20 octobre 2016

Une fiche de salaire n’est pas, à elle seule, une preuve de paiement

 Par un arrêt en date du 30 août 2016, la CAA de Lyon rappelle l'importance de la charge de la preuve incombant à l'administration s'agissant de la disposition des revenus, en particulier lorsqu'elle souhaite établir l'imposition des rémunérations entre les mains d'un dirigeant. 

C A A  DE LYON, 5ème chambre -30/08/2016, 14LY01845, Inédit au recueil Lebon

POURNY, président M. Charles MEILLIER, rapporteur
Mme CHEVALIER-AUBERT, rapporteur public 

Les faits 

C...B..., gérant de la SARL de droit luxembourgeois Vip Lux, dont il détient 60 % des parts et dont sa compagne, Mme E...A..., détient les 40 % restants, a fait l'objet le 17 décembre 2009 d'une procédure de visite et de saisie à son domicile sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, puis d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle engagé le 25 mars 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé, notamment, qu'au cours de l'année 2007 l'intéressé avait perçu de la SARL Vip Lux des salaires d'un montant de 50 429,16 euros et a réintégré cette somme à son revenu global, dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'en conséquence, M. B... a été assujetti à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2007, assortie d'une majoration de 40 % pour manquement délibéré ; 

POSITION DE LA COUR


en se bornant à produire la fiche de salaire saisie au domicile du contribuable, laquelle démontre seulement que la SARL Vip Lux était redevable envers M. B... de salaires bruts s'élevant à 50 429,16 euros pour l'ensemble de l'année 2007, le ministre n'établit ni même n'allègue que cette somme a donné lieu à un paiement effectif avant le 31 décembre 2007 ou qu'elle a été inscrite avant cette date dans un compte courant ou dans un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société ;

si la société a porté le 31 décembre 2007 au crédit d'un compte courant collectif d'associés une somme de 50 255,97 euros correspondant au paiement de salaires, l'écriture ainsi passée ne valait pas par elle-même, compte tenu du caractère collectif de ce compte, paiement effectif et ne peut être regardée comme ayant procédé à la répartition de cette dernière somme entre les deux associés et comme ayant autorisé l'un ou l'autre de ceux-ci à prélever tout ou partie de ladite somme ;

, d'ailleurs, le ministre n'apporte aucun élément de nature à établir que cette somme de 50 255,97 euros, dont le libellé ne précise pas l'identité du salarié et associé bénéficiaire, était en réalité exclusivement destinée à M. B...et non, en tout ou partie, à l'autre associé, Mme A... ; qu'en particulier, il ne démontre pas que M. B... était le seul associé salarié de la SARL VIP Lux, alors que d'autres éléments du dossier, et notamment le nombre d'employés mentionné sur la fiche de paie susmentionnée ainsi que le montant des dettes de salaires et des charges de personnel figurant sur la balance générale produite par le ministre, donnent à penser qu'au cours de l'année 2007 cette société employait plus d'un salarié et versait d'autres salaires que ceux mentionnés sur la fiche de salaires de M. B...et sur l'extrait du livre de paie de la société le concernant ; qu'en outre, le requérant relève, sans être sérieusement contredit, que la somme 50 255,97 euros créditée sur le compte courant collectif d'associé ne correspond ni à la rémunération brute, égale à 50 429,16 euros, figurant sur sa fiche de salaire ni à la rémunération nette, égale à 42 528,36 euros, qui aurait dû lui être payée après retenue à la source de l'impôt sur les salaires luxembourgeois correspondant à cette rémunération ;

si en faisant valoir que M.B..., gérant salarié, pouvait disposer de ses salaires, le ministre entend soutenir que l'intéressé, maître de l'affaire, aurait, par un acte de disposition, choisi de ne pas prélever les salaires qui lui étaient dus, il ne démontre toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, ni que la somme de 50 429,16 euros a été comptabilisée dans un compte courant ou un compte de charges à payer, ni que la somme de 50 255,97 euros correspond à des salaires dus à l'intéressé ;

 

dans ces conditions, et compte tenu notamment de l'incohérence entre les montants des deux sommes tour à tour invoquées par l'administration pour justifier l'imposition, le ministre n'apporte pas la preuve de ce que M. B... a eu la disposition, au cours de l'année 2007, de tout ou partie de la somme de 50 429,16 euros précitée ;

dès lors, c'est à tort que l'administration a réintégré cette somme dans les revenus de l'intéressé et l'a imposée dans la catégorie des traitements et salaires ; 

 

 

12:01 Publié dans La preuve en fiscalité | Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |

Les commentaires sont fermés.