Affaire n° 2010-10 concernant la SAS T

 

Affaire n° 2010-10 concernant la SAS T

 

 

La luxembourgeoise marchande de  biens en France abuse t elle fiscalement si les profits immobiliers de ses filiales intégrées sont annulées par une moins value à court terme (sic) ?

 

M. L, domicilié en Suisse, détenait les titres de la société X, dénommée « X », créée en 2002.

 

Cette société détenait les titres de la société française Y, dénommée « Y», également créée en 2002.

 

La société française détenait la totalité des parts de trois sociétés civiles immobilières (SCI) et d’une société en nom collectif (SNC), toutes situées à la même adresse, et ayant pris comme dénomination sociale l’adresse du seul immeuble que chacune d’entre elles possédait à son actif.

 

Ces trois SCI et la SNC ont opté pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés et formaient un groupe intégré avec la société Y, tête de groupe.

Au cours du mois de décembre 2005, trois sociétés ont été créées : - M. L. a créé le 23 décembre 2005 une nouvelle société luxembourgeoise « PL », holding du groupe et qui sera détenue à compter du 26 décembre suivant par la société luxembourgeoise A ;

- le 15 décembre avait été créée la société luxembourgeoise SARL T qui sera détenue par la nouvelle holding mentionnée ci-dessus ;

- le 19 décembre 2005 la société par actions simplifiées (SAS) de droit français T est créée et déclarée comme marchand de biens. Elle est détenue par la société luxembourgeoise SARL T.

Le 23 décembre 2005, la SAS T a acquis, pour un prix de 13 150 362 €, les titres de la société française « Y ».

Les titres ont été inscrits en comptabilité dans les stocks de la SAS T. A compter du 1er janvier 2006, la SAS T s’est constituée nouvelle tête du groupe fiscal intégré formé par elle-même, la société Y, les trois sociétés immobilières et la société en nom collectif.

En mars 2006, les trois SCI et la SNC ont cédé leurs immeubles à quatre sociétés luxembourgeoises, constituées sous les mêmes dénominations sociales et appartenant au même groupe international.

Elles ont réalisé à cette occasion une plus-value globale de 15 614 229 € et constaté une dette d’impôt à l’égard de la SAS T. Le 25 septembre 2006, les sociétés qui détenaient les immeubles ont réalisé, après la vente desdits immeubles, des distributions de dividendes pour un montant global de 5 980 014 € au profit de la société Y (associée à 99,90 % de leur capital) et de 5 986 € au profit de la SAS T (associée à 0,10 % de leur capital). Le 25 octobre 2006, la société Y a procédé à son tour à une distribution de dividendes de 5 370 000 € au profit de sa société mère, la SAS T. Ces distributions ont été effectuées en franchise d’impôt, les sociétés s’étant placées sous le régime des sociétés mères et filiales prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts et sous celui de l’intégration fiscale. A la clôture de son exercice le 31 décembre 2006, la SAS T a comptabilisé une provision pour dépréciation des titres de la société Y détenus en stock (régime des marchands de biens) depuis le 23 décembre 2005.

Cette provision, immédiatement déductible à hauteur de 12 915 729 €, a concouru à la formation d’un déficit fiscal propre de 13 248 894 € qui va s’imputer, pour la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscal intégré, sur les résultats bénéficiaires déclarés par les quatre sociétés qui détenaient les immeubles et s’élevant à 14 464 831 €.

 L’impôt constaté par les quatre filiales n’a donc pas été payé au Trésor Public par la SAS T, alors que la charge a concouru à la justification de la dépréciation de titres Y par cette société.

L’administration a considéré que le groupe avait élaboré un montage artificiel, consistant dans l’interposition de la SAS T déclarée comme marchand de biens et l’utilisation combinée de régimes de faveur (régimes des sociétés mères et de l’intégration), dans le but exclusivement fiscal d’éluder l’imposition résultant des plus-values de cession des quatre immeubles, qui aurait été normalement exigible en l’absence de montage.

Mettant en oeuvre la procédure de l’abus de droit prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, l’administration a, par la proposition de rectification du 12 février 2009, refusé à la SAS T la déduction de la provision pour dépréciation des titres de la société Y dans le cadre du régime de marchand de biens, ainsi que la déduction de la quote-part de frais et charges relatives aux distributions reçues dans le cadre des régimes de groupe et des sociétés mères.

Au vu des éléments portés à sa connaissance, le Comité relève :

 - que la SAS T a certes déclaré avoir pour objet social l’activité de marchand de biens mais que, depuis sa création en 2005, elle n’a réalisé aucune opération d’achat et de revente, à titre habituel, d’immeubles ou de titres de sociétés immobilières de nature à caractériser l’exercice effectif d’une telle activité ;

 - que la SAS T s’est placée avec les trois SCI et la SNC sous le régime de l’intégration fiscale en vue de compenser les bénéfices et les pertes des sociétés intégrées, tout en évitant la neutralisation des provisions sur les titres des filiales du groupe, alors que cette neutralisation a été voulue par le législateur pour assurer l’équilibre de ce régime ;

 - qu’à supposer même que la nécessité de refinancement alléguée par la SAS T soit établie, elle n’impliquait pas le recours à l’activité de marchand de biens.

 

Le Comité déduit de l’ensemble de ces éléments qu’en se constituant en qualité de marchand de biens sans exercer réellement cette activité, et en procédant à la distribution du bénéfice réalisé par sa filiale sur l’exercice même de sa réalisation, la SAS T n’a recherché que l’intérêt fiscal lié à l’inscription des titres de la société Y dans ses stocks pour pouvoir ensuite les déprécier par voie de provision déductible dans les conditions de droit commun, et se créer ainsi un déficit venant s’imputer sur les bénéfices des quatre sociétés qui ont vendu les immeubles dans le cadre de la détermination du résultat d’ensemble du groupe fiscal intégré.

 

En conséquence, le Comité émet l’avis que les opérations constituent dans leur ensemble un abus de droit et que l’administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

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