Olivier Fouquet sur TA PARIS 21 01 2013 Sarl Doggidog

 "disproportion manifeste entre la sanction fiscale et
la gravité des agissements réprimés:
 comment le juge peut-il la contrôler?"

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TA PARIS 21 01 2013 Sarl Doggidog

Commentaire par

 Olivier Fouquet président de Section(h) au Conseil d’Etat

1) Le jugement du TA de Paris du 21 janvier 2013 n’est pas une véritable surprise dans son principe. La querelle théologique entre le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sur le pouvoir éventuellement reconnu au juge de moduler, en fonction de la gravité des faits, le montant  des sanctions fiscales, fixé ne varietur par le législateur, a quelque peu occulté l’existence du principe constitutionnel et conventionnel de proportionnalité des peines.

 

Autrement dit, ce n’est pas parce que le juge n’a pas le pouvoir de moduler les sanctions fiscales prévues par le législateur, qu’il n’est pas habilité à contrôler si le montant de la sanction instituée par le législateur est proportionné à la gravité des faits réprimés.

Ce principe de proportionnalité existe tant dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel  (Cons. const 30/12/1995 n°97-395 DC, LF pour 1998 : censure d’une amende relative à la facturation), que dans celle de la CEDH  (706/2012 aff. 4837/06, Segame c/ France).

Il est vrai que la jurisprudence ne semblait pas très exigeante, puisque le caractère proportionnel de la sanction aux droits éludés a suffi jusqu’à présent à faire échec au grief d’atteinte au principe de proportionnalité des peines. Mais les commentateurs avaient toujours réservé l’hypothèse des sanctions en valeur absolue et répétitives (cf. Chron. E. Bokdam-Tognetti : RJF 8-9/12 p.705).

2) Plus originale est l’application pragmatique que fait le TA de Paris du principe de proportionnalité des peines. Il rapproche la sanction pour défaut de déclaration mensuelle d’échanges entre Etats membres, soit 750€ par déclaration, du montant des livraisons intracommunautaires effectuées par le contribuable mensuellement. Il relève que pour 5 mois de la période 2006-2008, les livraisons se sont élevées à 160€, 370€, 392,65€, 361,81 et 421,95€. Il annule la sanction prononcée pour ces 5 mois au motif que l’amende prononcée « doit être regardée comme hors de proportion avec les infractions constatées ». Il considère donc que la sanction n’est pas en soi disproportionnée quelle que soit l’infraction, mais qu’elle peut être éventuellement disproportionnée dans certaines hypothèses d’infraction. Il n’annule donc pas la sanction prononcée pour l’ensemble de la période vérifiée.

Le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée de 1995 n’était pas entré dans cette distinction et pour censurer le texte instituant la sanction en cause s’était borné à relever que l’article de la LF censuré « pourrait donner lieu, dans nombre de cas, à l’application de sanctions manifestement hors de proportion avec l’omission ou l’inexactitude constatée, comme d’ailleurs l’avantage qui en a été retiré ».

Mais il est vrai que le juge constitutionnel est obligé de raisonner comme un juge de l’excès de pouvoir : le texte législatif déféré est censuré ou il ne l’est pas. Il n’existe pas de solution intermédiaire (l’existence de réserve ne modifie pas cette dialectique) : cf. O. Fouquet « l’impôt confiscatoire est progressif », FR F. Lefebvre 3/13. Le juge de l’impôt qui est juge de plein contentieux, dispose de plus de latitude.

Pour autant, peut-il s’écarter du raisonnement du Conseil constitutionnel ? Dès lors que la sanction peut se révéler dans certains cas disproportionnée, c’est le texte dans son ensemble qui doit être réécrit.

En résumé, le TA de Paris n’aurait-il pas dû saisir le Conseil d’Etat d’une QPC aux fins de transmission au Conseil constitutionnel ?

 

 

 

 

Commentaires

cette première jurisprudence va accroitre le contentieux sur les sanctions et embouteiller nos tribunaux

avez vous tous les deux des idees pour eviter cette perte de temps et d'argent tout en respectant le principe de la proportionnalité des sanctions qui n'est pas assuré

Écrit par : oui mais .... | 15 juillet 2014

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