22 juin 2018

Le trust de carrefour : un exemple d’optimisation fiscale internationale ? ! (CE 06/06/18 Carrefour)

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 tintin mobile.gifLe conseil d état vient de rendre une décision d’une énorme portée d’optimisation fiscale en faveur d’une organisation fiscalement optimale de financements internationaux en appliquant  la loi à la lettre cette décision suit elle l esprit du comité des abus de droit dans son avis rendu le 8 MARS 2018 

Conseil d'État, 3ème - 8ème cr, 06/06/2018, 403303, Inédit au recueil Lebon 

Conclusions V DAUMAS 

La société anonyme Promodès, aux droits de laquelle est venue la société Carrefour, a souscrit le 12 mars 1991 un contrat de prêt subordonné à durée indéterminée (PSDI) d'un montant de 1,375 milliard de francs (209,6 millions d'euros) auprès de l'établissement bancaire Barclays. Cette convention de prêt prévoyait qu'une partie de la somme prêtée, représentative des futurs intérêts précomptés, était immédiatement investie en obligations zéro-coupon pour être confiée à des trusts situés dans des pays à fiscalité privilégiée, contrôlés par la société Promodès, à charge pour ces trusts de rembourser ce prêt à sa valeur nominale, à l'échéance principale de quinze ans, au moyen de cette somme augmentée des intérêts capitalisés en franchise d'impôt.

Au titre de l'exercice clos en 2006, la société Carrefour a inclus dans ses résultats déclarés pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale additionnelle à cet impôt, les sommes représentatives des produits financiers perçus par les trusts mentionnés ci-dessus en application des dispositions de l'article 238 bis-0 I bis du code général des impôts.
PUIS  La société Carrefour a demandé à l'administration de prononcer la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt dont elle estimait s'être ainsi acquittée à tort au titre de l'exercice clos en 2006.

NOTE EFI la societe a été remarquablement conseillée : en effet cette procédure de paiement suivi d'une demande de restitution lui a évité une procédure de rectification avec éventuellement un redressement abus de droit etc  BRAVO L ARTISTE

ISF un emprunt par entités interposées peut être un abus de droit
(Com abus de droit 01.02.18)

Par un jugement du 5 mai 2014, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande de restitution. Le ministre de l'économie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 juillet 2016 par lequel

Par un arrêt n° 14VE02647 du 5 juillet 2016, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la société Carrefour, annulé ce jugement et fait droit aux conclusions de la société.

CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 05/07/2016, 14VE02647,

la SA CARREFOUR est donc fondée à demander la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt qui ont été établies sans fondement légal sur son exercice clos en 2006 à hauteur de 16 713 852 euros, quand bien même elles l'ont été au vu de ses propres déclarations alors qu'elle croyait devoir faire application des dispositions précitées de l'article 238 bis-0 I bis en procédant, pour la détermination de son résultat fiscal de cet exercice, à la réintégration d'un produit de 48 539 746 euros ; 

Le conseil d état confirme le droit à la non imposition des intérêts versés au trust et donc au remboursement

EN DROIT 

 


nEBénéfices réalisés par l'intermédiaire d'entreprises ou entités établies dans des pays à régime fiscal privilégié BOFIP du 12 septembre 2012

La SA CARREFOUR soutient que : 
- elle est fondée à demander la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale qui ont été mises à sa charge au titre de son exercice clos en 2006, conformément à ses déclarations qui avaient à tort constaté un produit imposable de 48 539 746 euros sur le fondement de l'article 238 bis-0 I bis du code général des impôts lors de l'échéance principale du prêt subordonné à durée indéterminée (PSDI) souscrit en 1991 par la société Promodès, avec laquelle elle a fusionné en 1999 ; 
- en effet, la société Promodès n'a pas émis, à la suite de la souscription de ce prêt, des valeurs mobilières, alors que l'article 238 bis-0 I bis n'est applicable que pour les produits de placement de sommes reçues lors de l'émission de valeurs mobilières relevant de l'article L. 228-97 du code de commerce ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que, contre la lettre de l'article 238 bis-0 I bis, ce texte pouvait fonder l'imposition dès lors qu'il vise les titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) et que le PSDI souscrit en 1991 a les " caractéristiques essentielles " de ceux-ci, alors même qu'il n'a pas donné lieu à l'émission de valeurs mobilières ; 
- au surplus, dès lors qu'à la suite du réaménagement du PSDI par Promodès en 1996, il n'existait plus, sur la période postérieure, de sommes transférées hors de France au sens de l'article 238 bis-0 I bis, c'est à tort que la somme litigieuse, composée en réalité, pour partie, par les produits réalisés du fait du placement en France d'une fraction des sommes reçues en exécution du PSDI, a été regardée comme constituant un produit imposable en 2006 en vertu de ce texte. 

 

EN DROIT
2.  Aux termes de l'article 238 bis-0 I bis du code général des impôts : 

 " I. Les produits provenant du placement de la fraction des sommes reçues lors de l'émission de valeurs mobilières relevant des dispositions de l'article L. 228-97 du code de commerce transférée hors de France à une personne ou une entité, directement ou indirectement, par l'entreprise émettrice ou par l'intermédiaire d'un tiers, sont compris dans le résultat imposable de cette entreprise au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2005 ou, s'il est postérieur, de l'exercice clos au cours de la quinzième année qui suit la date d'émission, sous déduction des intérêts déjà imposés sur cette même fraction postérieurement à la date du douzième anniversaire de l'émission.

Pour l'application des dispositions de la phrase précédente, le montant de ces produits est réputé égal à la différence entre le montant nominal de l'émission et la fraction transférée hors de France majorée des intérêts capitalisés, jusqu'à ce douzième anniversaire, calculés au taux actuariel (...) à la date du transfert (...) /

II. Les dispositions du I s'appliquent aux émissions de valeurs mobilières réalisées entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 1991 ainsi qu'aux émissions réalisées en 1992 sous réserve que les produits mentionnés au I n'aient pas été imposés sur le fondement de l'article 238 bis-0 I, et dont les dettes corrélatives sont inscrites au bilan d'ouverture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2005 de l'entreprise émettrice ". D'autre part, aux termes de l'article L. 228-97 du code de commerce : " Lors de l'émission de valeurs mobilières représentatives de créances sur la société émettrice, y compris celles donnant le droit de souscrire ou d'acquérir une valeur mobilière, il peut être stipulé que ces valeurs mobilières ne seront remboursées qu'après désintéressement des autres créanciers (...) ".

3.Pour la conseil d etat , il résulte des dispositions de l'article L. 238 bis-0 I bis du code général des impôts, combinées avec celles de l'article L. 228-97 du code de commerce, qu'elles ne visent que l'imposition des produits des placements hors de France de la fraction des fonds reçus à l'occasion de l'émission de valeurs mobilières.

4. Dès lors, en se fondant sur la circonstance que si la convention de prêt qu'avait conclue la société Promodès avec la banque Barclays, qualifiée par les parties de prêt subordonné à durée indéterminée reconditionné, avait les mêmes caractéristiques que les opérations comportant l'émission de titres subordonnés à durée indéterminée, elle n'avait pas donné lieu à l'émission de valeurs mobilières, pour en déduire que les produits tirés d'une fraction des sommes reçues lors de la conclusion de ce prêt n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 238 bis-0 I bis du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'économie et des finances doit être rejeté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Carrefour au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


18:06 Publié dans aa TRUST ; REGIME FISCAL ET JURIDIQUE, TRUST et Fiducie | Lien permanent | Commentaires (2) |  Imprimer | |  Facebook | | | | |

Commentaires

Très intéressant, et très bien conçu.
La formalisme a donc pris le dessous des arguments soi-disant substantielle.
L'intérêt de ce décision réside dans le fait que ces zero-coupons et transformations des intérêts (Haram) en capital vont de pair avec les conceptions fondamentales, dans le bon sens, de la finance islamique.
Si le Conseil d'Etat n'avait pas suivi la voie littéraliste, les banquiers musulmans aurait eu raison de craindre des mises en cause de leur architecture financière propre.
N'oublions pas que le respect d'autres systèmes financiers exige une clarté de traitement des moyens d'entente entre les conception divergentes, d'ou l'intérêt des plateformes neutres « offshore » dans le finance internationale.
La France ne gagnera pas en essqayenat d’imposer sa porpre vision dela création d’arge,t et son imposition dans cet optique, lorsque d’autres civilisations, dotés de plus de liquidités et surplus craignent l’expropriation fiscale. La réqualification d’une masse d’(agent en intérêts et capital ne va pas de pair avec d’autres conceptions de l’argent ailleurs.
Si on veut emprunter, il faut suivre le prêteur pour obtenir le capital, et de ne pas essayer de la dénaturer abusivement en prétendant que le contrat de prêt dépend des conceptions de la loi de l’emprunteur.

Écrit par : Peter Harris | 25 juin 2018

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Une mention expresse aurait eu le même résultat au cas où l'entreprise aurait choisi de ne pas réintégrer le produit litigieux .Mais depuis que le taux del'interet de retard et de l'intérêt moratoire(4,80%)est très supérieur à celui du marché,aucune entreprise ne demande le sursis pour régler un rappel d'impôt avant contentieux .De même,ici,il était, du point du vue d'un du Directeur financier de l'entreprise plus favorable de payer d'abord .Je ne suis pas sûr que cette stratégie ait été guidée par la peur de l'abus droit,celui-ayant pu aussi être écarté par la mention expresse.Ceci dit je suis, à première vue surpris, que les magistrats du CE se soient arrêtés à la lettre du texte et ne soient pas allés au secours de l'intention du législateur comme dans la jurisprudence Janfin.

Écrit par : Chesnais | 14 juillet 2018

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