02 février 2024

Régime fiscal privilégié -art 238ACGI- avec Chypre - aff Pro confort CE 12 12.2023 Conc Guibé

La société Pro’Confort, créée en 1993, exerce une activité d’animation pour les clubs et  associations de seniors. En 2011, elle a décidé de déposer la marque « Pro’Confort » auprès  de l’INPI, et obtenu une protection européenne en juillet de la même année. Ce dépôt a été  effectué par la société de droit chypriote Hastera Investments, détenue par le dirigeant actionnaire majoritaire de la société Pro’Confort, lui-même établi au Togo. Il a ensuite donné  lieu au paiement de redevances au profit de la société chypriote, pour un montant d’un peu  plus de 220.000 euros en 2012 et de 100.000 euros en 2013. 

Estimant que la société Hastera Investments était soumise à un régime fiscal privilégié à  Chypre, et que la société Pro’Confort ne justifiait pas de l’utilité des redevancesl’administration fiscale a remis en cause la déduction des sommes correspondantes sur le fondement des dispositions de l’article 238 A du CGI, ce qui a donné lieu à des rehaussements  d’impôt sur les sociétés.

par dérogation au droit commun de l’article 39 du CGI,l 'article 238 A du code général des impôts prévoit  que le paiement, par un contribuable établi en France, de certains revenus passifs – telles que  des redevances - à des personnes établies dans un Etat ou un territoire étranger et qui y sont  soumises à un régime fiscal privilégié n’est admis comme charge déductible que si le débiteur  apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne  présentent pas un caractère anormal ou exagéré

BOFIP Paiements à des personnes domiciliées à l'étranger et soumises à un régime fiscal privilégié

 L’administration a, par ailleurs, regardé ces sommes comme des  revenus réputés distribués, et appliqué la retenue à la source prévue par l’article 119 bis du  CGI. 

l’administration faisait également valoir qu’en réponse à une demande d’assistance  administrative effectuée en 2014, les autorités fiscales chypriotes avaient fait état de ce que la  société Hastera Investments, détenue par un résident étranger, n’exerçait aucune activité sur le  territoire de cet Etat, qu’elle n’y avait pas déposé de déclaration et n’y avait acquitté aucun  impôt au titre des années en cause.

Le conseil confirme la position de l administration

Conseil d’État, 12 décembre 2023, n°464740

Conseil d’État, 12 décembre 2023, n°464874

Mme Céline Guibé, rapporteur public

Analyse

Le Conseil d’Etat rappelle les modalités selon lesquelles l’Administration doit apporter la preuve de l’existence d’un régime fiscal privilégié pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 238 A du CGI limitant la déductibilité de certains paiements effectués au profit de résidents étrangers.

pour démontrer que la société Hastera Investments était soumise à Chypre à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts, l'administration fiscale faisait valoir devant la cour administrative d'appel, non seulement que les sociétés constituées à Chypre dont le capital est détenu par des non-résidents et dont la source des revenus est située hors de Chypre sont soit soumises à un taux d'impôt sur les sociétés de 10 % (12,5 % en 2013) si elles sont contrôlées ou dirigées depuis Chypre, soit exonérées dans le cas contraire, alors que le taux de l'impôt français sur les sociétés était fixé à 33,1/3 % par l'article 219 du code général des impôts au titre des exercices en litige, mais aussi que, selon les autorités fiscales chypriotes, la société Hastera Investments, détenue par un résident du Togo, n'avait pas été soumise à Chypre à l'impôt sur les sociétés ni à aucun autre impôt au titre de ces exercices. En déduisant de ces éléments, qui n'étaient pas contestés, que l'administration établissait que la société Hastera Investments était soumise à Chypre à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.