CARREZ LES NOUVEAUX OUTILS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

SOUS–PARTIE 3 : 
LES NOUVEAUX OUTILS DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE

I.– DES MESURES DIVERSIFIÉES DE LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE, D’INCITATION À LA RÉGULARISATION ET DE SANCTION DE LA FRAUDE. 2

A.– LA CELLULE DE RÉGULARISATION DES AVOIRS NON DÉCLARÉS. 2

B.– L’EXPLOITATION DE LA LISTE HSBC. 3

C.– LA CRÉATION D’UNE BRIGADE D’ENQUÊTE FISCALE, POUR LES CAS LES PLUS COMPLEXES  4

D.– LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX. 5

E.– LA LUTTE CONTRE L’ÉCONOMIE SOUTERRAINE. 7

II.– UN PREMIER BILAN TRÈS POSITIF. 7

A.– RENDEMENT DE LA CELLULE DE RÉGULARISATION. 7

B.– L’EXPLOITATION DES LISTES. 9

C.– LES DÉBUTS DE LA BRIGADE D’ENQUÊTE FISCALE. 10

D.– LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX. 11

E.– LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE L’ÉCONOMIE SOUTERRAINE. 13

III.– OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES. 14
A.– AU NIVEAU NATIONAL. 14
B.– AU NIVEAU INTERNATIONAL  14

CARREZ LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE.doc

 

La lutte contre la fraude fiscale, dont l’objectif est à la fois civique et budgétaire, a connu une relance dans les années récentes, les mesures nationales s’inscrivant dans un contexte européen et international de crise économique violente, qui rendait plus insupportable la fraude, mais aussi l’évasion fiscales.

Le ministère du Budget a fait de la lutte contre la fraude une priorité stratégique en raison de son impact sur les finances publiques, mais aussi pour des raisons d’équité sociale, la fraude portant atteinte à la solidarité nationale et aux conditions de la concurrence entre les opérateurs économiques.

Le Gouvernement est encouragé dans cette voie par de nombreux travaux, en premier lieu du Parlement et de la Cour des comptes.

Dans son rapport de mars 2007 consacré à « La fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle », le Conseil des prélèvements obligatoires estimait que la fraude fiscale prive globalement l’État d’au moins 25 milliards d’euros de recettes par an. Cette estimation, basse, repose sur une extrapolation des résultats des contrôles fiscaux. Dans son rapport public annuel 2010, la Cour des comptes a étudié plus précisément « Les méthodes et les résultats du contrôle fiscal ».

Selon la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, dans son rapport d’activité paru en février 2011, l’ensemble de la fraude aux finances publiques représenterait chaque année en France entre 25 et 39 milliards d’euros pour les seuls prélèvements, sans compter les fraudes aux prestations.

Dans la partie de son rapport public annuel 2010 consacrée aux « méthodes et les enjeux du contrôle fiscal », la Cour des comptes a chiffré les enjeux en cause : 52 000 contrôles fiscaux externes ont été réalisés en 2008, dont 47 800 vérifications d’entreprises (1,4 % des entreprises recensées) et 4 200 examens de situations fiscales personnelles (0,013 % des ménages). Les contrôles sur pièces se comptent en centaines de milliers et sont deux fois plus nombreux sur l’impôt sur le revenu que sur l’impôt sur les sociétés et la TVA. Ces contrôles ont mobilisé 12 400 agents de la DGFiP (sur un total de 127 000).

Les droits rappelés et les pénalités appliquées se sont élevés en 2008 à 9,6 milliards d’euros pour le contrôle externe et 6,1 milliards pour le contrôle sur pièces, soit 15,7 milliards d’euros au total ou 4,1 % des impôts et taxes prélevés par l’État et les collectivités locales. Toutefois, une part très importante de ces montants n’est pas recouvrée.

Le coût du contrôle fiscal est estimé à 1,3 milliard d’euros, soit 27 % du coût de gestion des impôts et 0,4 % des recettes fiscales. Les droits et pénalités se montent à 15,6 milliards d’euros, et même en tenant compte d’un taux de recouvrement de l’ordre de seulement 40 %, le contrôle fiscal est financièrement très rentable pour l’État.

En 2009, selon le rapport d’activité de la DGFIP, les contrôles de bureau ont permis le rappel de 4,8 milliards d’euros. Les contrôles sur place ont concerné 51 615 affaires, aboutissant à 939 plaintes pour fraude fiscale ; 7,6 milliards d’euros de droits ont été rappelés, et les pénalités infligées ont atteint 2,3 milliards d’euros.

Les mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ont été largement débattues lors des débats sur les projets de loi de finances, notamment sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009. Le bilan de quatre d’entre elles, particulièrement emblématiques, est examiné ici :

– la cellule de régularisation des avoirs non déclarés et l’exploitation de la liste HSBC ;

– la publication d’une liste noire des paradis fiscaux et l’adoption d’une fiscalité pénalisante ;

– une taxation dite du train de vie dans le cadre de la lutte contre l’économie souterraine ;

– la création d’une brigade d’enquête fiscale.

I.– DES MESURES DIVERSIFIÉES DE LUTTE CONTRE L’ÉVASION FISCALE, D’INCITATION À LA RÉGULARISATION ET DE SANCTION DE LA FRAUDE

A.– LA CELLULE DE RÉGULARISATION DES AVOIRS NON DÉCLARÉS

À la demande de M. Éric Woerth, ministre du Budget, la DGFIP a mis en place un guichet unique le 20 avril 2009 pour l’accueil des contribuables souhaitant régulariser leur situation fiscale à raison d’avoirs détenus à l’étranger et non déclarés. Les demandes ont été reçues jusqu’au 31 décembre 2009, l’anonymat, possible dans un premier temps, devant être levé avant le 17 mai 2010.

Selon la situation, le contribuable a été redevable de l’IR et des contributions sociales s’y rapportant sur 3 ans (2006 à 2008), de l’ISF sur 7 ans (2003 à 2009) et des droits de succession ou de donation en cas de transmissions d’actifs sur la période non prescrite.

Ce dispositif ne constitue en aucune manière une amnistie, les contribuables acquittant l'intégralité des droits éludés.

Ce dispositif général n'est pas destiné à être pérennisé et la création d'un système ad hoc dédié à la régularisation de situations particulières, définies au moyen de certains critères (lien territorial ou personnel avec des pays frontaliers, intérêt fiscal ou non de l'opération en jeu), n'est pas envisagée. Toutefois, les personnes qui souhaitent régulariser leur situation fiscale peuvent prendre l'attache de l'administration qui instruira leur dossier conformément à la législation en vigueur.

Les agents affectés à la cellule ont d’abord dû informer les contribuables et leurs conseils des modalités de régularisation, puis déterminer pour chaque dossier le profil du contribuable, la nature des impôts dus, la période d’imposition et les pénalités applicables. Après levée de l’anonymat le cas échéant, ils ont reçu les déclarations rectificatives avec les pièces justifiant de la propriété des avoirs, de leur origine et de son caractère licite, et de leur montant.

Les dossiers ont ensuite été transmis aux directions territoriales : la cellule ne se substitue pas aux services locaux des impôts, compétents pour la motivation des pénalités, le calcul des compléments d’impôt et des sanctions dus, la conclusion d’un contrat de transaction et la mise en recouvrement des impôts dus.

Si la mise en place de la cellule dite parfois de « dégrisement » est antérieure à l’exploitation de la liste HSBC, l’annonce de cette liste par le ministre du Budget le 20 août 2009, a constitué une forte incitation pour certains contribuables à prendre contact avec la cellule. Le ministre a en effet déclaré détenir les noms de 3 000 contribuables détenteurs de comptes dans les banques suisses dont une partie correspond très probablement à de l'évasion fiscale, ces comptes étant ouverts dans trois banques et représentant des avoirs à hauteur de 3 milliards d'euros.

B.– L’EXPLOITATION DE LA LISTE HSBC

Les informations relatives à cette liste sont parvenues à la DGFIP par le canal, d’une part de la justice, d’autre part du renseignement fiscal, des travaux d’approche ayant été conduits par l’administration fiscale de manière non anonyme et non payante. Auditionné à plusieurs reprises par la commission des Finances, M. Philippe Parini, directeur général des Finances publiques, a répété que l’administration fiscale avait « utilisé la liste transmise par le juge, celle-ci étant inattaquable sur un plan juridique ».

1.– Les ordres de grandeur

Le fichier recense les noms de 120 000 personnes : les résidents français sont donc minoritaires sur la liste. D’autres pays et organisations en ont d’ailleurs demandé communication, accordée par la France aux États-Unis et aux autres membres de l’OCDE. La transmission a été refusée à la Russie ou à l’Inde.

Les informations de la liste HSBC se décomposent ainsi :

– 10 000 lignes de comptes comprennent un résident fiscal français ;

– 6 000 résidents fiscaux français ont été identifiés, une fois tenu compte des comptes clos, au montant anecdotique ou appartenant à des frontaliers ;

– 3 000 dossiers s’avérant intéressants ont été confiés à la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF), renforcée par des agents d’autres directions réaffectés ;

– 1 000 contrôles par an sont prévus de 2010 à 2012, à partir d’un panel comprenant en priorité les gros dossiers, mais aussi les plus sensibles, l’ensemble étant panaché.

Ces contrôles sont des contrôles fiscaux classiques : des examens contradictoires de la situation fiscale personnelle (ESFP), très encadrés, et effectués dans le respect des droits de la défense.

Les trois mille personnes dont le nom figure sur cette liste feront toutes l’objet d’un contrôle fiscal approfondi mené par la direction nationale de vérification des situations personnelles (DNVSF), en trois vagues annuelles de mille contrôles, en commençant par les dossiers qui semblent les plus importants du point de vue des sommes en jeu et de la possibilité de fraude.

2.– La polémique sur les fondements juridiques de la liste

Le principe d’une liste en lui-même ne semble pas problématique. Le fichier EVAFISC par exemple, dont l’arrêté du 25 novembre 2009 publié au JO du 5 décembre 2009 a autorisé la création par la DGFIP, recense les comptes bancaires détenus hors de France par des personnes physiques ou morales, sous le contrôle de la CNIL.

Le fait pour l’administration de procéder à un redressement établi à partir d’une liste de noms volée est en revanche exclu. La DGFIP ne peut fonder le redressement sur une information volée, même transmise par un juge, parce que le redressement est fondé sur le fait que l’argent n’était pas déclaré, information que seule la banque pourrait donner. Mais EVAFISC et la transmission de l’information par un juge permettent d’opposer l’information aux contribuables ; or 60 % d’entre eux, interrogés, admettent les faits. Les 40 % restant ne peuvent être redressés, mais vont faire l’objet d’un contrôle approfondi, et sont prévenus qu’ils seront suivis. Les 40 dossiers les plus compliqués seront traités par le fisc judiciaire.

Un contribuable ayant fait l’objet d’une visite domiciliaire autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Paris le 15 juin 2010 a obtenu son annulation le 8 février 2011. La cour d’appel de Paris a considéré que l’ordonnance du JLD n’était fondée que sur des pièces volées, donc illicites, même si l’administration en avait eu connaissance par la transmission du Procureur de la République ou antérieurement à cette transmission. L’administration s’est pourvue en cassation. Toutefois, la cour d’appel de Chambéry a rendu une décision en sens contraire à celle de Paris. De plus, un seul dossier étant fondé sur des justifications uniquement issues de la liste, l’exploitation du fichier n’est pas menacée.

C.– LA CRÉATION D’UNE BRIGADE D’ENQUÊTE FISCALE, POUR LES CAS LES PLUS COMPLEXES

Proposition directement issue du rapport d’information sur les paradis fiscaux présenté en septembre 2009 par la commission des Finances de l’Assemblée nationale, la création d’une brigade d’enquête fiscale, comme la mise en place d’une procédure accélérée auprès de la commission des infractions fiscales, résultent de l’article 23 de la loi de finances rectificative pour 2009. Les agents de l’administration fiscale sont déjà dotés de prérogatives de police judiciaire aux États-Unis, en Allemagne, en Italie.

1.– Des pouvoirs de police judiciaire sont octroyés à certains des agents des services fiscaux

Sont concernées les enquêtes portant sur les cas de fraude fiscale les plus graves :

– l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un État ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en œuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française ;

– l'interposition, dans un État ou territoire non coopératif, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable ;

– l'usage d'une fausse identité ou de faux documents au sens de l'article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification.

Des garanties sont assurées aux contribuables :

– les agents ne pourront intervenir qu’après avoir été personnellement désignés par arrêté des ministres chargés du budget et de la justice, et habilités par le procureur général ;

– pendant toute la durée de leur habilitation, ils seront placés sous l’autorité exclusive du procureur de la République et ne pourront pas participer à une procédure de contrôle fiscal. Ils seront donc déconnectés de leur administration d’origine ;

– enfin, ils ne pourront ni effectuer des enquêtes judiciaires sur des faits pour lesquels ils ont participé à une procédure de contrôle fiscal, ni participer à un contrôle fiscal relatif à des faits sur lesquels ils ont été habilités à enquêter.

Un décret en Conseil d’État n° 2010–914 relatif à la participation des agents des services fiscaux à certaines missions de police judiciaire a été pris le 3 août 2010. La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) a été créée par le décret n° 2010-1318 du 4 novembre 2010.

Les enquêteurs de la BNRDF, qu’ils soient officiers de police judiciaire (OPJ) ou officiers fiscaux judiciaires (OFJ), mettent en œuvre l’ensemble des pouvoirs que leur confère le code de procédure pénale tant en enquête préliminaire que sur commission rogatoire (constatations, auditions, réquisitions judiciaires, perquisitions, surveillances techniques, demandes d’entraide internationale avec ou sans déplacement des enquêteurs).

2.– Des mesures complémentaires pour permettre à la brigade d’agir en toute efficacité

L’article 29 de la loi de finances rectificative pour 2009 a créé une procédure accélérée d’examen de la fraude par la commission des infractions fiscales (CIF) en cas de présomptions caractérisées d’infraction fiscale pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves, qui permette de ne pas informer le contribuable préalablement à la saisine du procureur, et ce dans les trois cas de figure précités.

La nouvelle procédure judiciaire d’enquête fiscale a pour objet de lutter contre des fraudes fiscales complexes qui ne peuvent pas être révélées par des procédures administratives de recherche et de contrôle. Les affaires transmises selon cette procédure à la commission des infractions fiscales ne se substituent donc pas à celles transmises sur la base des dispositions plus anciennes de l’article L. 228 du LPF à l’issue des opérations de contrôle.

L’article 29 précité adapte le régime de prescription du droit de reprise de l'administration fiscale. Lorsque l'administration, dans le délai de reprise, a déposé une plainte ayant abouti à l'ouverture d'une procédure judiciaire d'enquête fiscale, les omissions ou insuffisances d'imposition afférentes à la période couverte par ce délai peuvent, même si celui-ci est écoulé, être réparées jusqu'à la fin de l'année qui suivra la décision mettant fin à la procédure et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suivra celle au titre de laquelle l'imposition est due.

L’année 2010 a aussi vu la signature, le 5 novembre 2010, d’une circulaire commune de la Chancellerie et du ministère du Budget destinée à renforcer la coopération des ministères en matière de lutte contre la fraude fiscale.

D.– LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX

1.– La création d’une liste noire française d’États ou territoires non coopératifs (ETNC)

Cette liste permet l’application d’un certain nombre de mesures fiscales. L’article 22 de la loi de finances rectificative pour 2009 fixe les critères de définition de la liste à la date du 1er janvier 2010, qui revient en pratique aux États figurant sur la liste noire de l’OCDE et n’ayant pas signé avec la France de convention permettant l’échange effectif de renseignements, et les conditions de sa mise à jour au 1er janvier des années suivantes, reposant en priorité sur la conclusion et l’application d’une convention avec la France et, en l’absence d’une telle convention, dans le cas de figure où elle n’aurait pas été demandée par la France avant le 1er janvier de l’année précédente, aux positions qui seront celles du Forum mondial créé par la décision de l’OCDE du 17 septembre 2009. Les dispositions du code général des impôts relatives aux ETNC cessent de s’appliquer à ceux qui sont retirés chaque année de la liste et s’appliquent à ceux qui sont ajoutés à la liste à compter du 1er janvier de l’année suivante.

2.– La mise en place d’une fiscalité pénalisante pour les flux en provenance ou en direction des ETNC

Cette pénalisation consiste principalement, conformément aux recommandations de la mission d’information sur les paradis fiscaux, à prévoir :

– la non déduction des sommes payées ou dues par une personne physique ou morale établie en France, au profit de personnes physiques ou morales domiciliées ou établies dans un ETNC, sauf preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et ne présentent un caractère ni anormal ni exagéré et qu’elles ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces dépenses dans un ETNC, et à l’exclusion des sommes afférentes à des emprunts contractés avant le 1er mars 2010 ou à des opérations assimilables ;

– la non application du régime des sociétés mères et filiales aux produits des titres d’une société établie dans un ETNC ;

– la non application de l’exonération des plus-values à long terme sur titres de sociétés établies dans un ETNC ;

– un taux de prélèvement forfaitaire de 50 % sur les produits de placement à revenu fixe payés dans un ETNC, à l’exclusion de ceux afférents à des emprunts contractés avant le 1er mars 2010 ou à des opérations assimilables, sauf preuve que les opérations ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces revenus et produits dans un ETNC ;

– un taux de prélèvement de 50 %, quelle que soit la durée du contrat, sur les produits des bons ou contrats de capitalisation lorsqu’ils bénéficient à des personnes qui ont leur domicile fiscal ou qui sont établies dans un ETNC ;

– un taux de retenue à la source de 50 % sur les revenus de capitaux mobiliers payés dans un ETNC ;

– un taux de retenue à la source de 50 % sur la rémunération de certaines activités professionnelles payées à des personnes domiciliées ou établies dans un ETNC ;

– un taux de retenue de 50 % sur les plus-values réalisées par des personnes ou organismes domiciliés, établis ou constitués dans un ETNC.

3.– Le renforcement des dispositifs anti-abus existants en direction des régimes fiscaux privilégiés

Sont imposés à l’impôt français les revenus réalisés hors de France lorsque les entités ou entreprises contrôlées sont constituées ou établies dans un ETNC, sauf à ce que la société française démontre l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale effective et le non franchissement des seuils de revenus passifs prévus à l’article 209 B du CGI, ou justifie que les opérations de l’entreprise ou de l’entité ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ses bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié et qui est non coopératif.

Sont imposés en France les revenus acquis à une personne physique au titre de ses droits sur les bénéfices ou les résultats non distribués par des entités juridiques lorsque l’entité est établie dans un ETNC, le seuil de détention de 10 % étant présumé franchi.

Enfin, la troisième loi de finances rectificative pour 2009 a également institué une obligation de documentation des prix de transfert, renforcée pour chaque entreprise liée établie dans un État ou territoire non coopératif. Il est prévu une procédure de mise en demeure en cas de non respect de l’obligation et une amende en cas de défaut de réponse ou de réponse partielle à la mise en demeure. Cette amende peut atteindre, compte tenu de la gravité des manquements et pour chaque exercice vérifié, 5 % des bénéfices transférés, avec un plancher de 10 000 euros.

E.– LA LUTTE CONTRE L’ÉCONOMIE SOUTERRAINE

L’article 19 de la loi de finances rectificative pour 2009 facilite le travail mené par les agents fiscaux en matière de lutte contre les activités lucratives non déclarées en instaurant une présomption de revenu et une évaluation forfaitaire du revenu global imposable à l’impôt sur le revenu pour les personnes disposant d’un train de vie fortement disproportionné au regard de leurs revenus déclarés.

1.– La présomption de revenus

Cette présomption ne s’applique que si la possession des biens et sommes d’argent est liée à une des infractions pénales suivantes : crimes et délits de trafic de stupéfiants, crimes de fausse monnaie, crimes et délits en matière de législation sur les armes, délits à la réglementation sur les alcools et tabacs et délits de contrefaçon, dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire. Seuls sont visés les véritables propriétaires des biens. Afin de pouvoir appréhender de la même façon un vendeur et un acheteur lors de la conclusion d’un trafic, l’article spécifie que la présomption peut porter sur les biens objet des infractions (par exemple, la drogue), les biens ayant servi à commettre l’infraction (par exemple, une voiture) et les sommes d’argent constituant le produit direct de ces infractions.

Cette présomption simple peut être combattue par tous les moyens.

Les revenus ainsi déterminés sont imposés à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l’année au cours de laquelle la disposition a été constatée. Ils sont soumis à une majoration de 80 % des droits rappelés, à l’instar de la majoration pratiquée en cas de découverte d’une activité occulte.

En cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d’une créance fiscale, les agents des impôts peuvent dresser à l’encontre du contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale.

2.– L’évaluation forfaitaire du revenu global

L’administration fiscale est autorisée, sur le fondement d’informations transmises par les agents ou officiers de police judiciaire témoignant d’une disproportion marquée entre le train de vie d’un contribuable et ses revenus, à porter la base d’imposition à l’impôt sur le revenu à une somme forfaitaire déterminée en appliquant aux éléments de train de vie retenus un barème.

Cette disproportion marquée est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l’application du barème est au moins égale au double du montant du revenu net global déclaré. En cas d’absence de déclaration, ce revenu est compté pour zéro.

Les éléments de train de vie pris en compte sont la résidence principale, les résidences secondaires, les voitures, les motocyclettes, les clubs de sports ou de loisirs, les voyages, les appareils électroménagers et les articles de joaillerie et métaux précieux. Les revenus déterminés dans ces conditions sont soumis à l’impôt sur le revenu, à la CSG et à la CRDS.

Le contribuable peut avancer la preuve que ses revenus ou l’utilisation de son capital ou les emprunts qu’il a contractés lui ont permis d’assurer son train de vie.

II.– UN PREMIER BILAN TRÈS POSITIF

A.– RENDEMENT DE LA CELLULE DE RÉGULARISATION

1.– Le rendement d’ensemble

Selon les chiffres arrêtés au 1er mars 2011 par la DGFIP, 4 725 contribuables ont déposé une demande de régularisation et levé l’anonymat. 4 199 dossiers ont été traités par la cellule et envoyés aux directions territoriales pour finalisation.

Les montants des droits mis en recouvrement s’élèvent au total à 887 millions d’euros :

– 157 millions pour l’IR et les contributions sociales pour 1 600 dossiers complètement traités (somme qui sera recouvrée sur trois ans) ;

– 497 millions d’ISF pour 4 200 dossiers, y compris les 1 600 ;

– 233 millions de droits de mutation à titre gratuit.

L’assiette des actifs déclarés s’élève à 7,3 milliards d’euros. Au 17 mai 2011, 2 400 dossiers étaient complètement traités, représentant 1,08 milliard d’euros recouvrés et 200 millions mis en recouvrement, et 84 millions d’euros de pénalités et intérêts de retard mis en recouvrement.

Au 11 avril 2011, 3 128 dossiers restent à traiter à différents stades :

– 2 605 dossiers étaient transmis aux directions territoriales, à charge pour elles de calculer et mettre en recouvrement l’IR, les contributions sociales et les intérêts et pénalités afférents à ces prélèvements obligatoires ainsi qu’à l’ISF et aux droits d’enregistrement ; pour ces deux derniers impôts, les droits au principal ont déjà été mis en recouvrement ;

– 116 contribuables étaient toujours dans la phase de production des pièces justificatives et les déclarations rectificatives de 407 dossiers étaient toujours à l’examen à la cellule. 1 600 dossiers avaient été définitivement traités par les directions territoriales.

Aucun outil de suivi statistique n’a été développé pour suivre les résultats de la cellule. Il est donc impossible d’obtenir automatiquement les sommes recouvrées par impôt et par année et les intérêts et pénalités correspondants. De plus, pour l’ISF, le recouvrement s’effectue globalement pour toute la période. Remonter à chaque dossier pour répondre précisément représenterait un travail considérable. Un montant global par impôt (hors IR et prélèvements sociaux, appréciés globalement) pourra être produit à la fin des opérations.

Environ 150 demandes de régularisation d’avoirs non déclarés ont été présentées depuis la fermeture de la cellule. Leur traitement est en cours.

2.– Le bilan spécifique à l’ISF

Au 30 avril 2011, le bilan de la cellule était le suivant :

– 7 milliards d’euros d’actifs ont été régularisés par des contribuables passibles de l’ISF, une fraction de ces actifs étant éligible à l’exonération au titre des biens professionnels ;

– 557 millions d’euros ont été mis en recouvrement ;

– 60 dossiers restent à traiter pour lesquels les droits d’ISF ne sont pas connus, en attente de déclarations rectificatives.

S’agissant des perspectives de rendement fiscal pérenne, et en prenant pour hypothèses que chaque dossier concerne les années 2003 à 2009 (soit les sept années pour lesquelles une reprise est possible) et que la valeur des actifs a progressé sur la période, en suivant l’indice du prix des logements anciens, la DGFIP estime que l’impact pérenne sur l’assiette de l’ISF atteindrait 100 millions d’euros fin 2010.

Ce chiffre est à prendre avec prudence comme une référence pour l’avenir, du fait de l’impact de la réforme de l’ISF et d’événements modifiant l’allocation des actifs (successions par exemple) donc les bases taxables.

3.– Le profil des fraudeurs

Deux profils ont été définis pour l’application des sanctions : les fraudeurs passifs, qui ont hérité d’avoirs à l’étranger ou qui ont vécu à l’étranger et n’ont pas déclaré leur patrimoine à leur retour en France, et les fraudeurs actifs, qui ont constitué des avoirs à l’étranger à partir de biens ou activités français dissimulés.

La DGFIP estime que 15 % des dossiers concernent des fraudes actives. L’essentiel des dossiers résulte de fraudes passives, correspondant souvent à des vagues historiques d’ouvertures de comptes en Suisse : 1947, 1968, 1981.

Le régime des intérêts de retard et pénalités est ainsi défini :

– pour les fraudeurs passifs : compléments d’impôts assortis des intérêts de retard au taux légal plafonnés à 10 % et majoration pour manquement délibéré ramenée à 5 % ;

– pour les fraudeurs actifs : compléments d’impôts assortis des intérêts de retard au taux légal plafonnés à 20 % et majoration pour manquement délibéré ramenée à 20 %.

Ne peuvent toutefois être sanctionnés les contribuables ayant régularisé leur situation en matière de dons manuels ou de droits de succession dans le délai de six mois après le décès, au titre de l’IR 2008, dans le délai légal fixé pour la déclaration avant le 30 mai 2009 et au titre de l’ISF 2009, avant le 15 juin 2009.

4.– Les éléments de succès de la cellule de « dégrisement »

Plusieurs facteurs ont contribué au bon fonctionnement de la cellule de régularisation, au point que des attentes sont parfois exprimées quant à son renouvellement. Le dispositif a été présenté d’emblée comme transitoire. Il proposait une organisation « confortable », un lieu d’accueil sans équivalent dans le passé, des interlocuteurs différents des référents habituels des contribuables, une équipe très spécialisée avec un mandat de discussion et des délais très efficaces. L’anonymat préalable offrait la possibilité de se déterminer en toute connaissance de cause.

La différence avec une amnistie était clairement marquée, puisque l’impôt dû et les pénalités devaient être payés.

La publicité donnée au dispositif a témoigné d’une volonté de lutte contre la fraude, perceptible également à travers la mise en place des autres mesures présentées ici, aussi bien au niveau national qu’international, volonté constituant une incitation très forte même pour les contribuables qui n’avaient pas de compte chez HSBC : parmi les dossiers traités par la cellule, on ne retrouve que 68 noms de cette liste.

Autant de facteurs déterminants, plus peut-être que les conditions de régularisation elles-mêmes : en droit, ces régularisations sont des redressements, mais effectués à l’initiative des redevables, et pas à l’issue d’un contrôle.

B.– L’EXPLOITATION DES LISTES

1.– Le listing HSBC

La liste dite « HSBC » comprend 2 932 comptes patrimoniaux dont 2 846 concernent des personnes physiques et 86 des entreprises.

Sur 2 212 comptes supérieurs à 80 000 dollars, 1 654 dossiers de personnes physiques feront l’objet d’un contrôle fiscal et 676 examens de situation fiscale personnelle approfondie sont en cours ; 400 dossiers ont été classés sans suite. Une centaine de dossiers étaient encore en cours d’examen par les services au 31 mars 2011.

Les 110 dossiers entièrement traités portent sur 350 millions d’euros d’actifs ; 28 millions d’euros d’IR sont réclamés ainsi que 30 millions d’ISF et 13 millions de pénalités.

Au 31 mars 2011, 39 dossiers ont été transmis à la brigade d’enquête fiscale (BNRDF) et des plaintes visant des présomptions de fraude fiscale réalisée par l’utilisation d’un compte mentionné dans le fichier HSBC ont été déposées dans le cadre de la nouvelle procédure judiciaire d’enquête fiscale. 32 dossiers ont donné lieu à une procédure de visite et de saisie.

2.– La liste des comptes détenus au Liechtenstein :

S’agissant de la liste dite « Liechtenstein », dont l’administration fiscale a eu connaissance début 2008 par des administrations étrangères qui l’avaient achetée, tous les contribuables français ont fait l’objet d’une régularisation.

Elle comportait 66 groupes familiaux français (concernant 211 personnes). Vingt groupes (55 personnes) concernaient des non résidents et deux groupes (deux personnes) concernaient des personnes décédées. 19 groupes (58 personnes) n’ont pas été examinés eu égard à l’absence de transmission de documents pertinents ou du caractère inexploitable des informations.

Deux groupes (8 personnes) sont toujours en cours d’examen.

Trois ont fait l’objet d’une transmission au procureur de la République en application des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale, et vingt ont été soumis à contrôle fiscal.

Les redressements ont concerné 31 millions d’euros d’actifs et ont conduit à la mise en recouvrement de 2,5 millions d’euros d’ISF, 1,8 million d’euros d’IR et 1 million d’euros de pénalités.

Aucune plainte pour fraude fiscale ne résulte de l’exploitation du listing des comptes détenus au Liechtenstein.

C.– LES DÉBUTS DE LA BRIGADE D’ENQUÊTE FISCALE

1.– Mise en place et composition

La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) a été mise en place le 2 novembre 2010, et rejointe par l’ensemble de ses effectifs à cette date.

Elle est composée de huit officiers de police judiciaire (OPJ), treize officiers fiscaux judiciaires (OFJ) et deux agents de collaboration issus des deux ministères de l’Intérieur et du Budget, soit un effectif global de 23 personnes. Elle est dirigée par un commissaire de police, assisté par un administrateur adjoint des finances publiques.

Les OPJ bénéficiaient déjà d’une habilitation leur permettant de procéder à des actes d’enquête. Ceux qui ont rejoint la brigade ont suivi une formation fiscale de six semaines au sein de l’École nationale des finances publiques. Les OFJ n’ont été habilités par le procureur général de Paris que le 30 novembre 2010. Ils ont suivi une formation de police judiciaire au sein de l’École nationale supérieure de la police nationale pour une durée de trois mois, comprenant des cours de droit pénal, de procédure pénale, de libertés publiques et de techniques d’investigations. Un examen technique, conforme à l’arrêté du 7 septembre 2010 (articles A. 36-10-2 et 36-10-3 du code de procédure pénale) a été organisé fin octobre.

Les saisines de la BNRDF sont adressées à la division nationale d’investigations financières et fiscales, à laquelle elle est rattachée. Les enquêteurs des autres brigades de la division, ainsi que des investigateurs en cybercriminalité de l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication de la direction centrale de la police judiciaire, ont participé à plusieurs opérations sans aucune difficulté.

2.– Les premières plaintes

Au 31 mars 2011, 43 plaintes pour fraudes fiscales ont été déposées dans le cadre de la nouvelle procédure, dont :

– 39 sont relatives à la détention, par des personnes physiques ou morales, de comptes dans un État n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale qui permet l’accès aux renseignements bancaires ;

– trois sont relatives à la dissimulation par des personnes physiques du produit de cession de titres par l’interposition d’une entité ou la détention d’un compte dans un tel État ;

– une plainte est relative à la détention de patrimoine, par une personne physique, par l’interposition d’une entité sise dans un tel État.

Ces plaintes visent essentiellement des fraudes réalisées par des personnes physiques pour la détention de patrimoine dans un État non coopératif et moins fréquemment des personnes physiques en tant que représentantes de droit de personnes morales. Les faits visés concernent principalement des fraudes patrimoniales : minoration de déclarations d’ensemble des revenus, minoration de déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune et défaut de souscription de déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune.

Au plan judiciaire, lorsque plusieurs plaintes visent des membres d’une même famille liés par une activité professionnelle commune, elles sont regroupées au sein d’une procédure unique. Les 43 plaintes déposées ont été procéduralement regroupées en 27 affaires dont la BNRDF est saisie.

Sur ces 27 dossiers, l’infraction connexe de blanchiment a été retenue dans sept procédures, et celle d’abus de biens sociaux dans trois autres procédures.

S’il est naturellement trop tôt pour établir une estimation des montants en jeu, l’ensemble des enquêtes en cours laisse envisager à ce jour un minimum de plusieurs dizaines de millions d’euros d’impôts éludés, au travers de montages juridiques. Il est encore tôt aussi pour que l’impact de l’action de la brigade soit vraiment perceptible sur la stratégie des grands cabinets de fiscalistes, mais elle contribue déjà à montrer la détermination des pouvoirs publics à lutter contre la fraude.

D.– LA LUTTE CONTRE LES PARADIS FISCAUX

1.– La multiplication des conventions

Depuis que la France a placé la lutte contre les paradis fiscaux au cœur de l’agenda du G 20 de Washington, il y a trois ans, dix fois plus d’accords d’échanges d’informations fiscales ont été signés que durant les dix années précédentes. Un forum mondial pour la transparence et l’échange de renseignements en matière fiscale a été mis en place sous l’égide de l’OCDE, afin de s’assurer de l’effectivité des conventions, car la seule signature d’accords ne suffit pas. La France préside le secrétariat du groupe de revue par les pairs du Forum, dont le prochain sommet aura lieu à l’automne en France.

La loi de finances rectificative pour 2008 a prévu l’établissement par le Gouvernement d’un rapport annuel au Parlement sur le réseau conventionnel de la France en matière d’échanges de renseignements. Une première version a été publiée en annexe au PLF 2011. La France dispose d’un des réseaux conventionnels les plus vastes au monde. Au 7 avril 2011, elle est liée par une convention d’assistance administrative avec 134 États ou territoires, et a engagé un profond travail de rénovation de ses conventions pour mettre en conformité les plus anciennes avec les derniers standards internationaux en termes d’échanges de renseignements.

Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales a publié début juin le rapport d’examen de la France par les pairs (phase 1 + phase 2). L’évaluation est très positive, les seules recommandations de l’OCDE concernant les délais de réponse. L’administration fiscale a déjà engagé des mesures pour accélérer la transmission des informations demandées. En moyenne, elle répond à 790 demandes d’information par an et transmet automatiquement plus de deux millions de renseignements. Elle adresse près de mille demandes par an, principalement à ses partenaires de l’Union européenne.

Les conventions les plus récentes comportent une clause d’échange de renseignements dont la rédaction est pleinement conforme aux derniers standards de l’OCDE définis en 2005, notamment les conventions conclues avec l’Australie, les États-Unis, le Japon, le Kenya, le Luxembourg, la Malaisie, Malte, le Qatar, le Royaume-Uni, Singapour et la Suisse, ainsi que le dispositif d’élimination des doubles impositions avec le territoire de Taïwan prévu par la loi de finances rectificative pour 2010. Depuis 2009, la France propose d’engager des négociations avec les juridictions qui n’avaient pas encore effectivement appliqué la norme internationale en matière de transparence et d’échange de renseignements d’après le rapport d’étape du secrétaire général de l’OCDE sur la mise en œuvre de la norme fiscale internationale, publié le 2 avril 2009. Trente conventions ou accords d’échanges de renseignements ont été signés depuis lors. Des conventions ont été renégociées avec le Qatar, Bahreïn et l’Arabie saoudite. La renégociation d’accords avec ses partenaires les plus importants était une priorité : avenants signés avec les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, la Suisse et le Luxembourg. Un avenant a été signé à la convention avec la Belgique, que celle-ci doit encore ratifier.

26 accords d’échanges de renseignements ont été signés en 2009 et 2010 avec des paradis fiscaux, dont 14 sont entrés en vigueur au 31 décembre 2010, le plus souvent au dernier trimestre 2010. Six accords d’échanges de renseignements sont entrés en vigueur plus récemment : Antigua et Barbuda 28 décembre 2010, Sainte-Lucie 20 janvier 2011, Saint Christophe et Nevis 16 décembre 2010, Saint Vincent et les Grenadines 21 mars 2011, Uruguay 31 décembre 2010 et Vanuatu le 7 janvier 2011

Ont été signés, depuis septembre 2010, 9 nouveaux accords d’échanges de renseignements avec Curaçao et Sint-Maarten, les Îles Cook, Belize, Costa Rica, Dominique, Brunei, Anguilla et Liberia, une convention d’assistance administrative avec Hong-Kong et un avenant à la convention avec l’Arabie Saoudite. Un avenant de mise en conformité avec les derniers standards OCDE a été signé avec l’Autriche le 27 janvier 2011.

Les renseignements demandés ne peuvent porter que sur les obligations fiscales nées postérieurement à l’entrée en vigueur des accords. Les administrations étrangères ne pourront être interrogées que sur les impôts exigibles au cours de l’année 2011. Les premières demandes ont été adressées dès janvier 2011 aux Bahamas, aux Îles Caïman, aux Îles Vierges britanniques et à Guernesey. Elles sont en cours de traitement. Une cinquantaine de demandes étaient bloquées au 31 décembre 2010, les accords signés n’étant pas encore entrés en vigueur.

S’il est donc trop tôt pour dresser un bilan de l’effectivité des échanges d’informations avec les nouveaux partenaires, la DGFiP pressent des difficultés s’agissant du niveau volontairement élevé des justifications que certains États ou territoires pourraient exiger avant de répondre à l’État requérant. Les demandes déjà formulées concernent les personnes physiques. Les personnes morales feront l’objet de nouvelles demandes après la date d’exigibilité des impôts commerciaux.

Parmi les pays concernés par la cellule de régularisation figurent très majoritairement la Suisse et le Luxembourg. Singapour et Hong-Kong sont très minoritaires. Panama et le Liechtenstein apparaissent pour les trusts, mais pas pour les banques.

2.– L’évolution de la liste noire

Le premier arrêté comportant la liste des ETNC a été publié au JO du 17 février 2010. Les États et territoires figurant dans la liste étaient sans surprise les 18 suivants : Anguilla, Belize, Brunei, Costa Rica, Dominique, Grenade, Guatemala, Îles Cook, Îles Marshall, Liberia, Montserrat, Nauru, Niue, Panama, Philippines, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent et les Grenadines. Cette liste a été actualisée par arrêté du 14 avril 2011, publié au JO le 29 avril 2011. Les Îles Turques-et-Caïques et Oman y figurent désormais, ce qui n’est plus le cas de Saint-Kitts-et-Nevis et de Sainte-Lucie.

3.– Les mesures de fiscalité pénalisante

Elles n’ont pas trouvé à s’appliquer dans le cadre des contrôles achevés au 31 décembre 2010 ; un bilan sera possible au plus tôt fin 2012, puisque les opérations de contrôle ne peuvent être engagées qu’à l’issue du dépôt de la première déclaration couverte par le dispositif, soit au printemps de l’année suivante.

Le dispositif entrera en effet en vigueur de manière progressive :

– la majoration des retenues à la source et prélèvements sur les plus values immobilières ou mobilières ne s’applique que depuis le 1er mars 2010 ;

– la non application du régime mère/fille ou du régime des plus-values et moins values à long terme n’est applicable que depuis le 1er janvier 2011 ;

– la non déductibilité des charges n’est applicable qu’aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011.

S’agissant de la documentation des prix de transfert, les opérations de contrôle de l’exercice 2010, les premières à être concernées, ne pourront être engagées qu’une fois la déclaration faite, soit le 3 mai 2011, pour les sociétés dont l’exercice est clos le 31 décembre 2010. Un tout premier bilan pourra être effectué à la clôture des opérations de contrôle, a priori à la fin du premier semestre 2012. L’article L. 13 B du livre des procédures fiscales, spécifique aux ETNC, a été mis en œuvre dans 4 opérations de vérification de comptabilité. Aucune sanction n’a été appliquée.

E.– LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE L’ÉCONOMIE SOUTERRAINE

Dans le cadre du plan de lutte contre les activités illicites dans les quartiers sensibles, les ministères en charge de l'intérieur et du budget ont renforcé, en 2009, le dispositif de collaboration entre les services chargés de la sécurité (police et gendarmerie) et ceux de la direction générale des finances publiques (DGFiP), afin de lutter plus efficacement contre l'économie souterraine et les trafics. Ainsi, depuis le début de l'année 2010, 50 agents de la DGFiP relevant de 17 départements sont spécialement dédiés à 43 sites sensibles pour effectuer des contrôles sur dossiers ou sur place.

La signature en septembre 2009 d’un protocole entre le Ministère de l’Intérieur et celui du Budget fixe le cadre juridique d’une collaboration renforcée portant notamment sur les échanges de renseignements et de documents de nature fiscale sur certains individus dans des quartiers réputés sensibles. Cette collaboration a donné lieu à plus de 5 000 communications mutuelles. Pour donner toute son efficacité au protocole de coopération, un comité de pilotage national associant les services du ministère de l’Intérieur et la DGFiP est mis en place afin de définir un plan d’action national et assurer un suivi des actions des services territoriaux. En outre, un comité local est créé dans chaque département où se trouve au moins un quartier sensible.

En 2009, les fraudes découvertes dans le cadre des groupements d’intervention régionaux (GIR) ont permis 203 opérations de contrôle fiscal aboutissant à des rappels s’élevant à 16,7 millions d’euros et à 14,5 millions d’euros de pénalités.

Les nouveaux dispositifs législatifs relatifs à la fiscalisation des activités illicites ont pu être appliqués à partir de juillet 2010, après l'arrivée à échéance de l'obligation déclarative des revenus de 2009. Toutefois, les procédures étant encore en cours, il n'est pas encore possible de dresser un bilan chiffré de cette nouvelle politique.

Au niveau national, trois contrôles fiscaux externes et deux contrôles sur pièces ont été réalisés sur la base de l’article 1649 quater-0 B bis du CGI (présomption de revenus) et terminés en 2010. Le montant des droits nets et pénalités mis en recouvrement sur ces procédures est de 69 258 euros. Toutefois, au 1er mars 2011, les informations sur les contrôles en cours conduits au titre du plan de lutte contre les trafics illicites dans les quartiers sensibles font apparaître la situation suivante : 92 rectifications ont été proposées sur le fondement de la présomption de revenus et 4 se sont appuyées sur le mécanisme d’évaluation forfaitaire en fonction des éléments du train de vie de l’article 1649 quater-0 B ter. La majorité de ces contrôles n’étant pas achevés à ce jour, ils ne sont pas par conséquent pris en compte dans les chiffres précités.

Désormais, l’alignement du traitement fiscal des activités illicites sur les activités occultes, prévu par l’article 18 de la loi de finances rectificative pour 2009, permet de traiter efficacement les activités illicites (trafic de stupéfiants, proxénétisme, vente de marchandises volées ou contrefaites…) grâce aux règles de procédure applicables (68). Les dispositifs évoqués sont entrés en vigueur à compter du 1er janvier 2010. Le système d’information du contrôle fiscal, ALPAGE, ne permet pas de quantifier la part des procédures concernant des activités illicites. Cela étant, l’administration centrale n’a pas eu connaissance de difficultés particulières d’application.

III.– OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES

A.– AU NIVEAU NATIONAL

La fermeture de la cellule ne signifie naturellement pas la fin de toute possibilité de régularisation, puisqu’il faut répondre de façon permanente à un problème permanent. Avant la mise en place de la cellule, et depuis, tout contribuable repentant peut demander à régulariser sa situation auprès de sa direction des services fiscaux, qui opère dans les mêmes conditions que la cellule. Mais aucune publicité n’est faite sur ces procédures et le mouvement reste modeste. S’il semble intéressant de renouveler périodiquement une telle expérience, tous les quatre ou cinq ans, ou suite à des événements particuliers, voire de pérenniser un dispositif ainsi centralisé, l’amnistie doit rester exclue.

Le choix de l’amnistie fiscale fait au contraire par l’Italie en 2010 a permis la régularisation de 104,5 milliards d’euros, somme engendrant 5,6 milliards de recettes. L’Allemagne, le Royaume-Uni ou les États-Unis ont eux mis en œuvre récemment différents systèmes de régularisation. Constatant que le flux récent de demandes de régularisation ne portait que sur les pays et établissements concernés par les listes de données volées et vendues, l’Allemagne vient de durcir sa législation (69). Les États-Unis ont prévu un programme de divulgation volontaire de l’IRS, jusqu’au 31 août 2011, avec un taux de pénalité plus élevé que lors de la précédente initiative de 2009. Le Royaume-Uni propose des dispositifs de régularisation d’avoirs non déclarés (disclosures facilities) adaptées selon les pays, les secteurs économiques ou les types de fraudes.

Une différence décisive réside dans la durée de la prescription, trentenaire aux États-Unis, ou de vingt ans au Royaume-Uni : un tel ordre de grandeur est fatal pour le contribuable compte tenu des sommes accumulées pendant toutes ces années et dues.

B.– AU NIVEAU INTERNATIONAL

1.– Relancer les négociations européennes sur l’assistance administrative

L’adoption le 15 février 2011 de la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, après celle, le 16 mars 2010, de la directive concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, témoigne d’une volonté des États membres de progresser dans la lutte contre la fraude fiscale. Cependant, la révision de la directive 2003/48/CE sur la fiscalité de l’épargne paraît toujours aussi incertaine. C’était la première des recommandations de la mission d’information sur les paradis fiscaux, qui demandait que la France défende la fin du régime transitoire de retenue à la source et la généralisation de l’échange automatique d’informations pour l’ensemble des revenus de l’épargne perçus directement ou indirectement par les particuliers.

Ces propositions visent à éviter le contournement de la directive actuelle du fait de l’évolution des produits d’épargne et des comportements des investisseurs depuis son entrée en vigueur en 2005, et à élargir le champ d’application de la directive, au-delà des paiements d’intérêts, à tous les revenus et produits d’épargne qui génèrent des intérêts ou revenus similaires.

La Commission européenne doit rendre un nouveau rapport sur l’application de la directive en vigueur en juillet 2011. Le Conseil a tenu un débat d’orientation sur la révision de la directive le 15 mai dernier, sans avancée concrète.

L’Italie soutient désormais le Luxembourg et l’Autriche, qui demandent la prolongation de la période transitoire pendant laquelle ils peuvent appliquer de façon dérogatoire le mécanisme de retenue à la source, n’acceptant de s’aligner sur leurs autres partenaires européens que quand cinq pays tiers (Suisse, Liechtenstein, Andorre, San Marin et Monaco) ainsi que dix territoires dépendants du Royaume-Uni et des Pays-Bas appliqueront le principe de la directive épargne, qui va plus loin que les standards de l’OCDE.

Le contexte est rendu plus incertain par les négociations fiscales menées depuis octobre 2010 par la Suisse avec l’Allemagne et le Royaume-Uni. Depuis mars 2009, la Suisse s’est engagée à appliquer les normes de l’OCDE pour les renseignements relatifs aux questions fiscales, et a signé 30 conventions de double imposition. Mais elle mène des négociations avec ces deux États membres de l’UE visant à préserver la confiance de sa clientèle étrangère, en permettant aux clients qui n’ont pas rempli leurs obligations fiscales dans leur pays de procéder à une régularisation forfaitaire tout en préservant leur sphère privée. L’achat de données illégales et la criminalisation de collaborateurs de banques suisses seraient exclus pour l’avenir. Les demandes d’assistance administrative devraient contenir le nom du client, mais pas nécessairement celui de la banque, ce qui exclut les demandes portant sur des listes de comptes anonymes (fishing expeditions). Ces demandes devraient être signalées aux clients et être fondées sur un soupçon d’irrégularité fiscale. L’association des banquiers suisses estime que l’application de ces accords pourrait coûter aux banques plusieurs centaines de millions de francs suisses au moins. C’est le dispositif RUBIK, que la Suisse propose aussi à la France depuis un an, soit un système de ferme fiscale, protégeant le secret : les noms de contribuables ne seraient pas communiqués à la France, mais les Suisses verseraient une soulte, sans doute calculée correctement, mais sans que cela soit vérifiable.

2.– Rester vigilant sur la liste des ETNC

La multiplication des accords d’échange d’informations fiscales est particulièrement sensible depuis 2008.

NOMBRE DE CONVENTIONS D’ÉCHANGE D’INFORMATIONS FISCALES
SIGNÉES ANNUELLEMENT

Source : OCDE

Cette évolution implique d’être attentif au contenu précis des conventions. Ainsi, la Suisse a fait l’objet début juin d’une évaluation par le Forum mondial de l’OCDE (rapport de phase 1, sur le cadre légal), aboutissant à la conclusion que les nouveaux accords d’échange d’informations fiscales ne sont pas totalement conformes aux standards de l’OCDE.

En France, des projets de loi autorisant l’approbation de neuf de ces conventions sont par ailleurs inscrits au programme de la session parlementaire extraordinaire en juillet 2011. La liste noire française, qui comporte aujourd’hui 18 ETNC, sera donc plus courte lors de sa prochaine actualisation, pour 2012. Cette liste commande l’application de mesures de fiscalité pénalisantes et de dispositifs anti-abus ; elle détermine aussi l’essentiel du champ d’intervention de la brigade d’enquête fiscale.

Sauf pour les cas de falsification, où cette condition n’est pas exigée, la compétence des agents de la brigade est soumise :

– à l’existence de présomptions caractérisées de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un État ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en œuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française ;

– ou à l'interposition, dans un de ces États ou territoires non coopératifs, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme.

Il importe donc d’être particulièrement attentif à l’effectivité des conventions, pour préciser alors, si nécessaire, les critères de la liste noire et de la compétence de la brigade d’enquête fiscale.

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