28 mai 2018

La reforme de la fraude fiscale le rapport DIARD et CARRIOU

verrou de bercy.jpgLe « verrou de Bercy » est une exception au principe de libre exercice de l’action publique par le ministère public. Il conditionne ainsi les poursuites devant les autorités judiciaires pour fraude fiscale au dépôt d’une plainte sur décision du ministre chargé du budget, après un avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF). Institué il y a près d’un siècle en 1920, ce « verrou » fait l’objet de critiques qui se sont accentuées au cours des dernières années.

 

 

le rapport sur les procédures de poursuite des infractions fiscales

en pdf 

la poursuite pénale de la fraude fiscale en droit comparé

les statistiques du contrôle fiscal rapport au parlement

DOSSIERS ISSUS DU CONTRÔLE FISCAL TRANSMIS À LA CIF

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Nombre de contrôles fiscaux externes

51 529

51 452

50 968

49 661

48 540

47 900

Nombre de dossiers répressifs*

16 194

16 166

15 943

15 374

15 065

14 228

Nombre de dossiers répressifs avec des droits notifiés supérieurs à 100 000 €

4 124

4 406

4 480

4 520

4 423

4 785

Nombre de dossiers transmis à la CIF

1 068

1 102

1 050

961

874

946

* il s’agit, d’une part, des dossiers faisant l’objet d’une proposition de poursuites pénale, et d’autre part des dossiers pour lesquels sont appliquées des pénalités exclusives de bonne foi :

Note EFI ce rapport ne vise que le verrou de Bercy il ne vise notamment ni la définition des personnes morales pénalement responsables ni la prévention de la fraude fiscales par la coopération des salariés internes à l entreprises comme cela se pratique aux usa 

Individual Accountability for Corporate Wrongdoing 9 september 2015

FRAUDE FISCALE : VERS DE NOUVELLES PRATIQUES

Les réflexions de Monsieur Robert GELLI, directeur des affaires criminelles et
de Monsieur Jean-Claude MARIN, Procureur général près la Cour de cassation

 

Cette procédure pénale intervient principalement à l’issue d’un contrôle fiscal, après que les droits éludés et les pénalités financières ont déjà été notifiés au contribuable qui a commis les manquements  Elle s’applique à des dossiers sur lesquels l’administration fiscale souhaite voir appliquer des sanctions pénales, en plus de la batterie de sanctions administratives dont sont assortis les rappels d’imposition (intérêts de retard, pénalités de 40 %, 80 % voire 100 % du montant d’impôt redressé).

Une partie de la répression de la fraude demeure exercée aujourd’hui en France, comme dans beaucoup d’autres pays, via des sanctions financières qui ont déjà un caractère de peines, sans passer par une procédure judiciaire pénale. La raison concrète du choix de ce mode de pénalisation réside dans le fait que le contentieux fiscal représente un contentieux de masse qui ne se prête pas, au regard du volume de dossiers traités par l’administration et des enjeux financiers, à une procédure juridictionnelle longue et complexe.


En France, comme dans toutes les grandes démocraties, on réserve ainsi le traitement pénal au sens strict aux cas les plus graves de fraudes. Cela ne signifie nullement que les autres dossiers issus des contrôles échappent à la sanction, puisque les impôts dus sont, en tout état de cause, redressés et recouvrés, et qu’ils sont assortis de sanctions financières lourdes.

Il reste que la perception de la société a changé à l’égard des manquements fiscaux. La fraude fiscale, auparavant considérée comme une simple atteinte aux intérêts financiers de l’État, est aujourd’hui perçue comme un trouble à l’ordre public et une atteinte à l’égalité des citoyens devant la loi.

La dégradation de la situation des finances publiques n’est pas étrangère à ce changement de sensibilité dans un contexte où les profits de certaines entreprises multinationales contrastent avec la difficulté éprouvée par les États pour les soumettre à l’impôt.

Dans le même temps, des efforts importants de maîtrise des dépenses publiques ont été déployés. Ceux-ci sont d’autant plus susceptibles d’être acceptés par les citoyens que les pouvoirs publics s’efforcent parallèlement de lutter contre les comportements abusifs d’évitement de l’impôt : évasion fiscale, optimisation fiscale agressive, fraude fiscale.

Toutefois la problématique de la lutte contre l’évasion fiscale ne se résume absolument pas à celle du « verrou de Bercy ».

Ce dispositif – qui s’insère dans la procédure pénale en matière d’infractions fiscales – se limite à restreindre le libre exercice de l’action publique par le Parquet alors que le sentiment que certains échapperaient à l’impôt provient avant tout de l’usage massif de l’optimisation fiscale, c’est-à-dire de mécanismes autorisés tant par les droits nationaux que par les conventions internationales, dont le but premier n’est pourtant que d’éviter la double imposition.

Ce contexte nouveau a créé une suspicion sur la procédure du « verrou de Bercy » qui a été alimentée par l’onde de choc provoquée en 2013 par l’ « affaire Cahuzac ». C’est à la suite de celle-ci, lors de la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ( , que la légitimité du « verrou de Bercy » a commencé à faire l’objet d’un large débat public dont les parlementaires se sont emparés.

Le débat n’est donc pas seulement technique ou juridique, mais aussi politique et moral et les critiques à l’encontre du « verrou de Bercy » reposent essentiellement sur des questions de principe. Elles se concentrent sur les limitations apportées aux prérogatives du Parquet, chargé de défendre les intérêts de la société en usant de l’action pénale.

La mission d’information a étudié ce dispositif en profondeur.

Elle a également étudié les systèmes étrangers par des auditions à Washington, Berlin, Londres et Rome.

l ressort de l’ensemble de ces travaux que des évolutions sont nécessaires pour répondre aux préoccupations exprimées.

Il apparaît possible de faire évoluer la procédure dans le sens d’une plus grande coopération entre l’autorité judiciaire et l’administration fiscale, sans pour autant exclure celle-ci de l’instruction des dossiers, du chiffrage des infractions et du processus de sélection des dossiers relevant d’une politique pénale, compte tenu de son expertise en matière d’établissement de la base fiscale et de liquidation de l’impôt. Ces évolutions sont nécessaires pour mieux coordonner notre politique publique de lutte contre la fraude fiscale et la rendre plus efficace.

La mission d’information propose donc d’aménager le fonctionnement du « verrou de Bercy » selon deux axes principaux, et dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle les poursuites pénales doivent être réservées aux cas les plus graves de fraude fiscale au regard du montant des droits éludés, de la nature des agissements et des circonstances.

Le premier axe de réforme porte sur les dossiers issus d’un contrôle fiscal de l’administration ;

le second concerne les fraudes fiscales découvertes de manière incidente par l’autorité judiciaire dans le cadre d’une enquête.

En premier lieu, la mission d’information recommande une réappropriation par le législateur du processus de sélection des dossiers présentant un profil pénal à l’issue d’un contrôle fiscal. Alors qu’aujourd’hui les critères de sélection découlent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de circulaires communes du ministère de la justice et du ministère du budget et de l’usage développé par la CIF, la mission préconise la définition de critères légaux afin de constituer de manière objective un vivier de dossiers à partir duquel serait examinée l’opportunité des poursuites pénales en matière de fraude fiscale.

Elle propose que soient retenus plus particulièrement :

– l’ensemble des dossiers pour lesquels les droits rappelés sont supérieurs à un certain seuil et qui ont fait l’objet d’une pénalité révélant l’intention de se soustraire à l’impôt ;

– l’ensemble des dossiers qui répondent à la qualification de fraude fiscale aggravée, indépendamment de leur quantum (en particulier en cas d’interpositions de personnes morales à l’étranger ou de fraude commise en bande organisée) ;

et l’ensemble des dossiers dans lesquels le contribuable est en situation de récidive.

En deuxième lieu, la mission d’information recommande d’accroître les marges de manœuvre de l’autorité judiciaire pour les cas de fraude fiscale qu’elle a découverts de manière incidente dans le cadre de ses investigations et qui découlent d’une autre infraction.

Le « verrou de Bercy » est actuellement une source de ralentissement des investigations pour ce type de fraudes fiscales corrélatives à une autre infraction.

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