26 juillet 2015

La France ne sera pas la passoire fiscale de l'Europe : les suites de l'arrêt GBL Energy

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Dans un arrêt en date du 21 juillet 2015, la CAA de Versailles, faisant application de la jurisprudence GBL Energy, examine de nouveaux arguments relatifs à l'incompatibilité de la retenue à la source instituée par l'article 119 bis CGI - combinée avec la convention fiscale - avec la liberté de circulation des capitaux (considérants n°8):

la société FRERE BOURGEOIS,(cliquez) dont le siège est en Belgique, a perçu au cours de l'année 2010 des dividendes versé par des sociétés résidentes françaises dans le capital desquelles elle détenait une participation inférieure à 5 % ; 

 

Respectueuse de la loi interne de la France elle a payé les retenues à la source prélevées sur ces dividendes en applications du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts au taux de 15 % prévu par le 2. de l'article 15 de la convention fiscale signée entre la France et la Belgique ; 

Article 119 bis CGI     BOFIP du 11/02/2014 

Mais elle en a demandé le remboursement par réclamation qui a été rejetée, le Tribunal administratif de Montreuil a confirmé le rejet par  jugement du 5 juillet 2013

Dans un arrêt en date du 21 juillet 2015, la CAA de Versailles,CONFIRME en faisant application de la jurisprudence GBL Energy, examine de nouveaux arguments relatifs à l'incompatibilité de la retenue à la source instituée par l'article 119 bis CGI - combinée avec la convention fiscale - avec la liberté de circulation des capitaux (considérants n°8):

Fin du détricotage fiscal ? : CE 9 Mai 2012 Aff GBL ENERGY 

Cour Administrative d'Appel de Versailles, 7ème Chambre, 21/07/2015, 13VE03086, 

Mme VINOT, président M. Nicolas CHAYVIALLE, rapporteur
Mme GARREC, rapporteur public

 les positions en droit 

A Première position de FB 


 

6. la société FRERE BOURGEOIS soutient, en premier lieu, que les dispositions du 2. de l'article 119 bis du code généraldes impôts sont contraires à la libre circulation des capitaux dès lors qu'elles soumettent à la retenue à la source les dividendes reçus par une société non résidente établie dans un autre Etat de l'Union européenne et ne relevant pas du régime des sociétés mères et que cette retenue ne peut être imputée sur un impôt dans son Etat de résidence dans la mesure où elle est en situation déficitaire alors que ces dividendes ne sont pas soumis à l'impôt si, placée dans une situation identique, la société qui les reçoit est établie en France 

la réponse de nos conseillers 

7. Considérant, d'une part, qu'une société non résidente en situation déficitaire et qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères et une société établie en France placée dans la même situation ne peuvent être regardées comme étant dans une situation objectivement comparable ; qu'en effet, la détermination du résultat imposable de ces deux sociétés procède des règles fiscales propres à la législation de chacun de ces Etats membres ; 

8. Considérant, d'autre part, qu'aucune disposition du droit interne français ne prévoit une exonération des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères lorsque ses résultats sont déficitaires ;

en effet, ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l'impôt sur les sociétés au titre d'une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ;

 s'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l'impôt établi à l'encontre de la société établie en France au titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux ;

 dès lors que le droit interne français ne prévoit pas davantage une atténuation de l'imposition des dividendes reçus par une société résidente qui ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, la société FRERE BOURGEOIS n'est pas fondée à se prévaloir de l'ordonnance en date du 12 juillet 2012, Tate et Lyle Investments Ltd (C-384/11)  cliquez par laquelle la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre qui soumet à une retenue à la source les dividendes distribués par une société résidente aux sociétés bénéficiaires résidentes et non-résidentes qui détiennent dans le capital de cette société distributrice une participation inférieure à 10 %, mais dont la valeur d'acquisition est d'au moins 1,2 million d'euros, tout en ne prévoyant que pour les seules sociétés bénéficiaires résidentes un mécanisme permettant d'atténuer l'imposition en chaîne ; qu'enfin, si les sociétés bénéficiaires établies à l'étranger ne peuvent déduire les charges qu'elles ont exposées du montant soumis à la retenue à la source, cette différence d'assiette ne conduit pas à regarder le mécanisme de retenue à la source comme réservant par principe, un traitement défavorable aux dividendes versés à une société bénéficiaire établie à l'étranger par rapport au traitement accordé aux dividendes versés à des sociétés bénéficiaires établies en France, compte tenu de l'écart entre les taux d'imposition applicables à ces dividendes et du fait qu'en principe les dividendes résultent de la détention passive d'une participation dans le capital de la société distributrice sans nécessiter la mise en oeuvre par leur bénéficiaire de moyens importants ; qu'ainsi, la retenue à la source au taux de 15 % prévue sur les dividendes versés aux sociétés belges par des sociétés résidentes françaises ne peut être regardée comme constituant par principe un traitement plus défavorable que celui dont relèvent les dividendes perçus par des sociétés bénéficiaires établies en France ;

b deuxième  position de FB 


9. ,en second lieu,  la société soutient que l'application qui lui a été faite des dispositions du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts est incompatible avec la libre circulation des capitaux dès lors que les dividendes versés à des sociétés d'investissements à capital variable (SICAV) constituées selon la législation française sont exonérés d'impôt sur les sociétés et que sa situation est comparable à celle d'une SICAV française exonérée ; 
réponse de nos conseillers 

11. Considérant que la société FRERE BOURGEOIS produit une attestation du 7 novembre 2011 établie par l'inspecteur principal au contrôle de Thuin de l'administration fiscale belge, selon laquelle la société requérante a pour objet de détenir des titres pour le compte de ses actionnaires, relève du régime mère fille belge et bénéficie à ce titre d'une exonération quasi-totale d'impôt des sociétés sur les dividendes, notamment de source française ;

 toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de cette attestation, que tout ou partie des bénéfices réalisés par la société FRERE BOURGEOIS satisferaient aux critères auxquels le 1° bis A de l'article 208 du code général des impôts subordonne l'exonération d'impôt sur les sociétés ou à un autre critère d'exonération de cet impôt fixé par la loi française ; qu'ainsi, la société FRERE BOURGEOIS n'établit pas être dans une situation objectivement comparable à celle des SICAV relevant du droit de l'Etat de résidence des sociétés distributrices ;

par suite, la société FRERE BOURGEOIS, qui ne justifie pas avoir pour objet exclusif le placement collectif en valeurs mobilières de capitaux recueillis auprès du public ni avoir un fonctionnement soumis au principe de la répartition des risques et qui ne conteste pas qu'elle n'a pas l'obligation de procéder, à la demande des investisseurs, au rachat de leurs actions, ne peut soutenir qu'en tant que société de portefeuille de droit belge elle a un objet social similaire à celui d'une SICAV de droit français et qu'il y a lieu, dès lors, de faire application des principes retenus par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 10 mai 2012, Santander Asset management SGIIC et autres (C-338/11 à C-347/11) ; qu'enfin la société FRERE BOURGEOIS ne peut se prévaloir utilement du principe de coopération loyale entre les Etats membres affirmé au paragraphe 3 de l'article 4 du traité sur l'Union européenne, qui n'est pas d'effet direct ; que, par suite, les dispositions du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts ne sont pas incompatibles avec la libre circulation des capitaux telle qu'elle a été interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne ;


12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de statuer sur la recevabilité de la demande, ni de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la société FRERE BOURGEOIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
 

DECIDE :
Article 1er : La requête de la société FRERE BOURGEOIS est rejetée.

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