Déduction des Frais Financiers :les principes

 Déduction des Frais Financiers 

I  Les principes applicables au financement des entreprises 

Les entreprises peuvent financer le développement de leurs activités par leurs fonds propres ou par des financements externes notamment des emprunts auprès de leurs associés ou de tiers 

Les conséquences de ce choix ont des effets sur leur résultat fiscal contrôlé par nos inspecteurs des finances publiques 

1 ère Partie   Deux principes de base peuvent être constatés

2ème Partie Mais avec de nombreuses exceptions 

1ere PARTIE  les deux principes de bases 

A Liberté du choix du moyen de financement 

B Déductibilité des charges financières 

PREMIER  PRINCIPE Liberté de choix des moyens de financement1

 

Un contribuable n’est jamais obligé de tirer de la gestion d’un bien ou
d’une entreprise le profit le plus élevé possible. 1

Mais le financement doit s’attacher à une gestion normale. 2

Le choix de la solution la moins fiscalisée n’est pas un abus de droit3

L’acte de gestion ne doit pas conduire à une prise de risque inconsidérée. 4

 

DEUXIEME  PRINCIPE Principe de déduction des charges financières. 5

Le Bofip du 9 janvier 2013  Conditions générales de déduction des frais et charges 

PREMIER  PRINCIPE
Liberté de choix des moyens de financement

 

Les  principes de liberté de gestion de l’entreprise  et du choix de ses modes de financement   sont des principes fondamentaux de notre société libérale mais non libertaire et indispensables à la sécurité des opérations juridiques.

 

L’exploitant est seul juge de l’opportunité de sa gestion et  l’Administration, n’assumant pas les risques de l’exploitation, n’a aucun pouvoir pour se substituer à lui pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à son entreprise

 

Comment différencier les produits de dette et les produits de fonds propres ?
Source BANQUE DE France
 

Arrêts de principe 

CE, 20 décembre 1963, n° 52308        CE 10 mars 1965, n°62426. 

Un contribuable n’est jamais obligé de tirer de la gestion d’un bien
ou d’une entreprise le profit le plus élevé possible
 

Il n’existe pas à notre connaissance de disposition légale obligeant une entreprise dans le choix de la méthode de financement de ses investissements ou de ses besoins en fonds de roulement  

Ce principe de liberté a son corolaire ; l’entrepreneur doit supporter le risque financier de ses choix, ce la signifie la non-immixtion de l’Administration et des tribunaux dans la gestion des entreprises sauf si des intérêts collectifs sont en cause 

L’exploitant est seul juge de l’opportunité de sa gestion et que l’Administration, n’assumant pas les risques de l’exploitation, n’a aucun pouvoir pour se substituer à lui pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à son entreprise 

Une entreprise ne peut se voir reprocher d'avoir recours à l'emprunt pour financer ses besoins de trésorerie alors même qu'elle a par ailleurs procédé à des distributions de bénéfices 

C A A  de Nancy, du 28 novembre 1991, 90NC00371

 

Considérant que les frais financiers que supporte une société commerciale à raison de ses découverts de trésorerie sont par nature des charges déductibles de son bénéfice imposable ; que l'administration ne saurait, sans s'immiscer dans la gestion de la SA X..., soutenir que cette société aurait dû affecter ses bénéfices au financement de ses besoins de trésorerie plutôt que de procéder à leur distribution ; que c'est dès lors à tort que l'administration a réintégré les sommes litigieuses dans le bénéfice imposable de la société anonyme X... ; que celle-ci est par suite fondée à demander des réductions de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de 32 166 F, 40 283 F, 56 065 F et 63 852 F pour les exercices clos les 30 septembre 1979 à 1982 ;

 

La jurisprudence reconnait la déduction des intérêts d'emprunt versés par une succursale française à sa société mère étrangère, la Banco di Roma en considérant que celle-ci est libre de choisir de financer l'activité de sa succursale par un prêt plutôt que par un apport en fonds propres

 

CAA Versailles, 3ème Chambre, 08/03/2011, 09VE02376,

 

Cet arrêt a été confirmé par le conseil d’état dans deux autres situations similaires 

Liberté de choisir son financement (CE 11 avril 2014) 

Conseil d'État, 10ème /9ème ssr, 11/04/2014, 346687Banca d ROMA spa ,  

Conseil d'État, 10ème et 9ème ssr  11/04/2014, 359640, Caixa Geral de Depositos   

 Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 11/04/2014, 344990
Bayerische Hypo und Vereinsbank AG 
 
 

Ni les termes de l'article 209 du code général des impôts (CGI) selon lesquelles il est uniquement tenu compte, pour déterminer les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés, des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ni les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis du même code, n'autorisent l'administration fiscale à apprécier le caractère normal du choix opéré par le siège d'une société de financer l'activité de sa succursale en la laissant recourir à l'emprunt, plutôt qu'en lui apportant des fonds propres, ni à en tirer, le cas échéant, de quelconques conséquences fiscales.

 

Mais le financement doit s’attacher
à une gestion normale

 

L'appréciation du caractère normal de la gestion ne permet pas pour autant à l'administration de s'immiscer dans la gestion financière de l'entreprise en portant un jugement sur l'opportunité de recourir à l'emprunt. Il résulte de ce principe que l'administration ne saurait utilement contester déduction de charges financières afférentes à un emprunt souscrit dans des conditions normales au seul motif que l'entreprise aurait pu recourir à d'autres moyens pour couvrir ses besoins de financement

 

Conseil d'Etat, 8 / 7 SSR, du 4 novembre 1983, 34516,

 

Cons. qu'il ne résulte pas de l'instruction que les avances dont s'agit aient été recherchées par la société requérante dans un intérêt autre que celui de l'entreprise, dès lors que le mode de commercialisation choisi, fondé sur la location à des clients du matériel acquis de la société suisse, et le plus couramment utilisé dans le secteur informatique, ne permettait pas à la société française, en l'état de ses fonds propres, de financer ses achats sans recourir au crédit ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que les intérêts versés par la société requérante à la société suisse, pour rémunérer les avances que celle-ci lui consentait, aient revêtu un caractère exagéré, dès lors qu'il n'est pas contesté que les taux fixés étaient inférieurs à ceux qu'auraient exigé les banques ou les établissements financiers pour l'attribution de crédits de même durée ; que, par suite, l'administration n'est pas fondée à soutenir que, sous couvert d'un système d'avances rémunérées consenties par la société suisse et dispensant ainsi la société française d'une augmentation de capital, cette dernière aurait opéré de manière indirecte un transfert de bénéfices à la société suisse

 

 

Parmi les éléments pris en considération pour apprécier le caractère normal ou non des charges financières supportées par les entreprises, la jurisprudence examine notamment le taux auquel a été contracté l'emprunt en le comparant à celui du marché.

Les frais financiers destinés à financer la fraction du prix d'acquisition d'un élément d'actif jugée excessive ne sont pas déductibles des résultats imposables

 

Conseil d'Etat, 7 / 9 SSR, du 19 novembre 1984, 35491,


Société ayant acheté, en qualité de marchand de biens, des immeubles pour un prix déclaré supérieur à la valeur vénale, estimée par l'administration desdits immeubles. Ces majorations fictives avaient pour seul objet de permettre à la société en cause d'éluder l'imposition dont elle devait être ultérieurement redevable à raison des plus-values réalisées lors de la revente des immeubles dont s'agit. Dès lors, l'administration établit que les contrats d'achat en question constituent des opérations présentant le caractère d'un abus de droit au sens des dispositions de l'article 1699 quinquies B du C.G.I.. Réintégration dans les résultats de l'année desdits contrats, de la partie excessive des prix d'achat déclarés par la société, ainsi que, par voie de conséquence de la partie excessive des frais notariaux et des intérêts des emprunts afférents à ces opérations, justifiée.

 

Liberté de gestion et financement de l’entreprise 

Frais financiers et financement 

Le choix de la solution la moins fiscalisée n’est pas un abus de droit

CE, arrêt du 16 juin 1976, req. n° 95513 

D. adm 13 L-1531 n° 20
à titre de mémoire car non repris dans le BOFIP

20Dans certains cas, les contribuables ont la possibilité de choisir entre plusieurs solutions pour réaliser une opération déterminée. Le fait qu'ils optent pour la solution la plus avantageuse au plan fiscal ne permet pas de conclure à l'abus de droit s'il apparaît que les actes juridiques sur lesquels repose cette solution sont conformes à la réalité

.

Arrêts de principe

 

CE 7 juillet 1958, n° 35977

Société préférant recourir au financement par obligations dont les intérêts sont déductibles plutôt que par augmentation de capital

 

CE 20 décembre 1963, req. 52.308,

Et ce même si les fonds propres de l’entreprise sont suffisants, elle peut choisir de recourir à l’emprunt et déduire les intérêts correspondants ;

 L’acte de gestion ne doit pas conduire à une prise de risque inconsidérée 

Acte anormal de gestion et une prise de risque inconsidérée-peut elle
être considérée comme un acte anormal de gestion  CE 11.06.14
 

Conseil d'État  N° 363168   3ème et 8ème ssr 11 juin 2014
Mme Anne Egerszegi, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public

Note efi il s’agit d’un arrêt de principe concernant la liberté de gestion de nos investisseurs rendu après renvoi du CE 16 novembre 2011 

le ministre soutient que l'activité réalisée par la société Fralsen Horlogerie avec sa filiale, la société Timex France, représentait moins de 7 % de son chiffre d'affaires, que malgré une opération de recapitalisation en 1997, la société Timex France avait continué à dégager des résultats négatifs et que le compte courant d'associé de la société mère dans les comptes de sa filiale présentait un solde débiteur en augmentation entre 1998 et 2001 ; que, toutefois, la société requérante fait valoir, sans être contredite, que la société Timex France distribue en France et en Europe les montres de la marque éponyme, que son chiffre d'affaires avait presque doublé entre 1997 et 2000 et qu'à la suite de la recapitalisation opérée en 1997, sa filiale présentait une situation nette positive de 7,25 millions de francs ; que, dans ces conditions, les éléments avancés par l'administration ne suffisent pas à établir que l'octroi des avances litigieuses, dont il est constant qu'elles ont été rémunérées dans des conditions normales, excédait manifestement les risques que la société Fralsen Horlogerie pouvait prendre dans l'intérêt de sa propre gestion ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant du redressement litigieux et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2001 ;

 

Si une opération accomplie conformément à l’objet social de l’entreprise et dont le dénouement se traduirait par des pertes importantes ne saurait, par elle-même, caractériser un acte anormal de gestion, il en va différemment dans l’hypothèse où les dirigeants auraient sciemment accepté une prise de risque inconsidérée;   

CE, 17 octobre 1990, n° 83310 

Par ailleurs le fait qu’une opération comporte des risques pour l’entreprise ne suffit pas à interdire la déduction des charges ou des pertes correspondantes 

Le contribuable, qui exerçait la profession de remisier en bourse, a versé à ses clients au cours des années 1977 à 1980 pour les garantir des pertes résultant de la gestion de leur portefeuille des sommes d'un montant plusieurs fois supérieur à ses recettes professionnelles sans y être tenu par contrat. Dans ces conditions, s'il a pu, dans l'intérêt de son entreprise, accorder cette garantie pendant les années 1977 et 1978, en revanche, et eu égard tant à l'expérience qu'il avait progressivement acquise dans l'exercice de son activité qu'à l'importance des pertes déjà effectuées, il a, en persistant à offrir cette garantie de bonne fin, au cours des deux années suivantes, excédé manifestement les risques qu'un chef d'entreprise peut être conduit à prendre pour améliorer les résultats de son exploitation. Ainsi l'administration établit que, pour les années 1979 et 1980, les remboursements auxquels le contribuable a procédé constituent des actes étrangers à une gestion commerciale normale.

 

Gestion normale ou anormale ?

L’aff Rottapharm (CAA Paris 11.04.13)

 

 

C’est au regard du seul intérêt propre de l’entreprise que l’administration, à qui il n’appartient toutefois pas de se prononcer sur l’opportunité du choix arrêté par une entreprise pour sa gestion, doit apprécier si les charges engagées correspondent à des actes de gestion commerciale normale ; cet intérêt n’est pas méconnu lorsqu’une entreprise se livre à des opérations dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ;

 il en va autrement si, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle intervient et de l’objet qu’elle poursuit, la comptabilisation d’une charge excède manifestement les risques qu’un chef d’entreprise peut, eu égard aux circonstances, être conduit à prendre, dans une situation normale, pour améliorer les résultats de son entreprise ; 

ART 57 l’arrêt Crédit Mutuel Camefi et Monaco (CE 28.11.12) à suivre 

L’arrêt CAMEFI du 28 novembre 2012 remet il en cause la jurisprudence libérale  notamment en ce qu’il applique l’article 57 entre une banque française et sa succursale de Monaco 

Conseil d'État, 28/11/2012, 340971,CAMEFI  

 

Considérant que, si la requérante soutenait que les avances et les produits financiers qui s'y rapportaient avaient été consentis par la Caisse fédérale directement à l'agence monégasque, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, dépourvue de dénaturation, et n'a pas méconnu le régime de dévolution de la preuve en jugeant, par son arrêt, qui n'est pas entaché d'omission de réponse à moyen, que l'administration établissait que la CAMEFI avait appréhendé les avances de la Caisse Fédérale et les produits financiers correspondants et avait procédé à son seul bénéfice au transfert de ces dernières sommes à son agence implantée à Monaco ; que dès lors que la requérante s'est bornée devant la cour à nier avoir joué un quelconque rôle et être à l'origine de ce transfert de fonds à l'étranger, qui auraient été virés directement de la caisse fédérale vers l'agence monégasque, la cour n'avait pas à rechercher si l'administration démontrait le caractère prétendument anormal du prêt consenti à l'agence monégasque et la nature de l'avantage dont cette agence aurait bénéficié ;

 

DEUXIEME  PRINCIPE
Principe de déduction des charges financières

 

Le long article 39 du code général des impôts (CGI) dresse une liste, non exhaustive, des charges déductibles du résultat de l’entreprise pour l’établissement de son bénéfice net, constitutif de l’assiette d’imposition des bénéfices. Relatif aux bénéfices industriels et commerciaux, cet article est par extension applicable aux modalités de calcul de l’impôt sur les sociétés ; le premier alinéa du I de l’article 209 du CGI prévoit en effet que, sous réserve de dispositions particulières, « les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45 » (93).

 

Le Bofip du 9 janvier 2013 
Conditions générales de déduction des frais et charges

 

 

Bien qu’elles ne soient pas en tant que telles expressément mentionnées par l’article 39, les charges financières supportées dans l’intérêt de l’entreprise sont déductibles. Elles sont en principe déduites sans limite des résultats de l’exercice au cours duquel elles sont devenues une dette certaine, c’est-à-dire de l’exercice durant lequel elles ont couru.

 

Les charges financières ne sont pas limitativement énumérées par la loi. L’administration fiscale les définit comme « l’ensemble des intérêts ou assimilés venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de la société » (94). En pratique, elles correspondent aux charges figurant au compte 66 du plan comptable général (« Charges financières »), à l’exception des charges nettes sur cessions de valeurs mobilières de placement (compte 667) et des pertes sur créances liées à des participations (compte 664), qui sont des créances irrécouvrables.

Essentiellement constituées des intérêts d’emprunt, les charges financières s’entendent également des agios, commissions et autres frais bancaires, correspondant au coût des ressources d’emprunt obtenues des créanciers bancaires et financiers. Le remboursement du capital d’un emprunt n’est en revanche pas regardé comme une charge financière, puisqu’il s’agit d’une opération de nature patrimoniale qui apparaît au bilan.

 

Les intérêts payés par une entreprise à raison de dettes ou d'emprunts qu'elle a contractés envers des tiers sont déductibles pour l'établissement de l'impôt sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :

-  existence d'une dette ;

-  dette contractée dans l'intérêt de l'entreprise ;

-  caractère d'intérêts des sommes versées.

 

 

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