Stéphane Austry,Loi fiscale rétroactive et conv. EDH
Loi fiscale rétroactive et conv. EDH : un mode d'emploi qui se clarifie progressivement
Par Stéphane Austry, avocat associé CMS Bureau Francis Lefebvre, professeur associé à l'Ecole de droit de la Sorbonne
Dans de nombreuses branches du droit public, le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de juger des lois rétroactives contraires à l'article 1er du premier protocole (1P1) de la convention européenne des droits de l'Homme (conv. EDH)
Voir notamment CE 11 juillet 2001 n° 219312, ministre de la défense c/ Préaud : Lebon p. 345 ; Avis CE 27 mai 2005, n° 277975 ass., Provin : Lebon p. 212 ; CE 25 avril 2007 n° 296665, Ministre des transports c/ Hébert : Lebon p. 175. ^
Il n'avait toutefois jusqu'à maintenant jamais fait droit à un tel moyen dans le domaine fiscal, bien que la question lui ait été à de nombreuses reprises soumise : mais le moyen avait toujours été écarté par le Conseil d'Etat, qui avait estimé
Soit que la créance fiscale atteinte par la loi rétroactive ne présentait pas le caractère d'un bien au sens de l'article 1P1
CE 19 novembre 2008 n° 292948, Société Getecom : RJF 2/09 n° 186, concl. N. Escaut BDCF 2/09 n° 26. ^
Soit que l'atteinte au bien constitué par cette créance était justifiée par un motif d'intérêt général
CE 12 janvier 2004 n° 224076, SA Cise et SA Erimo : RJF 4/04 n° 378 concl. G. Goulard BDCF 4/04 n° 54 ; CE 16 janvier 2006 n° 266267, SCI Parc de Vallauris : RJF 4/06 n° 448, concl. L. Vallée BDCF 4/06 n° 53. ^
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La décision du 21 octobre 2011 n° 314767, min. c/ SNC Peugeot (est donc remarquable parce qu'elle constitue le premier exemple d'application positive par le Conseil d'Etat de la jurisprudence confrontant les lois fiscales rétroactives à la conv. EDH.
La loi jugée contraire à ces stipulations est l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2003 qui est revenu en partie sur la jurisprudence CE 25 avril 2003 n° 228438 (min. c/ Sté Asco Joucomatic, RJF 07/03, n° 861, concl. L. Vallée BDCF 7/03 n° 96) par laquelle le Conseil d'Etat avait estimé « que les biens mis à disposition dans le cadre de relations de sous-traitance doivent être assujettis à la taxe professionnelle au niveau du sous-traitant et non à celui du donneur d'ordre ». Le législateur ne s'est toutefois pas borné à définir les nouvelles règles applicables dans le futur pour déterminer le redevable de la taxe professionnelle dans le cas de biens mis gratuitement à disposition mais a également prévu que ces nouvelles règles s'appliqueraient « sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, aux impositions relatives aux années antérieures », modifiant ainsi rétroactivement, pour des faits générateurs antérieurs à l'entrée en vigueur de cet article, la loi fiscale applicable.
Les TA et les CAA et la Cour de Strasbourg ont en revanche déjà jugé à plusieurs reprises des lois fiscales françaises rétroactives contraires à l'article 1er du premier protocole additionnel (voir, pour les TA, TA Paris 11 décembre 2006 n° 00-1149 et 00-1155 : RJF 6/07 n° 707 concl. H. Vinot BDCF 6/07 n° 70 et, pour la Cour, CEDH 23 juillet 2009 aff. 30345/05, Joubert c/ France : RJF 11/09 n° 1041). ^
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euillet Rapide Fiscal Social n° 44/11
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