14 juin 2012 Comite des abus de droit fiscal

Comité de l’abus de droit fiscal du 14 juin 2012 (CADF/AC n°2/2012)

 

  abus de droit 14 juin 2012.pdf

 

Une donation d’usufruit temporaire pour éviter l’ISF peut être un abus de droit fiscal, Affaire n° 2012-27  

Un contrat de rente viagère peut être abusif s’il cache une libéralité
 Affaire n° 2012-28

Une cession à un prix symbolique  est elle un abus de droit à défaut de simulation ? Affaire n° 2011-19

Pour le comite : non mais l’administration ne s’est pas rangé à son avis

 

Une donation dusufruit temporaire pour éviter lISF peut être un abus de droit fiscal

Affaire n° 2012-27

 

 La SARL Z, ayant initialement pour objet social la location de tous matériels de travaux publics, a étendu celui-ci le 2 décembre 2005 à la réalisation de travaux d’assainissement ainsi que l’acquisition et la gestion immobilière.

 

Par acte du 28 décembre 2005, M. et Mme C ont donné à leurs cinq enfants l’usufruit temporaire pour 5 ans de 183 530 parts de la SARL Z leur appartenant.

 

Par une proposition de rectification en date du 22 février 2010, l’administration fiscale a mis en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal au motif que la donation de l’usufruit temporaire était fictive et que cette opération n’avait été inspirée que par des préoccupations fiscales visant à atténuer leur impôt de solidarité sur la fortune.

 

Elle a donc recalculé l’impôt des époux C exigible au titre des années 2006 à 2008 en réintégrant dans l’actif taxable la valeur en pleine propriété des titres démembrés.

 

Le Comité a entendu ensemble M. C et son conseil ainsi que les représentants de l’administration fiscale. Le Comité observe en premier lieu que la société Z a été constamment déficitaire entre 2003 et 2008 et que les acquisitions immobilières réalisées immédiatement après la donation litigieuse ont aggravé cette situation.

Il relève ensuite que les donataires ont peu ou pas participé à la vie de la société dont la gestion et la conduite de la politique d’investissement demeuraient entre les mains de son gérant, par ailleurs donateur des titres.

Il considère également que l’absence de toute perspective de bénéfices de la société Z sur la période d’exercice de l’usufruit temporaire était, eu égard aux conditions d’exploitation et à l’état du marché, connue des nus-propriétaires qui, par ailleurs, n’ont procédé à aucune restructuration du capital par absorption du report à nouveau afin de permettre la distribution de dividendes.

Il observe en outre que la donation a été réalisée le 28 décembre 2005, soit 3 jours avant l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi de finances pour 2006 ayant réduit de dix à six ans le délai de rapport fiscal des donations antérieures prévu à l’article 784 du code général des impôts, ce qui aurait fait bénéficier les donataires d’un régime fiscal plus avantageux pour la liquidation des droits de donation. Il note que le choix d’une telle date a permis au démembrement de produire immédiatement ses effets pour la taxation au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune de l’année 2006 des époux

 

Le Comité estime que la circonstance que l’usufruit temporaire ainsi constitué n’a pas été de nature à produire des fruits sur la période considérée n’établit pas à elle seule la fictivité du démembrement.

 

Il considère en revanche que l’ensemble des circonstances rappelées ci-dessus démontre que l’acte du 28 décembre 2005 n'a pu être inspiré par aucun autre motif que celui d'atténuer l’imposition au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune que les époux C, si cet acte n'avait pas été passé, aurait normalement dû supporter eu égard à leur situation réelle.

 Il note qu’en matière d’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, si l’article 885 E du code général des impôts pose le principe de taxation de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant au foyer fiscal, l’article 885 G du même code rend, par exception, généralement imposable l’usufruitier sur la valeur en pleine propriété des biens dont il possède l’usufruit. Cette exception est justifiée par le fait que seul l’usufruit est susceptible de procurer des revenus et de conférer ainsi une capacité contributive à son détenteur.

Le Comité estime ainsi qu’en faisant échapper les titres de la société Z au principe de taxation de l’article 885 E pour les placer artificiellement dans le champ de l’exception prévue à l’article 885 G du CGI en les sachant insusceptibles de produire tout revenu sur la période, les consorts C ont poursuivi un but exclusivement fiscal en recherchant le bénéfice d'une application littérale de ce dernier texte à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur, de sorte que l’administration était fondée à mettre en oeuvre, au cas d’espèce, la procédure de l’abus de droit fiscal.

 

Enfin, le Comité estime que les époux C étaient les principaux bénéficiaires au sens du b) de l’article 1729 du code général des impôts du montage ainsi mis en oeuvre. Il émet donc l’avis que l’administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.

Nota : l’administration a pris note de l’avis favorable du Comité.

 

Un contrat de rente viagère peut être abusif sil cache une libéralité

Affaire n° 2012-28

 

 

Par acte du 4 juin 2007, M. J a acquis la nue-propriété d’un appartement sis X, bd Port Royal à Paris (5ème ardt.) auprès de Mme P pour un prix de 400 000 euros, converti en une rente viagère d’un montant annuel de 19 200 euros, accompagnée d’une prise en charge de certains travaux à effectuer dans l’appartement et d’une obligation de soins et d’entretien. Cette dernière est décédée le 4 mai 2009 après avoir quitté son appartement quatre mois après la vente pour une maison de retraite.

Par une proposition de rectification en date du 31 août 2010, l’administration a considéré, sur le fondement de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, que l’acte en cause dissimulait une donation.

 

Le Comité relève que si les travaux prévus au contrat ont été effectués pour un montant de 52 638,93 euros et la rente payée à hauteur de 30 400 euros, la venderesse a transféré entre le 13 juillet 2007 et le 18 décembre 2008 la somme de 247 931 euros au profit de la SCI M, co-détenue par M. J et son épouse, somme excédant largement les prestations en nature et en espèces de M. J envers Mme P.

 

 Il note que si M. J soutient que ces sommes ont financé la rénovation complète de l’appartement acquis à laquelle il aurait été contraint eu égard à la vétusté des lieux, aucun élément soumis à l’appréciation du Comité ne vient justifier de l’affectation de cette somme au financement de tels travaux, dont la charge incombait en tout état de cause, eu égard à leur nature et leur ampleur, au seul nu-propriétaire du bien et non à son usufruitière.

 

Il constate de surcroît qu’après le départ de Mme P en maison de retraite et l’interruption prématurée du service de l’obligation de soins prévue au contrat qui en est résultée, M. J n’a pas pris l’initiative de convertir l’obligation de soins en rente viagère ainsi que le contrat l’y autorisait.

Il note enfin que M. J avait été institué légataire universel de Mme P.

 

 Le Comité considère, au vu des éléments portés à sa connaissance, que l’intention libérale de Mme P envers M. J est dès lors suffisamment établie et que le contrat du 4 juin 2007 doit s’analyser en réalité en une libéralité.

 

 Il émet ainsi l’avis que l’administration est fondée en l’espèce à mettre en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales. Enfin, le Comité estime que M. J était le principal bénéficiaire au sens du b) de l’article 1729 du code général des impôts du montage ainsi mis en oeuvre. Il émet donc l’avis que l’administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions. Nota : l’administration a pris note de l'avis favorable du Comité.

 

 

Une cession à un prix symbolique  est elle un abus de droit à défaut de simulation ?

Affaire n° 2011-19

Pour le comite :non mais l’administration ne s’est pas rangé à son avis

 

Aux termes de seize actes de cession sous-seing privé en date du 23 février 2007 et enregistrés pour la plupart d’entre eux en février 2008, M. E K a fait l’acquisition, auprès de ses deux frères, M et C K et de son père, M. H K, de 600 parts de la société A, de 900 parts de la société B, de 710 parts de la société P, de 960 parts de la société E, 24 000 parts de S et enfin, 200 parts de W.

Toutes ces cessions ont été réalisées au prix de 1 €. Considérant que ces ventes étaient fictives en raison d’un défaut de paiement du prix, l’administration a, dans une proposition de rectification du 7 décembre 2010, mis en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal pour requalifier l’ensemble de ces cessions en donations en prenant pour assiette de taxation la valeur vénale des titres qu’elle avait déterminée.

Elle a estimé que ces cessions caractérisaient une donation déguisée dont la preuve résultait des liens d’affection et de parenté unissant les parties, de l’inexécution de l’obligation de faire, de l’absence de contrepartie réelle à la vente et de la disproportion existant entre le prix et la valeur des biens cédés.

 

Le Comité observe en premier lieu que le caractère symbolique du prix a été admis par le contribuable, lequel fait par ailleurs état d’une étude d’expert valorisant les titres à 1 757 222 euros. Il note ensuite que les cessions ont été effectuées deux jours avant le décès de M. H K dans le but de restructurer le capital du groupe familial en réunissant toutes les parts dans le patrimoine de M. E K.

Il estime, au regard des faits portés à sa connaissance, que ce prix symbolique a été fixé par les vendeurs en toute connaissance de cause, sans être justifié par la situation économique des sociétés en cause ou par une autre contrepartie matérielle. Il en déduit que les cédants ont consenti un avantage sans contrepartie à M. E K traduisant, dans le contexte familial de ces cessions, leur intention libérale à son égard.

Le Comité observe toutefois que la donation indirecte et la donation déguisée relèvent de qualifications juridiques distinctes et qu’en l’espèce, ni le prix, ni son paiement effectif ne sont entachés de simulation par fictivité.

Il estime en conséquence qu’en l’absence de simulation dans les actes litigieux, l’administration n’était pas fondée à mettre en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.

 

Nota : l’administration a décidé de ne pas se ranger à l'avis émis par le Comité.

En effet, elle estime que les cessions litigieuses peuvent être requalifiées en donations déguisées :

- en premier lieu, l'évaluation des titres à une valeur symbolique (1 euro), sans rapport avec leur valeur réelle, qui correspond en fait à une vente à vil prix, établit le caractère essentiellement gratuit des conventions et en conséquence, la fictivité de l'acte ;

- en second lieu, M. K ne pouvait ignorer la valeur réelle des titres en raison de son rôle au sein de la société, valeur qui était également connue de son père et de deux de ses frères dans la mesure où ceux-ci étaient également associés de plusieurs sociétés du groupe, d'autant que le 18 novembre 2006, antérieurement aux cessions requalifiées, ces derniers ont vendus à leur frère, 200 parts chacun d'une société dirigée par M. K, pour une valeur de 3 22 000 euros, soit 110 euros le titre, alors que les titres de cette même société ont été cédés pour 1 euro le 23 février 2007.

En conséquence, la prétendue vente constitue bien une donation déguisée taxable au vu de l'avantage accordé à l'acquéreur du fait d'une cession à un prix symbolique, qu'il ne pouvait méconnaître. 4

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