17 juin 2013

Les Avocats de France se rebellent contre une loi liberticide

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Lors de son assemblée générale des 14 et 15 juin 2013, le Conseil national des barreaux a adopté une motion en réaction au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, déposé le 24 avril 2013 et qui doit être examiné selon la procédure accélérée.

Fraude fiscale : la fin ne justifie pas les moyens

Editorial du MONDE cliquer 

 

Aussi légitime que puisse être l'objectif de lutte contre la fraude fiscale, les dispositions de ce projet de loi portent une atteinte grave aux libertés publiques, individuelles et collectives.

 

Téléchargez ici la motion votée par l’assemblée générale du 15 juin 2013 (pdf).

Sous couvert de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, une généralisation de la délation dans l’entreprise est organisée. En effet, une protection est garantie pour le « lanceur d’alerte » ayant « témoigné sur des faits constitutifs d’une infraction pénale dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » ou les ayant « relatés », cette disposition valant pour toute infraction pénale, sans distinction.

La fraude fiscale elle-même s’entendrait de toute opération internationale et donnerait aux enquêteurs des pouvoirs exorbitants.

Notamment : 


  • En violation des principes fondamentaux de liberté de circulation des personnes et des capitaux, la détention de comptes bancaires ou de contrats souscrits à l'étranger (paradis fiscaux ou non) deviendrait un indice de fraude, suffisant à justifier l'octroi aux enquêteurs fiscaux du bénéfice de « techniques spéciales» telles la surveillance, l'infiltration, la garde à vue de quatre jours, les interceptions de correspondances téléphoniques au stade de l’enquête, les sonorisations et fixations d’images de certains lieux et véhicules, les captations des données informatiques et les saisies conservatoires. 
  • En cas de recours contre une décision de saisie de la propriété d’une personne non mise en cause dans la procédure pénale, il ne serait plus possible d'accéder à l'entier dossier pénal mais uniquement aux pièces de procédure se rapportant à la saisie contestée, ce qui empêcherait toute argumentation efficace de la défense sur le bien-fondé de la saisie. 
  • Sous le prétexte de "sécuriser les procédures de contrôle fiscal à caractère contradictoire", il est prévu que, sauf le cas de visites domiciliaires, l'administration fiscale puisse recourir à tout mode de preuve, y compris illicites. 
  • L'article 1741 du code général des impôts serait modifié afin que soit considérée comme circonstance aggravante le fait que la fraude ait été commise en bande organisée, incluant dans le champ de la prévention les conseils et intermédiaires. 

Un amendement est par ailleurs en cours d'élaboration, qui prétend obliger les avocats à déclarer à l'administration fiscale l'ensemble des schémas fiscaux qu'ils élaborent pour leurs clients. Ces schémas d’optimisation seraient ainsi présumés, sauf accord de l'administration, comme des tentatives de fraude. 

Cette atteinte au secret professionnel et à l’exercice de la profession d’avocat est inacceptable. Auxiliaires de justice, soumis notamment au principe essentiel de probité, les avocats participent quotidiennement au respect de la loi par leurs clients en leur présentant des schémas, qui sont des options entre les différentes dispositions, proposées par la règlementation fiscale. 

La présomption de responsabilité pénale d'un contribuable et de ses conseils, sous le prétexte que des avoirs ou intérêts seraient détenus à l'étranger, est intolérable. 

Les principes et règles existant en matière de fraude fiscale (abus de droit, fraude à la loi…) sont suffisants et rendent inutiles les pouvoirs exorbitants que le projet envisage d'accorder aux enquêteurs fiscaux. 

Le nécessaire rétablissement de l'économie française et le retour à la croissance, ne seront pas réalisés en présumant que les investisseurs à l'international sont des fraudeurs et en renversant à leurs dépens la charge de la preuve. 

Le Conseil national des barreaux dénonce avec fermeté de telles atteintes aux libertés publiques et demande solennellement au Gouvernement et au Législateur de retirer le projet de loi dont le vote est programmé.

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