24 avril 2020
SOULTE EN ESPÈCES ET ABUS DE DROIT : L’ABUS DE DROIT PEUT IL ETRE ABUSIF ? par PF RACINE
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Dans le régime en vigueur entre 1999 et 2016 et en vertu de l'article 150-0 B du CGI, une opération d'échange de titres soumise au régime de l'article 210-0 A du CGI bénéficiait du sursis d'imposition de plein droit pour la plus-value d'échange , y compris le cas échéant une soulte en espèces sous la seule condition que le montant de la soulte soit inférieur à 10% de la valeur nominale des titres reçus en échange.
Contrôlant les opérations de restructuration d'un groupe familial qui comportaient un échange de titres avec une soulte inférieure au seuil de 10%, l'administration a estimé que la perception d'une soulte en espèces, même dans cette limite, était par elle-même constitutive d'un abus de droit.
Le comité de l'abus de droit fiscal, puis le Tribunal administratif de Montreuil par jugement n° 1811897 du 16 juillet 2019 lui ont donné raison en ce qui concerne le fondateur et dirigeant de la société, estimant que la stipulation de la soulte n'avait pas d'autre but que de percevoir des liquidités en franchise temporaire d'impôt, ce qui était étranger aux objectifs des auteurs du texte fiscal.
Le présent article a pour objet de démontrer :
- que la solution retenue par le TA de Montreuil n'est nullement commandée par la jurisprudence du Conseil d'Etat, ni par celle du Conseil constitutionnel;
- sur le fondement des directives européennes en matière de fusions et opérations assimilées qui gouvernent l'interprétion de la loi française qui les transpose, mais aussi de la simple logique, qu'il ne saurait y avoir d'abus de droit à l'égard de la seule soulte, artificiellement détachée des opérations d'échange de titres ;
- que dans le régime en vigueur entre 1999 et 2016, la charge fiscale afférente à une plus-value d'échange était la même, avec ou sans soulte, contrairement à ce qui était le cas avant 1999 et ce qui est à nouveau le cas depuis 2017 ,la soulte étant immédiatement imposée lors de l'échange de titres; or selon la jurisprudence du Conseil d'Etat,il ne peut y avoir d'abus de droit si la charge fiscale du contribuable n'est pas allégée par l'opération critiquée comme abusive;
- que la soulte avait pour objet de compenser les contraintes liées à la conservation ou à la non-cessibilité des titres reçus en échange , contraintes qui reportaient dans un futur incertain la possibilité de disposer de liquidités ( ce qu'a d'ailleurs admis le Tribunal de Montreuil pour les filles du fondateur et dirigeant pour les soustraire à l'abus de droit);
- et après analyse exhaustive des travaux préparatoires de la loi de finances pour 2000 dont l'article 94 a mis fin à la règle antérieure de l'imposition immédiate de la soulte en espèces, que le législateur de 1999 n'avait subordonné le sursis d'imposition de la fraction de plus-value correspondant à la soulte à aucune autre condition que le respect du plafond de 10 % .
En conclusion, on rappelle que le juge devrait s'abstenir, surtout en matière répressive et dans des situations pouvant conduire à la saisine du Parquet, de recourir à des présomptions qu'il énonce de son propre chef pour dire ce qu'ont été - ou plutôt ce que n'ont pas été - les objectifs des auteurs du texte fiscal.
RACINE FINAL version 23 avril.docx
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