LA FRANCE ET L’EXIT TAX : UNE RELATION DOULOUREUSE
LA FRANCE ET L’EXIT TAX :
Les obligations de déposer une déclaration provisoire au moment du départ et de fournit un document dit quitus fiscal ont été supprimées depuis le 1er janvier 2005. Mais le législateur a remis en vigueur et élargi les sytème d' EXIT TAX .Toutefois les obligations de demande de sursis ont été renforcées uniquement pour les départs hors de l'Union Européenne.
Le décret «exit tax »du 6 avril 2012 est constitutionnel
Conseil d'État, 13/06/2012, 359314,
15 mois après la date d’entrée en vigueur de la nouvelle exit tax, la DGFIP a publié l’imprimé et sa notice d’application le mardi 12 juin 2012
nouveau délai
Les contribuables entrant dans le champ d'application du dispositif de l'exit tax bénéficient d'un report exceptionnel de la date limite de dépôt de la déclaration n° 2074-ET au 15 novembre 2012
Nous sommes nombreux à accepter que l’imposition des plus values mobilières soit établie à la source de leur réalisation et non plus au lieu de domicile de leur bénéficiaire
Ce nouveau principe est profondément iconoclaste par rapport au catéchisme libertaire de l’OCDE et devra être consolidé et mieux précisé
Mais la mise en pratique de ce principe soulève plusieurs questions
Nous pourrons remercier les rédacteurs anonymes de la notice d’application pour leur première tentative d’écrire une notice didactique mais est il normal que d’une part cette notice , créant des droits et des obligations soit rester totalement anonyme tant au niveau du signataire qu’au niveau du service rédacteur
Il s’agit d’une habileté politicienne ; éviter que le conseil d état puisse recevoir des contestation d’une "notice" , mais le conseil ne sera certainement pas dupe de cette maneuvre
L’imprimé de déclaration des plus values latentes est certainement l’imprimé le plus long et le plus compliqué qui existe en droit français;la déclaration comprend 17 pages et la notice d’application plus de 26 pages d'explication ligne par ligne.
Ce formalisme montre à lui seul la complexité des cette imposition ou bien constitue til une "barrière administrative " à la liberté d"établissement...
En ce qui concerne les garanties à présenter pour obtenir le sursis , aucune précision n’a été donnée
En clair , nous sommes devant un texte d ‘application difficilement applicable et qui sera un nid à contentieux de recouvrement dans le cadre notamment du décret du 30 mai 2012
Déjà un de nos amis a saisi le conseil d’état pour voir annuler le décret dans le cadre de la convention franco suisse
la déclaration 2074 ET La déclaration n° 2074-ET ligne par ligne
Un résumé de la notice un plan de la notice
ATTENTION Ce document n'a qu'une valeur indicative. Il ne se substitue pas à la documentation officielle de l'administration.
XXXXXXX
Benjamin BRIGUAUD
Août 2011
L’exit tax, un ancien dispositif auparavant contraire aux libertés fondamentales du traité de l’Ue
L’exit tax remise au goût du jour pour des motifs budgétaires et politiques
Une décision politique reposant sur une assimilation ainsi qu’un transfert de la charge d’imposition……………………………………………………………………………………………3
Bref examen du dispositif (art 167 ter nouveau)
--- Le champ d’application du dispositif
--- Le régime institué par le dispositif
Les obstacles à l’application du dispositif : de désagréables réminiscences ressurgissent
L’exit tax examinée par le Conseil constitutionnel…………………………………………………8
Les effets probables de l’exit tax: les conséquences enchanteresses d’une relation désenchantée ?..........................................................................................................................9
L’exit tax : Et ailleurs ? Les mécanismes analogues institués par nos voisins
L’exit tax, un ancien dispositif auparavant contraire aux libertés fondamentales du traité de l’UE
L’ancien mécanisme d’Exit tax
De 1998 à 2004, le transfert de domicile fiscal hors de France donnait lieu à l’imposition des plus-values latentes afférentes à des participations supérieures à 25 % (ancien article 167 bis du Code général des impôts (CGI)). Existait également un dispositif d’imposition des plus-values de cession ou d'échange de valeurs mobilières et de droits sociaux en report d'imposition (ancien article 167‑1 bis dudit Code).
Un dispositif contraire aux libertés fondamentales du traité de l’UE
Le mécanisme de l’article 167 bis CGI a été jugé contraire au droit communautaire par l’alors CJCE (aujourd’hui CJUE) dans son arrêt C-9/02 Lasteyrie du Saillant en date du 11 mars 2004.
Un dispositif constituant une entrave à la liberté d’établissement
La CJUE a d’abord estimé que les dispositions instituées par l’article 167 bis constituaient une atteinte à la liberté d’établissement.
Il existait certes un mécanisme de sursis de paiement mais celui-ci n’était appliqué que sur option et sous certaines conditions, notamment des garanties, jugées trop lourdes par la Cour.
Un dispositif disproportionné au regard de l’objectif poursuivi
Pour tenter de justifier cette entrave, l’objectif de lutte contre l’évasion fiscale était, parmi d’autres, invoqué. Mais la CJUE a considéré que cet objectif aurait pu être atteint en recourant à des mesures moins restrictives.
Dans la dialectique, redondante pour de nombreux pays européens, entre lutte contre l’évasion fiscale et formation d’un marché intérieur européen, la seconde pose des limites à la mise en œuvre de la première.
Les foudres rétroactives de la CJUE s’abattaient donc sur ce mécanisme. Néanmoins, un dispositif similaire est aujourd’hui de nouveau mis en place pour des motifs budgétaires et politiques.
L’exit tax remise au goût du jour pour des motifs budgétaires et politiques
Les impératifs budgétaires à l’origine du dispositif
Dans une perspective structurelle d’une part : la dégradation progressive des finances publiques exacerbée par la crise.
Dans une perspective conjoncturelle d’autre part : la nécessité de financer la réforme de l’ISF.
Les justifications politiques du dispositif
En premier lieu, selon la fin visée par ce mécanisme : tentatives de limitation de l’évasion fiscale.
En deuxième lieu, selon les personnes affectées par ce mécanisme : nécessité de solidarité et de contribution au financement de services publics ayant concouru à leur réussite matérielle.
En troisième lieu, dans une perspective plus générale, selon la cohérence de la réforme au regard du départ à l’étranger pour des motifs fiscaux, comme l’indique le rapport de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale présenté par M. Gilles Carrez : la réforme vise clairement à faire obstacle aux départs à l’étrangers. Cet objectif se décline sous deux angles : d’une part, par un acte de suppression, en supprimant une des dimensions fiscales incitant habituellement au départ à l’étranger (le caractère confiscatoire de l’ISF) ; d’autre part, par un acte de création, en créant un dispositif renchérissant ce même départ (l’exit tax). La suppression incite en amont, la création entrave en aval.
En quatrième lieu, et toujours dans une perspective de cohérence de la réforme, selon la nature de la matière imposable visée par cette dernière : moindre taxation des éléments du patrimoine (dimension statique) d’un côté, imposition accrue des « mouvements » du patrimoine (dimension dynamique : successions ; donations ; cessions) de l’autre. L’exception à cette tendance résidait dans la taxation des résidences secondaires des non résidents (sans omettre la simplification du régime fiscal des pactes d’actionnaires), qui, à l’inverse, témoignait d’une imposition accrue d’un élément statique du patrimoine. Ce projet a toutefois finalement été abandonné en juin 2011 lors d’une réunion entre le Gouvernement et des sénateurs de l’UMP représentant les Français de l’étranger. Toutefois, peut-être peut-on déceler ici une autre tendance de la réforme, basée sur la distinction entre résidents et non résidents (ou entre domiciliés et non domiciliés) avec la plus forte mise à contribution des seconds au profit des premiers… L’assimilation posée et le transfert d’imposition opéré par ce dispositif constituent d’ailleurs une décision politique reprenant clairement ce départ entre résidents et non résidents…
Une décision politique reposant sur une assimilation ainsi qu’un transfert de la charge d’imposition
Le champ d’application de l’exit tax reflète une décision politique fondée sur :
Une assimilation d’une part
Cette assimilation résulte d’une confrontation entre la lettre du texte d’une part et l’esprit du dispositif d’autre part.
S’agissant de la lettre du texte, celui-ci vise « Les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix années précédant le transfert de leur domicile fiscal hors de France».
S’agissant de l’esprit du texte, l’exposé des motifs précise que ce mécanisme est institué « dans l’objectif de limiter l'évasion fiscale ».
Ainsi, une assimilation semble s’opérer entre le changement de domicile fiscal des résidents d’une part, la réalisation d’une manœuvre d’évasion fiscale d’autre part.
Même si cette perspective peut être justifiée par les différences parfois considérables entre le taux d’imposition sur les plus-values en France et dans les autres pays (notamment la Belgique), le recours à une clause de sauvegarde aurait pu être imaginé.
Il pourra en outre être rétorqué que le champ d’application ratione personae du dispositif, restreint aux contribuables détenant des participations d’une certaine importance (aspect souligné par le Conseil constitutionnel comme nous le verrons ensuite), en fait clairement un mécanisme anti-abus.
Ce dispositif est aussi présenté politiquement comme un des moyens de financement de la réforme de l’ISF, témoignant clairement d’un transfert du poids de l’imposition.
Un transfert de la charge d’imposition d’autre part
Dans son rapportn° 111 déposé le 18 novembre 2010, Philippe Marini rappelait la nécessité de trouver des recettes de substitution face à la future réduction des ressources issue de la réforme de l’ISF.
L’exit tax n’était alors certes pas encore à l’ordre du jour, mais constitue aujourd’hui l’une de ces recettes de substitution. Une partie du poids du financement de la réforme de l’ISF est donc transférée sur les épaules des non-résidents.
Bref examen du dispositif (art 167 ter nouveau)
Le champ d’application du dispositif
S’agissant de son application substantielle, et pour les besoins de l’imposition des plus-values-latentes, et non pas pour la taxation des plus-values placées en report d’imposition, sont incluses dans le champ d’application du dispositif les personnes satisfaisant cumulativement deux conditions :
1) Une condition liée au domicile : les contribuables fiscalement domiciliés en France pendant au moins six des dix dernières années précédant le transfert hors de France de leur domicile fiscal (comme l’indique la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, ce champ d’application permet d’exclure les individus bénéficiant du régime des impatriés, applicable jusqu’à la fin de la 5ème année suivant celle de l’arrivée en France). Cette durée n’a pas à être continue et l’appréciation de cette condition s’effectue au niveau de l’individu et non du foyer.
2) Une condition liée à la détention d’une participation au sein d’une société, définie selon différents critères (disposition alternative) :
- lorsque la participation représente au moins 1% des droits aux bénéfices sociaux
OU
- lorsque la participation représente une valeur excédant 1,3 M €
La société dans laquelle la participation est détenue peut être aussi bien une société de capitaux (imposée ou non à l’IS) qu’une société de personnes. En outre, la participation peut être détenue de manière directe ou indirecte. Enfin, il convient de souligner que l’évaluation de la participation s’opère au niveau du foyer fiscal.
Ces deux conditions, comme énoncées supra, ne s’appliquent pas aux plus-values placées en report d’imposition. Toutefois, le libellé de l’article subordonne finalement le report d’imposition à la condition liée aux seuils de détention de participation au sein d’une société (le 2) supra) mais l’applicabilité pratique de cette condition s’avèrera complexe.
S’agissant de son application temporelle, le dispositif vise les transferts de domicile effectués à compter du 3 mars 2011, date à laquelle le projet a été rendu public. Cette rétroactivité soulève d’ailleurs de nombreux débats.
Le régime institué par le dispositif
Fait générateur de l’exit tax: Lors du transfert du domicile fiscal hors de France (mais ce transfert est « réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d'être soumis en France à une obligation fiscale sur l'ensemble de ses revenus », fiction fiscale permettant de contourner l’application des conventions bilatérales).
Base d’imposition:
- Plus-values latentes sur droits sociaux, valeurs, titres ou droits dans une société (à l’exception des SICAV)
- Créances trouvant leur origine dans des clauses de complément de prix
- Certaines PV préalablement placées en report d’imposition (relatives aux participations susmentionnées) en vertu d’anciens mécanismes précisés expressément par la loi
Taux:
-19% à compter du 1er janvier 2011 en vertu des dispositions de l’article art. 200 A-2 du CGI. Ce taux s’applique aux plus-values latentes, aux créances émanant des clauses de complément de prix et aux plus-values placées en report d’imposition.
- 12,3%, pour l’année 2011, au titre des prélèvements sociaux (CSS, art. L 136-6). Les prélèvements sociaux frappent les plus-values latentes ainsi que les créances issues des clauses de compléments de prix.
Abattements:
Les abattements prévus pour les plus-values habituelles, permettant une exonération en cas de non cession des titres pendant un délai de huit années, s’appliquent.
Ces abattements désignent:
- d’une part l’abattement de droit commun de l’article 150-0 D bis CGI (pour les besoins de l’application de cet abattement, le transfert du domicile est assimilé à une cession à titre onéreux)
- d’autre part l’abattement en faveur des dirigeants partant à la retraite (article 150-0 D ter du même code ; le transfert du domicile étant également assimilé à une cession à titre onéreux, sous réserve de la satisfaction cumulative de certaines conditions).
Ces abattements ne portent que sur l’impôt sur le revenu et demeurent donc sans incidence sur les prélèvements sociaux.
Sursis de paiement: Mécanisme automatique de sursis de paiement en cas de transfert de domicile vers l’UE ou l’EEE (hors Liechtenstein). A l’inverse, en cas de transfert de domicile vers des Etats tiers, le sursis de paiement sera subordonné à certaines conditions notamment la constitution de garanties.
Evènement emportant expiration du sursis de paiement: la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des droits sociaux, valeurs, titres ou droits pour le sursis de paiement afférent aux plus-values latentes ou aux plus-values placées en report d’imposition; ou les donations pour les plus-values latentes et plus-values placées en report d’imposition; ou le décès du contribuable pour les plus-values placées en report d’imposition ; ou encore la perception du complément de prix, l’apport ou la cession de la créance pour les créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix.
Cession lors du séjour à l’étranger: Comme évoqué ci-dessus, la cession met un terme au sursis de paiement (sauf en cas d’opérations dites « intercalaires »).
Cas où la cession porte sur une participation substantielle imposable en France en vertu des dispositions de l’article 244 bis B CGI : L’impôt sur les plus-values latentes est dégrevé (ce qui n’est pas le cas en revanche des prélèvements sociaux).
Cas dans lequel une moins-value est constatée lors de la cession des titres à l’étranger (Etat de l’UE ou de l’EEE hors Lienchtenstein) alors que la PV avait été imposée lors du transfert du domicile hors de France : La moins-value est imputable sur la plus-value de cession des participations substantielles dans une société française, imposée en France en vertu de l’article 244 bis B CGI ou, lorsque le contribuable transfert de nouveau son domicile fiscal en France, sur les plus-values dégagées à l’occasion de cessions de valeurs mobilières, droits sociaux ou titres assimilés en France. En revanche, les moins-values latentes constatées lors du transfert de domicile ne sont pas imputables sur les plus-values imposables en France.
Cas de perte de valeur des droits, valeurs ou titres depuis le départ de France: Il permet de réduire ou d’annuler l’impôt préalablement acquitté.
Cas de retour en France: En cas de conservation des titres, le contribuable est replacé dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il se trouverait s’il n’était jamais parti (restitution de l’impôt éventuellement acquitté).
Cas de non-retour en France 8 ans après l’année du transfert de domicile: dégrèvement d’office, ou, le cas échéant, restitution (ne sont concernés ni les plus-values placées en report d’imposition, ni les créances de complément de prix).
Autres évènements dont l’intervention entraîne le dégrèvement ou la restitution de l’impôt :
- s’agissant des plus-values latentes, ces évènements sont le décès du contribuable ou les donations des titres inclus dans le champ d’application du dispositif, si le donateur démontre que cette donation n’a pas été opérée à seule fin d’éluder l’impôt.
- s’agissant des plus-values placées en report d’imposition, un tel évènement serait la transmission à titre gratuit.
- s’agissant des créances trouvant leur origine dans une clause de complément de prix, ces évènements sont le décès ou la donation des créances (si celle-ci n’a pas pour unique but d’éluder l’impôt).
Cas dans lequel un impôt est acquitté à l’étranger dans l’Etat de résidence: imputation de l’impôt étranger sur l’impôt dû en France
- à proportion du rapport entre l’assiette définitive de l’impôt en France et l’assiette de l’impôt acquitté à l’étranger d’une part,
ET
- dans la limite de l’impôt définitif dû en France d’autre part.
Obligations déclaratives:
Dans les deux mois suivant le transfert du domicile fiscal, le contribuable doit en informer l’administration et communiquer l’adresse de son nouveau domicile fiscal.
Déclaration des plus-values imposables l’année suivant celle du transfert de domicile.
En cas de sursis de paiement, déclaration annuelle du montant cumulé des impôts en sursis de paiement. Le défaut ou l’omission de ces renseignements emportent exigibilité immédiate de l’impôt en sursis de paiement. L’année suivant celle de l’expiration du sursis de paiement, doivent être déclarées la nature et la date de l’évènement entraînant l’expiration du sursis de paiement ainsi que le montant exigible.
Les autres obligations déclaratives des contribuables seront précisées par un décret en Conseil d’Etat.
Les obstacles à l’application du dispositif : de désagréables réminiscences surgissent
L’obstacle issu du droit de l’UE d’une part
Au regard de l’impôt sur le revenu d’abord, le dispositif ne doit pas méconnaître les libertés fondamentales de l’UE.
Au regard des contributions sociales ensuite, si le sursis de paiement n’est pas appliqué, l’imposition au titre des contributions sociales en vertu de l’article L 136-6 CSS constituerait une entrave aux libertés fondamentales de l’UE (notons que l’ancien mécanisme était exclusivement fiscal, et ne donnait donc pas lieu à des prélèvements sociaux). Relevons toutefois que la loi renvoie aux règles en vigueur en matière de recouvrement de l’impôt sur le revenu. Par suite, le sursis de paiement devrait également s’appliquer aux contributions sociales. L’atteinte aux libertés fondamentales de l’UE devrait donc être écartée.
La Commission des finances du Sénat relève d’ailleurs que cet effort de conformité au droit de l’UE se solde par une certaine complexité du dispositif. Cette dernière n’a pas été omise par certains observateurs qui y percevaient un possible motif de censure par le Conseil Constitutionnel. Ainsi, en sus de la nécessaire complexité de la fiscalité issue de l’obligation de prendre en compte toutes les situations, celle-ci se trouve amplifiée par les influences exercées par des droits « venus d’ailleurs », pour reprendre l’expression du professeur Jean Carbonnier. A cette influence issue du droit de l’UE, doit s’ajouter celle issue des conventions fiscales internationales.
L’obstacle issu des conventions fiscales internationales d’autre part
En vertu de l’article 13 du modèle de convention OCDE afférent aux gains en capital, le droit d’imposer les plus-values de cession de droit sociaux est attribué à l’Etat de résidence du cédant (même si des exceptions à ce modèle existent : c’est le cas des conventions comportant des clauses de participation substantielle, ou encore des conventions signées avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, comportant une sorte de « droit de suite » pour les contribuables ayant transféré leur domicile. Dans la même perspective, la Suède et la Finlande conservent le droit d’imposer leurs « anciens résidents » lors de leur séjour à l’étranger, et ce durant une certaine période).
En raison de l’usage répandu du modèle OCDE, il s’avérait nécessaire d’instituer un dispositif dans lequel le principe, le champ et l’assiette de l’imposition étaient fixés avant que le contribuable ne transfère son domicile (même si d’aucuns estiment que de telles précautions ne sauraient être suffisantes ou relèveraient d’une mauvaise foi dans l’application des conventions internationales- cf l’article de Maître Le Mentec, Droit fiscal n° 22, 2 Juin 2011, act. 175).
L’exit tax examinée par le Conseil constitutionnel
Les doutes relatifs à la conformité de l’exit tax à la Constitution
Saisi le 13 juillet 2011, dans les conditions prévues par l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’ensemble des dispositions de nature fiscale qui lui étaient soumises.
Parmi ces dispositions examinées par le Conseil constitutionnel, figure l’exit tax en tant qu’elle contreviendrait au principe d’égalité devant les charges publiques. Selon les requérants, elle porterait atteinte à ce principe en excluant de son champ d’application d’une part les participations dans les SICAV et d’autres part les participations multiples qui, cumulées, dépasseraient le seuil de 1,3 millions d’euros.
Certains observateurs avisés estimaient que l’exit tax pouvait être censurée notamment en raison de sa complexité. Monsieur Eric Pichet, dans un article intitulé « La réforme de la fiscalité patrimoniale de 2011 : réévaluation après l’épreuve parlementaire » (Dr. Fisc. n°30, 28 juillet 2011, 438), pensait ainsi que ce dispositif pouvait souffrir des invectives relatives à son intelligibilité. Il soulignait tout de même que la lutte contre l’évasion fiscale, objectif de valeur constitutionnelle, devait permettre de sauvegarder le mécanisme. Et il avait vu juste.
La conformité du dispositif à la Constitution déclarée par le Conseil constitutionnel
En effet, dans sa décision n°2011-638 DC du 28 juillet 2011, le Conseil constitutionnel n’a pas invalidé l’article 48 de la loi de finances rectificative pour 2011, relatif à l’exit tax:
«31. Considérant, d'une part, qu'en instituant une imposition ne concernant que certains dirigeants et actionnaires de sociétés qui, à raison de l'importance des participations qu'ils détiennent, sont susceptibles de vendre leurs titres à l'étranger afin d'éluder l'acquittement de l'imposition sur les plus-values en France, le législateur a entendu favoriser la lutte contre l'évasion fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle ; qu'en excluant les participations au capital des sociétés d'investissement à capital variable, il a institué avec les autres participations une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi ; qu'en fixant le seuil minimal de participation susceptible d'être imposée soit à 1 % des bénéfices sociaux d'une société, soit à 1,3 million d'euros par société, il a également institué, entre le propriétaire d'une telle participation et le propriétaire de participations inférieures à l'un ou l'autre de ces seuils, une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi ; que le grief tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques doit être écarté ; que l'article 48 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution »
Après avoir rappelé que la lutte contre l’évasion fiscale constitue un objectif de valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel retient que les deux différences de traitement instaurées par le législateur sont « en rapport avec l’objet de la loi ». Il en infère l’absence de contrariété à la Constitution de la loi déférée. Soulignons également que le Conseil constitutionnel relève que le mécanisme vise les dirigeants et actionnaires de société dont les participations atteignent une certaine dimension (« à raison de l’importance des participations qu’ils détiennent »), ce qui exclut logiquement du champ d’application du dispositif les participations détenues dans les OPCVM.
Ainsi, la « herse fiscale » est parvenue à surmonter l’ultime obstacle de droit interne qui s’érigeait avant son entrée en vigueur. Mais son histoire risque d’être parsemée d’embûches, non plus sur le terrain du droit interne, mais, comme nous l’avons vu, sur celui du droit conventionnel et du droit de l’Union Européenne. Et ce d’autant plus que les mécanismes d’exit tax (qu’ils visent les personnes physiques ou morales) font actuellement l’objet de nombreuses actions introduites par la Commission européenne, comme c’est le cas en Espagne, au Portugal, au Danemark, aux Pays-Bas et en Suède (où l’action a déjà abouti à une modification législative du dispositif). Même au sein de l’AELE, une action de l’autorité de surveillance de l’AELE (l’EFTA Surveillance Authority) vise l’exit tax norvégienne.
D’ailleurs, relevons que l’exit tax n’en finit pas de figurer au premier plan de l’actualité fiscale puisque l’ancien mécanisme déclaré contraire au droit de l’UE dans l’arrêt Lasteyrie du Saillant a fait l’objet d’une QPC récente, à l’occasion de laquelle le Conseil d’Etat (décision n°347223) a précisé la notion de « changements de circonstances » (dans le cadre de l’examen de la deuxième condition de renvoi de la question au conseil constitutionnel, laquelle requiert que la question soulevée soit nouvelle, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas déjà été soumise au Conseil constitutionnel).
L’exit tax étant entrée en vigueur, il convient à présent d’examiner les conséquences budgétaires et économiques de son insertion dans le droit fiscal positif français.
Les effets probables de l’exit tax: les conséquences enchanteresses d’une relation désenchantée ?
Sur l’instigateur du dispositif: l’Etat
Des recettes supplémentaires :Pour chaque année complète au cours de laquelle le mécanisme serait en vigueur, les recettes supplémentaires sont estimées à 189 millions d’Euros.
Des recettes conservées : Mais l’intérêt principal du mécanisme, comme en témoigne son « esprit », réside davantage dans les moindres pertes qu’il permet (les contribuables ne s’exilant pas demeurent en effet soumis à l’impôt en France) plutôt que dans ses recettes additionnelles.
Mais, outre des invectives techniques liées à l’absence de prise en compte de certains paramètres (comme l’imputation de l’impôt étranger payé au titre de cette même plus-value), une importante limite, provenant, comme souvent en matière de politique économique, de la réaction des acteurs économiques affectés par cette réforme, doit être posée à ces recettes potentielles.
Sur les personnes visées par le dispositif : les entrepreneurs et actionnaires importants
Dans une perspective microéconomique, les entrepreneurs, ne pouvant plus se rendre à l’étranger aux fins de bénéficier d’une fiscalité avantageuse, pourraient décider de ne plus exercer leur activité en France. L’exonération des plus-values sur titres au bout de huit ans pourrait toutefois les rassurer et fortement atténuer l’effet d’éviction susmentionné.
Dans une perspective macroéconomique, le maintien en France de ces forces vives, dissuadées de s’exiler à l’étranger, permettrait toutefois de stimuler les capacités d’investissement de/dans l’économie française.
L’exit tax : Et ailleurs ? Les mécanismes analogues institués par nos voisins
Lesmécanismes analogues au sein des ordres juridiques d’autres Etats Membres
Trois Etats-Membres de l’Union Européenne appliquent un mécanisme analogue à celui que la France souhaite instituer: les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni.
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Champ d’application |
Date d’imposition |
Aménagement des modalités de paiement de l’impôt
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Pays-Bas |
Champ d’application ratione materiae :
Taxation de l’accroissement de valeur des actifs constatée
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Transfert du domicile |
Report de l’imposition effective à la réalisation d’un fait générateur (tel que la cession)
Renonciation à l’impôt à l’issue d’une période de 10 années
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Allemagne |
Champ d’application ratione personae : personnes résidentes depuis au moins 10 années à la date de leur départ
Champ d’application ratione materiae : Pv constatées sur certaines participations dans des sociétés allemandes
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Transfert du domicile (imposition au taux de 28,48%) |
Faculté d’échelonnement pendant une période maximale de cinq ans
Report d’imposition : contribuables s’installant dans un Etat partie à l’EEE et lié à l’Allemagne par un accord d’assistance administrative en matière de recouvrement; Fin du report en cas de cession des participations
Expiration du report au terme d’un délai de 5 ans sauf si le contribuable montre que son séjour à l’étranger est motivé par des raisons professionnelles et que son intention est de revenir s’installer en Allemagne.
Exonération d’imposition si le contribuable redevient résident allemand lors des cinq années suivant son transfert, et ce sans céder ses actifs
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Royaume-Uni (« Re-entry charge » - Section 10 A du Taxation of Chargeable Gains Acts de 1992) |
Champ d’application ratione personae : le contribuable doit avoir été résident fiscal avant son départ (au moins 4 des 7 années précédentes)
Champ d’application ratione materiae : l’ensemble des revenus rapatriés (et non uniquement les PV) |
Retour après un séjour de moins de 5 années à l’étranger (assujettissement à la « capital gains tax » et disposition qui peut être écartée par les conventions fiscales bilatérales)
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Tableau élaboré au moyen des rapports Carrez et Marini afférents au projet de Loi de Finances rectificative pour 2011
Les doutes émis par Gilles Carrez au regard de l’euro-compatibilité du mécanisme allemand
Monsieur le Rapporteur Général, Gilles Carrez, lors de la discussion relative à l’exit tax s’étant tenue au sein de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, exprima d’ailleurs son étonnement à l’égard du dispositif allemand. Il estime en effet qu’un tel mécanisme, en ce qu’il frappe les PV latentes, sans effet suspensif retardant l’imposition au moment d’une éventuelle cession, méconnaît le principe de liberté d’établissement consacré par le droit de l’Union Européenne.
A l’appui de son assertion, Gilles Carrez fait valoir la position de l’alors CJCE au point 46 du célèbre arrêt Lasteyrie du Saillant, lequel comporte les énonciations reproduites ci-après (surlignées et soulignées par nos soins): « En effet, le contribuable désireux de transférer son domicile en dehors du territoire français, dans le cadre de l’exercice du droit que lui garantit l’article 52 du traité, est soumis à un traitement désavantageux par rapport à une personne qui maintient sa résidence en France. Ce contribuable devient redevable, du seul fait d’un tel transfert, d’un impôt sur un revenu qui n’est pas encore réalisé et dont il ne dispose donc pas, alors que, s’il demeurait en France, les plus-values ne seraient imposables que lorsque et dans la mesure où elles ont été effectivement réalisées. Cette différence de traitement concernant l’imposition des plus-values, qui est susceptible d’avoir des répercussions considérables sur le patrimoine du contribuable désireux de transférer son domicile hors de France, est de nature à décourager un contribuable de procéder à un tel transfert. »
Ainsi, différents dispositifs d’exit tax existent déjà au sein de l’Union Européenne, la France s’inspire donc de manière sélective des mécanismes susmentionnés, en prenant garde à ne pas porter atteinte aux Libertés Fondamentales de l’Union Européenne.
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