acte anormal de gestion-frais financier- jurisprudence

 

Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 07/09/2009, 303560

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SNC IMMOBILIERE GSE détient des participations majoritaires dans différentes sociétés établies au Portugal et ayant pour objet la construction d'immeubles destinés à la vente ; qu'elle a inscrit, à l'actif de son bilan au compte autres participations l'ensemble des sommes versées, qu'il s'agisse des apports en capital ou des versements supplémentaires au capital, pour la quote-part lui revenant dans les droits sociaux de ces sociétés ; qu'elle a financé ces versements supplémentaires, à la fois par ses fonds propres et par l'emprunt ; que, sur le plan comptable, elle a affecté la quote-part des frais financiers supportés à raison de ces emprunts au prix de revient de ses participations ; que, sur le plan fiscal, elle a procédé à la déduction extra-comptable sur la liasse fiscale de ces frais financiers sur le tableau 2058 relatif à la détermination du résultat imposable ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société, qui relevait alors du régime des sociétés de capitaux, a fait l'objet en matière d'impôt sur les sociétés au titre notamment de l'exercice clos en 1991, l'administration a, parmi d'autres redressements, remis en cause la déductibilité au titre de cet exercice des frais financiers relatifs à ces emprunts au double motif que, d'une part, sur le fondement du 1 de l'article 39 du code général des impôts, ces intérêts, exposés pour ses filiales et non refacturés à celles-ci, ne pouvaient être pris en charge par la société mère qui avait ainsi commis un acte anormal de gestion en l'absence d'intérêt propre, et, d'autre part, sur le fondement du 2 de l'article 38 du même code, que la société avait choisi de les porter à l'actif du bilan par incorporation au capital des filiales initialement souscrit et avait ainsi pris une décision de gestion qui lui était opposable ; que la SNC IMMOBILIERE GSE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel tendant à l'annulation du jugement du 7 octobre 2002 du tribunal administratif de Marseille rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1991 correspondant à ce chef de redressement ainsi que des pénalités correspondantes ; ...



... Considérant qu'après avoir indiqué que le fait de consentir des avances sans intérêts à un tiers constituait un acte étranger à une gestion commerciale normale et que cette règle devait recevoir application même si le bénéficiaire de ces avances était une filiale de la société, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté, la cour a, pour juger que l'administration établissait que la renonciation de la SNC IMMOBILIERE GSE à percevoir des intérêts sur les versements supplémentaires accordées à ses filiales situées au Portugal constituait un acte anormal de gestion, relevé que ces versements n'avaient pas eu pour conséquence d'augmenter le nombre de parts détenues dans le capital de ces sociétés et qu'en dépit de la circonstance que ces versements ne pouvaient, selon la loi portugaise, être productifs d'intérêts, la société requérante n'établissait pas qu'en consentant une aide sous forme d'une renonciation à une recette elle aurait agi dans son propre intérêt ;...



 


... Considérant, d'autre part, que l'administration ne peut retenir l'existence d'un acte anormal de gestion à l'encontre d'une société qui participe au financement des besoins en capitaux de sa filiale située à l'étranger, au motif qu'elle n'a pas réclamé à cette filiale le paiement des intérêts à raison des versements qu'elle a effectués, lorsque la réglementation du pays où est implantée cette filiale interdit le versement de ces intérêts ; que, par suite, en écartant comme étant sans incidence le fait que la législation portugaise interdisait le versement par les filiales situées au Portugal d'intérêts à raison des versements supplémentaires de la société requérante et en retenant l'existence d'un acte anormal de gestion, la cour a commis une erreur de droit ;...



... Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les versements supplémentaires ne peuvent être regardés comme des avances consenties par la SNC IMMOBILIERE GSE à ses filiales établies au Portugal mais doivent être regardés comme des éléments du capital propre de ces sociétés en application des articles 210 à 213 du code des sociétés commerciales portugais ; que les intérêts supportés à raison des emprunts souscrits pour financer ces versements constituent des charges déductibles de la société ; que la législation portugaise interdisant le versement par les filiales situées au Portugal d'intérêts à raison de ces versements, l'administration ne peut soutenir que la société requérante avait commis un acte anormal de gestion en ne refacturant pas à ses filiales les intérêts qu'elle avait acquittés ; que si le ministre soutient que la société avait la possibilité de contourner la difficulté résultant de l'interdiction posée par la loi portugaise en procédant à des apports en capital plus importants ou en souscrivant à une augmentation en capital, il n'appartient pas à l'administration fiscale d'apprécier le caractère normal du choix ainsi opéré par la société et à en tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales ; que par suite, la société est fondée à soutenir que le redressement n'est pas légalement justifié en ce qu'il se fonde sur le 1 de l'article 39 du code général des impôts ;...


... Considérant, en second lieu, que, pour justifier le redressement sur le fondement du 2 de l'article 38 du même code, l'administration soutient qu'en inscrivant à l'actif les intérêts d'emprunt, la SNC IMMOBILIERE GSE a pris une décision de gestion qui lui est opposable et a entendu procéder à une sorte de réévaluation libre dès lors qu'elle a estimé que la valeur de ses titres de participation s'était trouvée accrue du fait de la prise en charge définitive des intérêts non refacturés ; que toutefois, et d'une part, la société fait valoir à bon droit que ce choix effectué sur le plan comptable ne peut lui être opposé sur le plan fiscal dès lors que l'article 38 quinquies de l'annexe III à ce code selon lequel les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine exclut la prise en compte des frais financiers et au surplus est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 98 de l'instruction 4 G-6-84 du 17 décembre 1984 dont elle a fait application et aux termes duquel les frais financiers retenus comptablement pour le calcul de la valeur d'origine de l'immobilisation présentent, du point de vue fiscal, le caractère de charges annuelles et, par suite, doivent être déduits de manière extra-comptable pour la détermination du résultat imposable (tableau n° 2058 -AN, ligne XG) ; que, d'autre part, il ne résulte d'aucune des écritures du bilan que la société aurait procédé à une réévaluation libre de cet actif ;...

 

 

 

 

Conseil d'État, 31/12/2008, 306429, Inédit au recueil Lebon

 

Considérant, d'une part, que la société Multimédia Finances établit que la société IRB connaissait de graves difficultés financières et que la banque qui assurait l'essentiel des besoins en trésorerie du groupe a exigé que la société mère prenne en charge des frais de découvert bancaire de la filiale ; qu'en conséquence, l'aide apportée par la société requérante était nécessaire à la sauvegarde de son propre renom et répondait aux nécessités de la survie de sa filiale et de la préservation de ses propres actifs ; que, d'autre part, la société Multimédia Finances établit, contrairement à ce que soutient le ministre qui ne critique pas utilement ses écritures sur ce point, que, malgré l'aide ainsi consentie, la situation nette négative de la société IRB a persisté et s'établissait au 31 décembre 1994 à 4 658 312 F (710 155,09 euros) et qu'ainsi cette aide n'a pas valorisé sa participation dans le capital de la filiale ; que, par suite, la société Multimédia Finances est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la réduction de la base imposable au titre de l'année 1994 d'une somme de 90 830 F (13 846,95 euros) ;

 

Conseil d'Etat, 7 / 8 SSR, du 31 juillet 1992, 42280, inédit au recueil Lebon

Considérant qu'alors même que le gérant de la société emprunteuse est aussi celui de la requérante, celle-là est juridiquement indépendante de celle-ci ; que, bien que la société requérante soit le promoteur des constructions auxquelles se livre l'emprunteuse, cette dernière ne peut être regardée comme une filiale à laquelle la société-mère apporterait son appui ; qu'il n'est pas allégué que la société civile immobilière en cause se serait trouvée en difficulté et n'aurait pu de ce fait, se procurer des liquidités dans des conditions normales ; que la circonstance que la réduction consécutive des frais financiers de la société civile immobilière a eu pour contrepartie la possibilité pour cette dernière de réaliser son programme de construction et de rémunérer par une commission la requérante n'est pas de nature à établir que la requérante avait un intérêt commercial direct à s'abstenir de facturer des intérêts à la société emprunteuse ; que, dans ces circonstances l'administration établit que l'absence d'intérêts sur l'avance consentie a constitué un acte anormal de gestion ; qu'elle était, par suite, fondée à réintégrer dans les bases de l'impôt sur les sociétés dû par la requérante le montant des intérêts que celle-ci s'est abstenue de percevoir, et d'en fixer le taux à 10 %, taux dont il n'est pas allégué qu'il soit exagéré ;

Conseil d'Etat, 57048, mentionné aux tables du recueil Lebon

Considérant, d'autre part, que, si la société requérante fait valoir qu'elle détenait, le 11 avril 1974, date à laquelle elle a donné son aval, une créance de 1 212 535,24 F sur la société Marcesche, elle n'apporte aucune précision sur la contrepartie qu'elle aurait retirée de sa caution pour le recouvrement de ladite créance, qu'elle a d'ailleurs abandonnée, sous réserve du retour du débiteur à meilleure fortune, par convention du 30 décembre 1974 ; que, si elle invoque les liens commerciaux qu'elle entretenait avec la société Marcesche, qui, selon elle, était son principal fournisseur et son principal sous-traitant, elle ne justifie pas, par ces liens et par les avantages qu'elle en aurait retirés, de l'intérêt pour elle de souscrire un engagement de caution de l'importance de celui qui a été pris ; que, si elle soutient que la société-mère était menacée de liquidation et qu'eu égard à la part représentée par son capital dans l'actif de ladite société, cette liquidation aurait entraîné sa propre disparition, cette allégation est contredite par les pièces du dossier, dont il ressort qu'à la date où elle a consenti sa caution, la situation de la société Marcesche n'était pas encore critique ;

Considérant que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant qu'ont été étrangères à une gestion commerciale normale, non seulement la charge des frais financiers que la société a dû assumer du fait de l'emprunt auquel elle a recouru afin d'exécuter son engagement de caution, mais encore les charges de tous ordres qu'a pu occasionner cette exécution ; qu'il en est ainsi notamment de la charge probable inhérente au risque de perte auquel la société a été exposée à raison des difficultés de recouvrement de la créance née de ladite exécution ; que la provision de 650 000 F constituée pour faire face à cette perte n'est, dès lors, pas justifiée, alors même qu'à la date à laquelle cette provision a été inscrite la situation financière de la société Marcesche était devenue alarmante ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les bénéfices, non seulement les frais financiers, mais encore la provision ci-dessus ;

 

 

Conseil d'Etat, du 18 novembre 1987, 72127, inédit au recueil Lebon

Sur la réintégration d'une fraction des frais financiers de l'entreprise :

Considérant, d'une part, que l'administration établit que M. X... a fait financer par son entreprise de dragages et de travaux publics, sur un terrain appartenant à son fils Jean-Pierre, la construction de divers bâtiments à usage professionnel, utilisés par l'entreprise moyennant le paiement d'un loyer, ainsi que d'un local d'habitation destiné à constituer la résidence principale de M. Jean-Pierre X... ; que l'administration établit également que l'entreprise n'a exigé aucun remboursement de sa créance et n'a pas réclamé d'intérêts ; que l'administration démontre ainsi que M. Jean-Pierre X... a pu, de la sorte, acquérir la jouissance gratuite de sa résidence principale et devenir, en outre, créancier des loyers correspondant à l'usage des locaux professionnels ; que cette situation, révélatrice d'un acte anormal de gestion, autorisait l'administration à réintégrer le montant des intérêts qui auraient dû normalement être demandés par M. X... sauf pour celui-ci à prouver que, en agissant ainsi, il a eu en vue l'intérêt bien compris de son entreprise ou, subsidiairement, que le taux d'intérêt retenu par l'administration est excessif ;

Considérant que M. X..., en faisant valoir que son attitude a eu pour objet d'attacher son fils à l'entreprise afin d'assurer la pérennité et le développement de celle-ci n'établit pas qu'en renonçant à percevoir les intérêts des prêts consentis, il a agi dans l'intérêt propre de l'entreprise, alors que, dans le même temps, celle-ci a dû procéder à des emprunts et accroître son découvert bancaire ; que M. X..., qui n'apporte pas la preuve que le taux des intérêts retenus par l'administration était excessif, n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les réintégrations correspondantes ont été faites à tort ;

 

 

 

Conseil d'Etat, , du 25 juin 1986, 43592, inédit au recueil Lebon

 

Considérant que l'estimation qui pouvait être faite à cette dernière date de la valeur des terrains et d'un immeuble à usage d'hôtel constituant le patrimoine de la société, les projets de promotion immobilière auxquels s'intéressait à l'époque un groupe financier avec lequel la S.A.R.L. Antillaise d'Etudes et de Gérance était en pourparlers, et l'intérêt que pouvait trouver la S.A.R.L. à obtenir la maîtrise de la S.T.P.D. pour négocier simultanément la vente des terrains de cette société et celle des terrains limitrophes qu'elle possédait elle-même, étaient de nature à conférer aux actions de la S.T.P.D. une valeur supérieure à celle correspondant à l'estimation comptable faite par le service ; que dans ces conditions le ministre n'établit pas que l'acquisition le 28 août 1972 au prix susindiqué ait constitué, de la part de la contribuable, un acte anormal de gestion ; que c'est, par suite, à tort que le service a, d'une part, refusé d'admettre en déduction la perte constatée en 1974 pour un montant de 2 408 100 F, lors de la cession des mêmes actions à un prix inférieur à leur valeur d'achat, et d'autre part, réintégré aux résultats des exercices 1974, 1975, 1976 et 1977 le montant des frais financiers s'élevant respectivement à 278 611 F, 344 800 F, 339 696 F, et 128 325 F, correspondant aux frais et intérêts de l'emprunt qu'avait dû souscrire ladite société pour l'acquisition des actions dont s'agit ;

 

Conseil d'Etat, du 24 janvier 1986, 38041, inédit au recueil Lebon

 

Considérant, en troisième lieu, que dans la mesure où les ouvertures de crédits bancaires qui ont entrainé les frais financiers litigieux et dont le montant n'est pas contesté, ont été directement liées au financement tant de la fraction réintégrée du prix d'acquisition de l'ensemble immobilier dont s'agit, que des travaux ayant fait l'objet des facturations frauduleuses susindiquées, la société n'était pas fondée à en tenir compte pour la détermination des résultats imposables des exercices concernés

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