Affaire WENDEL : UNE EXTENSION DE L’ABUS DE DROIT ?par O FOUQUET

Affaire WENDEL : UNE EXTENSION DE L’ABUS DE DROIT ?

(LE NOUVEAU PÉRIMÈTRE DE L’ABUS DE DROIT)

Par Olivier FOUQUET Président de Section (h) au Conseil d’Etat

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Mars 2020

On croyait la distinction entre l’optimisation fiscale légale et le montage artificiel constitutif d’un abus de droit stabilisée depuis la décision CE 18 05 2005 Sté Sagal : un circuit juridique est artificiel lorsque certains maillons de la chaîne sont dépourvus de substance.

Avec l’affaire Wendel, on découvre un nouvel abus de droit : un montage peut être artificiel même si tous les maillons de la chaîne ont de la substance. Comment distinguera-t-on désormais le schéma légal d’optimisation du schéma abusif ?

L’adage du Conseil d’Etat selon lequel « nul contribuable n’est tenu d’adopter la voie fiscale la plus onéreuse » est-il encore valable ?

 La prudence conduira-t-elle demain à ne pas choisir la voie fiscale la moins onéreuse ?

 

Le Conseil d’Etat vient par deux décisions du 12 février 2020, n° 421441 et 421444 de statuer sur le fond dans le cas de deux contribuables ayant fait l’objet de redressements dans le cadre de ce qu’on a appelé communément l’affaire Wendel qui a été largement médiatisée. Nous ne décrirons pas l’ensemble des opérations qui ont abouti au transfert aux managers de la boucle d’autocontrôle de WI, société cotée.

 Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 12/02/2020, 421441

  Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 12/02/2020, 421444

Analyse du conseil d 'état


 Nous renvoyons à cet égard aux conclusions très claires du rapporteur public Anne Iljic.

 

Conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteure publique

Il faut seulement retenir, pour les besoins de cet article, qu’in fine, la Sté CDA, créée par les principaux dirigeants qui ont associé progressivement d’autres managers, était détentrice, à la suite de l’acquisition de la boucle d’autocontrôle, de titres WI. Cette société a autorisé en 2007 ses associés à transférer à des sociétés civiles ayant opté pour l’IS qu’ils détenaient, leurs titres CDA. Les associés, sauf un, ont donc fait apport de leurs titres CDA  aux sociétés civiles. Les plus-values constatées à la date de cet apport ont bénéficié du sursis d’imposition automatique de l’article 150-0B du CGI. Puis la Sté CDA a décidé de racheter ses propres titres et a payé ce rachat par remise pour partie des titres WI qu’elle détenait et pour partie par des parts de SICAV monétaire.
Dans l’affaire n°421444, l’associé a été payé essentiellement en titres WI.
Dans l’affaire n°421441, l’associé a été payé en parts de Sicav monétaires qui lui ont permis d’obtenir un découvert bancaire lui permettant d’acquérir des titres WI.


L’administration a estimé que les contribuables n’avaient pas droit au sursis d’imposition dans la mesure où le produit du rachat des titres CDA avait été réinvesti dans des placements patrimoniaux et non économiques (les titres WI), de sorte que l’opération apport-rachat-réinvestissement était constitutive d’un abus de droit au sens de la jurisprudence Berjot du Conseil d’Etat sur l’apport-cession (sur cette jurisprudence voir infra).

2) Par son arrêt du 12 avril 2018 n°16PA01157la CAA de Paris a approuvé le raisonnement de l’administration en jugeant, notamment dans l’affaire n°421444, que la société civile (BJPG Participations),

 « qui exerce une activité de gestion purement patrimoniale, n’a pas réinvesti le produit de la cession des titres de la Sté CDA dans une activité économique et que les contribuables pouvaient, par l’interpositions de cette société (NB la société civile), disposer effectivement des liquidités correspondant à cette cession tout en restant détenteurs des titres de la société (civile) BJPG participations, reçus en échange de l’apport (NB des titres CDA) et en bénéficiant du sursis d’imposition prévu par l’article 150-0B du CGI (NB dans sa rédaction applicable en 2007) ; que la Sté BJPG a été créée postérieurement à la constitution de la Sté CDA… que la réalité des investissements allégués n’est pas établie… qu’ainsi les requérants n’apportent pas la preuve, qui leur incombe, de ce que l’opération d’apport de titres de la Sté CDA à la Sté BJPG Participations avait un autre motif que celui d’éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value réalisée qu’ils auraient normalement supportés s’ils n’avaient pas réalisé cet apport ».

 La cour a cru ainsi faire application à bon escient de la jurisprudence Berjot.

3) Mais, devant le Conseil d’Etat saisi en cassation, changement de pied complet. La Haute juridiction qui estime, contrairement à la cour, que l’opération d’apport-cession respectait la condition de réinvestissement posé par la jurisprudence Berjot (CE 27 07 2012 n°327295) , confirme néanmoins l’existence d’un abus de droit commis pour éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value d’apport en se référant au caractère artificiel de l’opération d’apport-rachat des titres CDA.

Analyse du conseil d 'état (lire 2-b)

 « Dirigeant du groupe Wendel ayant constitué, avec d'autres cadres dirigeants, la société CDA, laquelle, après avoir acquis le 3 avril 2007 une société détenue par la société Wendel Investissement, a, par assemblée générale du 3 mai 2007, autorisé ses associés à apporter leurs titres dans des sociétés civiles dont ils détenaient les parts et décidé une réduction de capital non motivée par des pertes par voie de rachat de ses titres. Rachat, le 29 mai 2007, des titres de la société CDA apportés par l'intéressé le 3 mai 2007 à une société civile, pour un prix identique à leur valeur d'apport, en échange de titres de la société Wendel Investissement et, accessoirement, de parts de Sicav monétaire. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la succession de ces opérations - notamment l'intervention presque simultanée de l'apport des titres CDA par l'intéressé à la société civile qu'il avait créée et qu'il contrôlait avec son épouse, dont la gestion patrimoniale de titres était le seul objet et qui avait opté pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés, et du rachat par la société CDA de ses propres titres - a permis aux requérants d'entrer artificiellement dans les prévisions de l'article 150-0-B du CGI en évitant l'imposition à laquelle ils auraient été soumis si la société CDA leur avait directement racheté leurs titres et que l'interposition de la société civile et l'apport des titres de la société CDA à cette société doivent être regardés comme ayant poursuivi un but exclusivement fiscal et comme nécessairement contraires à l'objectif poursuivi par le législateur. Dans ces conditions, alors même que les requérants soutiennent qu'ils n'ont reçu aucune liquidité et qu'aucun désinvestissement n'a eu lieu, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en retenant l'existence d'un abus de droit » 

 Il ressort ainsi de la rédaction des motifs de la décision que, alors même que la condition de réinvestissement a été respectée («lors même que les requérants soutiennent qu’ils n’ont reçu aucune liquidité et qu’aucun désinvestissement n’a eu lieu »), la quasi simultanéité de l’apport des titres CDA à la société civile ayant opté pour l’IS  puis du rachat par la Sté CDA de ses propres titres caractérisait une opération artificielle ayant pour seul but de bénéficier du sursis d’imposition en éludant l’impôt dû sur la plus-value d’apport.

4) Comment expliquer ce changement de pied ?
 Les conclusions du rapporteur public éclairent cette nouvelle approche :

 « L’acquisition de participations dans une société ayant, comme la Sté WI, une activité économique constitue bien à nos yeux un réinvestissement à caractère économique de la part de la société qui en est l’auteur ». Nous partageons entièrement le point de vue du rapporteur public.

Lorsqu’on examine la jurisprudence Berjot (CE 27 07 2012 n°327295 : RJF 11/12 n°1042, concl. E. Crepey BDCF 11/12 n°129), elle-même issue de la jurisprudence CE 08 10 2010 n°301934, n°313139, n°321161, Bazire, Bauchart et Four : RJF 12/10 n°1204,1205 et 1206, concl. L. Olléon BDCF 12/10n°132, chron. V. Daumas RJF 1/11 p.5, obs. O. Fouquet FR Lefebvre 44/10 inf. 18),  ainsi que la jurisprudence qui a suivi (CE 03 02 2011 n°329839, m. c/ Conseil : RJF 4/11 n°471, concl. L. Olléon BDCF 4/11 n°50 ; CE 24 08 2011 n°314579, Moreau et n°316298, Ciavatta : RJF11/11 n°1186, concl. J. Boucher BDCF 11/11 n°129 ; CE 10 07 2019 n°411474 : RJF 10/19 n°948, concl. E. Bokdam-Tognetti(C 948), obs. O. Fouquet Dr. Fisc. 37/19 c. 362), aucun des cas de figure dont  le Conseil d’Etat a jugé qu’ils ne comportaient pas de réinvestissement réel, ne ressemble, de près ou de loin, au réinvestissement réalisé en l’espèce dans les titres WI pour un montant correspondant pour l’essentiel, dans l’affaire n°421444, au produit du rachat des  titres par CDA.

Reconnaître, comme le rapporteur public, le  caractère de réinvestissement économique à l’achat des titres WI était d’autant plus justifié que le contribuable était membre du directoire de WI de sorte  qu’à la lumière de la jurisprudence CE 29 05 2020 n°411209, Sarl Montisambert : RJF 8-9/19 n°752, concl. E. Cortot-Boucher (C752), il était possible de soutenir que les titres WI détenus par la Sté BJPG Participations devaient être qualifiés de titres de participation, même si la participation au capital n’était que de l’ordre de 1%. Cette dernière question n’a pas eu à être discutée puisque, comme l’indique le rapporteur public dans ses conclusions, le caractère de réinvestissement économique n’était pas discutable en l’espèce. A titre personnel, nous estimons que si le réinvestissement dans des titres de société ayant une activité économique peut constituer un réinvestissement économique, un réinvestissement prenant la forme de la détention de titres de participation est nécessairement un réinvestissement économique.

5) Le Conseil d’Etat aurait pu s’arrêter à ce stade du raisonnement et casser pour erreur de droit l’arrêt de la cour en lui renvoyant l’affaire. Sans doute en raison des nombreux litiges d’abus de droit en cours dans l’affaire Wendel, la Haute juridiction a voulu aller plus loin et trancher sur le fond la question de l’existence d’un abus de droit. Pour conclure à cette existence, le Conseil d’Etat a suivi un raisonnement inédit qui conduit à s’interroger sur un éventuel élargissement du périmètre de l’abus de droit.

Le rapporteur public indique bien dans ses conclusions « que la focale Berjot est trop étroite pour appréhender dans leur globalité la portée des actes passés par les contribuables…Il faut s’en tenir à la matrice de l’article L. 64. Sous cet angle, prises dans leur ensemble, les opérations passées par les contribuables nous paraissent relever d’un montage artificiel ».

 Le rapporteur s’appuie sur deux courants de jurisprudence.

 Le premier résulte de la décision  CE 18 05 2005 n°267087, m. c/ Sté Sagal :analyse du CE  RJF 8-9/05 n°910, concl. P. Collin BDCF 8-9/05 n°910, obs. O. Fouquet « Abus de droit : éclaircie ? » Rev. Administrative n°347 p. 482, blog de Patrick Michaud et Google, qui a dégagé le critère du montage artificiel, dénué de substance.

Le second courant résulte notamment des décisions CE 19 07 2017 n°408227, Sté Ingram-Micro : RJF 11/17 n° 1079, concl. E. Cortot-Boucher (C 1079), obs. O. Fouquet  Dr. Fisc. 43-44/17c. 529 ; CE 25 10 2017 n°396954/ RJF 1/18 n°70, concl. E. Crepey (C70), chron. A. Iljic 12/17 p. 1553, qui ont jugé qu’un montage artificiel (condition subjective) était nécessairement contraire aux intentions du législateur (condition objective), de sorte qu’il n’était pas nécessaire de démontrer que ce second critère était rempli.

6) Mais il nous semble que l’on ne peut pas déduire de ces deux courants jurisprudentiels qu’un montage non dénué de substance pourrait néanmoins être artificiel. C’est à nos yeux le véritable apport des décisions du 12 02 2020 qui élargissent le périmètre de l’abus de droit en le rendant, en l’état, plus incertain. Dans les précédents que nous avons cités, il existait un maillon dépourvu de substance dont l’existence caractérisait le caractère artificiel du montage. Dans nos observations sur la décision m. c/ Sté Sagal, nous indiquions :

« Si l’optimisation fiscale et abus de droit ont en commun la recherche exclusive d’un avantage fiscal, le second se distingue du premier par le caractère artificiel dénué de substance du montage utilisé pour atteindre l’objectif fiscal. Dénué de substance ne veut pas dire fictif. En l’espèce, la société luxembourgeoise n’était pas fictive… Mais cette société n’était que l’instrument de la banque qui l’avait créée… La décision m.  c/ Sté Sagal nous paraît fournir la clef de la distinction entre optimisation fiscale et abus de droit.  Dans les deux cas il y a un montage juridique et recherche exclusive d’un avantage fiscal. Mais dans le cas de l’optimisation fiscale, le montage consiste en une succession d’actes qui produisent pleinement leurs multiples effets juridiques, de sorte que la voie fiscalement la moins onéreuse ne peut être regardée comme juridiquement équivalente à la voie fiscalement la plus onéreuse ».

Voir également en ce sens : « Pour une jurisprudence cohérente en matière d’abus de droit » par L. Jaillais et D. Gutmann BF Lefebvre 5/11.

Nous nous permettons, à cet égard, de citer un extrait des conclusions du commissaire du gouvernement dans l’affaire m c/Sté Sagal, le Président Pierre Collin, qui nous paraît éclairant :

« En second lieu, la cour a totalement omis de tenir compte, ainsi que le soutient à juste titre le ministre, de l'argumentation relative à l'absence de substance de la société holding. Or celle-ci était essentielle dans le débat. Ce que la procédure d'abus de droit vise à combattre, ce n'est pas la simple optimisation fiscale ou le simple fait, pour une société de passer des actes isolés et courants qui lui permettront de réduire au maximum sa dette fiscale. Nul ne songerait, par exemple, à contester le droit d'une société de chercher à minimiser son résultat fiscal, ou encore de faire un aller-retour sur son portefeuille pour dégager des moins-values venant compenser des plus-values. Ce que l'abus de droit sanctionne, c'est le montage. Ce montage peut-être une pure fiction juridique, c'est l'abus de droit par simulation ; il peut être une pure fiction économique, c'est l'abus de droit par fraude à la loi. Dans un arrêt de 1964, soit avant même que vous dégagiez de manière solennelle la notion d'abus de droit par fraude à la loi, vous jugiez que le texte relatif à la répression des abus de droit avait pour objet « de permettre à l'administration de parer aux manœuvres consistant, sous le couvert d'actes juridiques apparemment réguliers, à dissimuler sciemment des bénéfices en vue de faire échec à la loi fiscale en faisant échapper à l'impôt des sommes normalement imposables. Cette procédure exceptionnelle, ajoutiez-vous, ne doit recevoir application que dans les cas où l'administration croit pouvoir établir l'existence de fraudes ou de manœuvres... et entend pour les déjouer restituer aux actes juridiques qui lui sont opposés leur véritable caractère et leur réelle signification » (CE 29 janvier 1964 n° 47515 : Lebon p. 57). La notion de manœuvre, ou de montage, est donc essentielle. Il n'y a abus de droit qu'en présence d'une série d'actes cohérents et convergents, passés en vue de créer une situation juridique ou économique artificielle à seule fin d'entrer dans les prévisions d'une disposition fiscale favorable. Or, dans la présente espèce, ce qui nous semble constituer un abus de droit, puisque telle est notre opinion, ce n'est pas le seul fait d'optimiser le choix de la localisation d'une société pour profiter des avantages fiscaux comparatifs au sein de l'Union Européenne, mais de constituer une structure ad hoc, artificielle, sans aucune substance propre ni existence ou justification autonome, dans le seul but de se placer dans une situation fiscale donnée, à savoir la combinaison du régime mère-fille institué en vue d'éviter la double imposition des revenus des filiales et de la loi luxembourgeoise exonérant localement d'impôt les revenus de la filiale, de sorte que ces revenus ne sont taxés dans aucun des deux Etats ».

Les décisions du 12 février 2020 vont, à notre avis, bien au-delà de la jurisprudence m. c/ Sté Sagal. En l’espèce, il n’a jamais été soutenu par l’administration, on ne trouve en tout cas aucune indication en ce sens dans les décisions juridictionnelles, que la Sté CDA et les sociétés civiles étaient dépourvues de substance. Nous sommes donc en présence d’un montage dont aucun maillon n’est dépourvu de substance, mais qui est  néanmoins artificiel. Ce caractère artificiel découle du caractère simultané des opérations d’apport des titres CDA et de leur rachat. Le Conseil d’Etat ne pouvait pas juridiquement, dans chaque décision relative à un associé, se référer aux agissements des autres associés de la Sté CDA, contribuables distincts. Mais, à la lumière des conclusions du rapporteur public, on peut penser que le caractère simultané des opérations menées par l’ensemble, sauf un, des associés de la Sté CDA, a pu peser lourd (comme devant le comité de l’abus de droit qui s’est référé expressément à cette circonstance). Il n’empêche que la décision ne prend en compte que le comportement d’un associé pris isolément, ce qui conduit à s’interroger sur la portée pour l’avenir de cette jurisprudence.

 

7) Soit on considère qu’il s’agit de décisions d’espèce, soit on considère qu’il s’agit de décisions qui témoignent d’un élargissement du périmètre de l’abus de droit par voie de conséquence d’un élargissement de la définition du caractère artificiel d’une opération. La publication au Lebon de la décision n°421444 montre clairement qu’il s’agit d’une décision de principe. La crainte que nous avons à ce stade, est que le critère du montage artificiel, sans pour autant être dénué de substance, engage le juge dans la voie d’une appréciation trop subjective de l’existence d’un tel montage.

 Si le juge  tient compte implicitement, comme en l’espèce, du contexte, il en résultera que de deux montages identiques, l’un pourra être artificiel et l’autre non. Le contribuable pourrait y voir une appréciation à la tête du client. Il est donc plus que souhaitable que le nouveau critère du montage purement artificiel soit davantage précisé. La cassation de l’arrêt de la cour dans sa totalité et le renvoi complet de l’affaire à celle-ci pourrait permettre une discussion plus approfondie sur le nouveau critère, qui, si l’on se réfère aux conclusions du rapporteur public, n’a peut-être pas eu lieu devant le juge de cassation.

8) Ces affaires témoignent de la difficulté pour le juge de garantir la sécurité juridique lorsque sa jurisprudence qui, par définition, donne de la loi une interprétation rétroactive, évolue. La présente affaire est caractéristique de cette difficulté.

En 2007, date de l’opération d’apport-rachat-réinvestissement, les contribuables pouvaient se prévaloir d’un avis du comité de l’abus de droit selon lequel le caractère automatique, et non plus optionnel, du sursis d’imposition faisait obstacle à ce que ce sursis soit contesté sous l’angle de l’abus de droit. Puis en cours de  procédure de redressement, est intervenue la décision Berjot du 27 07 2012 qui pouvait laisser croire aux contribuables qu’ils avaient respecté la condition de réinvestissement économique.

 Enfin en 2020, le juge vient leur dire que, même s’ils avaient réinvesti économiquement, leurs opérations étaient néanmoins constitutives d’un montage artificiel, en raison de la concomitance de l’apport et du rachat, alors même qu’aucune des sociétés entre lesquelles les opérations se sont déroulées, n’était dépourvue de substance. On peut supposer que la tête leur tourne un peu.

Nous ne critiquons pas, en soi, l’évolution sans doute inévitable de la jurisprudence, confrontée à des cas de figure nouveaux.

Mais nous aurions aimé qu’en matière d’abus de droit, vecteur majeur du redressement fiscal, le raisonnement qui permettra à l’avenir de caractériser le caractère artificiel d’un montage, soit davantage précisé

MARS 2020  O FOUQUET

 

fouquet FINAL DEUX abus de droit.docx

 

 

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