L’approche en droit international privé au dispositif « trust » Par Peter HARRIS

L’approche en droit international privé au dispositif « trust »

prévu dans le projet de loi de finances 2011.

Par Peter HARRIS

www.overseaschambers.com 

      

 

Au niveau de la cohérence du projet avec la loi, et notamment le droit privé international, il convient d’aborder quelques questions, qui n’ont pas été adressées directement par la loi,  en sa conception de législation fiscale.

L’administration française, comme ses homologues au sein de l’OCDE, utilisent des procédures diverses pour obtenir des renseignements sur les opérations en dehors de leur juridiction ; et surtout hors connaissances administratives et juridiques. Les administrations fiscales ne sont pas connues pour leur maîtrise de concepts juridiques, une faiblesse conceptuelle qui se manifeste au sein des organismes internationaux tels l’OCDE et l’Union Européenne. Par contre des comparaisons de méthodologie et techniques d’imposition sont plus que fréquentes.

Malheureusement, cette faiblesse est en fait institutionnelle.  Il n’incombe pas aux fonctionnaires formés en fiscalité de formuler des définitions juridiques en dehors de leur compétence. Il en ressort que la formation des fonctionnaires français au sein de l’OCDE, un organisme qui ne dispose d’aucune compétence institutionnelle juridique, se fait dans un bocal de « poissons » de la même espèce, des anciens inspecteurs des impôts, qui s’y sont protégés contre leur ennemi universelle, le juriste, régulièrement doté de caractère de requin sauvage, dont le seul raison d’être est l’évasion. Le résultat ?

1.      Il existe une conception du « trust » en ce qui concerne l’ISF ;

2.     Une deuxième en ce qui concerne les droits de succession ; et

3.     Une troisième en ce qui concerne les impôts directs ;

4.     Sans doute, d’autres espèces sont en train de clônage transjuridictionnelle      

Chacun de ces nouvelles espèces de poisson exotique n’aurait pas dû être sortie du bocal et déposé en haut mer, car, au niveau du droit, ils s’y trouvent à risque. Heureusement, le projet de loi admet que certains aspects du dispositif ne sont applicables qu’en cas ou les mutations ne correspondent pas à des donations ou succession. Au moins pour les américains, dont les Will Trusts, au mieux, une extension de droit testamentaire, sont ainsi sauvegardés. La difficulté consiste en l’analyse des trusts dits discrétionnaires et autres variétés de trust de droit anglais et ses dérivés, notamment provenant de la Nouvelle Zélande et ailleurs.

Le manque de sérieux dans la rédaction démontre facilement. Les légataires, se trouvent par définition en dehors de la notion de « bénéficiaire », créée par le nouvel dispositif - sauf encore un élément contractuel extra-terrestre  sortie du service phantome juridique de l’OCDE : leur régime d’exemption était défini comme suite :

Article 750 ter (avant projet):

…./….

« 3°  Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, reçus par l'héritier, le donataire ou le légataire qui a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B. Toutefois, cette disposition ne s'applique que lorsque l'héritier, le donataire ou le légataire a eu son domicile fiscal en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens. »

La modification proposée par l’article 6 :

  b) Au 3°,  à  la  première  phrase,  les  mots :  « ou  le  légataire »  sont   remplacés par les mots : «, le légataire ou le bénéficiaire d’un trust défini à   au  même  article 792-0 bis »  et,  à  la  seconde  phrase,  les  mots :  « ou  le   légataire » sont remplacés par les mots : « ou le bénéficiaire d’un trust » ;

Le résultat :

« 3°  Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, reçus par l'héritier, le donataire, le légataire ou le bénéficiaire d’un trust défini à   au  même  article 792-0 bis qui a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B. Toutefois, cette disposition ne s'applique que lorsque l'héritier, le donataire[*] ou le bénéficiaire d’un trust a eu son domicile fiscal en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens. »

Il y a eu « mort d’homme » conceptuel ; là [*]. L’exemption est amputé de son objectif principal. Le « légataire » est, lui, consigné aux oubliettes avec tout autre contribuable « civiliste » croyant se fonder sur un legs. Peut être le rédacteur a été aveuglé par les Will-trusts américains dont la simplicité est partagée par les juristes de droits américains (un peu plus de 50 aux dernières nouvelles, à l’exclusion, pour mémoire, de l’Angleterre, le Pays de Galles, et la République d’Irlande). 

Revenant à la thèse :

1.      Le législateur affirmera qu’il s’agit d’entités, dépourvu ou non de réalité juridique, mais non fiscale, comme prétendent les administrations italiens et français, ou, pire, un simple faux, consistant à prétendre que le trustee n’est qu’un administrateur  - sous entendu de biens d’autrui, sans avoir le moindre base juridique pour  fonder cette extravagante caricature – les dires du Rapport Carrez que : «  Le trust n’est pas une entité juridique et n’a pas de personnalité morale » sont dans le sens contraire des affirmations de la DGI en matière de taxe de 3% et seront suivi sans doute, d’une modification de la doctrine administrative;

2.     Le législateur proposera que la notion de trust soit celle qu’il conçoit comme « définie » dans la convention de la Haye de 1984 : encore une travestie de la réalité, car :

a.     vu ses termes de références, que la France ne peut pas méconnaître en tant que signataire, la convention se pouvait que se contenter d’indiquer certains point communs entre les pays conventionnées qui nécessite la récognition du « trust » étranger ainsi que ses entières conséquences en droit interne ;

b.     la « définition » prétendue ne reproduit en rien ce que le TGI de Nanterre a proposé en son analyse, encore non une définition, de trust;

c.      la « définition » de la Haye, s’il s’agissait de telle, méconnaîtrait les définitions accessibles en tout livre de première année de faculté de droit en Angleterre.

d.     Certains parlementaires feront mieux de poser des questions à leur progéniture en faculté en Grande Bretagne pour de plus fiables renseignements. Ce n’est pas M Pascal Saint-Amand au sein de l’OCDE, un organisme sans compétence, qui pourrait apporter une définition réaliste sur la base des dires de ses collègues anglais, qui, ont manifestement oublié toute formation continue juridique anglais lors de leur formation initiale au sein de l’Inland Revenue.

3.     Les instances communautaires, donc le Parlement Européen, et le Conseil,  se sont abstenues de définir le trust comme un ensemble de relations « juridiques », se contentant de la notion de « relations » sans plus de précision : eux au moins, ils savent ou leur compétence s’arrête. Le règlementation UE en matière de compétence judiciaire en matière de trust rend la loi française normalement inapplicable au fond et au niveau de compétence sur les questions de trust : bien que les pays civilistes objectent et essaie de requalifier une institution du droit d’un autre pays membre, encore par incompétence, en l’assimilant à une entité juridique, dépourvue d’identité juridique. C’est bizarre que la France ignore les définitions par lesquels elle est lié et s’obstine à utiliser un autre qu’elle n’a pas ratifié ;

4.     La notion de « bien et droit » en trust est un non sequitur. Par définition, la notion ‘des biens ou droits »  placés « sous le contrôle d’u administrateur »  ne peut que référer au droits de propriété français :

a.     Au fond, ce sont des droits d’enregistrement, donc formulés par rapport aux biens et droits définis pas la loi française, et alors incapables d’assimiler de notion de droit de propriété anglais, ou similaire ; et 

b.     La notion fondamentale de la constitution de trust consiste en le transfert de la propriété entier d’un actif à un trustee. Pour prendre la définition de base de droit anglais, que l’OCDE a oublié,  ce n’est que par l’intervention de la Cour d’Equity, institution inconnue, ou apparemment méconnue en France, que les « equitable rights » prennent leur forme et leur vigueur à l’encontre du propriétaire, sur demande du bénéficiaire. Le Cour est le trustee de dernier ressort de tout trust anglais ou de dépendance anglaise. Le trustee n’est pas administrateur, il est propriétaire des doits et des actifs. La Chancellerie française a manqué de suivre l’évolution en Grande Bretagne de la cour de chancellerie (Chancery) au moyen âge, et se trouvera en configuration unijambiste, sans prothèse, si on demandait à cet institution, admettons-le, ne plus prérévolutionnaire ni pré républicaine, si on le demande de donner droit à la demande d’un bénéficiaire de trust domicilié en France.

5.     Si la France avait pris la peine de reconnaître le trust en ratifiant la Convention de la Haye, ces déboires pourraient éventuellement passer, mais non en cas de non-reconnaissance du principe fondamental de l’existence de la notion attaquée en droit interne français, ou éventuellement en droit conventionnelle. L’administration n’a toujours pas pu fixer son droit d’imposition sur un droit ou un actif quelconque: la décision de la TGI de Nanterre en l’affaire Poillot a été claire, l’administration ne peut pas « inventer » de nouveaux droits de propriété « fiscale » ou autre. Chose qu’elle vient d’essayer de faire en dehors de ses compétences constitutionnelles.  La DGI  n’a pas eu le courage d’y fait appel à la décision. Cette démarche intellectuelle d’invention demeure toujours nécessaire sous la rédaction proposée. Désormais, la France se trouve incompétent car les droits et actifs attaqués, que ce soit du trustee ou,  à plus forte raison, des bénéficiaires  se trouvent par définition à l’extérieur de la zone de compétence territoriale en matière de droits d’enregistrement de l’administration fiscale, sauf ratification de la Convention de la Haye.

6.      En somme, la création de normes d’ « equity » est inconnue en droit français. Le seul droit ou actif en trust selon une analyse stricte en droit civil se limite à la pleine propriété, sans référence aux bénéficiaires. En trust discrétionnaire, il est fréquent de couper toute référence ou indication des intérêts de bénéficiaires au niveau de l’acte. La définition statutaire au projet de l’article 920 bis est désormais circulaire et devient « non-sens », même lorsque le transfert est effectué « dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé ». Les trusts discrétionnaires échappent à la définition par défaut figurant à l’article Art 792-0 bis II. Par définition, la discrétion appartient au trustee, en tant que propriétaire, ni au constituant ni aux bénéficiaires.  De plus, vu que le Constituant par définition  n’en est pas le propriétaire, comment intégrer les actifs en sa succession « fictive », en essayant d’y fixer des « droits » qui n’existent pas dans le droit français,  s’il n’est pas domicilié en France et puis adjuger des droits par la voie  du tableau III annexé à l’article 777 ? C’est du phantasme délusionnel à l’état pur. Les règles de territorialité de droits d’enregistrement sont là pour des raisons de compétence, pas pour conclure à l’incompétence.

7.      Le Trustee n’est pas administrateur d’un bien ou droit, il en est le propriétaire. On ne peut pas être à la fois  administrateur et propriétaire, au moins sans que la législateur ait le bien ou droit sous sa compétence territoriale.  De plus « placer un bien ou droit « en « trust » présuppose l’existence d’une entité, qui par définition n’existe pas, ni en droit étranger, ni, sauf par voie de phantasme, en droit français. L’ensemble de « relations juridiques » inventé par le législateur n’existe pas en droit. Il n’y a pas de relation  juridique entre le constituant et le trustee, ni entre le constituant et les bénéficiaires. Ce n’est pas en citant la Convention de la Haye comme point d’appui qu’on arrivera à inventer des choses qui n’existent pas même au sein de cette convention. Le trustee doit agir sur le bien qui lui est confié en tant que propriétaire, en confiance, sous la surveillance des Cours compétents, les Cours de la division de Chancery en Grande Bretagne, et ceux les dépendances de la Couronne, selon leurs attributions respectives.  Ce ne sont pas alors de « relations juridiques » ; ce n’est que la propriété transféré sous surveillance de juge quant au respect de la confiance accordé au trustee.  Que ça ressemble à la position fœtale du droit romain avant les interventions prétoriens, n’implique pas un passage immédiat au stade adulte, sans passer par la conception, naissance, l’enfance et l’adolescence, en droit français.  Bien entendu, on parle avec une certaine facilité d’« equitable rights », mais ce ne sont pas de droits de propriété ni des biens dans le sens connu ou proféré par le législateur français. « Le vrai » était-il perdu en traduction ? Le législateur, par définition ne peut pas reformuler en autre chose un bien ou droit étranger qui se trouve à l’extérieur de sa compétence, que ce soit domestique ou « conventionnelle » : surtout en matière de fiscalité, et en matière de droits d’enregistrement.   Le manquement à la ratification de la Convention de la Haye par la France est fatal. Elle se trouve en position d’avoir eu parfaite connaissance de la matière et de plus, les limites de son incompétence, puis d’en avoir fait fi. 

 

8.      Il est à craindre que les démarches entreprises au niveau de la procédure dit de « régularisation  »  en 2009 par certain ténors civilistes du barreau parisien, poussés dans l’abyme par des clients prêts à se soumettre, a permis à l’administration de formuler ces imbécilités sur la bases des « admissions » d’un univers de droit de propriété parallèle. Les échanges de stagières depuis plus de trente ans entre cabinets londoniens et parisiens manifestement n’ont servi à strictement rien. Bien de connaissances « anciennes » ont été consignées aux oubliettes en troisième millénaire.

 

9.     Pour citer la législation britannique sur la propriété, consolidée en 1925 : Law of Property Act 1925

 

S. 1 Legal estates and equitable interests

(1)     The only estates in land which are capable of subsisting or of being conveyed or created at law are—

(a)     An estate in fee simple absolute in possession;

(b)     A term of years absolute.

(2)     The only interests or charges in or over land which are capable of subsisting or of being conveyed or created at law are—

(a)     An easement, right, or privilege in or over land for an interest equivalent to an estate in fee simple absolute in possession or a term of years absolute;

(b)     A rentcharge in possession issuing out of or charged on land being either perpetual or for a term of years absolute;

(c)     A charge by way of legal mortgage;

(d)     . . . and any other similar charge on land which is not created by an instrument;

(e)     Rights of entry exercisable over or in respect of a legal term of years absolute, or annexed, for any purpose, to a legal rentcharge.

(3)     All other estates, interests, and charges in or over land take effect as equitable interests.

(4)     The estates, interests, and charges which under this section are authorised to subsist or to be conveyed or created at law are (when subsisting or conveyed or created at law) in this Act referred to as “legal estates”, and have the same incidents as legal estates subsisting at the commencement of this Act; and the owner of a legal estate is referred to as “an estate owner” and his legal estate is referred to as his estate.

(5)     A legal estate may subsist concurrently with or subject to any other legal estate in the same land in like manner as it could have done before the commencement of this Act.

(6)     A legal estate is not capable of subsisting or of being created in an undivided share in land or of being held by an infant.

(7)     Every power of appointment over, or power to convey or charge land or any interest therein, whether created by a statute or other instrument or implied by law, and whether created before or after the commencement of this Act (not being a power vested in a legal mortgagee or an estate owner in right of his estate and exercisable by him or by another person in his name and on his behalf), operates only in equity.

(8)     Estates, interests, and charges in or over land which are not legal estates are in this Act referred to as “equitable interests”, and powers which by this Act are to operate in equity only are in this Act referred to as “equitable powers”.

(9)     The provisions in any statute or other instrument requiring land to be conveyed to uses shall take effect as directions that the land shall (subject to creating or reserving thereout any legal estate authorised by this Act which may be required) be conveyed to a person of full age upon the requisite trusts.

(10)     The repeal of the Statute of Uses (as amended) does not affect the operation thereof in regard to dealings taking effect before the commencement of this Act.

 

…./….

 

3.  Manner of giving effect to equitable interests and powers:

(1)     All equitable interests and powers in or over land shall be enforceable against the estate owner of the legal estate affected in manner following (that is to say):—

(a)     Where the legal estate affected is settled land, the tenant for life or statutory owner shall be bound to give effect to the equitable interests and powers in manner provided by the Settled Land Act 1925;

(b)     . . .

(c)     [In any other case], the estate owner shall be bound to give effect to the equitable interests and powers affecting his estate of which he has notice according to their respective priorities. This provision does not affect the priority or powers of a legal mortgagee, or the powers of personal representatives for purposes of administration.

 

Je passe d’une traduction, simplement parce que ces notions n’ont pas de parallèle en droit française que permettraient même une approximation technique.

 

En somme, les droits et biens placés en trust ne sont que le « legal ownership », la propriété et la possession juridique des actifs. Le projet de loi méconnaît la loi de propriété en postulant autrement, et en essayant de la démembrer autrement que la loi que gouverne le trust dispose.  Le trustee est propriétaire, et non le constituant. Les relations juridiques postulées dans la législation française n’existent point.

 

10.Le contribuable est confronté, d’une part, à la notion de la propriété apparente, mais également à ce qui s’avère être une présomption d’assiette irréfragible  que les biens font partie toujours du constituant : sans mentionner bien entendu qu’il ait dû se dessaisir d’une manière définitive des actifs  pour constituer le trust !  Donc un bénéficiaire peut toucher des revenus et ne pas être considéré comme propriétaire apparente pour l’ISF, mais, au contraire est redevable des droits de succession sur la réception des biens en cause sur leur réception.

11.  Le Rapport Carrez vient de mettre les instructions pour la taxe de 3% en cause. Le trust n’est alors plus un organisme, plus un éntité juridique, et alors ne devrait plus être soumis à la taxe de 3% en tant qu’entité ; au moins selon les règles de son assimilation et son récouvrement à un droit d’enregistrement. Il va de soi que cet incohérence sera traité comme purement superficiel par l’administration en ses demandes de renseignements au sein des accords d’échange de renseignement avec des territoires coopératifs ;

12.Le Rapport Carrez motive les modifications en affirmant le principe civiliste que tout bien doit avoir un propriétaire (sous entendu, autrement n’appartiendrait-il pas à l’Etat) : 

a.     « En pratique et a contrario, ces solutions jurisprudentielles, dont la logique n’est pas contestable à l’égard de notre droit, conduisent à ne rattacher les actifs ni au patrimoine du bénéficiaire, ni à celui du constituant dans le cas d’un trust irrévocable et discrétionnaire.

b.     Il en résulte un état du droit ouvrant des possibilités importantes d’évasion fiscale, y compris au titre de biens dont le constituant ne se dessaisit en réalité pas mais conserve la propriété réelle au travers de conventions avec l’administrateur du trust dissimulées à l’administration. »

 Il met à l’écart la réalité, accepté jusqu’ici par l’administration, que c’est le trustee qui en est propriétaire, que le constituant s’en est dessaisie définitivement, et si propriétaire apparent il y en avait, ce serait soit le Trustee, soit, en cas de réception, régulière de revenus, un bénéficiaire ;

 

Les  questions Européennes

 

Il n’est pas loisible à la loi fiscale, de formuler une telle requalification de la loi d’un autre État membre de l’Union Européen, ni des lois de ses dépendances et territoires.    

 

Bien que le règlement communautaire dite Bruxelles I OJ L 12/8 du 16 1 2001 soit moins que satisfaisant en cet égard, il clarifie la situation quant aux compétences judiciaires spéciales, lorsque  :

 

Article 5

 

Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

…/…

 6) en sa qualité de fondateur, de trustee ou de bénéficiaire d'un trust constitué soit en application de la loi, soit par écrit ou par une convention verbale, confirmée par écrit, devant les tribunaux de l'État membre sur le territoire duquel le trust a son domicile;

 

Il est clair que même l’Europe n’a pas pu appréhender le mécanisme ;  heureusement que le ridicule ne tue plus, ou peut être faut-il réintroduire cette guillotine intellectuelle en France afin de terminer avec l’inaptitude rapidement ; sans référence encore aux règles juridiques de territorialité en matière de droits d’enregistrement.  Le Rapport Carrez omet de rappeler que les biens et droits dans l’article 750 ne puissent qu’être définis par rapport à la loi de propriété française.

 

De plus, lorsque l’instrument de trust prévoit une attribution exclusive de compétence, l’article 23 entre en jeu :

…/…

 

4. Le tribunal ou les tribunaux d'un État membre auxquels l'acte constitutif d'un trust attribue compétence sont exclusivement compétents pour connaître d'une action contre un fondateur, un trustee ou un bénéficiaire d'un trust, s'il s'agit des relations entre ces personnes ou de leurs droits ou obligations dans le cadre du trust;

 

Ceci démontre clairement, lorsqu’une personne est attraite devant les tribunaux d’un État membre, ou même un État signataire de la Convention de Lugano ; qu’il soit constituant, trustee ou bénéficiaire, les juridictions françaises seront incompétents, dans le plupart de cas d’office. Il est aussi clair que la France et las autres signataires ont accordé que la compétence non-exclusive prévu dans la plupart de clauses attributives de juridiction britanniques est acceptable. Je ne crois pas qu’un trust survivrait qui attribuerait compétence sur son bon droit ou ses opérations internes à un tribunal français.  On ne risque pas de l’essayer.

 

Bien que le règlement ne joue pas en matière fiscale, il est de toute compétence en matière juridique. Le ministre de finances français ne peut pas légiférer fiscalement en « hors la loi ».  La difficulté des projets Européens est qu’ils tombent carrément entre ces deux chaises. Les différents rapports sur lequel les règlements de Union Européenne  en compétence judiciaires et en matière de contrat et des obligations non-contractuels, notamment : Schlosser (JO C 59 du 5.3.1979.) , Jenard et seq tous attire l’attention sur l’individualisation et la spécificité de le notion d’un trust comme méthode de détention de propriété, et non d’une entité quelconque.  Le traitement de trusts sous les Règlements Rome I et II est claire : c’est exclu de la cadre de chaque règlement :

 

Rome I : Règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil OJ L 177/6 du 31.7.2008

 

Article premier

Champ d'application matériel

1. Le présent règlement s'applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles

relevant de la matière civile et commerciale.

Il ne s'applique pas, notamment, aux matières fiscales, douanières et administratives.

 

2. Sont exclus du champ d'application du présent règlement:

…/…

h) la constitution des trusts et les relations qu'ils créent entre les constituants, les trustees et les bénéficiaires;

…/…

 

Rome II : Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles.

 

2. Sont exclues du champ d’application du présent règlement:

…/…

e) les obligations non contractuelles découlant des relations entre les constituants, les trustees et les bénéficiaires d’un trust créé volontairement;

 

Curieux que ce ne soient pas de  relations  « juridiques » !  L’omission est fatale à l’argumentaire français, au moins en droit européen. Dans ce cas, l’exclusion fiscale ne fonctionne pas, car, par définition, on est dans le cadre de la loi de propriété, par définition, la base sur laquelle doit s’assoir un droit d’enregistrement. On ne peut pas l’ignorer. L’Union Européen s’est bien abstenu de déclarer que le trust soit un ensemble de relations « juridiques » ! Elle a dû faire face aux exigences britanniques et irlandaises à chaque instance de la production de ces règlements, et les conventions qui leur ont précédés depuis 1972. 

 

On assiste désormais non seulement à l’expropriation interdite par le premier article du Protocole 1 au CEDH, mais, en plus, à des fausses affectations fiscales de propriété à exproprier aux personnes qui n’en sont pas propriétaires. De surcroît,  la France se vante d’avoir gardé de travaux préliminaires de Robert Schumann sur le traité de Rome, en les citant comme périmètre, pour éviter à ce que les dispositions de l’article 345 de la Traité ne soient accordées leur portée entière.  

 

Ce qui est inique, le législateur sait bien que le montant d’actifs à l’étranger qu’il croit viser est minime par rapport à l’effort demandé.  Le manque à gagner estimé de 196 millions d’euros annuel en régime de croisière est plus surréelle qu’optimiste.  C’est simple, l’utilisation de trusts par des personnes envisageant une installation en France, a toujours été fortement déconseillée, sauf raison d’impératif familial. On n’a pas eu tort. Le vrai problème est la position des bénéficiaires qui se servent de leur droit d’installation communautaire en France, et qui désormais se trouve en face d’une véritable entrave à leur libre circulation et au niveau de leur personne et au niveau de capital et des paiements.   En fait, il ne s’agit que de forcer les immigrés à adopter de polices d’assurances-retraites français, tout en massacrant les attentes de bénéficiaires de bonne foi, sans avoir mis en place une structure à consonance d’évasion.   

 

Si le Rapporteur Carrez croît que la majorité de croisées normands furent des jersiais, et considère que le trust est d’origine jersiais,  il n’est pas surprenant que les personnes qui lui conseille au sein de l’administration, et le ministère de finances ont oublié de le renseigner sur le fonds de la loi anglaise, la source réelle de la notion de cette loi de propriété, toujours  mal appréhendée. On confonde des « Uses », avec le trust : que consistait en gros, de deux Uses superposées.     

 

Dans l’état actuel des textes, la seule manière correcte d’aborder les questions soulevées par un trust à consonance anglaise est une déclaration de rien avec mention expresse, et détaillée, de la loi applicable aux biens affectés. Le législateur a omis de préciser sous quel droit tombèrent les droits et bien placés en trust. Ce qui est clair est que l’assimilation prévue des trusts en matière d’impôt sur le revenu, à des entités dépourvus de personnalité juridique en les assimilant à des indivisions et copropriétés sous gérance ajoute encore un tir manqué au bulletin de l’administration. Ça fait combien de propositions d’assimilations contradictoires cette année ?  On attend leur contribution à la science alchimique pour les trusts constitués par personne morale, pour combler la lacune définie par le projet actuelle, qui prévoit que toute actionnaire en sera constituant par personne moral interposée.   En fait, ou est-ce qu’on se trouve maintenant au niveau de trusts de titrisation, l’article 209B, et l’article 238 bis-0 ? La connotation implicite d’entité juridique demeure-t-elle encore valable sous la nouvelle définition ? La multiplicité d’assimilations et de présomptions devient incohérente : A voir.

 

Il aurait mieux fallu respecter les compétences territoriales en matière de droit d’enregistrement pour leur fondement en bon sens, plutôt que de céder à des pulsions illusoires d’universitaires qui croient, en dépit de la réalité,  que la richesse du monde se trouve cachée dans des « paradis » offshore : c’est faux, c’est « onshore » et, de surcroît,  pour le plupart correctement déclarée. Ca fait vraiment « désordre ».

 

 Une fois ce critique de fond assimilée, cette tribune abordera les conséquences du projet en pratique.

 

 

Peter Harris

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