01 janvier 2022

FISCALITE DE LA LOCATION MEUBLEE: les avantages et les pieges

 Le régime fiscal de la location meublée - Cabinet Cilex Compta

La location meublée à l’épreuve des dispositifs fiscaux de faveur

Selon les dispositifs fiscaux de faveur, l'activité de location meublée sera ou non éligible. L'arrêt récent du Conseil d'État qualifiant l'acquisition de biens immobiliers destinés à être loués meublés d'investissement patrimonial mettant fin au sursis d'imposition nous donne l'occasion de faire le point.

Un réinvestissement en location meublée peut il bénéficier du sursis d’imposition ?

 CE 19.04.22 n ° 442 946conlusions  Cytermann 

Une activité civile par nature mais fiscalement commerciale

Pour l'IFI, la location meublée ne constitue pas une activité commerciale, sauf pour le bénéfice de l'exonération de certains actifs professionnels. / 2-4 et 2-5

Pour le dispositif Dutreil, la location meublée, même exercée à titre professionnel, ne constitue pas une activité éligible. / 2-7

La plus-value de cession de l'immeuble donné en location meublée peut bénéficier d'un abattement pour durée de détention, qu'il s'agisse d'une plus-value professionnelle ou privée. / 2-8 et 2-9

Dans le cadre d'un apport-cession dont la plus-value bénéficie d'un différé d'imposition, l'acquisition d'immeubles en vue de développer une activité de location meublée présente un caractère patrimonial, sauf fourniture de prestations hôtelières par le propriétaire ou mise en œuvre d'importants moyens matériels et humains. / 2-12 et 2-13

L'activité de location meublée est, en principe, exonérée de TVA, sauf fourniture de prestations à caractère hôtelier. / 2-14 et 2-15

Soumises à la CFE, les locations et sous-locations meublées peuvent cependant bénéficier d'exonérations. / 2-16 et 2-17

 

La location meublée à l’épreuve des dispositifs fiscaux de faveur 1

Régime hybride de la location meublée. 1

L’immeuble utilisé pour la location meublée peut-il échapper à l’IFI ?. 3

La location meublée est-elle éligible au dispositif Dutreil ?. 4

L'abattement pour durée de détention s'applique-t-il à la plus-value de cession de l'immeuble donné en location ?. 5

LMP et plus-values professionnelles à long terme :  l'abattement pour durée de détention s'applique. 5

Apport-cession et remploi dans une activité de location meublée. 7

Principe d’inéligibilité de la location meublée au réinvestissement économique. 7

Intérêt et enjeux d'une activité soumise à la TVA.. 10

Locations et sous-locations meublées au regard de la cotisation foncière des entreprises. 11

 

Régime hybride de la location meublé

 


Une activité civile par nature mais fiscalement commerciale

2-1

La location meublée se définit comme celle portant sur un logement décent équipé d’un mobilier en nombre et en qualité suffisants pour permettre au locataire d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante (loi 2014-366 du 24 mars 2014, art. 8). La liste des éléments de mobilier nécessaires au logement meublé est fixée par décret (décret 2015-981 du 31 juillet 2015).

Sur le plan juridique, la location d’un immeuble est regardée comme présentant un caractère civil, qu’elle soit nue ou meublée. En effet, le droit commercial ne qualifie d’actes de commerce que « toute entreprise de locations de meubles » (c. com. art. L. 110-1, 4°).

Sur le plan fiscal, la location meublée, qu'elle soit habituelle ou occasionnelle, constitue une activité commerciale dont les revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) (CGI art. 355°bis ; BOFiP-BIC-CHAMP-40-10-05/02/2020 ; voir « Détermination du résultat (BIC-IS) », RF 1130, § 3).

  • Selon que le loueur en meublé est qualifié de professionnel (LMP) ou de non professionnel (LMNP), les déficits sont imputés sur le revenu global sans limitation ou alors uniquement sur les bénéfices de même nature et les plus-values réalisées lors de la cession des locaux d'habitation meublés relèvent soit du régime des plus-values professionnelles soit du régime des plus-values immobilières des particuliers (avec application dans les deux cas d'un abattement pour durée de détention ; CGI art. 151 septies Bou 150 VC) (voir §§ 2-8 et 2-9).
  • La qualité de loueur en meublé professionnel (LMP) est reconnue aux personnes qui remplissent cumulativement deux conditions (CGI art. 155, IV.2.2° et 3° ; voir RF 1130, § 64) :

-les recettes annuelles tirées de cette activité par l’ensemble des membres du foyer fiscal excèdent 23 000 € ;

-les recettes annuelles retirées de l’activité de location meublée par l’ensemble des membres du foyer fiscal excédent les autres revenus d’activité du foyer fiscal.

Ces conditions cumulatives doivent être remplies au titre de chaque année. Si l’une d’entre elles n’est pas remplie, le loueur en meublé est considéré comme non professionnel.

Quand l’investissement patrimonial de nature civile prévaut sur l’activité commerciale

2-2

De nombreux dispositifs de faveur (pacte Dutreil, mécanismes d’exclusion ou d’exonération d’IFI, différés d’imposition…) requièrent l’exercice d’une activité économique pour leur application. Si l'activité de location meublée compte bien parmi les activités commerciales relevant des articles 34 et 35 du CGI, dans certains cas, l’administration fera prévaloir la qualification civile de la location meublée, considérant qu’il s’agit d’une activité de gestion de son patrimoine pour écarter l’application de ces dispositifs de faveur.

L’immeuble utilisé pour la location meublée peut-il échapper à l’IFI ?

Principe d’imposition de l’immeuble loué meublé

2-3

En principe, les immeubles détenus directement ou indirectement par le contribuable sont assujettis à l’IFI dès lors que leur valorisation dépasse 1 300 000 € au 1er janvier de l'année d'imposition (CGI art. 964 ; voir « Impôt sur la fortune immobilière », RF Web 2022-1, §§ 200 et 850). Toutefois, échappent à l’IFI :

-les immeubles affectés à l’activité de la société opérationnelle propriétaire ou affectés à l’activité du groupe qui sont exclus de l'assiette de l'impôt (CGI art. 965, 2°) ;

-les immeubles détenus par le redevable loués ou mis à la disposition de son entreprise individuelle ou de sa société soumise à l’IR ou à l’IS qui sont exonérés au titre des actifs professionnels (CGI art. 975).

Non-application du dispositif d’exclusion à la location meublée

2-4

Est exclu de l'assiette de l'IFI, sous certaines conditions, l’immeuble affecté à l'activité opérationnelle de la société qui le détient ou d'une société du groupe (CGI art. 965). Pour l’application du dispositif d’exclusion, sont considérées comme des activités commerciales les activités mentionnées aux articles 34 et 35 du CGI, à l'exception des activités de gestion par une société de son propre patrimoine mobilier ou immobilier (CGI art. 966).

Ainsi, en application de l'article 966 du CGI, une activité consistant en l'exercice, par une société ou un organisme, d'une activité de gestion de son propre patrimoine immobilier demeure toujours exclue, y compris lorsqu'elle revêt un caractère industriel, commercial, artisanal, agricole ou libéral.

Tel est le cas des activités de location de locaux meublés à usage d'habitation ou des activités de loueur d'établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaires à leur exploitation (BOFiP-PAT-IFI-20-20-20-30-§ 90-08/06/2018).

En conséquence, les immeubles loués meublés par une société ou un organisme entrent dans l'assiette de l'IFI et sont à retenir, le cas échéant, pour le calcul du ratio immobilier (voir RF Web 2022-1, § 850).

Sont également visées les activités de location de locaux nus, quelles que soient l'affectation des locaux et les activités de promotion en restauration de son patrimoine immobilier, consistant à faire effectuer des travaux sur ses immeubles.

À NOTER

L’administration devra préciser si la location meublée assortie de prestations hôtelières ou para-hôtelières peut constituer une activité opérationnelle pour l'application du dispositif d'exclusion d'IFI.

Exonération possible de la location meublée au titre des actifs professionnels

2-5

Certaines activités, limitativement énumérées, de gestion de son propre patrimoine immobilier par la société ou le groupement qui ne bénéficient pas des mesures d'exclusion sur le fondement de l’article 966, I du CGI (voir § 2-4) sont néanmoins considérées comme des activités commerciales éligibles au bénéfice de l’exonération au titre des actifs professionnels, sous certaines conditions (CGI art. 975). Il en va ainsi :

-de la location de locaux loués meublés ou destinés à être meublés, à usage d’habitation ;

-de la location d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation (par exemple location ou location-gérance d'un fonds de commerce ou d'industrie).

Les conditions de l'exonération diffèrent selon que l'activité de location meublée de logements est exercée à titre individuel par le redevable ou au travers de sociétés.

  • Si le redevable propriétaire des locaux (directement ou indirectement) les affecte à sa propre activité de loueur en meublé, ces locaux sont exonérés dès lors que le redevable qui exerce cette activité à titre principal réalise plus de 23 000 € de recettes annuelles dans le cadre de cette activité et qu'il en retire plus de 50 % des revenus à raison desquels le foyer fiscal, au sens de l'IFI, est soumis à l'IR au titre des catégories des traitements et salaires, BIC, BA, BNC et revenus des gérants et associés mentionnés à l’article 62 du CGI (CGI art. 975, V.1°).
  • Si l'immeuble est affecté par la société à sa propre activité de loueur en meublé (qu'il soit détenu directement ou indirectement par le redevable et mis à la disposition de la société ou qu'il soit détenu par cette dernière et inscrit à son actif), les conditions de droit commun à respecter par le redevable pour le bénéfice de l'exonération au titre des actifs professionnels s'appliquent (CGI art. 975, II et III ; voir RF Web 2022-1, §§ 855 à 859).

La location meublée est-elle éligible au dispositif Dutreil ?

Exercice nécessaire d’une activité opérationnelle pour l’application du dispositif

2-6

Le pacte Dutreil est un dispositif performant qui permet de minorer de 75 % la valeur de l’entreprise transmise, sociétaire ou individuelle, pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit (CGI art. 787 B et 787 C ; voir FH 3924, §§ 1-1 à 12-12).

Pour y ouvrir droit, la société dont les titres sont transmis ou l’entreprise transmise doit exercer une activité opérationnelle.

Exclusion de l’activité de loueur en meublé

2-7

Pour l’appréciation de cette condition, l’administration renvoie, dans ses derniers commentaires du 21 décembre 2021, au BOFiP relatif à la détermination de l’assiette de l’IFI (BOFiP-ENR-DMTG-10-20-40-10-§ 15-21/12/2021). Ce BOFiP exclut l’activité de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier du champ des activités opérationnelles (BOFiP-PAT-IFI-20-20-20-30-§§ 10 à 70-08/06/2018).

Dès lors, la location meublée, même exercée à titre professionnel par le biais d'une société ou d'une entreprise individuelle, ne peut pas bénéficier du dispositif Dutreil. Il en est de même de la location de locaux professionnels équipés (voir FH 3924, § 2-2).

Par plusieurs avis rendus en 2015 (aff. 2015-07 à 2015-09), le CADF avait retenu le caractère patrimonial de l’activité de location meublée, faisant échec à l’application de l’exonération de 75 %, alors que l’administration admettait, en revanche, l’éligibilité de celle-ci à l'avantage fiscal, jusqu’à la suppression de l’ISF en 2018 (BOFiP-ENR-DMT-10-20-40-10-§ 10-19/05/2014).

À NOTER

L’administration devra préciser si la location meublée assortie de prestations hôtelières ou para-hôtelières peut constituer une activité éligible au dispositif Dutreil.

L'abattement pour durée de détention s'applique-t-il à la plus-value de cession de l'immeuble donné en location ?

LMP et plus-values professionnelles à long terme :
l'abattement pour durée de détention s'applique

2-8

Lorsque l'activité de loueur est exercée à titre professionnel (voir § 2-1), la plus-value de cession des locaux donnés en location meublée relève du régime des plus-values professionnelles si ces locaux sont inscrits à l'actif de l'exploitation et affectés à l'activité (CGI art. 39 duodecies).

 Lorsque la cession de ces locaux génère une plus-value à long terme, celle-ci est susceptible de bénéficier d'un abattement, égal à 10 % par année de détention au-delà de la cinquième. Cet abattement conduit à une exonération partielle ou totale de la plus-value à long terme après 15 années de détention révolues (CGI art. 151 septies B ; BOFiP-BIC-PVMV-20-40-30-§ 210-05/04/2017 ; voir RF 1130, § 2172).

En revanche, cet abattement pour durée de détention ne s'applique pas aux immeubles de placement, c'est-à-dire aux actifs immobiliers utilisés par les entreprises pour en retirer des loyers ou valoriser le capital. Tel est le cas par exemple des immeubles mis à disposition par un loueur en meublé, à titre non professionnel (CGI art. 155, IV).

À NOTER

Les plus-values réalisées par des prestataires de services para-hôteliers relèvent du régime des plus-values professionnelles.

  • Pour rappel, le régime des plus-values professionnelles distingue les plus ou moins-values à court terme ou à long terme en fonction de la durée de détention dans l'entreprise de l'élément cédé et de son caractère amortissable ou non. Par ailleurs, si le fait générateur des plus-values professionnelles résulte le plus souvent d'une cession volontaire (vente, échange, apport, donation, partage, retrait d'actif), il peut également provenir d'une aliénation involontaire (expropriation, éviction, réquisition, expulsion).
  • En cas d'exonération partielle de la plus-value à long terme par le jeu de l'abattement pour durée de détention, celui-ci peut s'appliquer cumulativement avec le régime d'exonération des plus-values des petites entreprises si l'activité est exercée depuis au moins 5 ans (CGI art. 151 septies).

LMNP et plus-values immobilières des particuliers : l'abattement pour durée de détention s'applique

2-9

Les plus-values réalisées lors de la cession de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés par des personnes ne remplissant pas les conditions pour être qualifiées de loueurs professionnels sont soumises aux règles prévues pour les plus-values privées (CGI art. 150 U à 150 VH ; voir « Plus-values immobilières », RF 2020-3, § 106). En effet, malgré le caractère de BIC des produits tirés de la location meublée, ces plus-values sont soumises au régime des plus-values immobilières des particuliers (CGI art. 151 septies, VII), et ce, même si les locaux meublés donnés en location à titre non professionnel sont inscrits à l’actif d’une entreprise relevant de l’IR au moment de leur vente (BOFiP-BIC-CHAMP-40-20-§§ 270 et 280-23/02/2022).

Les loueurs en meublé non professionnels s’entendent des personnes qui n’ont pas la qualité de loueurs en meublé professionnels (voir §-1).

Sauf exonération (voir RF 2020-3, §§ 250 et s.), les plus-values nettes imposables sont déterminées après prise en compte d'un abattement pour durée de détention qui conduit à une exonération d'impôt sur le revenu, après 22 ans de détention, et de prélèvements sociaux, après 30 ans de détention (CGI art. 150 VC).

À NOTER

En cas de cession d’immeuble par un contribuable ayant eu alternativement la qualité de loueur en meublé professionnel et de loueur en meublé non professionnel, la plus-value afférente à cette cession est soumise au régime d’imposition applicable lors de la cession (BOFiP-BIC-CHAMP-40-20-§ 460-23/02/2022).

Le contribuable ne sait pas nécessairement lors de la cession s’il sera considéré, au titre de l’année de cession, comme un loueur en meublé professionnel ou comme un loueur en meublé non professionnel. Selon l’administration, il peut soumettre la plus-value aux règles qui découlent du statut qui était le sien l’année précédente et, si nécessaire, régulariser le montant dû lors de l’imposition des revenus de l’année de cession. Cette régularisation peut s’effectuer sans pénalités ni intérêts de retard (sauf manquement délibéré ou abus de droit) (BOFiP-BIC-CHAMP-40-20-§ 470-23/02/2022).

Apport-cession et remploi dans une activité de location meublée

Principe d’inéligibilité de la location meublée au réinvestissement économique

2-10

Opérations d’apport relevant du sursis ou du report d’imposition

Le législateur a prévu des mécanismes de sursis ou de report d’imposition qui permettent de différer l’imposition de la plus-value générée à l’occasion d’un apport de titres à une société soumise à l’IS qui ne dégage pas de liquidités (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter ; voir « Titres de sociétés et instruments financiers : quelle fiscalité ? », RF 2021-5, §§ 4500 et s.).

Sont visées les plus-values sur titres réalisées par les personnes physiques dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé (CGI art. 150-0 A).

En cas d’apport suivi d’une cession, il n’est pas mis fin, en principe, au sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B). Toutefois, en cas de contrôle de la société bénéficiaire par l’apporteur, l'administration est fondée à invoquer l'abus de droit fiscal (LPF art. L. 64), sauf en cas de réinvestissement d’une part significative du produit de cession dans des activités économiques ou à caractère économique (CE 27 juillet 2012, n° 327295 ; CE 19 juillet 2019, n° 411474).

En interposant une société, le contribuable dispose effectivement des liquidités obtenues lors de la cession des titres tout en restant détenteur des titres reçus en rémunération de l’apport.

En substituant au sursis d’imposition un mécanisme de report d’imposition obligatoire, pour les apports réalisés depuis le 14 novembre 2012 à une société contrôlée par l’apporteur à l’issue de l’apport, le législateur a entendu mettre fin à ce schéma d’optimisation fiscale en instaurant une obligation de réinvestissement du produit de la cession en cas de cession des titres apportés dans les 3 ans de l’apport (CGI art. 150-0 B ter).

2-11

 

 

Critères du réinvestissement économique posés par la loi dans le report d’imposition

L’obligation de réinvestissement fixée par la loi dans le cadre du report d’imposition obligatoire porte sur 60 % au moins du produit de cession dans les 2 ans de la cession, dans une activité économique qui peut être commerciale (au sens des articles 34 ou 35 du CGI), industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (CGI art. 150-0 B ter, I.2°).

Certaines activités civiles par nature mais fiscalement commerciales sont éligibles au remploi, telles les activités de marchand de biens et les activités de promotion immobilière. En revanche, les activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ou immobilier sont expressément exclues du réinvestissement économique (CGI art. 150-0 B ter, I.2°.a). À cet égard, l’administration précise que l’acquisition de biens immobiliers destinés à la location immobilière, qu’elle soit nue ou meublée (même si l’activité relève, dans ce dernier cas, des BIC) revêtant un caractère patrimonial n’est pas éligible au remploi (BOFiP-RPPM-PVBMI-30-10-60-20-§§ 110 à 140-18/08/2020).

2-12

Critères du réinvestissement économique posés par la jurisprudence dans le sursis d’imposition

Dans le cadre du sursis d'imposition de l'article 150-0 B du CGI, les critères du réinvestissement économique permettant d’écarter l’abus de droit sont posés par la jurisprudence. Ainsi, un réinvestissement du produit de la cession des titres apportés par la holding dans un délai raisonnable (compris entre 1 et 3 ans) et à hauteur d’un quantum significatif (39 %) dans des activités économiques permet d’écarter l’abus de droit (CE 27 juillet 2012, n° 327295).

A notamment été considéré comme un réinvestissement économique :

-le fait d’utiliser le produit de cession des titres pour rembourser un emprunt souscrit par la société bénéficiaire lui permettant d'alimenter sa trésorerie courante, d'améliorer sa situation financière et de contribuer au développement économique de deux de ses filiales opérationnelles (CADF, aff. 2014-1, séance du 27 juin 2014) ;

-ou encore le fait de nantir les sommes placées sur un compte à terme indisponible à titre de garantie des emprunts bancaires souscrits par la société bénéficiaire afin de financer des projets d’investissement à caractère économique (CE 28 mai 2021, n° 442711).

Concernant la validité du réinvestissement du produit de la cession des titres apportés dans des locations immobilières meublées, le comité de l’abus de droit fiscal (CADF) considère que cette activité ne constitue pas un réinvestissement économique (CADF, aff. 2013-17, séance du 7 février 2014 ; CADF, aff. 2016-10, séance du 19 janvier 2017), sauf si elle est assortie de prestations para-hôtelières. Sous la même réserve (voir § 2-13), le Conseil d’État juge qu’une acquisition de biens immobiliers en vue de développer une activité de location en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique (CE 19 avril 2022, n° 442946).

En l’espèce, les titres qui avaient été apportés à la société le 22 octobre 2010 sous le bénéfice du sursis d’imposition avaient été revendus par celle-ci le 11 novembre 2010 pour leur valeur d’apport et le produit de cession avait été réinvesti dans l’acquisition, en 2014, d’un plateau à aménager en vue d’une location en meublé.

Selon les conclusions du rapporteur public, d’un point de vue économique, la location meublée ne se distingue pas tant que ça de la location nue : il s’agit toujours de générer des revenus réguliers grâce à l’occupation du bien, les déterminants de la rentabilité de l’opération consistant dans le prix d’acquisition, le marché locatif local et la fiabilité des locataires.

Sauf fourniture de prestations hôtelières ou mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains

2-13

Le Conseil d’État admet toutefois deux dérogations qui permettent de considérer l’activité de location meublée comme un investissement économique (CE 19 avril 2022, n° 442946).

Tout d’abord, peut constituer un investissement économique l’activité de location meublée effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement.

  • Sont visées par cette dérogation les activités para-hôtelières effectuées par le propriétaire.
  • Reste à connaître quels seront les critères retenus par l'administration pour la qualification de para-hôtellerie (pour les prestations à caractère hôtelier soumises à la TVA, voir § 2-15), de même que leur proportion par rapport à l’activité patrimoniale de location meublée.

Quelques années auparavant, le CADF a également considéré que les investissements réalisés par la société cédante présentaient bien le caractère d’investissements de nature économique dès lors que les appartements situés dans le même immeuble étaient loués meublés et assortis de prestations para-hôtelières et que les biens vendus étaient inscrits au compte de stock à l’actif du bilan dans le cadre de l’exercice d’une activité de marchand de biens (CADF, aff. 2016-06 à 2016-08, séance du 23 juin 2016 ; CADF, aff. 2016-47, séance du 19 janvier 2017).

En second lieu, peut constituer un investissement économique, la location meublée impliquant, pour le contribuable qui en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains.

Sont visées par cette seconde dérogation les activités de loueur en meublé professionnel (CGI art. 155, IV) (voir § 2-1), à la condition qu'elles impliquent des charges de gestion conséquentes pour le loueur.

Dès lors qu’il n’est pas soutenu que l’activité de location en meublé aurait été assortie de prestations para-hôtelières ou aurait été exercée dans des conditions d’exploitation telles qu’elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes pour le contribuable, celle-ci ne peut être regardée comme un investissement économique.

À NOTER

Rendue dans le cadre d'un apport-cession relevant du sursis d'imposition (CGI art. 150-0 B), cette décision nous paraît transposable pour l'appréciation du réinvestissement économique dans le cadre d'un apport-cession relevant du report d'imposition obligatoire (CGI art. 150-0 B ter).

Intérêt et enjeux d'une activité soumise à la TVA

Principe : exonération de TVA de la location meublée

2-14

Les locations de logements meublés ou garnis à usage d’habitation qui ne constituent pas une prestation de services à caractère hôtelier sont exonérées de TVA sans possibilité d’option (CGI art. 261 D, 4° ; BOFiP-TVA-CHAMP-30-10-50-§ 100-12/09/2012). Il en est ainsi quels que soient le caractère de l’activité (occasionnel, permanent ou saisonnier), la périodicité de la location et le montant des loyers perçus. Toutefois, cette exonération ne s’applique pas aux prestations de mise à disposition d’un local meublé lorsque l’exploitant offre, outre l’hébergement, des prestations à caractère hôtelier, qu’il soit ou non inscrit au registre du commerce et des sociétés à raison de cette activité (CGI art. 261 D, 4°.b).

À NOTER

Dès lors que l'activité n'est pas soumise à la TVA, aucun droit à déduction ne peut être exercé. Néanmoins, le client ne supporte pas de surcoût lié à l'application de la TVA au prix de la location.

Si cette activité génère des coûts significatifs grevés de TVA (achat de l'immeuble, travaux, etc.), il peut être envisagé de réaliser des prestations à caractère hôtelier soumises à la TVA.

Prestations à caractère hôtelier soumises à la TVA

2-15

L'activité des exploitants qui offrent des prestations para-hôtelières est imposable à la TVA. Il en est ainsi des prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni (CGI art. 261 D, 4°.b ; voir « Le guide de la TVA », RF 1127, §§ 4857 et s.) :

-effectuées à titre onéreux ;

-et comportant, en sus de l’hébergement, au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : fourniture du petit déjeuner, fourniture du linge de maison, nettoyage des locaux et réception, même non personnalisée, de la clientèle.

À NOTER

Dans la mesure où l'activité est soumise à la TVA, il est possible de déduire la TVA supportée sur les coûts. En pratique, il convient de réaliser une analyse approfondie des enjeux dans le temps, et notamment des montants de TVA collectée et de TVA déductible, mais également des éventuelles régularisations de TVA, afin de déterminer le régime TVA le plus favorable.

En tout état de cause, les prestations à caractère hôtelier doivent être effectivement réalisées, ce régime TVA étant régulièrement remis en cause en l'absence de prestations hôtelières.

Locations et sous-locations meublées au regard de la cotisation foncière des entreprises

Principe d'imposition à la CFE

2-16

Sont soumises à la cotisation foncière des entreprises (CFE) les activités non salariées exercées en France, à titre habituel, qui revêtent un caractère professionnel (CGI art. 1447). Par conséquent, la location et la sous-location de locaux meublés constituent une activité passible de la CFE lorsqu'elle est exercée à titre professionnel. Les loueurs en meublé sont donc imposables à la CFE.

Exonérations possibles

2-17

Cependant, la loi prévoit les exonérations suivantes, qui peuvent être applicables de plein droit ou en l'absence de délibérations contraires des collectivités territoriales (CGI art. 1459).

  • Exonérations applicables de plein droit :

-location accidentelle d'une partie de l'habitation personnelle : cette location ne doit présenter aucun caractère périodique (habituel), sont donc concernés ceux qui ne louent que pendant un laps de temps assez court une partie de leur habitation personnelle (résidence principale ou secondaire) ;

-location ou sous-location d'une partie de l'habitation principale : cette exonération ne s’applique que si les pièces données en location ou en sous-location constituent la résidence principale du locataire ou du sous-locataire et font partie de la résidence principale du propriétaire ou du locataire. De plus, le prix de la location ou de la sous-location doit être fixé dans des limites raisonnables (loyer annuel ≤ 192 €/m² en île-de-France et 142 € dans les autres régions).

  • Exonérations applicables sauf délibérations contraires :

-location de tout ou partie d'une habitation personnelle en meublé de tourisme : il s’agit de locations à la journée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage. Le classement des locaux comme meublés de tourisme est nécessaire ;

-location de tout ou partie de l’habitation personnelle dans des conditions autres que celles des trois cas listés ci-dessus : cette exonération concerne essentiellement les locations ou sous-locations épisodiques de résidences secondaires.

Ces deux exonérations peuvent être remises en cause par les collectivités territoriales concernées, qui peuvent s'y opposer en prenant une délibération avant le 1er octobre de l'année précédant celle de l'imposition. Il s'agit donc d'exonérations conditionnelles contrairement aux autres exonérations listées précédemment (voir « Cotisation foncière des entreprises (CFE) », RF 1117, §§ 116 et s.).

  • Pour pouvoir bénéficier de ces exonérations, les contribuables doivent compléter les cases correspondantes sur la déclaration 1447-C, à déposer auprès du service des impôts compétent au plus tard le 31 décembre de l’année de la création de l’établissement ou du changement d’exploitant, ou sur la déclaration 1447-M, à déposer auprès du service des impôts compétent au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1ermai de l’année précédant l’imposition de la modification survenue.

 

12:36 | Tags : fiscalite de la location mublee patrick michaud | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |

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