01 décembre 2015

Etablissement stable non déclaré et activité occulte (CAA Nancy l affaire HYDRATEC )

 Dans un arrêt très riche en date du 24 mars 2015, la CAA de Nancy étudie diverses problématiques de fiscalité interne et internationale. En particulier, après avoir caractérisé l'établissement table tant pour les besoins de l'IS qu'en matière de TVA, la CAA de Nancy se prononce sur  le délai de reprise spécial et les pénalités pour activité occulte qui en résultaient:   

Attention, cette procédure est très largement utilisée par nos services fiscaux sur le motif du centre de direction en France Un long, lourd et couteux contentieux est entrain de se développer

 

Cour Administrative d'Appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 24/03/2015, 13NC00929, 

  1. COUVERT-CASTÉRA, président   Mme Pascale ROUSSELLE, rapporteur
  2. LAUBRIAT, rapporteur public 

Etablissement stable non déclaré et activité occulte.CAA NANCY pdf
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 La position de la Cour de Nancy 

Rappel : priorité à l’analyse nationale sur l’analyse conventionnelle 2

Analyse de la présence d’un établissement stable en France 2

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés : 2

La loi interne 2

Le traite fiscal France Luxembourg 2

Application du droit aux faits :les résultats de visites domiciliaires 3

La conclusion de la cour 3

En ce qui concerne la TVA 4

Comment vont statuer les conseillers du conseil d état ??? 5

Sur l’activité occulte et délai de reprise de 10 ans 5


 

Règles applicables en cas de vérification de comptabilité de filiales étrangères dont la direction effective est en France

Lorsqu'un contribuable exerce une activité occulte, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle :- au titre de laquelle l'imposition est due en matière d'impôt sur le revenu (IR) ou d'impôt sur les sociétés (IS) conformément aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales (LPF) ;- au titre de laquelle l'imposition est due en matière de taxe professionnelle, de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (LPF, art. L. 174, al. 2) ;- au titre de laquelle la taxe est devenue exigible s'agissant des taxes sur le chiffres d'affaires (LPF, art. L. 176, al. 2).L'intention du législateur est de permettre à l'administration de disposer d'un moyen de lutter plus efficacement contre les activités clandestines qui sont difficiles à identifier. L'allongement du délai de reprise est destiné à compenser le handicap qui résulte de l'ignorance de l'existence de telles activités. Bien entendu, lorsque le délai spécial ne peut pas être appliqué du fait de l'absence de l'une des conditions légales ou de l'application de l'une des mesures de tempérament exposées ci-dessous, le service conserve tous ses pouvoirs d'investigation et peut effectuer des rehaussements sur la période comprise dans le délai normal de reprise. Pour que le délai de reprise de dix ans puisse être mis en œuvre, la loi prévoit deux conditions qui doivent être remplies cumulativement.


a. Le contribuable soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite
b. Le contribuable n'a pas souscrit de déclaration fiscale dans les délais légaux au titre de son activité Cette dernière condition recouvre indifféremment :
- le défaut de déclaration ;
- ou le dépôt tardif, y compris lorsque la déclaration est souscrite après mise en demeure.
 La souscription d'une déclaration après mise en demeure ne fait pas, en effet, obstacle à la mise en œuvre

du délai de dix ans. Il résulte, en outre, du deuxième alinéa de l'article L. 68 du LPF que la procédure d'imposition d'office peut être mise en œuvre sans l'envoi préalable de mise en demeure si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite. Par ailleurs, conformément aux dispositions des 1° et 2° de l'article L. 73 du LPF, la procédure d'évaluation d'office trouve à s'appliquer quel que soit le montant du chiffre d'affaires.

 

La société de droit luxembourgeois Hydratec exerce une activité de location et de revente de véhicules notamment en france 

 

à l’issue d’une visite domiciliaire réalisée le 31 mai 2007, sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de la SARL GIE F2 à Ennery (Moselle), société à laquelle la société Hydratec soutient avoir confié des tâches de gestion administrative, cette dernière a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006, étendue au 31 août 2007 en matière de taxes sur le chiffre d’affaires, à raison d’un établissement stable dont l’administration a estimé qu’elle disposait à Ennery ;donc imposition en france à l' IS et à la TVA avec procédure et pénalité de l’activité occulte 

 La décision de la cour, qui confirme la position de administration, appelle notamment une forte réflexion  sur la double imposition communautaire en matière de TVA  alors que la société luxembourgeoise avait payé la TVA au Luxembourg  

la société luxembourgeoise, qui a paye la TVA ay Luxembourg estime- en effet qu’elle fait l’objet d’une discrimination contraire au droit communautaire et, en particulier, à l’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; si la Cour devait avoir un doute sur ce point, elle devrait poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne ; 

 Par ailleurs de fort développement ont été analysé sur la prescription allongé pour des activités dite occulte

 

POSITION DE LA SOCIETE HYDRATEC

 S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée,:

- la procédure est irrégulière dès lors que l’administration a privé le contribuable du bénéfice de la procédure contradictoire et notamment de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ;

  - elle devait bénéficier de la prescription de droit commun prévue par l’article L. 176 du livre des procédures fiscales ;

 - elle n’a exercé aucune activité occulte en France et a toujours acquitté la taxe sur la valeur ajoutée au Luxembourg ;

 - elle fait l’objet d’une discrimination contraire au droit communautaire et, en particulier, à l’article 18 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; si la Cour devait avoir un doute sur ce point, elle devrait poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union Européenne ;

 - l’application d’un taux de pénalité de 80 % en pareil cas est disproportionnée au regard du principe de proportionnalité résultant du droit de l’Union européenne ; il en est de même de l’allongement du délai de reprise ; 

- la majoration de 80 % entre dans le champ d’application de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- l’interprétation de l’administration fiscale française aboutit à une double imposition, incompatible avec le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée résultant de l’article 1er de la directive du 11 avril 1967 ;

 S’agissant de l’impôt sur les sociétés, :

 - les redressements, fondés sur la liasse fiscale luxembourgeoise, aboutissent à une double imposition, en violation avec la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ; elle démontre qu’elle ne dispose pas d’un établissement stable en France ;

 - elle a été privée de ce fait des garanties d’une procédure contradictoire ;

  - la position de l’administration méconnait le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, le principe de proportionnalité tel que garanti par la Cour de justice de l’Union Européenne, le principe de la liberté d’établissement et celui de la liberté de prestation de services, garantie par l’article 49 du traité ;

 - la position de l’administration dans ce litige nie l’existence même d’un territoire européen

 

 Comment vont statuer les conseillers du conseil d etat ???

S'agissant de la double imposition résultant de cette qualification d'établissement stable,

 

"23. Considérant que la société Hydratec soutient que son activité est exercée au Luxembourg et que ses résultats ont fait l'objet d'une imposition par l'administration luxembourgeoise, de sorte que les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie en France entraînent une double imposition ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 5 que c'est conformément aux stipulations de l'article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 modifiée que la société Hydratec a été imposée en France au titre de l'impôt sur les sociétés à raison des activités réalisées à partir de son établissement stable d'Ennery ; que, si la société requérante établit que l'ensemble de ses résultats ont été déclarés par elle et imposés par l'administration des contributions directes luxembourgeoises, au titre notamment de l'impôt sur le revenu des collectivités des années 2002, 2003, 2004 et 2005, aucun principe général n'impose à la France de renoncer pour ce motif à imposer ces résultats dans le respect des stipulations de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ;  

'il appartient seulement à la société requérante, en application de l'article 24 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise précité, et ainsi qu'elle l'a fait par son courrier du 9 mai 2013, de saisir l'administration luxembourgeoise afin de faire constater par cette dernière l'existence éventuelle d'une double imposition ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle doit être, pour ce motif, déchargée des suppléments d'impôt mis à sa charge au titre de l'ensemble de la période en litige ; 

 

24. Considérant, enfin, que si les impôts directs ne relèvent pas, en tant que tels, du domaine de compétence de l'Union européenne, les États membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du droit de l'Union européenne et notamment des stipulations de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, relatif à la liberté d'établissement ; que, toutefois, les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents États membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le droit de l'Union européenne et la société Hydratec n'établit pas avoir fait l'objet d'une discrimination à raison de sa nationalité lors de l'établissement des impositions en litige ;"

 

Sur le délai de reprise de 10 ans  

"Considérant, d'une part, que s'il résulte de l'instruction que la société Hydratec a effectivement déposé ses déclarations auprès de l'administration fiscale luxembourgeoise, elle disposait, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, d'un établissement stable en France à partir duquel elle déployait son activité à l'égard de ses clients essentiellement français ; qu'elle ne s'est pas fait connaître en France auprès d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce et n'a déposé aucune déclaration de chiffre d'affaires ni de résultat auprès des services fiscaux français ; 

dans ces conditions, l'administration était fondée à considérer que la société requérante exerçait à partir de l'établissement d'Ennery une activité occulte et, par conséquent, à taxer d'office son chiffre d'affaires et ses bénéfices ainsi qu'à exercer son droit de reprise, dans le délai spécial (ndlr 10ans )prévu par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales en cas d'activité occulte, jusqu'à l'année 2002 ;

 

20. Considérant, d'autre part, qu'étant destiné à assurer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, le délai spécial de reprise, prévu en matière de taxe sur la valeur ajoutée par les dispositions précitées de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales en cas d'activité occulte, est au nombre des mesures indispensables que les États membres sont susceptibles de prendre pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements en matière fiscale ; qu'il est propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'il poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, de sorte qu'il doit être regardé, comme respectant le principe de proportionnalité garanti par le droit de l'Union européenne".

 

En matière de pénalités, la CAA de Nancy énonce que:

 

"25. Considérant qu'en vertu de l'article 1728 du code général des impôts dans ses deux rédactions successivement applicables au litige, le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte ; 

 

26. Considérant, d'une part, qu'étant destiné à assurer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, le dispositif susvisé est au nombre des mesures indispensables que les États membres sont susceptibles de prendre pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements en matière fiscale ; qu'il est propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'il poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre, de sorte qu'il doit être regardé comme respectant le principe de proportionnalité garanti par le droit de l'Union européenne ; 

 

27. Considérant, d'autre part, que les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont applicables à la contestation des majorations d'imposition prévues par l'article 1728 du code général des impôts, qui ont le caractère d'accusation en matière pénale ; que les dispositions de l'article 1728 proportionnent les pénalités à l'importance des impositions éludées ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, sans pouvoir moduler celui-ci pour tenir compte de la gravité de la faute commise par le contribuable, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard ; que les stipulations du § 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'obligent pas à procéder différemment ; 

 

28. Considérant que le législateur a prévu à l'article 1728 du code général des impôts plusieurs sanctions selon le comportement du contribuable et une gradation de la sanction correspondante ; que le taux de la pénalité prévue à l'article 1728 du code général des impôts et appliquée en l'espèce en cas d'activité occulte est de 80 % ; que le taux en cause ne saurait être regardé comme disproportionné eu égard au caractère occulte de l'activité exercée en France par la société Hydratec ainsi qu'il a été dit au point 19 ; que, par suite, la société Hydratec n'est pas fondée à soutenir que les pénalités dont il lui a été fait application méconnaitraient les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 

 

29. Considérant, enfin, que l'administration, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a, notamment par référence aux documents saisis et informations recueillies lors de la visite domiciliaire précitée, suffisamment démontré l'exercice en France par la société Hydratec d'une activité occulte et a, en conséquence parfaitement motivé l'application qu'elle a faite de la majoration de 80 % prévue par les dispositions précitées en pareille hypothèse ; que la circonstance que la société Hydratec ait procédé à ses déclarations fiscales au Luxembourg n'est pas de nature à remettre en cause le caractère occulte de l'activité exercée en France ; que, dès lors, la société Hydratec n'est pas fondée à soutenir que les pénalités auxquelles elle a été assujettie n'étaient pas légalement fondées ;"

 

 

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Écrit par : MAJ | 19 décembre 2015

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