Exceptions du traité à la libre circulation des capitaux

Exceptions du traité à la libre circulation des capitaux 

 

La libre circulation des capitaux est la plus récente de toutes les libertés prévues par le traité, mais elle est aussi la plus large, car elle a la particularité de concerner aussi les pays tiers. La libéralisation des flux financiers a progressé graduellement. Depuis le traité de Maastricht, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux et aux paiements ont été levées, à la fois entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers. Ce principe est d’effet direct et ne demande donc pas de nouvelle législation, ni au niveau européen ni au niveau national.

 

  • Restrictions envers les pays tiers (droits acquis)
  • Traitement fiscal différencié
  • Mesures prudentielles
  • Sécurité publique
  • Restrictions envers les pays tiers (union économique et monétaire)
  • Sanctions financières
  • Balance des paiements
  • Restrictions au régime de la propriété
  • Sécurité nationale et défense
  • Résidences secondaires

Restrictions envers les pays tiers (dispositions établissant des exceptions)

L'art. 64 TFUE autorise les États membres à appliquer aux pays tiers – pour certaines catégories de mouvements de capitaux – des restrictions existant avant une certaine date et définit les conditions d'application de ces restrictions, en les limitant à des cas très particuliers.

Traitement fiscal différencié

L'art. 65, par. 1, TFUE autorise l'application d'un traitement fiscal différent aux non-résidents et aux capitaux étrangers, sous réserve que cette mesure ne constitue pas un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée au sens de l'art. 65, par. 3, TFUE.

Mesures prudentielles

L'art. 65, par.1, point b), TFUE autorise les États membres à «prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements», notamment en matière de fiscalité et de contrôle prudentiel des établissements financierspdf. Il les autorise également à «[…]prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique […]» (contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de l'UE, p. ex.) ou à «[…] prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique.» Ces mesures ne doivent toutefois pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée au sens de l'art. 65, par. 3, TFUE.

Sécurité publique

L'art. 65, par. 1, point b), TFUE dispose que l'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. La CJUE a estimé que la difficulté d'identifier et de bloquer des capitaux une fois qu'ils sont entrés dans un État membre pouvait en principe justifier d'appliquer un traitement différent aux transactions portant sur desinvestissements directs étrangers (voir l'affaire C-54/99, Église de scientologie, point 20).

En ce qui concerne l'autorisation administrative préalable, la CJUE a jugé (voir les affaires C-463/00, Commission contre Espagne, point 69, et C-367/98, Commission contre Portugal, point 50) qu'un tel régime devait être «fondé sur des critères objectifs,non discriminatoires et connus à l'avance des entreprises concernées […]». L'art. 65, par. 3, TFUE ajoute que les «mesures et procédures» visées aux paragraphes 1, point b) et 2 de ce même article ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire (mesures visant des investisseurs particuliers, p. ex.), ni une restriction déguisée. Par ailleurs, le fait d'invoquer la difficulté d'identifier et de bloquer des capitaux une fois qu'ils sont entrés dans un État membre dans tous les cas où une entité publique d'un pays tiers détient un contrôle indirect dans une société (référence générale à l'exigence d'autorisation préalable pour les entités de pays tiers) semblerait être en contradiction avec l'art. 54, premier alinéa, TFUE.

La CJUE a jugé (voir p. ex. l'affaire C-423/98, Albore, point 19) que «les exigences en matière de sécurité publique ne peuvent justifier de dérogations aux règles du traité, telle celle de la liberté des mouvements de capitaux, que dans le respect du principe de proportionnalité, c'est-à-dire dans les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché».

En ce qui concerne les pays tiers, la Cour a en outre estimé (voir l'affaire C-101/05, Skatteverket contre A, point 37) qu'«il ne saurait non plus être exclu qu'un État membre puisse démontrer qu'une restriction aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers est justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction aux mouvements de capitaux entre États membres [...]».

Consultez la rubrique correspondante pour en savoir plus sur les fonds souverains. En savoir plus

Restrictions envers les pays tiers (Union économique et monétaire)

L'art. 66 TFUE autorise les restrictions envers les pays tiers lorsque de graves difficultés menacent le fonctionnement de l'Union économique et monétaire.

Sanctions financières

L'art. 75 TFUE prévoit la possibilité d'appliquer des sanctions financières à l'encontre de personnes physiques ou morales, de groupes ou d'entités non étatiques afin de prévenir et de combattre le terrorisme.

L'art. 215 TFUE dispose que des sanctions financières peuvent être appliquées à l'encontre pays tiers, de personnes physiques ou morales, de groupes ou d'entités non étatiques, sur la base de décisions adoptées dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.

Balance des paiements

Les art. 143 et 144 TFUE autorisent l'adoption de mesures de sauvegarde en cas de crise soudaine dans la balance des paiements ou lorsque le fonctionnement du marché intérieur est menacé.

Restrictions au régime de la propriété

Privatisation

L'art. 345 TFUE dispose que «[l]es traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres». Ce principe revêt une importance particulière dans le cadre des mesures de privatisation. La jurisprudence de la CJUE concernant cet article est limitée et concerne surtout l'expropriation.

  • La privatisation d'une entreprise publique est un choix de politique économique qui relève de la compétence exclusive des États membres (voir la communication de la Commission sur les investissements intracommunautaires de 1997, note de bas de page 1). Sur la privatisation, voir le communiqué de presse IP/01/872 Choisir les traductions du lien précédent.
  • La Cour de justice a jugé, dans ses arrêts historiques sur les pouvoirs spéciauxdétenus par les pouvoirs publics, que les États membres ne pouvaient pas invoquer l'article 345 du traité pour «justifier des entraves aux libertés prévues par le traité, qui résultent de privilèges dont les États membres assortissent leur position d’actionnaire dans une entreprise privatisée» (c'est nous qui soulignons). Les États membres doivent donc agir dans la limite des libertés prévues par le traité applicables aux entreprises après leur privatisation.
  • Dans l'affaire C-174/04 (Commission contre Italie, point 32), la CJUE estime que «les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux n'opèrent pas de distinction entre les entreprises privées et les entreprises publiques […]».

Expropriation

L’art. 345 TFUE dispose que «[l]es traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres». Dans l'affaire C-309/96 (Annibaldi, point 23), la Cour note «l'absence de réglementation communautaire spécifique en matière d'expropriation[…]» et conclut, en s'appuyant sur l'article 222 du traité CE (aujourd'hui article 345 TFUE) que la mesure nationale en cause «[…] concerne un domaine qui relève de la compétence des États membres».

  • La Cour de justice (affaire 182/83, Fearon contre Irish Land Commission, point 7) estime qu'un tel régime d'expropriation publique reste néanmoins soumis à la règle fondamentale de non-discrimination.
  • Dans son arrêt rendu dans l'affaire E-2/06 (chutes d'eau en Norvège), la Cour de justice de AELE estime qu'un État peut légitimement envisager d'instaurer un régime de la propriété publique pour ces biens fonciers, pour autant que cet objectif soit poursuivi de manière non discriminatoire et proportionnée (point 72). La Cour déclare en outre qu'elle doit examiner si les règles adoptées respectent les critères d'adéquation et de nécessité prescrits par le principe de proportionnalité (point 81)

Les commentaires sont fermés.