15 juillet 2017

Luxco et continuation en France d’une activité occulte ( CAA PARIS 03/07/17)

plutot1.jpgLe faux transfert de siège au Luxembourg 

Par un arrêt en date du 3 juillet 2017, la CAA de Paris devait se prononcer sur l'hypothèse grossière dans laquelle une société française avait déployé une activité de marchand de biens en France et, peu de temps avant de procéder à la vente du bien immobilier acquis sous ce régime, avait transféré son siège au Luxembourg. 

CAA de PARIS, 5ème chambre, 03/07/2017, 16PA00728, 

La CAA de Paris estime que l'ensemble des diligences opérées en France avait conduit la société devenue luxembourgeoise à poursuivre son activité en France, même postérieurement au transfert de son siège, par le biais de moyens matériels et humains dont elle y disposait et que ces différentes diligences constituaient un cycle commercial complet. La plus-value avait donc été réalisée en France et se trouvait à ce titre imposable en France. 

NOTE EFI: cet arrêt est intéressant compte tenu des éléments factuels qu'il retient 

Même si la société avait antérieurement était régulièrement constituée et avait à ce titre respecté l'ensemble des formalités françaises, cette circonstance ne faisait pas obstacle à l'application de la qualification d'activité occulte et de celle de manœuvres délibérés, dès lors que les conditions d'application de ces caractérisations étaient satisfaites s'agissant du seul établissement stable. 

Sur la qualification d'établissement stable. 1

Sur la qualification d'activité occulte. 3


Sur la qualification d'établissement stable

 

6.il résulte de l'instruction que la société APH Vitry, qui avait pour objet social, notamment, la prise de participations dans des entreprises françaises ou étrangères et les activités immobilières de marchand de biens, a été fondée le 6 avril 2007 et enregistrée au registre du commerce et des sociétés le 13 avril 2007 ;

elle a acquis un bien immobilier le 18 juin 2007 pour un prix de 5 900 000 euros, hors droits, constitué d'un ensemble situé au 8-10 rue Eugène Henaff et 2-14 rue Edith Cavell à Vitry-sur-Seine ; que cette acquisition a été placée sous le régime des marchands de biens, la société s'étant engagée dans l'acte d'achat à revendre le bien dans le délai de quatre ans prévu par les articles 1115 et 1020 du code général des impôts ;

dans le cadre des opérations de gestion et de revente du bien, la société APH Vitry a conclu avec la société Laplace un contrat de bail commercial le 1er juillet 2007 moyennant le paiement d'un loyer annuel d'un montant de 800 000 euros toutes taxes comprises, et avec la société Verdi le 11 septembre 2007 une promesse de vente, pour un prix de cession de 9 914 000 euros ;

Par une décision de l'assemblée générale extraordinaire des associés, réunie le 31 octobre 2007, la société APH Vitry a transféré son siège social au Luxembourg et a accompli les formalités de radiation auprès du registre du commerce et des sociétés, cette radiation, publiée le 4 janvier 2008, ayant pris effet à compter du 5 décembre 2007 ;

par un acte du 12 décembre 2007, la société APH Vitry a revendu l'ensemble immobilier dont elle était propriétaire à la société Fortis Lease pour un prix hors droits de 9 914 000 euros ;

ainsi, contrairement à ce qu'elle soutient, la société APH Vitry a réalisé un cycle commercial complet, clos par la cession du bien le 12 décembre 2007, dans le cadre de son activité statutaire de marchand de biens, susceptible de caractériser une entreprise exploitée en France au sens de l'article 209 du code général des impôts ;

l'instruction référencée 4 H-1412 du 1er mars 1995 mentionnée par la société APH Vitry ne donne pas d'interprétation différente de la loi fiscale que celle dont il vient d'être fait application ; qu'à cet égard, sont sans incidence sur l'existence d'un cycle commercial complet les circonstances que la société APH Vitry n'a réalisé qu'une seule opération de marchand de biens au cours de l'année 2007 et qu'elle a transferé son siège social au Luxembourg le 5 décembre 2007, dès lors que la même personne a poursuivi l'activité à la suite de ce transfert et non une personne morale juridiquement distincte ; 

7. il résulte également de l'instruction, notamment des éléments qui figurent dans la proposition de rectification et qui ne sont pas contestés, que la société APH Vitry a ouvert le 30 avril 2007 un compte bancaire en France ;

à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire détenteur du compte, le service a constaté que ce compte avait servi à la gestion du financement de l'opération immobilière de marchand de biens et qu'il avait d'ailleurs fonctionné jusqu'à sa clôture le 6 novembre 2009 ; que la société APH Vitry a ouvert le 14 décembre 2007 deux autres comptes bancaires ; qu'à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de l'établissement bancaire détenteur du compte, le service a constaté que le produit de la vente du bien immobilier avait été déposé sur ces comptes, ouverts pour recueillir les fonds puis utilisés en tant qu'outil de gestion financière du profit réalisé ;

il a également relevé en usant de son droit de communication auprès du notaire chargé de la vente et des services postaux, que, postérieurement au transfert du siège social de la société APH Vitry au Luxembourg, des courriers avaient été adressés au 17 avenue Parmentier à Fontenay-sous-Bois, qui constituait, avant ce transfert, une adresse de réception de correspondances et le lieu du siège social de la société APH Vitry ;

il a en outre constaté à la suite de l'exercice de son droit de communication auprès de La Poste que la société APH Vitry disposait d'une adresse de réception du courrier au 8-10 rue Eugène Henaff et 2-14 rue Edith Cavell à Vitry-sur-Seine, à laquelle elle avait reçu des correspondances après avoir transféré son siège social ;

ainsi, après le transfert de son siège social au Luxembourg, la société APH Vitry a continué de disposer en France de locaux et de moyens lui permettant de poursuivre dans ce pays son activité de marchand de biens ; 

8.il résulte enfin de l'instruction que le gérant et associé unique de la société APH Vitry qui, suivant ses statuts, disposait des pouvoirs les plus étendus pour agir et assurait la direction et la représentation de la société, a conservé ses fonctions après le transfert du siège social de la société au Luxembourg ; qu'il avait plusieurs adresses personnelles et professionnelles en France et était également gérant et associé de plusieurs autres sociétés établies en France ;

 

ainsi, le groupe informel dirigé par le gérant de la société APH Vitry était implanté dans des locaux situés, d'une part, au 17 avenue Parmentier à Fontenay-sous-Bois, et, d'autre part, au 8-10 rue Eugène Henaff et 2-14 rue Edith Cavell à Vitry-sur-Seine ;

dans ces conditions, et en l'absence de tout élément en sens contraire, il est suffisamment établi que le dirigeant de la société APH Vitry était à la tête d'un groupe informel, comprenant la société APH Vitry, dont la gestion économique, commerciale, sociale, juridique et financière était située en France ; que, par suite, la société APH Vitry avait en France du personnel lui permettant de poursuivre son activité, pris en la personne de son dirigeant ; que le ministre fait par ailleurs valoir que la société APH Vitry disposait d'une simple adresse de domiciliation au Luxembourg et y était dépourvue de moyens humains et matériels, l'analyse des bilans déposés dans ce pays n'ayant pas permis d'identifier l'existence de locaux loués et de charges salariales ; que si la société APH Vitry soutient que l'administration n'établit pas que son siège social était situé à une adresse de domiciliation au Luxembourg et que la loi luxembourgeoise autorise en tout état de cause la domiciliation de sociétés, elle n'apporte aucun élément, qu'elle seule est en mesure de fournir, de nature à justifier qu'elle disposait de moyens matériels et humains lui permettant d'exercer son activité de marchand de biens en 2007 à partir du Luxembourg ;

 

9.il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que, postérieurement au transfert de son siège social au Luxembourg, la société APH Vitry a poursuivi son activité de marchand de biens en France, en y disposant de locaux et de moyens humains qui lui ont permis de poursuivre cette activité, postérieurement à la signature de la promesse de vente du bien immobilier en litige, le 11 septembre 2007 ;

au surplus, le ministre fait valoir que le service a eu recours à l'assistance internationale auprès des autorités fiscales luxembourgeoises le 18 août 2011 et qu'il a eu ainsi accès à une copie des documents fiscaux déposés par la société APH Vitry au Luxembourg au titre des exercices 2007 à 2009, dans lesquels la société a expressément mentionné des bénéfices réalisés par un établissement stable en France ;

 

Sur la qualification d'activité occulte

 

13.dès lors que la société APH Vitry a exercé, au titre de l'exercice 2007, une activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable, elle était tenue de faire connaître cet établissement stable d'un centre de formalités des entreprises et de souscrire au nom de cet établissement stable les déclarations afférentes à l'activité imposable de ce dernier ;

 la société APH Vitry n'a pas fait connaître son établissement stable en France auprès d'un centre de formalités des entreprises ni souscrit les déclarations afférentes à l'activité imposable de cet établissement stable ;

la circonstance que la société APH Vitry était inscrite au registre du commerce et des sociétés en tant que société ayant son siège social en France avant son transfert au Luxembourg, lui-même déclaré, est sans incidence sur le caractère occulte de la poursuite de l'activité en France par le biais d'un établissement stable ;

dans ces conditions, la société APH Vitry n'est pas fondée à soutenir que la procédure de taxation d'office dont elle a fait l'objet est irrégulière, en l'absence d'envoi par le service de la mise en demeure prévue par les dispositions précitées de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales ;

(...)

  1. en premier lieu, qu'il résulte de la proposition de rectification que le service a précisé les considérations de fait et de droit qui justifiaient l'application de la majoration prévue au c) du 1 de l'article 1728 en cas de découverte d'une activité occulte, tirées de l'exercice d'une activité taxable en France dans le cadre d'un établissement stable alors que la société APH Vitry ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises et n'avait pas déposé de déclaration de résultats ; qu'il a ainsi suffisamment motivé les pénalités dont il a fait application ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 13, le service n'était pas tenu d'adresser une mise en demeure de régulariser sa situation à la société APH Vitry, qui, au demeurant, ne se prévaut d'aucune disposition propre aux pénalités qui prévoirait une telle mise en demeure ; que la société APH Vitry n'est ainsi pas fondée à soutenir que la procédure d'établissement des majorations en litige serait irrégulière ; 

    34. en second lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du c) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts que, dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives ; que dès lors que, ainsi qu'il été dit précédemment, la société APH Vitry n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire au titre de son établissement stable en France, ni fait connaître l'activité de cet établissement à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration apporte la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ; qu'à cet égard, la société APH Vitry n'allègue pas qu'elle aurait commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit acquittée d'aucune de ces obligations déclaratives, alors qu'au surplus, son établissement stable en France avait été déclaré aux autorités luxembourgeoises ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte, prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts ; 

 

On soulignera l'intéressante défense invoquée par la société contribuable, à propos des conséquences fiscales du transfert de siège social d'une société française vers un autre Etat membre de l'UE.

 

  1. la société APH Vitry soutient que le transfert de son siège social au Luxembourg devait emporter les conséquences fiscales d'une cessation d'entreprise, en l'absence de maintien des actifs au bilan d'un établissement stable déclaré en France, impliquant la constatation d'une plus-value latente ; que l'administration aurait ainsi dû procéder à une réévaluation d'actifs au 5 décembre 2007, date du transfert, et constater que la cession de l'immeuble le 12 décembre 2007 n'entraînait aucun profit imposable, le prix de revient du stock immobilier retenu pour le calcul de la plus-value correspondant nécessairement au prix de cession définitif ; 

    29. toutefois, alors que les dispositions précitées de l'article 221 du code général des impôts prévoient expressément que le transfert de siège dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, qu'il s'accompagne ou non de la perte de la personnalité juridique en France, n'emporte pas les conséquences de la cessation d'entreprise, la société APH Vitry ne se prévaut d'aucune disposition justifiant en droit le bien-fondé de son moyen ; qu'ainsi, dès lors que le transfert du siège social de la société APH Vitry au Luxembourg le 5 décembre 2007 n'emportait pas les conséquences fiscales de la cessation d'entreprise, l'administration n'était pas tenue d'établir immédiatement l'imposition au titre de plus-values latentes ; qu'en outre, et en tout état de cause, le bien immobilier en litige n'ayant pas été transféré ou cédé à l'occasion du transfert du siège social, mais étant demeuré affecté à l'activité de la société APH Vitry en France par le biais d'un établissement stable, il n'y avait pas plus lieu de le réévaluer à la date de ce transfert pour calculer, le cas échéant, le montant du profit imposable retiré de sa cession ultérieure par l'établissement stable ; qu'à cet égard, et compte tenu notamment des termes mêmes de l'article 221 du code général des impôts et du maintien de l'affectation du bien à l'activité de son établissement stable en France, la société APH Vitry ne peut utilement se prévaloir des travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi de finances pour 2005 et de la loi de finances rectificatives pour 2012, d'extraits d'un ouvrage et d'une pratique de l'administration ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a imposé le produit résultant de la cession de l'immeuble en litige au nom de l'établissement stable en France de la société APH Vitry, en retenant ses prix d'acquisition et de cession, en application des dispositions précitées de l'article 38 du code général des impôts ;

 

 

On relèvera enfin l'inopposabilité à l'administration fiscale française des actes publiés au greffe du tribunal de commerce luxembourgeois, dès lors que les obligations légales et réglementaires de publicité qui incombaient à la société contribuable au titre de l'existence de son établissement stable en France n'ont pas été respectées:

 

  1. d'autre part, que, dès lors que la société APH Vitry n'a respecté aucune des obligations légales et réglementaires de publicité qui lui incombaient à raison de l'existence de son établissement stable en France, aussi bien en ce qui concerne sa création que sa disparition, elle ne saurait soutenir que la publication de la clôture de sa liquidation au registre du commerce et des sociétés du Luxembourg, qui constitue une publicité légale distincte, aurait rendu opposable à l'administration fiscale cette liquidation, au titre de son établissement stable ; que la société APH Vitry ne se prévaut d'ailleurs d'aucune disposition qui aurait rendu la publication de la liquidation effectuée au lieu du siège au Luxembourg opposable au lieu de l'établissement stable en France, en se bornant à mentionner le principe de reconnaissance mutuelle fondé sur le principe de liberté d'établissement ; qu'en tout état de cause, les principes invoqués ne font pas obstacle, en présence d'un établissement stable dans un Etat, à ce que cet Etat soumette l'opposabilité aux tiers de la clôture de la liquidation du siège prononcée dans un autre Etat à des formalités de publicité prévues en droit interne pour rendre cette liquidation opposable aux tiers ; 

    19. enfin, la société APH Vitry n'est pas fondée à soutenir que l'administration avait, en tout état de cause, connaissance de sa liquidation, au sens du dernier alinéa de l'article L. 123-9 du code de commerce, avant l'envoi de l'avis de vérification de sorte qu'elle lui était opposable, au motif que l'ordonnance du 1er décembre 2010 autorisant une procédure de visite et de saisie en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales en ferait état ; qu'en effet, cette ordonnance, qui se borne à faire état de la décision de l'assemblée générale extraordinaire du 21 décembre 2009 de clore la liquidation volontaire de la société APH Vitry et de faire cesser son existence, ne saurait, par ces seules mentions, ainsi établir que l'administration fiscale française avait une connaissance personnelle et certaine de la liquidation du siège au Luxembourg, faute de mentionner que cette liquidation a été publiée dans les formes requises par la législation luxembourgeoise ; que, de surcroît, cette ordonnance ne permet pas d'établir que l'administration fiscale aurait été informée de ce que l'établissement en France de la société APH Vitry, qui était demeuré occulte, aurait été englobé dans la liquidation du siège et n'aurait pas poursuivi son activité

 

07:56 Publié dans Activité occulte | Lien permanent | Commentaires (2) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |

Commentaires

FAUX. Points 18 et 19

La Directive 68/151 en son article 3.5 prévoit l'opposabilité de tous dépôt d'acte dans tous les états membres, à un registre de commerce européen . L'harmonisation de cette procédure existe de longue date.

Et le règlement 44/2001 prévoit en son article 22 la compétence exclusive des juridictions de l'état membre du RCS pour juger de la validité desdites inscriptions ou dépôts d'actes


Voir entre autres CJCE Inspire Art

voyez cet arrêt notamment le point 8 et ce qui en découle

http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62001CJ0167

Écrit par : Pascal | 15 juillet 2017

Répondre à ce commentaire

et pan sur le bec

merci pascal

la directive a elle ete introduite dans le droit interne


http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:l26003&from=FR


https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000510502

Écrit par : et pan sur le bec merci pascal | 12 août 2017

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