07 octobre 2016

Perquisition fiscale fondée sur documents vendus au fisc (CEDH 06/10/16) !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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 Lettre EFI du 10 octobre 2016   
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La CEDH a rendu vendredi 7 octobre un arrêt qui sera incompréhensible car contraire à la nécessite de la légitimité de la preuve 

COMMUNIQUE DE PRESSE

K.S. et M.S. c. Allemagne ( v. GERMANY  no. 33696/11)

STRASBOURG  6 October 2016

 

 

 

En France Le juge doit contrôler la licéité des pièces fournies par l 'administration  

Des pièces jugées illégales ne peuvent pas servir de preuves .
mise à jour sur CE 15 AVRIL 2015
 

La légalité de la preuve dans l'espace pénal européen par Marie Marty

En 2006, les services secrets allemands (Bundesnachrichtendienst) ont  acheté un support de données à partir d'un certain K. pour une somme d'argent considérable. Le support de données contenait des données financières de la Banque L. Liechtenstein relatives à 800 personnes. K., qui avait été autrefois un employé de la Banque L., avait illégalement copié les données. Le support de données a été soumis aux autorités d'enquête fiscale allemande, qui instigateurs ensuite une procédure contre, entre autres, les requérants, en ce qui concerne les délits de  fraude fiscale

Dans son arrêt de chambre rendu dans l’affaire K.S. et M.S. c. Allemagne (requête n o 33696/11), la Cour européenne des droits de l’homme conclut, à l’unanimité, à la non-violation de l’article 8 (droit au respect du domicile) de la Convention européenne des droits de l’homme.  

L’affaire concerne la perquisition du domicile du couple requérant, en raison de soupçons d’évasion fiscale. Les requérants virent déclencher une procédure contre eux après que des informations sur leurs avoirs, déposés dans une banque au Liechtenstein, eurent été copiées illégalement par un employé de la banque puis vendues aux services secrets allemands. Les requérants alléguaient notamment que leur domicile avait été perquisitionné en vertu d’un mandat délivré sur la base de preuves obtenues en violation du droit interne et du droit international. 

La Cour constate que la perquisition était une mesure prévue par la loi 

 Elle prend acte en particulier de la jurisprudence constante de la Cour constitutionnelle fédérale selon laquelle aucune règle absolue n’interdit l’utilisation dans un procès pénal de preuves recueillies en violation des règles procédurales. Cela signifie que le couple était à même de prévoir – au besoin après avoir pris conseil auprès d’un juriste – que les autorités nationales songeraient à fonder le mandat de perquisition sur les données provenant du Liechtenstein même si ces informations avaient pu être obtenues en violation de la loi.

En outre, la perquisition a constitué une mesure proportionnée LIRE LA SUITE 

le statut de la preuve illicite en droit français
ci dessous


source rapport parlementaire

Actuellement, le statut de la preuve illicite en droit français est marqué par une certaine complexité.

En matière civile, c'est le principe de légalité des preuves qui prime.

 L'article 9 du code de procédure civile dispose ainsi qu' « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Récemment, deux arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 31 janvier 2012 sont venus confirmer ce principe : la chambre commerciale de la Cour a ainsi annulé les « autorisations de visites et saisies délivrées sur la foi de documents provenant d'un vol, peu important que ces derniers aient été communiqués à l'administration par un procureur de la République en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales»[1]

 

En revanche, le droit pénal est dominé par le principe de la liberté des preuves, qui trouve son origine dans le caractère inquisitoire de la procédure. Ainsi, l'article 427 du code de procédure pénale prévoit que« hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction »51(*).[2]

Toutefois, le principe de liberté des preuves en matière pénale ne vaut que pour celles qui émanent d'une personne agissant à titre personnel, non des agents de l'autorité.

Ainsi, l' « enregistrement effectué de manière clandestine par un policier agissant dans l'exercice de ses fonctions, des propos qui lui sont tenus, fût-ce spontanément par une personne suspecte, élude les règles de procédure et compromet les droits de la défense »[3] En revanche, le même enregistrement constitue un moyen de preuve soumis à la libre discussion des parties lorsqu'il s'avère que le policier l'a effectué, non dans l'exercice de ses fonctions, mais pour se constituer la preuve de faits dont il est lui-même victime[4]

De même, un arrêt du 28 octobre 1991 rejette le pourvoi formé par l'administration des douanes contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait écarté des documents bancaires dérobés en Suisse par deux employés de banque, ceux-ci ayant déclaré avoir agi à l'instigation des douaniers[5]

En matière pénale, la preuve n'est donc libre que lorsque l'administration reçoit des informations de provenance illicite sans les avoir elle-même suscitées de manière frauduleuse.

Une distinction semblable se retrouve dans la jurisprudence administrative.

En effet, tout d'abord, le juge de l'impôt n'admet pas l'utilisation, pour établir des redressements fiscaux, de preuves illicites directement transmise à l'administration.[6]

Ensuite, en matière de perquisition, le juge administratif admet l'utilisation d'éléments recueillis lors d'une perquisition policière et transmis par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale, même si la perquisition a ensuite été annulée par le juge judiciaire. En revanche, il n'en est pas de même si la perquisition annulée était une opération menée par l'administration fiscale elle-même, sur le fondement du livre des procédures fiscales : dans ce cas, l'annulation, par le juge judiciaire, de la perquisition, interdit l'utilisation des éléments recueillis à cette occasion. Il paraît en effet logique qu'une administration ne puisse pas bénéficier des irrégularités qu'elle a elle-même commises.

Toutefois, la crainte du Gouvernement ne porte pas en l'espèce sur l'impossibilité, pour l'administration fiscale, d'utiliser des informations recueillies dans le cadre d'une perquisition fiscale déclarée irrégulière par le juge administratif, mais seulement sur la possibilité que, compte tenu des deux arrêts du 31 janvier 2012 précités « La Cour de cassation, intervenant alors en sa qualité de juge de l'impôt (au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune par exemple), pourrait aligner sa position sur celle rendue en matière de visite domiciliaire et considérer comme irrégulières des rectifications assises sur des informations d'origine certes illicite mais régulièrement obtenues par l'exercice d'un droit de communication ou d'une assistance administrative internationale ». 

[1] Dans l'affaire HSBC.

[2]  Ainsi, la cour d'appel qui déclare irrecevable en preuve un document produit par la partie civile poursuivante parce qu'elle n'avait pu l'obtenir que de façon illicite méconnaît les dispositions de l'article 427 du code de procédure pénale : Cass. Crim. 15 juin 1993, B n° 210.

[3]  Cass. Crim. 16 décembre 1997, B. n° 427.

[4] Cass. Crim. 19 janvier 1999, B. 9. L'exemple est donné dans « Traité de procédure pénale », Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, Economica, 2009.

[5] Cass. crim., 28 octobre 1991 : bull. crim., n° 381.

[6] Ainsi CAA Lyon, 5 juillet 1995, AJDA 1995, p. 245 : « si l'administration fiscale peut établir des redressements sur la base d'éléments de preuve légalement admissibles de toute nature, elle ne peut, en revanche, valablement s'appuyer sur des pièces qu'elle a obtenues ou qu'elle détient de manière manifestement illicite ».

 

14:44 Publié dans La preuve en fiscalité | Lien permanent | Commentaires (1) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |

Commentaires

Quid du délit de recel d'un bien volé ? Et de celui de complicité de recel ?

Le fisc français qui n'a pas volé les données et les a obtenus (sans les solliciter) d'une autre administration fiscale (Allemagne) sait que ces données ont été obtenues "illégalement", voire volées. En ne les rendant pas à leur légitime propriétaire il commet un délit de recel. Il en va de même s'il utilise ces données "à son bénéfice" (recel et complicité de recel).

Quid de la position des agents du fisc français au regard de l'article 40 du code de procédure pénale qui stipule :

"Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs."

Un agent du fisc qui utilise des données sachant qu'elles ont été à l'origine soustraites de façon frauduleuse à leur propriétaire légitime est-il "en délicatesse" avec l'article 40 ?

Écrit par : JPAlcover | 08 octobre 2016

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