21 février 2011

EUROPE , succession et liberté de circulation des capitaux

curiae.jpg Une niche fiscale  en matière de  droits de donation réservée  aux résidents
peut elle être contraire à la liberté de circulation des capitaux ? (oui)

les tribunes sur les libertés europeennes  

 

CJUE  affaire C‑25/10    10 février 2011

Missionswerk Werner Heukelbach eV contre État belge,

Le traité de Lisbonne

Je rappelle que la liberté de circulation des capitaux n’est pas exclusivement  accordée aux 27 états membres mais ouverte à l’ensemble des Etats tiers

Les faits

Le Missionswerk est une association religieuse ayant son siège statutaire en Allemagne. Par testament olographe du 5 novembre 2003, cette association a été désignée comme légataire universel de Mme Renardie, ressortissante belge. La testatrice, ayant résidé toute sa vie en Belgique, est décédée à Malmedy (Belgique) le 12 juin 2004.


Le 14 juin 2005, le Missionswerk a déposé une déclaration de succession au nom de la défunte auprès de l’administration de l’enregistrement et des domaines de Malmedy (ci-après l’«administration») et a, par la suite, payé les droits de succession au taux marginal de 80 % réclamés par cette administration, pour un montant de 60 038,51 euros.

Par une lettre du 1er décembre 2005, le Missionswerk a demandé à l’administration le bénéfice du taux réduit des droits de succession prévu à l’article 59, point 2, du code. Cette demande a été rejetée, au motif que cette association ne répondait pas aux conditions fixées à l’article 60, paragraphe 1, de ce code.

Dans sa requête introduite devant la juridiction de renvoi, le Missionswerk demande la restitution des droits de succession dont le montant excède celui qui résulte de l’application du taux réduit dont elle revendique le bénéfice. Cette association soutient que les articles 59, point 2, et 60, paragraphe 1, du code créent une discrimination au détriment des résidents de la région wallonne qui lèguent leurs biens au profit d’associations ou d’organismes caritatifs établis dans des États membres de l’Union dans lesquels ils n’ont jamais résidé ni travaillé.

Dans ces conditions, le tribunal de première instance de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Faut-il interpréter les articles 18 [TFUE], 45 [TFUE], 49 [TFUE] et 54 [TFUE] en ce qu’ils interdisent l’adoption ou le maintien, par le législateur d’un État membre, d’une règle ayant pour objet de réserver le bénéfice d’une taxation au taux réduit de 7 % aux associations sans but lucratif, aux mutualités ou aux unions nationales de mutualités, aux unions professionnelles et aux associations internationales sans but lucratif, aux fondations privées et aux fondations d’utilité publique, ressortissantes d’un État membre où le de cujus – résident wallon – résidait effectivement ou où il avait son lieu de travail au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail?»

la Cour, en rappelant notamment que les successions, qui consistent en une transmission à une ou plusieurs personnes du patrimoine laissé par une personne décédée, relèvent de la rubrique XI de l’annexe I de la directive 88/361, intitulée «Mouvements de capitaux à caractère personnel», a jugé que les successions constituent des mouvements de capitaux au sens de l’article 63 TFUE, à l’exception des cas où leurs éléments constitutifs se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêt Eckelkamp e.a., précité, point 39 et jurisprudence citée). Or, une situation, telle que celle en cause au principal, dans laquelle une personne résidant en Belgique a effectué un legs en faveur d’un organisme sans but lucratif ayant son siège statutaire en Allemagne ne constitue nullement une situation purement interne.

 

 Directive 88/361 sur la libération des Mouvements de capitaux 

 

 

 L’article 63 du traité de Lisnonne  

   

Il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une réglementation fiscale nationale puisse être considérée comme compatible avec les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des capitaux, il faut que la différence de traitement concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (voir arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 43; du 7 septembre 2004, Manninen, C‑319/02, Rec. p. I‑7477, point 29; du 8 septembre 2005, Blanckaert, C‑512/03, Rec. p. I‑7685, point 42, et du 17 septembre 2009, Glaxo Wellcome, C‑182/08, Rec. p. I‑8591, point 68).

30La Cour a déjà jugé que, s’il est légitime pour un État membre d’exiger, aux fins de l’octroi de certains avantages fiscaux, qu’un lien suffisamment étroit existe entre les organismes qu’il reconnaît comme poursuivant certains de ses objectifs d’intérêt général et les activités qu’ils exercent (voir, en ce sens, arrêt Centro di Musicologia Walter Stauffer, précité, point 37), celui-ci ne saurait toutefois réserver le bénéfice de tels avantages aux seuls organismes établis sur son territoire et dont les activités sont susceptibles de le décharger de certaines de ses responsabilités (arrêt Persche, précité, point 44).

Decision

 

L’article 63 TFUE s’oppose à la législation d’un État membre qui réserve la possibilité de bénéficier du taux réduit des droits de succession aux organismes sans but lucratif ayant leur siège d’opération dans cet État membre ou dans l’État membre dans lequel le de cujus résidait effectivement ou avait son lieu de travail, au moment de son décès, ou dans lequel il a antérieurement effectivement résidé ou eu son lieu de travail

 

Les commentaires sont fermés.