06 juin 2022

DEFINITION DE LA SOULTE PAR Mr ROMAIN VICTOR ( CE 31 mai 2022)

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Le Conseil d état a rendu le 31 mai 2022 deux decisions confirmant que la soulte versée en espèces  lors d’une operation d’apport pouvait constituer un abus de droit supprimant le  bénéfice   du sursis d’imposition

APPORT AVEC SOULTE et ABUS DE DROIT

( CE 31.05.22 avec conc Romain  Victor

Lors de l audience du  11 mai 2022 , le rapporteur public, Mr Romain Victor, a diffuse des conclusions d’une énorme clarté pédagogique pour les fiscalistes tant privés que publics notamment sur la definition d’e la soulte en cas d’apport  

Nous recopions  ses conclusions sur ce point dans l intéret de tous et toutes

DEFINITION DE LA SOULTE PAR Mr ROMAIN VICTOR

CONCLUSIONS DE MR ROMAIN VICTOR

pour favoriser les restructurations d’entreprises, le législateur a prévu des mécanismes de sursis d’imposition ou de report d’imposition de la plus-value réalisée lors de l’apport de titres d’une société, afin d’éviter que l’apporteur soit contraint d’acquitter immédiatement l’impôt correspondant, alors que l’opération d’apport, se traduisant par un échange de droits sociaux, ne lui procure aucunes liquidités.

Pour les opérations réalisées jusqu’au 31 décembre 2016, lorsque la condition relative à l’importance de la soulte est remplie, le sursis d’imposition s'applique à la totalité de la plus-value d'échange.

Toutefois, l'administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal, prévue à l'article L. 64 du LPF, notamment d'imposer ,dans le delai  de la prescription fiscale , la soulte reçue, s'il s'avère que cette opération ne présente pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport, et est uniquement motivée par la volonté de l'apporteur d'appréhender une somme d'argent en franchise immédiate d'impôt et d'échapper ainsi notamment à l'imposition de distributions du fait de ce désinvestissement.

Le principe d'imposition immédiate de la plus-value d'échange à hauteur du montant de la soulte reçue est issu de l'article 32 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

DEFINITION PAR MR VICTOR

"La soulte, dont l’étymologie latine (solvere) nous renvoie simplement à la notion de paiement, doit d’abord être regardée comme un instrument d’ajustement comme d’ailleurs les versions anglaise (cash payment) et allemande (baren Bezahlung) de la directive fusions.

En droit civil, la soulte est une somme d’argent qu’un copartageant ou un époux doit verser aux autres parties dans le cadre du partage de biens indivis ou de la liquidation d’un régime matrimonial, lorsque les lots sont inégaux en valeur..

La stipulation d’une soulte est par ailleurs « monnaie courante » dans les contrats d’échange, définis comme les contrats dans lesquels « les parties se donnent respectivement une chose pour une autre » Article 1702 du code civil, là aussi pour tenir compte de l’inégale valeur des choses qui sont permutées.

L’apport de droits sociaux rémunéré par la remise d’autres droits sociaux s’analysant, civilement, comme un contrat d’échange, il n’est guère surprenant qu’une soulte vienne en complément de la remise d’une certaine quantité de titres, pour équilibrer l’opération.

Mais il nous semble qu’au-delà des difficultés résultant de la détermination d’une parité d’échange des titres qui ne permet pas toujours d’attribuer un nombre entier de titres et fait apparaître des « rompus », il faut aussi envisager, plus largement, qu’une soulte, notamment dans le cas où l’apporteur ne contrôle pas la société bénéficiaire, soit le moyen idoine trouvé pour déterminer un apporteur, eu égard à son pouvoir de négociation, à consentir à remettre ses titres à l’échange et permettre la conclusion de l’opération de restructuration, en compensant certains désavantages qui pourraient résulter pour lui de l’apport : dilution de la participation entraînant la réduction des droits de vote financiers ou la perte d’une minorité de blocage, stipulation dans les statuts constitutifs de la société bénéficiaire de l’apport de clauses d’agrément entravant la cessibilité des titres remis en échange, contraintes analogues résultant de la conclusion d’un pacte d’actionnaires empêchant l’apporteur de sortir avant un terme donné...

Si vous nous permettez cette expression, la soulte a pour fonction de mettre de l’huile dans les rouages de la négociation préalable à la conclusion du traité d’apport et elle se marie très bien avec la finalité générale des dispositions fiscales qui est de favoriser les opérations de restructuration d’entreprises.

Quant à la fixation d’un taux plafond de 10%, la justification fiscale paraît assez claire.

Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a jugé dans sa décision n° 2017-638 QPC du 16 juin 2017 relative au troisième alinéa de l’article 150-0 B, le législateur a entendu éviter, au nom de la lutte contre l’évasion fiscale, que bénéficient du sursis d’imposition

 « celles de ces opérations qui ne se limitent pas à un échange de titres, mais dégagent également une proportion significative de liquidités » et qu’« [à] cette fin, poursuivant ces buts d’intérêt général, il a prévu que les plus-values résultant de tels échanges avec soulte soient soumises à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de l’échange, lorsque le montant des liquidités correspondant à la soulte dépasse une certaine limite » (paragr. 6).

C’est la même interprétation qu’a retenue Mme Juliane Kokott dans ses conclusions sur un arrêt Kofoed de la CJCE (1ère ch., 5 juil. 2007, n° C-321/05), en faisant valoir que si la directive « fusions » poursuit l’objectif d’éliminer les désavantages fiscaux qui résulteraient d’une imposition immédiate lors de l’échange de titres, « les contribuables ne doivent pas pouvoir comme bon leur semble soustraire à l’impôt des bénéfices qui seraient en soi imposables si les actions étaient cédées sur le marché, simplement parce qu’ils sont réalisés dans le contexte d’une restructuration. Mais le plafond de 10% permet aux parties à la restructuration de conserver une certaine marge de manœuvre pour verser des soultes en espèces qui peuvent être indispensables lors d’un échange de titres, aux fins de compensation de valeur » (point 37).

La regle du sursis d’imposition est aussi une régle européenne

 

L’Article 8 de la directive Fusion 90/434/CEE du 23 juillet 1990 applicable aux opérations intéressant des sociétés d’Etats membres différents, avait prévu que 

  1. L’attribution, à l’occasion d-une fusion, d’une scission ou d’un échange d’actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé.
  2. Les paragraphes 1, 2 et 3 nempêchent pas un État membre de prendre en compte, pour la taxation des associés, la soulte en espèces qui leur est éventuellement attribuée à l‘occasion de la fusion, de la scission, de la scission partielle ou de l’échange d’actions
  3. La directive prévoyait des mesures anti evasion fiscale

    "considérant qu'il convient de prévoir la faculté pour les États membres de refuser le bénéfice de l'application de la présente directive lorsque l'opération de fusion, de scission, d'apport d'actifs ou d'échange d'actions a pour objectif la fraude ou l'évasion fiscales ou a pour effet qu'une société, que celle-ci participe ou non à l'opération, ne remplit plus les conditions requises pour la représentation des travailleurs dans les organes de la société,3

    Dispositions finales Article 11

  4.  

    1. Pas application des directives à défaut d’operations transfrontalieres ??

      CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 24/02/2022, 20BX01447

       les opérations intéressant des sociétés d'États membres différents étant seules susceptibles d'entrer dans le champ de la directive qu'ils invoquent. Or, il est constant que les opérations d'apport en litige ont été réalisées entre deux sociétés établies en France.

       

    Les modalités d’application  en FRANCE

  5. BOFiP-Impôts  20 DECEMBRE 2019  BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60

     

    Pour les opérations réalisées jusqu’au 31 décembre 2016, lorsque la condition relative à l’importance de la soulte est remplie, le sursis d’imposition s'applique à la totalité de la plus-value d'échange.

  6. Toutefois, l'administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l'abus de droit fiscal, prévue à l'article L. 64 du LPF, notamment d'imposer ,dans le delai  de la prescription fiscale , la soulte reçue, s'il s'avère que cette opération ne présente pas d'intérêt économique pour la société bénéficiaire de l'apport, et est uniquement motivée par la volonté de l'apporteur d'appréhender une somme d'argent en franchise immédiate d'impôt et d'échapper ainsi notamment à l'imposition de distributions du fait de ce désinvestissement.

     

    Le principe d'imposition immédiate de la plus-value d'échange à hauteur du montant de la soulte reçue est issu de l'article 32 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

     


dd

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