Comité des abus de droit du 22.11.12 Affaire n° 2012-47

 

Affaire n° 2012-47 concernant la SARL L

 

La société à responsabilité limitée (SARL) L, créée le 28 juin 2005, était détenue à parts égales par deux sociétés luxembourgeoises, les sociétés R et H, créées également toutes les deux en 2005 et détenues elles-mêmes par des sociétés domiciliées dans l’Etat du Delaware aux Etats-Unis.

La société L avait pour activité principale la promotion immobilière, ainsi qu’une activité de marchande biens.

Au cours des années 2005 à 2007, la société R a créé au Luxembourg plusieurs filiales et pris des participations dans trois sociétés luxembourgeoises.

Toutes ces filiales avaient le même objet : l’acquisition et la cession de biens immobiliers, plus particulièrement des terrains à bâtir.

 Elles étaient toutes domiciliées à la même adresse et administrées par deux salariés d’une société fiduciaire luxembourgeoise. Ces filiales luxembourgeoises, ne disposant pas de personnel, ont fait appel à la société L pour réaliser ces opérations d’achat et revente de terrains à bâtir ou d’immeubles.

A cette fin, elles ont chacune conclu un contrat de commercialisation et de gestion avec la société L aux termes duquel cette dernière société était chargée de rechercher des vendeurs et acquéreurs potentiels d’immeubles en France, plus particulièrement des terrains à bâtir, et de réaliser les travaux de viabilité et de lotissement, moyennant une rémunération égale à 10 % du prix de vente de ces terrains.

A l’occasion de la vérification de comptabilité de la société L portant sur la période du 1er juillet2005 au 31 décembre 2008, l’administration a constaté que la plus-value résultant de la vingtaine de cessions immobilières réalisées par ces sociétés luxembourgeoises n’avait pas été imposée sur le fondement des stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958.

Par des propositions de rectification en date des 19 et 20 juillet 2010, l’administration a considéré, d’une part, que l’interposition des filiales luxembourgeoises, dénuées de toute substance, dans ces4opérations immobilières n’obéissait à aucun objectif économique, et que d’autre part, ce montage n’avait qu’un but exclusivement fiscal, consistant à faire bénéficier de la convention fiscale franco luxembourgeoise les opérations immobilières réalisées par la société L. L’administration a mis en oeuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales en vue de soumettre ces cessions immobilières à l’impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée.

Le Comité a entendu ensemble le représentant de la société et son conseil, ainsi que le représentant de l’administration.

Le Comité relève que, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’avenant en date du 24 novembre 2006 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, l’application aux cessions immobilières réalisées par les sociétés soeurs luxembourgeoises de la société L de cette convention conduisait, par des interprétations divergentes que les deux pays faisaient de ces stipulations, à l’absence d’imposition, dans l’un ou l’autre de ces pays, de la plus-value résultant de ces ventes.

Par ailleurs, le Comité constate :

- que ces sociétés luxembourgeoises n’ont joué aucun rôle économique dans ces transactions immobilières. Toutes les étapes nécessaires à la réalisation de ces opérations immobilières, allant de la recherche de biens immobiliers à acquérir jusqu’aux démarches auprès des notaires en vue de leur cession ultérieure, étaient intégralement diligentées par la société L, les sociétés luxembourgeoises n’intervenant que lors de la signature des actes authentiques, et postérieurement à la conclusion des promesses d’acquisition conclues par la société L ;

- que le gérant statutaire de la société L a lui-même reconnu, à l’occasion d’auditions dans le cadre d’une instruction judiciaire, qu’il avait mis en place avec un investisseur, un schéma d’évasion fiscale se fondant sur l’application des stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise et consistant à faire réaliser les transactions immobilières, initiées par la société L, par des sociétés luxembourgeoises créées pour mettre en oeuvre ce schéma et ce, dans le but de ne pas faire apparaître dans le chiffre d’affaires de la SARL L ces opérations immobilières et, par suite, de diminuer les impôts dus sur ces opérations.

 

Le Comité considère en conséquence que ce montage artificiel consistant en la réalisation de ces acquisitions puis cessions immobilières par des sociétés luxembourgeoises n’a été inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder les impositions dues sur ces opérations immobilières, dont la société L était à l’origine, par une application littérale de la convention fiscale franco luxembourgeoise du 1er avril 1958 allant à l’encontre des objectifs poursuivis par ses deux Etats signataires, qui n’ont pas eu l’intention de permettre par ce texte une absence d’imposition des cessions de biens immobiliers situés en France, lorsque les acquisitions et les cessions sont, en réalité, effectuées par une société ayant son siège social en France et agissant dans le cadre de son objet social d’aménageur, tel qu’il est reconnu par son gérant, sous l’apparence d’un mandat dont aucune reddition de comptes n’atteste la réalité.

Le Comité émet en conséquence l’avis que l’administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales pour soumettre aux impôts commerciaux les revenus provenant de la cession des biens immobiliers acquis entre la date de constitution de la société L et l’entrée en vigueur de l’avenant du 24 novembre 2006 à la convention fiscale franco-luxembourgeoise.

Enfin, le Comité estime que la société L doit être regardée comme ayant eu l’initiative principale du montage constitutif de l’abus de droit et, en outre, en a été la principale bénéficiaire au sens du b)de l’article 1729 du code général des impôts. Il émet donc l’avis que l’administration est fondée à appliquer la majoration de 80 % prévue par ces dispositions.

 

Nota : l’administration a pris note de l'avis favorable du Comité.5

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