditions (par exemple, à des taux marginaux différents s’il s’agit de personnes physiques, dans quel cas le revenu de l’entité transparente pourra, par exemple, être fiscalement rattaché à un membre de la famille du contribuable peu ou pas imposé, le revenu étant ultérieurement perçu réellement par le contribuable davantage imposé après rachat des titres ou remise en cause d’un démembrement de propriété).

4.– Les conditions d’appréciation des critères fiscaux pour les opérations réalisées par l’entité « transparente »

De nombreuses dispositions fiscales sont conditionnées par le respect par le contribuable de certains critères, par exemple un niveau de chiffre d’affaires. Le 1 du II détermine les conditions d’appréciation de ces critères pour des opérations réalisées par des entités transparentes.

En l’état du droit, il n’existe pas de règle générale comparable. Certains dispositifs prévoient une règle spécifique au titre d’opérations réalisées par une société de personnes. C’est le cas, par exemple, de l’article 151 septies (exonération des plus-values professionnelles des petites entreprises sous condition de chiffre d’affaires) qui organise expressément, d’une part, l’agrégation des recettes réalisées par le contribuable dans l’ensemble de ses entreprises, y compris, à proportion de ses droits dans des SDP et, d’autre part, la prise en compte des recettes de la SDP elle-même pour les plus-values qu’elle réalise (cette dernière règle souffrant une exception pour les plus-values réalisées par les sociétés civiles agricoles pour lesquelles il n’est tenu compte que de la quote-part de chaque associé).

Le présent article codifié a le mérite de proposer une clarification dont la portée doit toutefois être nuancée compte tenu des dérogations particulières multiples proposées par ailleurs et qui seront présentées ci-après.

Les règles proposées sont les suivantes :

– l’associé est réputé avoir réalisé, à proportion de ses droits, le chiffre d’affaires de l’entité transparente ; les seuils seront donc, en principe, appréciés, associé par associé, compte tenu de leurs éventuelles autres activités ;

– l’associé est réputé avoir inscrit à l’actif de son bilan les éléments de l’actif de l’entité transparente, à proportion de ses droits, sous déduction, le cas échéant, des titres et créances qu’il détient sur elle (en vue de neutraliser les doubles comptes) ;

– l’associé est réputé avoir exercé une activité ou détenu un bien depuis la date la plus récente entre :

– celle à laquelle il est devenu associé de l’entité transparente,

– celle à partir de laquelle l’entité transparente a exercé l’activité ou a acquis le bien,

– sauf en cas d’apport d’une entreprise individuelle ou de fusion d’entités transparentes, cas dans lesquels il est tenu compte de la date de début d’exercice (ou d’acquisition du bien) de l’entreprise apportée et où l’associé est réputé être associé de l’entité transparente bénéficiaire de l’apport depuis la date où il avait constitué l’entreprise individuelle ou à partir de laquelle il était associé de l’entité apportée ;

– l’associé est réputé, pour l’appréciation de la détention d’un bien ou d’un taux de détention, détenir (directement) les biens (de l’entité transparente) à proportion de ses droits ;

– l’associé est réputé exercer à titre professionnel une activité s’il participe selon la définition fiscale traditionnelle de l’exercice professionnel (participation personnelle, directe et continue) à l’activité de l’entité transparente réalisant le résultat correspondant, cette règle constituant un durcissement important par rapport à l’état du droit qui présume l’exercice professionnel.

Ces règles peuvent produire des effets tant sur l’imposition des revenus réalisés par l’entité transparente que sur l’imposition d’autres revenus (que l’on pourrait qualifier de propres ou de directs) de chacun des associés, y compris sur d’autres revenus issus d’autres entités transparentes.

Plusieurs points mériteraient d’être précisés :

– la date d’appréciation de la qualité d’associé au regard de ces règles (quid des entrées et sorties d’associés ?) ;

– l’articulation des dispositions entre elles, particulièrement s’agissant des questions faisant intervenir à la fois une condition de durée et de taux, la rédaction proposée pouvant être comprise comme réputant l’associé détenteur de titres dès son entrée même symbolique dans une ET, tout en le réputant détenteur par transparence d’un taux de détention apprécié ultérieurement, le cas échéant après augmentation de ses droits dans la SDP ;

– l’appréciation des règles fixant des seuils d’effectifs appellerait une disposition expresse.

5.– Les obligations des entités « transparentes »

Principalement dans un souci de contrôle fiscal, le III de l’article codifié impose des obligations notamment déclaratives aux entités transparentes autres que les indivisions n’exerçant pas d’activité professionnelle et ne percevant pas de revenus.

Il convient de noter que ces obligations déclaratives s’imposent aux indivisions n’exerçant pas d’activité professionnelle mais percevant des revenus et donc notamment des revenus fonciers tirés d’immeubles détenus en indivision, ce qui constitue évidemment une nouveauté.

Outre, d’une part, une obligation d’inscription à l’actif des biens, pour les entités dépourvues de personnalité morale, et, d’autre part, une déclaration annuelle de la répartition ou de la distribution des bénéfices entre les associés, il est, en substance, proposé d’imposer aux entités transparentes les obligations que pourraient supporter leurs associés s’ils réalisaient les opérations en direct et au régime réel.

Il est ainsi prévu que les entités dont les opérations sont réputées réalisées par des personnes morales sont tenues aux obligations déclaratives d’une personne morale soumise à l’IS et que les entités dont les opérations sont réputées réalisées par des personnes physiques sont tenues aux obligations déclaratives incombant à des personnes physiques soumises à un régime réel d’imposition.

Une même entité transparente pouvant être détenue conjointement par des personnes morales et par des personnes physiques (réputées conséquemment réaliser certaines des opérations de l’entité transparente) de sorte qu’une même entité transparente peut être soumise à deux séries d’obligations déclaratives.

Incidemment, le bénéfice du régime micro-foncier est donc retiré aux entités transparentes, revenant ainsi sur l’extension décidée par la loi de finances pour 2004.

Par dérogation, il est prévu que :

– les entités transparentes autres que les SCM ne peuvent bénéficier de la dispense de bilan sous condition de chiffre d’affaires (54 000 ou 154 000 euros) ; on notera qu’il est donc prévu que les SCI (non transparentes) et les indivisions percevant des revenus, par exemple, établissent, dans tous les cas, des bilans ;

– les entités transparentes ayant la qualité de commerçant ne peuvent bénéficier de la comptabilité super-simplifiée (comptabilité de caisse) si elles sont contrôlées (notion qui mériterait d’être précisée) par une société établissant des comptes consolidés ;

– les résultats déclarés par les quirats et les copropriétés de chevaux de course sont déterminés avant déduction de l’amortissement du navire ou du cheval (les dispositions des articles 39 E et 39 F prévoyant, en l’état du droit que le présent article ne propose de modifier, l’amortissement par chacun des membres de ces copropriétés du prix de revient de leurs parts) ;

– les entités transparentes à activité agricole créées avant le 1er janvier 1997 ainsi que, quelle que soit leur date de création, les GAEC remplissant les conditions prévues en l’état du droit par l’article 71 (que le présent article propose, par coordination, d’abroger) pour bénéficier de ce régime (participation effective et régulière à l’activité de tous les associés, plafond de chiffre d’affaires) peuvent déterminer leur résultat selon le régime d’évaluation forfaitaire du bénéfice prévu par l’article 64 du code général des impôts ;

– la part du résultat d’une entité transparente revenant à un associé bénéficiant du régime d’évaluation forfaitaire du bénéfice agricole n’est pas prise en compte pour la détermination de celui-ci et est déterminée et imposée selon la nature de l’activité et du régime d’imposition de l’entité transparente.

C.– L’ADAPTATION DES RÉGIMES D’ATTÉNUATION CONDITIONNELLE

Le changement de régime fiscal d’une entreprise emporte, en principe, les conséquences fiscales d’une cessation d’activité (imposition immédiate des profits non encore imposés et notamment des plus-values latentes). Des régimes d’atténuation conditionnelle de ces conséquences sont toutefois prévus par les articles 202 ter (en cas de passage d’une société de personnes à l’IS) et 221 bis (en cas de passage de l’IS à l’IR) ainsi que pour le cas particulier de la transformation d’une société de personnes en association d’avocats (articles 151 octies C et 749 B).

L’article 239-0 C, dont le A du I présent article propose la création, se substitue à l’actuel article 202 ter (que le 84 du F du I du présent article propose d’abroger) tandis que le D du I propose une nouvelle rédaction de l’article 221 bis.

Le nouvel article 239-0 C reprend, en substance, les dispositions actuellement en vigueur. Un assouplissement important est toutefois proposé (par le 1° du 2) en supprimant la condition imposant le maintien d’une possibilité d’imposition des plus-values dans le nouveau régime d’imposition pour tirer les conséquences de l’état de la jurisprudence qui estime que cette condition ne peut être systématiquement garantie pour des titres détenus par une société à l’IS compte tenu des régimes d’exonération propres à cet impôt (en particulier, l’exonération des plus-values sur titres de participation).

La condition actuellement en vigueur imposant l’absence de modification des écritures comptables à l’occasion de la transformation est, en outre, adaptée pour traiter le cas de la comptabilisation des stocks des entreprises antérieurement soumises à une comptabilité de caisse (2 du I) et celui des provisions dérogatoires propres à certaines activités (3 du I).

Le 5 du I prévoit, par ailleurs, une application au prorata temporis des régimes de faveur de l’IS aux plus-values dégagées sur des biens acquis antérieurement à la transformation, la plus-value étant, par détermination de la loi, répartie au prorata de la part de la période de détention du bien au cours de laquelle l’entité a été soumise à l’IS.

Le 5 du nouvel article 239-0 D institué par le A du I du présent article reprend pour partie l’actuel III de l’article 151 nonies (exercice à titre professionnel d’une activité dans le cadre d’une ET) pour prévoir le report de la plus-value sur titre d’ET en cas de transformation à l’IS ou d’option pour l’IS jusqu’à la date de cession, de rachat ou d’annulation. Les dispositions afférentes à la cessation, à la transmission à titre gratuit (maintien du report et exonération) et au maintien du report en cas d’échanges de titres demeurent à l’article 151 nonies.

Le D du I du présent article modifie quant à lui l’article 221 bis relatif au passage de l’IS vers l’IR (l’entité n’est plus soumise à l’impôt sur les sociétés au taux normal partiellement ou totalement sans création d’une personnalité morale). Son I procède aux modifications tendant à disposer d’une rédaction similaire à celle prévue au nouvel article 239-0 C. Il introduit deux types de changements :

– Le même assouplissement est proposé s’agissant de la suppression de la condition relative à la possibilité d’imposer ultérieurement les plus-values qui priverait du bénéfice du régime en présence de plus-values latentes sur immeubles (abattement sous condition de détention au-delà de la cinquième année prévue à l’article 150 VC pour les plus-values privées et 151 septies B pour les plus-values professionnelles) mais aussi d’activité (exonération en cas de départ à la retraite de l’article 151 septies A applicable aux personnes physiques mais aussi aux associés personnes morales puisqu’ils peuvent les céder à une personne physique). En contrepartie, est aussi introduite la clause afférente à l’application au prorata temporis des régimes de faveur, cette fois à l’impôt sur le revenu, aux plus-values afférentes à des actifs présents avant la « transformation ». Cette rédaction se substitue à l’évaluation au réel actuelle.

– La condition actuellement en vigueur imposant l’absence de modification des écritures comptables est adaptée dans une version plus étoffée que celle prévue pour le nouvel article 239-0 C, dès lors que le régime d’imposition de la personne, c'est-à-dire la catégorie d’imposition, n’est pas connu à la date de transformation (alors que ce ne peut être que l’IS pour une transformation en société). Au délai de soixante jours pour produire les documents comptables peut se substituer celui des trois mois du rescrit « définition catégorielle de certains revenus professionnels » (dit « BIC-BNC »). Le contribuable doit produire le bilan du premier exercice s’il est dans l’obligation juridique de disposer d’un bilan, sinon un état de suivi des biens immobilisés. Il est renvoyé à un décret pour préciser les modalités d’application de l’alinéa, notamment pour éviter les doubles prises en compte de produits ou de charges. Comme au nouvel article 239-0 C, la production du bilan ou de l’état vaut option.

D.– LA CRÉATION D’UN REPORT EN CAS DE RESTRUCTURATION DE SOCIÉTÉS DE PERSONNES PAR LE II DE L’ARTICLE 239-0 C

Il existe aujourd’hui une neutralisation des opérations de restructuration des sociétés à l’impôt sur les sociétés (sursis d’imposition de l’article 210 A du code général des impôts) et des transformations d’entreprises individuelles en sociétés (report de l’article 151 octies). Mais, concernant les sociétés de personnes, seules les restructurations de SCP bénéficient d’un tel mécanisme sous la forme d’un report prévu à l’article 151 octies A. Dès lors, alors même que la plus-value n’est pas matérialisée, les restructurations des autres sociétés de personnes donnent lieu à imposition, sauf option préalable à l’impôt sur les sociétés.

Le II du nouvel article 239-0 C instituerait donc un mécanisme de report de la plus ou moins-value nette réputée réalisée par un associé BIC, BNC ou BA en cas de fusion, apport partiel d’actif portant sur une branche complète d’activité ou une scission, pour l’essentiel dans les mêmes conditions que celle figurant à l’article 151 octies A afférent aux restructurations de SCP. L’imposition des plus ou moins-values en report sur les immobilisations non amortissables se ferait à mesure des cessions (cession de ses titres de la SDP, auquel cas la baisse est répartie sur l’ensemble des mêmes immobilisations de la SDP, ou cession d’actifs par la SDP). En revanche, les plus-values sur les immobilisations amortissables seraient étalées en cas de fusion, sauf option de l’associé pour une imposition de sa quote-part au taux réduit des plus-values à long terme, réduisant d’autant le montant des réintégrations chez la bénéficiaire. Les profits sur stock bénéficieraient quant à eux d’un sursis sous réserve des modalités de leur inscription à l’actif de la bénéficiaire. Les provisions sont transférées, sauf si elles sont devenues sans objet. Les étalements en cours sont transférés et les droits afférents à un contrat de crédit-bail assimilés à une immobilisation amortissable ou non amortissable.

Par ailleurs, le 5 du II du nouvel article 239-0 C prévoit d’appliquer ces mêmes dispositions de neutralisation des plus-values nettes en cas de dissolution de l’entité transparente dont l’associé poursuit l’activité, c'est-à-dire le cas où l’associé poursuit l’activité sous forme d’entreprise individuelle.

E.– LA LÉGALISATION DE LA JURISPRUDENCE AFFÉRENTE AUX PARTICIPATIONS

L’article 239-0 D institué par le A du I du présent article traite des participations des ET. À l’exception du a du 1° du 4 relatif aux ET étrangères, les dispositions de ce nouvel article reprennent le droit existant, soit en légalisant la doctrine ou la jurisprudence, soit en prévoyant des modalités pour lesquelles une disposition expresse est nécessaire compte tenu du principe de transparence prévu par le nouvel article 239-0 B.

Le 1 légalise le principe selon lequel les distributions opérées par une ET ne sont pas imposables, puisque ses bénéfices l’ont déjà été.

Le 2 légalise et durcit la jurisprudence en énonçant qu’il ne peut être constitué de provision pour dépréciation déductible sur les titres et les créances de l’ET, au motif qu’on ne peut provisionner « sur soi-même ».

Il n’est pas prévu de modifier l’état du droit s’agissant des abandons de créances (déductibilité à hauteur de la situation nette négative laquelle résulte de pertes qui ont par ailleurs été déduites).

Le 3 précise, par dérogation au principe de transparence, que l’acquisition ou la cession de titres d’une ET n’est pas constitutive d’une acquisition ou d’une cession d’une fraction du patrimoine de l’ET. Ainsi, en cas de cession par une société à l’IS, la fiscalité applicable demeure celle d’une cession de titres (exonérée) et non du patrimoine (imposée à 33 1/3 %).

Le 4 légalise la jurisprudence Quemener – Baradé (80) relative au mécanisme de correction du prix de revient pour la détermination de la plus ou moins-value de cession ou d’annulation de titres d’une entité transparente. Le prix d’acquisition est ainsi :

– majoré des bénéfices ou minoré des pertes de l’entité depuis que les titres sont détenus. Par exemple : un prix d’acquisition à 100 en N, suivie d’un bénéfice de 25 en N+1 et de 25 en N+2 imposé dans les mains des associés et une cession à la juste valeur à 150 en N+3 conduira à retenir 100+50 = 150. La plus-value est de 0.

Le a du 1° précise que, si les bénéfices ou pertes ont été réalisés par une entité étrangère, ils sont retraités dans les conditions prévues au code général des impôts. En effet, la SDP étrangère est un établissement stable à l’étranger et ses bénéfices sont imposés à l’étranger (dans les mains des associés).

Le 2 du 1° précise qu’il n’est pas tenu compte des déductions ou réintégrations qui auraient été définitivement acquises par l’associé s’il avait réalisé directement les opérations. Il convient en effet de ne pas imposer ce qui aurait ouvert droit à une exonération (par exemple un investissement d’une SDP dans les zones franches des DOM) ;

– minoré des distributions perçues depuis que les titres sont détenus. Par exemple, en N+2, 30 des 50 de bénéfice sont distribués (et non réimposés). En N+3, la cession se fait à la juste valeur de 120. La valeur d’acquisition sera de 100+50-30 = 120. La plus-value est de 0 ;

– majoré des apports en liquidités à l’entité qui n’ont pas donné lieu à déduction chez l’associé (par exemple une augmentation de capital), y compris en l’absence d’augmentation du prix de revient. Cela couvre les abandons de créance, les subventions directes ou indirectes et les pertes comptables comblées et non déduites (GIE).

F.– L’ARTICLE 239-0 E : LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE TRANSPARENCE

L’article 239-0 E institué par le A du I du présent article introduit trois séries d’exceptions au principe de transparence.

Son I prévoit l’opacité de la société, c’est-à-dire l’imposition à l’IS au nom de l’entité transparente, en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales dans trois hypothèses :

– lorsque les noms et adresses des associés n’ont pas été communiqués à l’administration (pour la part des bénéfices revenant à ces associés inconnus de l’administration) ;

– lorsque les associés sont domiciliés ou établis dans un Etat ou territoire qui ne reconnaît pas la transparence de l’entité ou qui est non coopératif (pour la part des bénéfices leur revenant) ;

– lorsque les revenus proviennent d’un État ou territoire non coopératif.

Le II pose un principe général d’appréciation de la déductibilité des charges à raison de l’intérêt social de l’entité transparente indépendamment de celui de ses associés. Cette disposition, qui légalise de fait une solution jurisprudentielle dégagée dès 1976, permettra notamment de continuer à appliquer la théorie de l’acte anormal de gestion aux entités transparentes, notamment dans l’hypothèse d’un avantage anormalement consenti à un associé (cession à prix minoré d’un bien, par exemple). La réaffirmation de ce principe, dans un contexte de transparence accrue, est nécessaire puisque les opérations sont désormais réputées réalisées directement par les associés et qu’il ne tombe pas spontanément sous le sens que la déduction d’une charge par un associé soit interdite au motif, par exemple, qu’elle lui est excessivement favorable.

Il convient de noter que des règles particulières sont actuellement prévues pour certaines situations où les risques de confusion de l’intérêt social et de celui des associés sont particulièrement élevés.

C’est le cas, en premier lieu, des rémunérations versées aux associés. Celles-ci sont, selon une jurisprudence ancienne et constante, non déductibles, l’associé ayant vocation à être rémunéré par une fraction du bénéfice (éventuellement majoré ou minoré par convention entre les associés en raison de sa participation plus ou moins importante à l’activité). Le présent article ne traite pas de cette question, ce qui pose problème.

Dans le même esprit, les dispositions de l’article 154 plafonnent la déduction du bénéfice imposable (en BIC ou en BNC) du salaire du conjoint participant effectivement à l’exercice de la profession. En l’état du droit, le II de cet article 154 prévoit expressément son application aux bénéfices réalisés par une société de personnes. Le 83 du F du I du présent article propose toutefois d’abroger cette disposition.

Il en est, de même, en second lieu, des intérêts versés aux associés, encadrés, d’une part, par le plafonnement de la déduction des intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils laissent ou mettent à la disposition de la société (comptes courants d’associés, 3° du 1 de l’article 39) et, d’autre part et seulement au titre de l’impôt sur les sociétés, par le plafonnement des intérêts servis aux entreprises liées prévu par l’article 212.

Enfin, dix cas particuliers de dérogation au principe de transparence sont prévus par le III de l’article 239-0 E qui dispose que :

– la transparence accrue proposée ne fera pas obstacle au maintien de l’application des règles spécifiques d’amortissement de biens donnés en location ou en crédit-bail ;

– les conditions subordonnant le bénéfice des régimes d’exonération du résultat des entreprises implantées dans certaines zones (comme les ZRR ou les ZFU) resteront appréciées au niveau de l’entité transparente et qu’il en sera de même pour celles subordonnant l’exonération des plus-values en cas de cession d’une branche complète d’activité ;

– nonobstant les règles d’appréciation de la durée des détentions des biens propres aux entités transparentes, la date retenue pour l’appréciation de l’abattement pour durée de détention des valeurs mobilières ne pourra être antérieure au 1er janvier 2006 ;

– les règles d’appréciation de la durée des détentions des biens propres aux entités transparentes ne s’appliqueront pas au titre de l’abattement pour durée de détention sur les plus-values immobilières, l’intention (que ne produit pas la rédaction) étant de décompter la durée depuis la date de détention par l’entité transparente ;

– les entités transparentes resteront débitrices des retenues à la source obligatoires sur certains revenus de capitaux mobiliers et sur certains salaires et revenus assimilés versés à des non-résidents ;

– certaines mesures de faveur d’impôt sur le revenu, dont les critères de sélection mériteraient d’être justifiées et qui sont énumérées au 3 (81), au 6 (82) et au 10 (83) du II, ne s’appliquent pas à raison des opérations d’une entité transparente ;

– d’autres mesures de faveur d’impôt sur le revenu (84) ne s’appliquent pas aux investissements réalisés par une entité transparente lorsque des conditions sont remplies (exercice d’une activité opérationnelle imposée aux BIC, BA ou BNC ; inscription de ses parts à l’actif d’une entreprise opérationnelle) ;

– la déduction des déficits fonciers afférents à des monuments historiques s’appliquera aux dépenses réalisées par une entité transparente dans les conditions actuellement prévues pour encadrer leur bénéfice par des sociétés civiles (agrément ou sociétés de famille et engagement de conservation des parts) ;

– la déduction des loyers des immeubles conventionnés avec l'Agence nationale pour l'habitat ne s’appliquera pas lorsque l’immeuble est détenu par une SCPI, par une entité transparente exerçant une activité opérationnelle imposée aux BIC, BA ou BNC ou qu’il est inscrit à l’actif d’une entité exerçant une telle activité.

G.– LA « SUPPRESSION » DE LA THÉORIE DU BILAN

Le B du I du présent article modifie l’article 155 du code général des impôts afin de supprimer ou, plus précisément, de neutraliser les conséquences de ce qu’il est convenu d’appeler la « théorie du bilan », construction jurisprudentielle qui, partant du fondement légal du 2 de l’article 38 qui définit le bénéfice (industriel et commercial) imposable comme la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période d’imposition (85), a organisé le rattachement à la catégorie des BIC des produits afférents aux biens inscrit à l’actif d’une entreprise individuelle industrielle et commerciale.

Ainsi, si une entreprise industrielle ou commerciale inscrit à son actif un immeuble locatif ou un bien rural, les revenus de ces biens ne seront pas qualifiés de revenus fonciers ou de bénéfices agricoles (BA) mais de bénéfices industriels et commerciaux. Il en résulte que les déficits correspondants, dont l’imputation sur le revenu global aurait été encadrée s’ils étaient « restés » dans leur cédule « naturelle » d’imposition, pourront effacer d’autres (« vrais ») bénéfices industriels et commerciaux voire s’imputer sans limitation (en tant que déficit BIC professionnel) sur le revenu global du foyer.

Ces règles s’appliquent également pour les bénéfices agricoles, puisque ceux-ci sont déterminés, sauf dispositions particulières, comme en matière de bénéfices industriels et commerciaux.

La modification proposée prend la forme d’une refonte complète de l’article 155 du code général des impôts, lequel prévoit, en l’état du droit, l’assimilation aux BIC des opérations entrant dans la catégorie des BA ou des BNC auxquelles une entreprise industrielle étend son activité. Cette règle légale, distincte de celle, jurisprudentielle, de la théorie du bilan, concerne des produits accessoires qui doivent présenter un lien étroit avec l’activité BIC, laquelle devant rester prépondérante. Un exemple d’activité accessoire BA imposée en BIC serait, par exemple, l’activité d’élevage d’un boucher.

Une règle similaire est prévue pour les BA par l’article 75. Celle-ci autorise la prise en compte pour la détermination du bénéfice agricole d’un exploitant au régime réel des revenus accessoires BIC ou BNC lorsque ces recettes accessoires n’excèdent ni 30 % des recettes agricoles, ni 50 000 euros. Une règle spécifique avec un plafond majoré (50 % et 100 000 euros) est prévue par l’article 75 A pour les produits des activités de production d’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne.

Enfin, la doctrine applique, pour les BNC, une règle identique applicable aux BIC.

Le présent article propose de maintenir ces règles légales relatives aux revenus accessoires et de légaliser la règle doctrinale relative aux revenus accessoires des titulaires de BNC (2° du B).

Il propose ensuite une règle nouvelle reposant sur la distinction entre les revenus professionnels et les revenus patrimoniaux, seuls les premiers étant définis, les seconds l’étant « en creux ».

À cette fin, le retraitement du bénéfice net (BIC) est prévu par le 1 du II pour neutraliser les produits (retirés) et les charges (ajoutées) ne provenant pas d’une activité exercée à titre professionnel (définie, au 1 du IV, présenté ci-après) autres que ceux :

– correspondant à des revenus accessoires,

– ou pris en compte pour la détermination de la plus-value ou de la moins-value de cession d’un élément d’actif immobilisé.

Toutefois, une tolérance est prévue pour certains revenus patrimoniaux.

Cette tolérance ne peut, en aucun cas, permettre l’imputation sur les revenus professionnels d’un « déficit patrimonial », c’est-à-dire d’un excédent de charges par rapport aux produits correspondants, ce cantonnement ou cette tunnélisation étant apprécié bien par bien.

Sous cette réserve, il est proposé d’autoriser la prise en compte comme BIC des produits et des charges (dans la limite des produits afférents au même bien) non professionnels :

– soit lorsque ces produits sont inférieurs à 5 % de l’ensemble des produits, y compris les produits accessoires mais hors plus values de cession,

– soit lorsqu’ils sont inférieurs à 10 % du même ensemble et qu’ils étaient inférieurs à 5 % au titre de l’exercice précédent.

Il convient de noter que les règles proposées, déterminées en matière de BIC, s’appliqueront également en matière de bénéfice agricole, celui-ci étant, sous réserve des dispositions particulières, déterminé comme en matière de BIC en application de l’article 72.

Dans la rédaction proposée, l’application de la franchise sur les revenus patrimoniaux hors plus-values n’est pas claire en présence d’une ET mixte.

L’intention résultant de la combinaison de l’article 239-0 B (obligations déclaratives des résultats pour l’ET qui s’effectue « sans préjudice des dispositions de l’article 155 ») et de l’article 155 lui-même, est que l’application de la franchise dépende du rapport entre l’ensemble des produits patrimoniaux de l’associé et l’ensemble des produits professionnels de l’associé (et non pas seulement de ceux inclus dans la quote-part acquise). En pratique, l’ET devra ventiler et qualifier à son niveau l’ensemble de ses produits et charges, bien par bien et associé par associé, en discriminant par catégorie présumée d’imposition. Ensuite, l’associé personne physique devra retraiter la quote-part ainsi acquise en fonction de ses autres produits et charges. C’est donc lui qui, le cas échéant, assimilera à des revenus BIC ou BA des revenus patrimoniaux parce qu’ils respectent les seuils de 5 % ou 10 %.

Toutefois, il convient de noter que l’article 155 comprend des dispositions neutralisant la théorie du bilan et définissant le régime applicable aux produits « extournés » ainsi que celui de la franchise et des produits accessoires. Il est donc difficile de comprendre comment la franchise pourrait ne pas être appliquée au niveau de l’ET tout en appliquant néanmoins à son niveau les dispositions du même article neutralisant la théorie du bilan (ventilation des revenus par nature).

S’agissant des plus-values, elles font évidemment l’objet d’une imposition séparée. Sous réserve de la location meublée non professionnelle pour laquelle s’applique le régime des plus-values des particuliers, les plus-values sont soumises au régime des plus-values professionnelles, qui distingue les plus-values à court terme et les plus-values à long terme relevant du taux forfaitaire de 16 %. Afin de ventiler la plus-value entre plus-value professionnelle (1° du 2 du II) et plus-value privée (2 du 2° du III) d’un élément de l’actif immobilisé appartenant au patrimoine professionnel, une règle de prorata temporis en fonction de la durée au cours de laquelle le bien a été affecté à l’activité professionnelle est instituée, répartissant à valeur égale la plus-value sur la durée d’appartenance au patrimoine professionnel. Par ailleurs, la valeur comptable de l’élément d’actif cédé est majorée des amortissements qui n’ont pas été déduits, afin de ne pas aboutir à une double imposition, par dérogation aux règles de retraitements prévues à l’article 39 duodecies (2° du 2 du II). Ce retraitement ne s’applique pas en BIC non professionnel parce que les amortissements ont été déduits.

Le III prévoit que l’ensemble des produits qui ont été extournés et sortis de l’imposition à titre professionnel, sont soumis aux règles de chacune des cédules applicables. Sont ainsi visés : les revenus non opérationnels (revenus fonciers, profits sur les marchés, RCM, plus-values mobilières), les bénéfices non imposables en BIC professionnel (BA, BIC non professionnel, loueur en meublé non professionnel et BNC non professionnel) et les plus-values non professionnelles sur des actifs ayant appartenu au patrimoine professionnel.

Pour les revenus fonciers, les profits sur marché, les RCM et les plus-values, ils sont réputés avoir été perçus ou réalisés à la date de clôture de l’exercice ou de la période d’imposition, ce dernier cas visant la possibilité de disposer d’un premier exercice supérieur à une année. Cette règle se coordonne mal avec les règles propres à ces types de revenus. Par exemple, on constatera à la clôture d’un exercice en juin qu’un revenu n’est en réalité pas un revenu BIC mais des revenus fonciers qui auraient donc dû être imposés au titre de l’année civile précédente, décalant d’autant le paiement de l’impôt.

Le IV propose la définition de l’exercice à titre professionnel d’une activité, c'est-à-dire impliquant la participation directe personnelle et continue à l’accomplissement des actes nécessaires à l’activité, qui figure aujourd’hui au deuxième alinéa du I de l’article 151 septies, et transfère dans l’article 155 le VII de l’article 151 septies pour y prévoir les conditions du régime des loueurs en meublé professionnels (l’imposition dans la catégorie des plus-values privées est maintenue à l’article 151 septies pour les loueurs en meublé non professionnels).

H.– LES MODALITÉS SPÉCIFIQUES D’APPLICATION DE L’EXONÉRATION DES PLUS-VALUES PROFESSIONNELLES DES ENTREPRISES À L’IMPÔT SUR LE REVENU

L’appréciation du chiffre d’affaires ou des recettes ouvrant droit à l’exonération de plus-values professionnelles de l’article 151 septies (« dispositif Dutreil ») est affectée par la règle de transparence prévue au nouvel article 239-0 B (franchissement éventuel des seuils au niveau de la société du fait de la prise en compte de la quote-part), mais aussi, outre les coordinations, par trois modifications apportées par le C du I du présent article.

La première vise à limiter des abus sans aucun rapport avec la réforme des SDP. La règle est aujourd’hui de retenir la moyenne des recettes des exercices clos des deux années civiles précédentes. Dans le cas où le nombre des exercices est supérieur à deux, notamment pour des activités saisonnières, le montant est artificiellement abaissé. En conséquence, il est proposé de tenir compte de la durée que représentent les exercices.

La deuxième n’est pas dépourvue de lien avec la réforme mais ne lui est pas consubstantielle et s’applique aussi hors ET. Il s’agit de préciser comment les seuils sont appréciés lorsque des conjoints (époux ou pacsés) d’un même foyer fiscal bénéficient tous deux de plus-values professionnelles. Il est proposé de durcir la doctrine actuelle en prévoyant que, lorsque les conjoints exercent à titre professionnel dans la même entreprise ou entité transparente, chacun est réputé réaliser les recettes ou le chiffre d’affaires de l’ensemble de l’entreprise ou à proportion des droits des deux conjoints dans l’entité. Les seuils ne sont donc pas « individualisés ». Cela a aussi un impact lorsqu’une personne perçoit à la fois des plus-values de son entreprise individuelle sans participation du conjoint et d’une entreprise ou entité où les deux exercent, le montant de chiffre d’affaires ou de recettes étant apprécié en faisant la somme.

La troisième modification complète le nouveau régime afférent aux restructurations d’ET applicable lorsqu’un associé d’une entité transparente poursuit l’activité sous forme d’entreprise individuelle. La durée de cinq ans ouvrant droit à l’exonération de plus-values professionnelles est alors appréciée depuis la date à laquelle il était réputé être associé de l’ET.

I.– LES MODIFICATIONS DU RÉGIME DE L’INTÉGRATION FISCALE RENDUES NÉCESSAIRES PAR LA TRANSPARENCE DES SDP

Les SDP ne sont pas éligibles au régime de l’intégration fiscale, puisqu’elles ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, quand bien même leur résultat est imposé à l’impôt sur les sociétés dans le chef des personnes morales soumises à cet impôt. Il n’est donc pas possible d’inclure dans un groupe des filiales détenues par l’intermédiaire d’une société de personnes (cas d’une mère A qui détient une SDP qui détient une filiale B), ni de procéder aux retraitements prévus par le régime de l’intégration fiscale sur les produits et opérations qui « transitent » par la SDP (cas d’une mère A qui détient une SDP qui détient 5 % d’une société B elle-même filiale intégrée de la mère A). Le principe de la transparence des sociétés de personnes introduit par l’article conduira de facto à autoriser l’application du régime de l’intégration fiscale et ses retraitements. Encore faut-il préciser certaines modalités de l’extension du régime à ces cas où une société est détenue indirectement par une entité qui ne sera pas dans le groupe, comme ce fut le cas l’an passé pour l’intégration des filiales détenues par l’intermédiaire de sociétés interposées étrangères (groupes « Papillon »). C’est ce que fait le E du I du présent article.

Il convient d’ajouter au préalable qu’aujourd’hui, la société ainsi détenue via une SDP peut se constituer mère d’un « sous-groupe ». Alors même qu’elle sera considérée comme indirectement détenue par une société à l’impôt sur les sociétés, cette possibilité de se constituer mère n’est pas remise en cause, ce qui constituera une dérogation au principe de transparence.

Le a du 1° modifie la première phrase du premier alinéa de l’article 223 A afin de permettre aussi l’application du régime lorsque la société mère (A) détient des sociétés détenues à 95 % indirectement par l’intermédiaire d’« entités transparentes interposées » (ETI) détenues à 100 % au moins par la société mère de manière continue. Cette détention peut être directe (cas d’une ETI détenue par A à au moins 100 %), indirecte par des sociétés du groupe (cas d’une ETI détenue à au moins 100 % par F détenue à au moins 95 % par A), indirecte par l’intermédiaire de sociétés intermédiaires (cas d’une ETI détenue à au moins 100 % par SI détenue à au moins 95 % par A), ou par l’intermédiaire d’entités transparentes interposées (cas d’une ETI détenue à 100% par ETI’ détenue à 100 % par A). Le taux de 100 % et non 95 % est justifié par le fait que l’entité transparente ne remonte que la quote-part dans le résultat de la société à l’IS. Une modification de même nature est effectuée pour les cas particuliers des entreprises d’assurance et des mutuelles (comptes combinés) et des réseaux bancaires mutualistes (détention inversée).

Le b du 1° qu’il est requis, de la part des ETI, l’obligation préalable de communiquer à l’administration fiscale l’identité et l’adresse de ses associés.

Le c du 1° ajoute le cas des groupes avec ETI pour la formulation des accords des sociétés filiales et autorise les ETI à formuler son accord dans les trois mois de l’acquisition de titres lorsque cela affecte la substance économique d’une filiale. Il étend également la règle de concordance des ouvertures et clôtures d’exercices aux ETI. Toute la chaîne de détention doit avoir les mêmes dates de clôture : les sociétés membres du groupe entre elles, les sociétés intermédiaires et les ETI, ce qui est un gage de cohérence.

Le d du 1° modifie la liste que la société mère doit notifier à chaque exercice pour y ajouter les ETI et celles qui cessent d’être ETI.

Le b du 2° aménage la clause anti-abus dite « amendement Charasse » consistant en une limitation de la déduction des intérêts d’emprunts contractés en vue de l’acquisition d’une société qui est ou devient membre du groupe auprès des personnes physiques ou morales qui contrôlent le groupe. Il s’agit de prendre en compte la situation dans laquelle la société mère A détient une ETI qui détient une société fille C, et C appartient au groupe de A, lorsque celle-ci achète les titres de C à l’ETI ou les titres de l’ETI, donc la substance économique de C. Les modalités de calcul du montant à réintégrer sont modifiées en conséquence pour retenir en transparence le montant correspondant à l’acquisition de la substance de C.

Le 4° modifie les retraitements applicables aux plus et moins-values :

– son a pour appliquer la neutralisation à la fraction du résultat ou de la plus ou moins-value nette à long terme d’ensemble afférente à la cession par une société du groupe à une ETI de titres d’une autre société du groupe (le périmètre du groupe est inchangé) ;

– son b pour appliquer la « déneutralisation » en cas de sortie du groupe d’une société détenue par une ETI ou en cas de cession de ses titres par une ETI qui ne conduit pas à la sortie d’une société du groupe sur les titres ainsi cédés.

Le a du 6° prévoit l’assimilation par transparence des ETI, soit à une société du groupe pour la fraction de ses droits détenus, directement ou indirectement, par une telle société et à une société interposée (« Papillon ») à hauteur des droits détenus, directement ou indirectement, dans celle-ci. Cela se fait sous réserve des dispositions des nouveaux articles 239-0 A à 239-0 E dès lors que certaines dispositions leur sont propres par rapport aux groupes (par exemple le fait que les distributions des ETI ne sont pas imposables).

Le 7° étend les obligations déclaratives : les états de suivi des retraitements devront aussi porter sur ceux liés à une ETI.

Le b du 6° prévoit un nouveau cas de dissolution prévu par un j inséré à l’article 223 L du code général des impôts pour traiter du cas où un groupe disparaît et intègre le groupe de la mère en présence d’une ETI. Cela concernera les situations dans lesquelles le capital d’une société mère est détenu par l’intermédiaire d’ETI, et le cas échéant de sociétés soumises à l’impôt français, ou vient à être ainsi détenu. Les dispositions prévues pour le cas analogue de groupes intégrant celui d’une mère pour créer un groupe « Papillon » s’appliquent.

Le 5° étend l’application du système de base élargie à ce nouveau cas. Ce système permet l’imputation du déficit d’ensemble d’un groupe dissous, lorsque la cessation du groupe résulte d’une prise de contrôle, en tenant compte des facultés d’imputation dont disposent les filiales dudit groupe entrées dans le périmètre du nouveau groupe. Le a du 2° et le 3° renvoient au j ainsi créé pour la « déneutralisation » des provisions.

J.– DISPOSITIONS DIVERSES ET DE COORDINATION

Le présent article procède à des modifications de coordination de plusieurs dizaines d’articles du code général des impôts, incluant des abrogations, (F du I) et une coordination dans le code du travail (III). Mais il procède aussi à des adaptations ou à des dérogations au principe de transparence tendant à maintenir l’état actuel du droit dans le code général des impôts (F du I) et dans le livre des procédures fiscales (II). Ainsi :

– les 15 et 16 du F du I dérogent au principe de la transparence s’agissant de la déduction pour investissement (DPI) et de la dotation pour aléas (DPA) pour l’appréciation des plafonds (en fonction du bénéfice des ET) et pour la déduction sur les résultats (de l’ET et non des associés). Cet alinéa qui ne modifie pas le droit en vigueur aurait dû figurer parmi les dérogations devenues nécessaires et figurant à l’article 239-0 E ;

– le 17 du F du I transforme en article 155 C l’article 73 D, applicable à ce jour aux SDP qui exerce une activité agricole, pour le rendre applicable à toutes les ET opérationnelles (activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole) imposées au réel. Il permet en cas de transmission ou de rachat des droits d’un associé d’établir l’impôt immédiatement au nom de cet associé pour sa quote-part dans les résultats réalisée depuis la fin de la dernière période d’imposition. Le bénéficiaire de la transmission ou les associés présents à la clôture de l’exercice voient leur quote-part imposable diminuée d’autant. L’article 93 B qui prévoyait ce même régime pour les BNC est par coordination abrogé (83 du F du I) ;

– les 61 à 72 du F du I concernent les crédits d’impôt sur les sociétés pour lesquels il y a, soit coordination pure, soit maintien du droit existant qui devient dérogatoire pour continuer à appliquer aussi au niveau des ET les plafonds communautaires ou les plafonds propres à certains dispositifs (crédit d’impôt recherche, crédit d’impôt famille, crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, crédit d’impôt en faveur des maîtres-restaurateurs, crédit d’impôt en faveur des débitants de tabac) ;

– les 2 et 3 du II du présent article modifient le livre des procédures fiscales pour prévoir expressément, par sécurité juridique, que le contrôle s’effectue au niveau des ET et non de chaque associé, l’actuel article 53 modifié ne prévoyant que le principe du suivi avec l’ET ou avec le fiduciaire en présence de fiducie, tout en procédant à la coordination nécessaire sur les indivisions. La jurisprudence est donc légalisée. Il est énoncé que la procédure de vérification est conduite avec l’entité, le gérant en présence d’indivision ou à défaut un co-indivisaire et le fiduciaire en présence de fiducie. Il est prévu qu’il y a unicité de la procédure. Les actes de procédure de rectification ou de taxation, de même que la saisine et les avis de la commission départementale ou du comité de l’abus de droit fiscal, sont opposables aux associés. Ces derniers sont informés des rectifications et des montants à leur charge à proportion de leurs droits dans l’ET. Enfin, les notifications adressées aux ET sont interruptives de prescription à l’égard des associés.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 73 de M. Pierre-Alain Muet et CF 105 du rapporteur général.

M. Pierre-Alain Muet. Mon amendement tend à supprimer l’article 12. Le Gouvernement se moque du Parlement : un article de 18 pages, comportant 370 alinéas ! Il aurait dû se trouver dans le projet de loi de finances initial, ou un texte spécifique. Le rapporteur général a lui-même fait savoir ce qu’il en pensait. La suppression permettrait de réfléchir plus sereinement au sujet.

M. le rapporteur général. C’est un des dispositifs les plus compliqués que j’aie vus depuis que je suis rapporteur général ! Les services de l’État m’ont gentiment assuré qu’il était au point, parce qu’ils y travaillaient depuis quatre ans. Et nous n’aurions que quelques jours pour l’examiner…

Ce dispositif concerne les sociétés de personnes dites translucides d’un point de vue fiscal, telles que les sociétés civiles immobilières ou les sociétés en nom collectif. Ces sociétés sont des entités fiscales : le calcul de l’impôt est affecté à leur niveau, mais l’impôt est acquitté par les associés, au prorata de leur part de détention de la société. Il y a deux types d’associés : les personnes physiques qui relèvent de l’impôt sur le revenu, et les personnes morales qui relèvent de l’impôt sur les sociétés.

Pour ce qui est des personnes physiques, le Gouvernement propose d’améliorer la règle de « tunnellisation » des revenus, mise en place progressivement dans les années 1990. Selon cette règle, un déficit industriel et commercial ne peut pas être imputé sur un revenu constitué de salaires, et un déficit foncier ne peut être imputé sur le revenu global que dans la limite de 10 700 euros annuels. Bref, on a tunnellisé les catégories de revenus pour éviter une évaporation d’assiette. Or, les sociétés de personnes permettent une détunnellisation. Ainsi, si l’on fait un investissement immobilier qui crée du déficit parce qu’il est financé par un emprunt et qu’on le loge dans une société en nom collectif, on peut imputer ce déficit immobilier sur ses bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou encore sur ses bénéfices agricoles (BA), bien que le déficit ne soit pas de même nature. Le Gouvernement propose donc de n’accepter l’imputation sur la catégorie de revenus que pour autant que le bien qui produit le déficit relève de cette catégorie. Cela va dans le bon sens et je vous propose d’adopter ces dispositions.

Pour ce qui est des personnes morales, l’impôt sur les sociétés comprend trois dispositions favorables, qui sont nécessaires parce que les autres pays européens les pratiquent aussi. La première est le régime de groupe, ou intégration fiscale : lorsqu’on détient des filiales à plus de 95 %, on peut compenser les résultats déficitaires des unes avec les résultats bénéficiaires des autres et apprécier le résultat au niveau consolidé du groupe. Cette disposition apparaît dans le travail qu’a fait la Cour des comptes à notre demande sur les niches fiscales et sociales, même si ce n’est pas à proprement parler une niche. La deuxième disposition est le régime mère-fille : lorsque l’on détient une filiale à plus de 5 %, les dividendes perçus peuvent être remontés dans la société mère. Toutefois, ces dividendes ont déjà été fiscalisés, puisqu’ils ont été versés après paiement de l’impôt sur les sociétés par la filiale. Ils ne sont donc plus fiscalisés dans la société mère, sauf pour une quote-part de 5 %. Enfin, la troisième série de dispositions concerne les plus-values, sur cession de titres de participation ou cession immobilière par exemple.

Les sociétés de personnes qui ont pour associés des personnes morales ne sont pas complètement transparentes, mais translucides : le calcul de l’assiette de l’impôt se fait à leur niveau. Elles interdisent donc le bénéfice de ces trois régimes favorables. Le Gouvernement propose de les rendre transparentes, c’est-à-dire de permettre aux associés de bénéficier à la fois du montage en société de personnes et de ces dispositifs, ce qui rendrait possibles des montages aboutissant à une réduction supplémentaire de l’assiette de l’impôt. Or, aucune étude d’impact ne nous a été fournie.

M. le président Jérôme Cahuzac. Le Gouvernement dit simplement que ce n’est pas chiffrable !

M. le rapporteur général. D’expérience, je crains que le coût puisse être élevé…

On nous dit que ces mesures sont justifiées par des frottements à l’international. Ainsi, une foncière allemande, détenue par des associés allemands, qui achète un immeuble en France et crée une société de personnes, ne peut pas bénéficier du régime plus favorable de l’impôt sur le revenu… Je suis prêt à étudier tous les exemples au cas par cas, mais je ne suis pas sûr qu’on ait intérêt à faciliter des montages de ce type.

Je vous propose donc, par mon amendement CF 105, de ne pas voter la partie de l’article ayant trait aux sociétés dont les associés sont des personnes morales assujetties à l’impôt sur les sociétés, en attendant une analyse plus fine de ses conséquences. Nous n’adopterions donc que les dispositions relatives à l’impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson. L’État a mis quatre ans à sortir ce dispositif, sans aucun travail en commun avec notre Commission ! Cela aurait vraiment facilité les choses…

Il y a trois solutions. La première est la généralisation de l’impôt sur les sociétés, autrement dit le remplacement de la translucidité par l’opacité. On ne peut pas dire que cela va dans le bon sens. La seconde, qui a ma préférence, est la transparence totale. Et la troisième, la solution intermédiaire, est la « transparence rationalisée » : c’est ce que propose le Gouvernement. J’aurais préféré aller jusqu’au bout, et en profiter pour réunir BIC, BNC et BA dans le même tunnel, parce qu’on voit bien que la distinction pose problème. Cette fusion donnerait un système plus cohérent intellectuellement.

Je suivrai donc la proposition du rapporteur général. Il n’y a aucune urgence, puisque cet article n’est applicable qu’en 2012 ! Ne retenons que le dispositif concernant l’impôt sur le revenu – c’est techniquement possible. Pour le reste, il faut une évaluation. Et à ce propos, comment oser répondre que ce n’est pas chiffrable ? On peut tout de même donner des ordres de grandeur – et il ne s’agira certainement pas que de quelques dizaines de millions !

M. Louis Giscard d'Estaing. Je trouve cet article 12 étonnant et paradoxal. On nous dit vouloir renforcer l’attrait de notre territoire national : dans ce cas, je comprends la disposition proposée comme destinée à favoriser les investissements de résidents extérieurs, qui bénéficieront pour cela du nouveau régime. Mais pourquoi, en même temps, modifier l’organisation des sociétés civiles immobilières (SCI), des sociétés civiles agricoles (SCA), des groupements forestiers, et autres, pour le résident français ? Celui-ci ne bénéficie pas d’avantages fiscaux particuliers car la « tunnelisation », parfaitement cadrée, s’applique aux bénéfices non commerciaux (BNC), aux bénéfices agricoles (BA) et aux autres régimes fonciers. Pourquoi dès lors, et dans l’urgence, engager la refonte de ces régimes ?

M. le rapporteur général a évoqué le cas d’une société foncière allemande, détenue par des associés allemands, qui achète un immeuble en France et crée une société de personnes : eh bien, cela entre dans le champ de nos futurs travaux sur la convergence fiscale franco-allemande. Par ailleurs, se pose le problème de la refonte de la fiscalité du patrimoine. Essayons donc d’aborder ensemble tous les aspects d’un même sujet. Voilà pourquoi cet article me rend dubitatif.

M. Jean-Pierre Balligand. Jamais nous n’avons, sous aucune législature, travaillé ainsi. Un tel texte, qui aura un impact important à la fois sur l’impôt sur le revenu (IR) et sur l’impôt sur les sociétés (IS), aurait dû faire l’objet d’un examen spécifique.

Quant à la fusion des BA, des BNC et des BIC, que propose notre collègue M. Charles de Courson, elle représente une véritable révolution fiscale. Je n’y suis pas forcément opposé mais cela ne peut se faire sérieusement en quelques jours. C’est bien pourquoi la majorité devrait adopter l’amendement CF 73 afin de solliciter une réaction du Gouvernement à ce sujet.

M. François Goulard. Je m’interroge sur les motivations qui ont conduit le Gouvernement à présenter cet article 12. Dans notre pays, malgré un taux élevé, le rendement de l’impôt sur les sociétés est faible en raison de tous les dispositifs qui en réduisent l’assiette. Et ce qu’on nous propose ici va encore dans le sens de la diminution de celle-ci. Or, aujourd’hui, nous ne croulons pas sous les recettes fiscales et les ressources manquent pour répondre aux besoins comme pour combler les déficits. Pourquoi alors adopter cette mesure, en outre peu limpide ? À qui donc profite-t-elle ? Son incidence en matière de compétitivité fiscale semble marginale. On n’en comprend ni l’intérêt, ni pourquoi on la propose maintenant, ni pourquoi elle passe par le truchement d’un projet de loi de finances rectificative alors que son application est décalée dans le temps. Tout cela me rend perplexe.

M. le rapporteur général. Apparemment se télescopent un travail que conduit l’administration depuis plusieurs années, et ce en liaison avec les professionnels, et les annonces récentes faites par le Président de la République. Quand nous examinerons l’amendement en séance publique que je défends pour supprimer du dispositif tout le volet relatif à l’IS, j’utiliserai cet argument.

Le travail demandé à la Cour des Comptes sur la convergence fiscale, sujet sur lequel nous allons travailler au sein de la Commission, ne porte pas que sur la fiscalité du patrimoine : il traitera également de l’impôt sur les sociétés. Comment, en effet, regarnir l’assiette de l’IS et en diminuer le taux ? Telle est bien l’interrogation. Or, les dispositions qu’on nous propose ici vont exactement dans le sens inverse. Il existe donc une incohérence entre l’orientation donnée par le Président de la République et l’article dont nous discutons.

M. Hervé Mariton. Qui est demandeur de cette mesure ?

M. le rapporteur général. J’entends dire qu’il s’agirait de la place financière de Paris. Mais, contrairement aux habitudes, je n’ai reçu aucun courrier, ni aucun appel à ce sujet.

Défavorable à l’amendement CF 73, je souhaite que la Commission retienne l’amendement CF 105, qui reprend de fait les quatre cinquièmes du premier.

La Commission rejette l’amendement CF 73 et adopte l’amendement CF 105 (amendement n° 2).

Elle adopte ensuite l’article 12 est ainsi modifié.

 

Réforme du régime des sociétés de personne

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